Joseph Mallord William Turner (1775-1851), "Dutch Boats in a Gale" (1801), "Snow Storm: Hannibal and his Army Crossing the Alps" (1812), "The Burning of the Houses of Parliament" (1834-1835), "The Fighting Temeraire tugged to her last berth to be broken up" (1838), "Landscape with a river and a bay in the background" (1840-1850), "Slave Ship (Slavers Throwing Overboard the Dead and Dying, Typhoon Coming On)" (1840), "Rain, Steam and Speed" (1844) - ....

Last update 12/19/2016


A la fin du XVIIIe siècle, une nouvelle catégorie de peinture semble voit le jour, en Angleterre, l'art du "pittoresque" dans la la continuité des  ouvrages du paysagiste anglais Humphry Repton, "Sketches and Hints on Landscape Gardening" (1795), "Observations on the Theory and Practice of Landscape Gardening" (1803). Le poète William Wordsworth n'avait-il pas évoqué en 1798 le paysage sauvage de la vallée de la Wye (Tintern Abbey), et l'on voit affluer dans les régions les plus sauvages des Cornouailles de l'Ecosse ou du Lake District des artistes et écrivains cherchant à décrire ces nouveaux paysages qui n'incarnent ni le "sublime" des imposantes Alpes ni le "merveilleux" des lacs italiens, mais une nature anglaise abandonnée à de secrètes forces de la nature dont il faut apprendre à dominer et savourer la dynamique intérieure.

Le caricaturiste Thomas Rowlandson avait en 1812 déjà épingler ses fameux voyages touristiques à visée artistique dans les gravures du "Tour of Dr. Syntax in Search of the Picturesque". John Constable, Thomas Girtin et William Turner sont, quant à eux, de ces peintres qui croquent les paysages et vendent sous forme d'aquarelles ou de tableaux monuments et paysages britanniques. John Constable donne, bien que réalisé en studio, une image idyllique de la quiétude rurale avec "La Charette de foin" (1821). Turner, quant à lui, visite le Pays de Galles en 1792, 1795 et 1798, le Yorkshire et le Lake District en 1797, les Midlands en 1794, l’Écosse en 1801 et le continent européen pour la première fois en 1802. L'abbaye de Tintern un monastère cistercien en ruine sur la rive de la Wye, aux confins de l'Angleterre et du pays de Galles, est devenu sujet de prédilection de cette nouvelle tendance et William Turner en peint plusieurs toiles dès 1792, à 17 ans : cet art du pittoresque répond à une composition dynamique, le feuillage abondant y est sur le point d'engloutir les ruines et les arches guident le regard vers de nombreuses directions.

Mais autant un Constable reste fidèle au réel, autant Turner voit son style évoluer très fortement, la lumière s'empare de sa palette, la peinture à l'huile en épaissit la matière, ses sujets sont plus dramatiques, ses allusions historiques (Didon construisant Carthage, 1815). Il développera plus tard, à partir des années 1830, un travail quasi obsessionnel pour les forces élémentaires de la nature, le brouillard, l'aube, le crépuscule, la vapeur, la pluie, le vent, les tempêtes (Le Téméraire remorqué à son dernier mouillage, 1838). Ses dernières aquarelles étudient la variété des effets du ciel et ont étonné par leur quasi abstraction. Le travail de Turner, en particulier son travail tardif, a été profondément admiré par le peintre abstrait Mark Rothko ...

 


L'art de Turner prend ses racines dans la fameuse tradition du paysage anglais du XVIIIe. Mais il l'a cependant transformée au point de la rendre méconnaissable. Son génie fut beaucoup mieux accueilli par ses contemporains que celui de John Constable (1775-1837) ou de John Sell Cotman (1782-1842), peut-être à cause de ses très fortes connotations littéraires. Turner fut cependant considéré comme fou par beaucoup de ses contemporains, en particulier parce que sa mère etait morte folle. Beaucoup d'autres artistes de l'époque furent traités de fous, en raison du caractère de leur œuvre. Le plus connu en est John Martin (1789-1854), surnommé «Martin le fou» qui peignait des scènes visionnaires apocalyptiques. Francis Danby (1793-1861) réalisa des toiles du même genre, mais eut davantage de succès avec de petites vues obsédantes et tranquilles de la gorge de Bristol qui, malgré leur réalisme, ont quelque chose d'irréel. Il a un élément mystique puissant dans cette « folie» qui traversa l'art britannique. William Blake (1757-1827) anglais jusqu`au bout des ongles et artiste plus littéraire que plastique, a illustré ses propres poèmes de gravures intensément mystiques avec une imagination qui, malheureusement ou non, outrepassait ses capacités techniques. Blake eut une influence énorme sur le paysagiste Samuel Palmer qui, dans les années 1820 et 1830 réalisa à Shoreham dans le Kent, des paysages visionnaires tranchant completement sur l”art de son époque ...


