Transcendantalism & Dark Romanticism - Nathaniel Hawthorne (1804-1864), "The Scarlet Letter" (1850), "The House of the Seven Gables" (1851) - "The Marble Faun" (1860) - Jonathan Eastman Johnson (1824-1906) - .....
Last update : 12/12/2019
Le transcendantalisme de la Nouvelle-Angleterre qui naît dans la région de Concord, dans le Massachusetts, se développe de 1830 à 1855 autour d'écrivains et
de philosophes comme Ralph Waldo Emerson, Henry David Thoreau, Margaret Fuller, Orestes Brownson, Elizabeth Palmer Peabody et James Freeman Clarke, George Ripley, Bronson Alcott, le jeune W.E.
Channing et W.H. Channing : ce mouvement marque l'émergence d'une nouvelle culture nationale basée sur des éléments proprement américains, la quête religieuse se mue en contestation de
l'ordre établi et la mise en valeur d'une Amérique animée par ces nouveaux concepts démocratiques qui, en 1829, ont triomphé lors de l'investiture d'Andrew Jackson à la présidence. Mais
cette Amérique, encore profondément livrée à la religion puritaine, se fissure progressivement avec la question de l'abolitionnisme, l'adoption de la sinistre loi sur les esclaves fugitifs
en 1850, un contexte tendu qui débouche sur la terrible Guerre de Sécession (1861-1865). C'est dans ce contexte que paraissent Nathaniel Hawthorne, avec "The Scarlet Letter" (1850) et "The
House of the Seven Gables" (1851), s'émancipant du puritanisme moral, Ralph Waldo Emerson, avec "Nature" (1836), Henry David Thoreau, avec "Civil Disobedience" (1849) et "Walden or Life in the
woods" (1854), construisant le nouveau langage de l'Amérique, Walt Whitman, avec "Leaves of Grass" (1855), Emily Dickinson avec ses premiers poèmes entre 1858 et 1868...
(Winslow Homer - Snap the Whip 1872, Metropolitan Museum of Art - New York)
Bien que l'Amérique ait été une nation pendant près de 80 ans, elle restait en 1840 inachevée. La Déclaration d'indépendance, la Constitution,
étaient des documents politiques, pragmatiques dans leur conception de la démocratie. Mais ce qui manquait à l'Amérique, dit Emerson, c'est d'évoquer ce que ressent un homme ou une femme
démocratique à son meilleur, au jour le jour, à chaque instant. Nous avions un esprit, l'esprit créé par Thomas Jefferson et les autres fondateurs, mais nous ne connaissions pas véritablement
les possibilités de ce dont nous étions capables, de ce que nous étions...
Renfermés sur eux-mêmes, livrés à leurs passions et à leurs doutes, à leurs contradictions intérieures, ces différents auteurs vont rechercher un nouveau
langage, un "territoire neutre, quelque part entre le monde réel et le monde féerique, ou le réel et l'imaginaire peuvent se rencontrer" (Nathaniel Hawthorne), un nouveau langage typiquement
américain appelé de ses voeux par Walt Whitman pour transmettre les qualités uniques de la vie américaine, ou une poétique exprimant ce qui est encore possible et non encore réalisé (Emily
Dickinson). Mais s'engager dans cette voie est à double tranchant, l'oeuvre parvient à libérer l'individu mais accroît sa solitude et
l'abandonne sans fondement...
Nathaniel Hawthorne (1804-1864)
Se libérer du puritanisme moral du XVIIe - "In the depths of every heart there is a tomb and a dungeon, though the lights, the music, and revelry above
may cause us to forget their existence, and the buried ones, or prisoners whom they hide. But sometimes, and oftenest at midnight, these dark receptacles are flung wide open" (Au fond de
chaque cœur, il y a un tombeau et un cachot, bien que les lumières, la musique et les réjouissances qui se déroulent au-dessus puissent nous faire oublier leur existence, ainsi que les personnes
enterrées ou les prisonniers qu'elles cachent. Mais parfois, et le plus souvent à minuit, ces réceptacles sombres sont jetés à découvert) - Hawthorne a marqué la littérature des États-Unis en
incarnant toute l'ambiguïté d'une communauté sociale où s'affrontent de façon dramatique et symbolique le bien et le mal, l'héritage du puritanisme moral du XVIIe siècle, les figures angéliques
et démoniaques, la hantise d'une malédiction ancestrale, les promesses de l'enfer ou du paradis comme provinces inéluctables de toute conscience. A cela s'ajoutent une véritable science de
l'écriture, clarté et précision, des images stylisées et allégoriques, une véritable science des dilemmes frappant la condition humaine, une véritable science de la complexité et de l'ambiguïté
morales..