William Turner (1775-1851)

Turner est le peintre des effets lumineux naturels dans les paysages et les marines, du soleil pour ses reflets à surface de l'eau pour son éblouissement qui le fascine et dont il fait un sujet à part entière, au même titre que feux et flammes. Né à Londres, fils d’un barbier, envoyé à 10 ans vivre avec un oncle à Brentford, Middlesex, Turner entre dans les écoles de la Royal Academy en 1789 (fondée en 1768, sept ans avant la naissance de Turner, et le seul espace d'exposition alors possible pour les artistes contemporains), y expose déjà ses aquarelles (à une époque le marché de l'art est dominé par le portrait), parcourt le pays à partir de 1792 à la recherche de sujets, acquiert sous l'influence de Cozens et du peintre paysagiste gallois Richard Wilson une approche plus poétique et imaginative du paysage, qu’il poursuivra jusqu’à la fin de sa carrière avec un éclat croissant. A partir de 1796, ce sont des peintures à l’huile et des aquarelles qu'il expose à la Royal Academy. Le premier,"Fishermen at Sea" (1796, Tate Gallery, London), est une scène au clair de lune, et le voici à 24 ans déjà élu associé de l’Académie royale (1799),  - c'est à à cette époque qu'il peint un autoportrait particulièrement flatteur (Self-Portrait, c. 1799, Tate Gallery, London), puis académicien à part entière dès 1802, une dignité qu’il a marqué par une série de grands tableaux dans lesquels il a imité les réalisations des anciens maîtres, les peintres du XVIIe siècle Nicolas Poussin, Claude Lorrain, Aelbert Cuyp et Willem van de Velde le Jeune. 

La vie privée de Turner est assez peu connue, en 1798, il connaît une liaison, qui devait durer une dizaine d’années, avec Sarah Danby, veuve qui lui donna probablement deux enfants; en 1800, sa mère tomba gravement malade et fut internée dans un hôpital psychiatrique. Son père est allé vivre avec lui et a consacré le reste de sa vie à servir comme assistant de studio et agent général de son fils. Également vers 1800, Turner prit un atelier au 64 Harley Street, à Londres, et en 1804 il ouvrit une galerie privée, où il continua à montrer ses dernières œuvres pendant de nombreuses saisons. Il était alors débordé de commandes et le succès de sa carrière était assuré.

Turner voyagea beaucoup tout au long de sa carrière, en Angleterre, en Ecosse, et, après la paix d'Amiens en 1802, en France et en Suisse, en Italie, Rhénanie, Pays-Bas, passant et repassant fréquemment la Manche entre 1817 et 1845.

Il réalisera 282 toiles, dont une centaine inachevées, et plusieurs milliers d'aquarelles, gouaches, dessins, estampes. On distingue généralement dans son oeuvre trois périodes ..

 


Première période (1800-1820) : JMW Turner  entend maîtriser méthodiquement chaque style de paysage qu'il admirait, tradition hollandaise ou variations atmosphériques du peintre paysagiste français du XVIIe siècle, Claude le Lorrain, dont il a vu à Londres deux tableaux et qu'il tente de reproduire : "Study of the Composition of Claude's Landscape with the Landing of Aeneas in Latium" (1799, Tate Britain - London). En 1803, un groupe de nobles ayant parrainé son voyage,  il arrive en France par la "Calais Pier" (1803, National Gallery, Londres), une traversée difficile, immortalise la Seine, découvre Paris, l'art de Watteau, de Géricault, se rend en Suisse et, de retour en Grande-Bretagne, ouvre sa galerie et présente des sujets contemporains tels que "The Shipwreck" (Tate Gallery, Londres) qui révèle en 1805 son approche originale des paysages et des paysages marins, qu'exprime luminosité, atmosphère, sujets romantiques et dramatiques ...

 

En 1807, il commence sa grande entreprise de publication d’une série de 100 plaques connues sous le nom de "Liber Studiorum", inspirée, en partie, par le propre studio de Claude, Liber veritatis (commencé en 1635 et continué jusqu’à sa mort en 1682), avec pour objectif de documenter la grande variété et la gamme des paysages (un projet abandonné en 1819 après la publication de 71 planches). Devant le succès de son compatriote D. Wilkie, il peint des scènes de genre (La Forge, 1807, Londres), "Sun Rising through Vapour; Fishermen Cleaning and Selling Fish" '1807, National Gallery), "The Wreck Buouy" (1807, Tate Gallery), et la campagne anglaise ("The Thames near Walton Bridges", 1805), "The Fall of an Avalanche in the Grisons" (1810, Tate gallery). Son goût pour les thèmes historiques le conduisent à produire "la Bataille de Trafalgar", une commande de George IV, "The Battle of Trafalgar, as Seen from the Mizen Starboard Shrouds of the Victory" (1824, Tate Britain, London) et tente toujours de rivaliser avec la virtuosité lumineuse du peintre Claude Lorrain avec "Thompson's Aeolian Harp" (1809, Manchester City), "Dido Building Carthage or the Rise of the Carthaginian Empire" (1815, National Gallery, London), "The Decline of the Carthaginian Empire" (1817, Tate Gallery, London).

 

A trente ans passés, son travail devient de plus en plus atmosphérique et lumineux, concentrant ses efforts sur la représentation de la puissance de la nature et de l’insignifiance de l’homme face à elle, tout en créant un rendu historique. Un travail constant sur les effets de lumières tels que représentés dans "St. Mawes at the Pilchard Season" (1812) ou "Frosty Morning" (1813, Tate Gallery) ... 


On note un premiers pas vers la dématérialisation du paysage, avec "Snow Storm, Hannibal and his Army Crossing the Alps" (1812, Tate Gallery, London). Une voûte courbe de nuages d'orage noirs plane au-dessus des soldats, tandis qu'un soleil doré perce la grisaille. Au premier plan, les soldats combattent des tribus dans l'obscurité, tandis qu'au loin, les plaines d'Italie sont baignées de soleil. À droite, une avalanche de neige dévale la montagne. Turner a réalisé ce tableau pendant les guerres napoléoniennes entre la Grande-Bretagne et la France. et répondrait au "Napoléon traversant les Alpes" de Jacques-Louis David  (1801-1805). C'est la première œuvre dans laquelle Turner utilise un tourbillon de vent, de pluie, de neige et de nuages qu'il reprendra souvent dans des œuvres ultérieures ...


Avec la fin des guerres napoléoniennes en 1815, Turner a pu voyager à nouveau à l’étranger. A partir de 1817, il tente de se mesurer aux paysagistes hollandais en peignant "Dordrecht: The Dort Packet Boat from Rotterdam Becalmed" (Yale Centre for British Art, New Haven), chef-d’œuvre de Turner et hommage à Cuyp. À l’été 1819, il fait son premier voyage en Italie, visitant Rome, y passant trois mois, Naples, Florence et Venise, pour rentrer chez lui au milieu de l’hiver. Au cours de son voyage, il a fait environ 1500 dessins, et dans les années suivantes, il a peint une série de tableaux inspirés par ce qu’il avait vu. Sa couleur est devenue plus pure, plus prismatique, avec une augmentation générale de la tonalité ...

 


Seconde période de JMW Turner (1820-1835) - entre 1820 et 1830, le peintre affirme son style, "What You Will!" (1822), hommage à Shakespeare et Watteau, "The Harbor of Dieppe" (1826, The Frick Collection, New York), "Cologne the Arrival of a Packet Boat Evening" (1826). On note une accentuation des couleurs et lumière, "The Bay of Baiae, with Apollo and the Sibyl" (1823, Tate Gallery, London) ...