Nathaniel Hawthorne naquit à Salem dans le Massachusetts, un ancien port de pêche à la baleine où sa famille vivait depuis des générations (la maison familiale du 27 Hardy Street est aujourd'hui un musée) et mourut en voyage à Porstmouth dans le New Hampshire à l'âge de soixante ans. Ses ancêtres ont été parmi les premiers puritains à s'installer dans la région de la Nouvelle-Angleterre et la culpabilité persistante que ressentait Hawthorne du fait que son arrière-grand-père avait officié lors des procès de sorcières de Salem a fourni un thème à nombre de ses histoires, dont La Maison aux sept pignons. Le père du jeune Nathaniel, capitaine au long court, meurt brutalement en 1808, en Guyane hollandaise , et sa veuve, beauté austère, doit pour élever ses trois enfants accepter l'aide sa famille. Tous les quatre vivent à Salem, puis dans la maison d'un oncle, à la lisière de la région sauvage du Maine. Sa mère et ses sœurs étaient tellement recluses que souvent la famille ne se réunissait pas pendant des jours, même aux repas ; et Hawthorne devint cet homme solitaire et renfermé qu'il restera toute sa vie. Après des études à Bowdoin College, dans le Maine, Nathaniel renonce à s'engager dans une profession et passe douze ans dans la maison maternelle, il lit James Fenimore Cooper et Sir Walter Scott, et écrit déjà des nouvelles qui figureront dans son premier recueil "Twice Told Tales" (1837).
(Margaret Gibbs, 1670, Museum of Fine Art, Boston) - Les puritains américains sont restés des Anglais transplantant dans le Nouveau Monde l'Angleterre des XVIe et XVIIe siècles, les oeuvres dites "Freake-Gibbs", de l'artiste qui a peint les portraits des membres des familles Freake et Gibbs de Boston pendant la même période (1670-1680), en témoignent (The Mason Children, David, Joanna and Abigail, 1670, Mrs. Freake and Baby Mary, 1671). Comme dans l'Angleterre des XVIe et XVIIe siècles, la Nouvelle-Angleterre du XVIIe siècle toléra le portrait qui répondait à des besoins politiques ou sociaux : si rien n'était bon en soi, Dieu semblait avoir toléré une certaine représentation de soi. Si l'Eglise est le lieu du culte publique, la famille dans sa maison, comme le révèle si bien le journal de Samuel Sewall (1672-1729), - connu pour son implication dans le procès des sorcières de Salem et grand dénonciateur de l'esclavagisme -, est le lieu des dévotions privées et de l'éducation religieuse : cette pression exercée sur la religion familiale a sans doute accentué la tendance au repli sur soi.
Redoublant cette préoccupation, la littérature, par le biais de la chronique historique et de la biographie, a mobilisé très rapidement les colons du Nouveau Monde. En 1660, le désir de consigner le passé et les réalisations des fondateurs gagne en intensité, il s'agit de transmettre à la postérité la mémoire de la "miséricorde de Dieu presque sans exemple et sans pareille" (Urian Oakes). Sous cet angle, le désir d'écriture de Nathaniel Hawthorne prend tout sons sens. Dans ses différentes préfaces, Hawthorne définira son intention profonde, se situer dans un "territoire neutre, quelque part entre le monde réel et le monde féerique, ou le réel et l'imaginaire peuvent se rencontrer", et donne à ce nouveau type de fiction le nom de "romance" : sa première romance est publiée en 1828, "Fanshawe"...
"WHEN A WRITER calls his work a romance, it need hardly be observed that he wishes to claim a certain latitude, both as to its fashion and material,
which he would not have felt himself entitled to assume, had he professed to be writing a novel. The latter form of composition is presumed to aim at a very minute fidelity, not merely to the
possible, but to the probable and ordinary course of man's experience. The former--while, as a work of art, it must rigidly subject itself to laws, and while it sins unpardonably so far as it may
swerve aside from the truth of the human heart--has fairly a right to present that truth under circumstances, to a great extent, of the writer's own choosing or creation. If he think fit, also,
he may so manage his atmospherical medium as to bring out or mellow the lights, and deepen and enrich the shadows, of the picture. He will be wise, no doubt, to make a very moderate use of the
privileges here stated, and, especially, to mingle the marvellous rather as a slight, delicate, and evanescent flavor, than as any portion of the actual substance of the dish offered to the
public. He can hardly be said, however, to commit a literary crime, even if he disregard this caution.