 

Au cours des années 1820, Turner alterna les visites du continent avec des visites dans diverses parties de l’Angleterre et de l’Écosse. En 1827, il peint de brillants croquis de la régate de Cowes (East Cowes Castle, the seat of J. Nash, Esq.; the Regatta beating to windward) et, en 1828, il retourne en Italie. À partir de 1828, et particulièrement après la mort de son père en 1829, Turner rend souvent visite au comte d’Egremont à Petworth, dans le Sussex, produisant de splendides croquis de la maison du comte et de ses jardins (Petworth: the Drawing room, 1828, British Museum), ... 


"Ulysses Deriding Polyphemus" (1829, Londres, National Gallery)- Polyphème, cyclope redoutable, a fait prisonnier Ulysse et ses compagnons. Pour s'échapper, Ulysse parvient à lui crever son unique œil. Dans ce paysage historique, au sujet mythique et dramatique, Turner montre sa capacité à recomposer une œuvre à partir des influences françaises, italiennes et hollandaises. Il affirme sa magie de la couleur et de la lumière, basée sur l'alternance de tons chauds et de tons froids. Le soleil embrase tout, comme de l'or en fusion. La nature se répand "avec une majesté sauvage autour du débat du monstre et du héros, elle les noie l'un et l'autre dans sa splendeur terrible, et l'agonie du soleil" (H. Focillon, 1938). Le tableau central de la carrière de Turner, écrira J. Ruskin, en 1863. 


Des peintures, telles que "The Grand Canal, Venice" (1835, Metropolitan Museum of Art, New York), montrent un changement dans la façon dont Turner utilise la couleur - avec de nombreuses couches transparentes, des couleurs chaudes et froides créant une forme et, plus généralement, une gamme plus audacieuse... - "Modern Rome - Campo Vaccino" (1839, J. Paul Getty Museum, Los Angeles) - "Rome from Mount Aventine" (1836) - "Campo Santo, Venice" - "Modern Italy: The Pifferari" (1838, Kelvingrove Art Gallery and Museum, Glasgow) - .. 


Troisième période de  JMW Turner (1835-1845), période considérée comme l'apogée du peintre. À partir de 1835, son œuvre tend vers l'abstraction, et ira plus loin à partir de 1840 :  "Death on a Pale Horse" (1830, Tate Gallery, London), "The Burning of the Houses of Lords and Commons, 16th October 1834" (1835, Philadelphia Museum of Art), "Fire at Sea" (1835,Tate Britain - London), "Landscape with a River and a Bay in the Background" (1835-1840, Musée du Louvre, Paris), "Keelman Heaving in Coals by Night" (1835, National Gallery of Art, Washington), ....

 

Désormais les objets vont être restitués comme des "masses indistinctes à l'intérieur d'un halo de couleurs chaudes", les détails du sujet disparaissent dans des atmosphères colorées, et du même coup vont particulièrement déconcerter le public et les critiques. "Norham Castle, Sunrise" (1845, Tate Britain) et "Sunrise, with a Boat Between Headlands" (c. 1840–50, Tate) sont de simples notations de couleurs, à peine teintées sur une base blanche..

 


"The Fighting 'Temeraire' Tugged to Her Last Berth to be Broken Up" (1838, National Gallery, London), hommage à l’âge révolu des voiliers sur le point d’être remplacés par des navires à vapeur - "Emigrants Embarking at Margate" (1840, Sudley House, Mossley Hill, Liverpool), "Slavers Throwing overboard the Dead and Dying—Typhon coming on" (1840, Museum of Fine Arts, Boston), "Yarmouth Sands" (1840, Yale Centre for British Art, New Haven), "Snow Storm - Steam-Boat off a Harbour's Mouth" (1842, Tate Gallery, Londres), "Peace - Burial at Sea" (1842, Tate Gallery), "Light and Color (Goethe's Theory) - the Morning after the Deluge - Moses Writing the Book of Genesis" (c. 1843, Tate Gallery, London), "Shade and Darkness, The Evening of The Deluge" (1843), "The Lake of Zug" (1843, Metropolitan Museum of Art), ...

 


John Ruskin, le premier propriétaire de "Slave Ship", a écrit, à propos de ce tableau, "If I were reduced to rest Turner's immortality upon any single work, I should choose this." - un tableau composé sur un poème dédié au Zong, un navire d’esclaves pris dans un typhon, histoire véridique d'un navire négrier dont le capitaine, en 1781, avait jeté par-dessus bord ses 133 esclaves malades et mourants pour récupérer l’argent de l’assurance. En plus de la peinture, Turner s’intéressait à la poésie, en particulier à Walter Scott, Lord Byron, Thomas Moore, John Milton, tirant matière des « Seasons » de James Thomson (1726), ou poétisant lui-même avec notamment "Fallacies of Hope", en 1812 , dont les lignes inachevées sont placées auprès de sa peinture, "Aloft all hands, strike the top-masts and belay; / Yon angry setting sun and fierce-edged clouds / Declare the Typhon's coming. / Before it sweeps your decks, throw overboard / The dead and dying - ne'er heed their chains / Hope, Hope, fallacious Hope! / Where is thy market now?" 


"Venice, the Bridge of Sighs" (1840, Tate Gallery), "Giudecca, la Donna della Salute and San Georgio" (1841) - "Approach to Venice" (1844, National Gallery of Art, Washington), "Norham Castle, Sunrise" (1845, Tate Gallery, London), "The Angel Standing in the Sun" (1846, Tate Gallery, London), "Undine Giving to Massaniello, Fisherman of Naples" (1846, Tate Gallery, London) ...

 

Dans les dernières années de sa vie, Turner est devenu plus célèbre, riche et secret que jamais. Après plusieurs années d’inactivité comme professeur de perspective à l’Académie royale, il démissionne en 1838. En 1846, il possède une maison au bord de la rivière à Chelsea, où il vit avec une veuve, Sophia Caroline Booth, en prenant son nom de famille. Turner continue de voyager. Au cours des 15 dernières années de sa vie, il visite l’Italie, la Suisse, l’Allemagne et la France. On note l'énergie inlassable avec laquelle il ne cesse de dessiner ..

 


 

"Turner on Varnishing Day" (William Parrott, c. 1840-1846. Sheffield City Art Galleries, Ruskin Gallery). À l’Académie, pour l’exposition, le jour du vernissage, Turner, "court, trapu, vêtu de noir avec un chapeau haut de forme toujours perché sur la tête, son parapluie désordonné appuyé nonchalamment contre une chaise",  semble afficher la concentration insouciante du véritable génie fasciné par sa technique, ou poussé à des améliorations continues par nervosité insatisfaite ...



"Rail, Steam and Speed - the Great Western Railway" (1844, London, National Gallery), qui exprime l'intensité de l'intérêt de Turner pour les changements apportés par la révolution industrielle. La lumière colorée et brûlante sert a transmettre l'émotion plus qu'à transcrire la réalité observée et vécue. Pour réaliser cette œuvre, Turner s'installe sur la plate-forme de la locomotive, lancée à pleine vitesse. À partir de ses notes, de ses croquis, le peintre élabore le tableau dans son atelier. L'air et la fumée du train, impalpables, se matérialisent sur la toile par des empâtements. Les éléments solides, le pont et le train, s'évaporent dans une atmosphère irréelle, romantique..

  


Alors que la préoccupation de Turner pour les éléments dramatiques du feu et de l’eau apparaît dans les deux versions de "Burning of the Houses of Lords and Commons" (1835) et dans le grand croquis "A Fire at Sea" (c. 1835), "Rockets and Blue Lights" (1840), "The Dogana, San Giorgio Citella, from the Steps of the Europa" (1842) est présenté en 1847, le premier de ses tableaux à être accroché à la National Gallery de Grande-Bretagne ...

 


Les dernières réalisations de William Turner, inachevées, montrent la dissolution de formes devenues presque abstraites et l'élimination de tout dé tout détail dans la lumière dorée, émotionnelle. Volontairement très isolé, dépourvu de toutes contraintes matérielles et sociales, sa très grande renommée dans l'Europe entière résidera principalement dans ses recueils de gravures sur acier ou sur cuivre et dans ses aquarelles de voyage publiées à partir de 1826 dans ses fameux "Keepsake", livres de luxe tant prisés par la bourgeoisie anglaise depuis 1820 et qui mobilisèrent artistes et écrivains de renom (Bonington, Cruikshank, Leech, Dickens, Shelley, Ruskin). Il meurt à Londres (Chelsea) le 19 décembre 1851 laissant un fonds d’atelier de plus de vingt mille peintures, aquarelles, dessins, carnets, estampes.