In the present work the author has proposed to himself--but with what success, fortunately, it is not for him to judge--to keep undeviatingly within his
immunities. The point of view in which this tale comes under the romantic definition lies in the attempt to connect a by-gone time with the very present that is flitting away from us. It is a
legend, prolonging itself, from an epoch now gray in the distance, down into our own broad day-light, and bringing along with it some of its legendary mist, which the reader, according to his
pleasure, may either disregard, or allow it to float almost imperceptibly about the characters and events for the sake of a picturesque effect. The narrative, it may be, is woven of so humble a
texture as to require this advantage, and, at the same time, to render it the more difficult of attainment." (Préface, The House of the Seven Gables)
Paraissent à la même époque deux des meilleurs récits de jeunesse de Nathaniel Hawthorne, "The Hollow of the Three Hills" et "An Old Woman’s Tale" (1830)...
"IN THOSE strange old times, when fantastic dreams and madmen's reveries were realized among the actual circumstances of life, two persons met together at an appointed hour and place. One was a lady, graceful in form and fair of feature, though pale and troubled, and smitten with an untimely blight in what should have been the fullest bloom of her years; the other was an ancient and meanly-dressed woman, of ill-favored aspect, and so withered, shrunken, and decrepit, that even the space since she began to decay must have exceeded the ordinary term of human existence. In the spot where they encountered, no mortal could observe them. Three little hills stood near each other, and down in the midst of them sunk a hollow basin, almost mathematically circular, two or three hundred feet in breadth, and of such depth that a stately cedar might but just be visible above the sides. Dwarf pines were numerous upon the hills, and partly fringed the outer verge of the intermediate hollow, within which there was nothing but the brown grass of October, and here and there a tree trunk that had fallen long ago, and lay mouldering with no green successor from its roots. One of these masses of decaying wood, formerly a majestic oak, rested close beside a pool of green and sluggish water at the bottom of the basin. Such scenes as this (so gray tradition tells) were once the resort of the Power of Evil and his plighted subjects; and here, at midnight or on the dim verge of evening, they were said to stand round the mantling pool, disturbing its putrid waters in the performance of an impious baptismal rite. The chill beauty of an autumnal sunset was now gilding the three hill-tops, whence a paler tint stole down their sides into the hollow..." (The Hollow of the Three Hills)
"DANS CETTE étrange époque, où les rêves fantastiques et les rêveries des fous se réalisaient parmi les circonstances réelles de la vie, deux personnes se rencontraient à une heure et un lieu déterminés. L'une était une dame, gracieuse dans sa forme et de belle apparence, bien que pâle et troublée, et frappée d'un fléau prématuré dans ce qui aurait dû être la plus grande floraison de ses années ; l'autre était une femme ancienne et mal habillée, d'aspect peu apprécié, et si fanée, rétrécie et décrépite, que même l'espace depuis qu'elle a commencé à se décomposer a dû dépasser le terme ordinaire de l'existence humaine. À l'endroit où ils se sont rencontrés, aucun mortel ne pouvait les observer. Trois petites collines se dressaient l'une à côté de l'autre, et au milieu d'elles s'enfonçait un bassin creux, presque mathématiquement circulaire, de deux ou trois cents pieds de large et d'une telle profondeur qu'un cèdre majestueux ne pouvait être visible qu'au-dessus des côtés. Les pins nains étaient nombreux sur les collines, et bordaient en partie le bord extérieur du creux intermédiaire, à l'intérieur duquel il n'y avait rien d'autre que l'herbe brune d'octobre, et ici et là un tronc d'arbre qui était tombé il y a longtemps, et qui posait des moulures sans successeur vert de ses racines. L'une de ces masses de bois en décomposition, autrefois un chêne majestueux, reposait tout près d'un bassin d'eau verte et léthargique au fond du bassin. De telles scènes (comme le raconte la tradition grise) étaient autrefois le recours du Pouvoir du Mal et de ses sujets en détresse ; et ici, à minuit ou à l'approche du soir, on disait qu'ils se tenaient autour du bassin à lambrequins, perturbant ses eaux putrides dans l'exécution d'un rite de baptême impie. La beauté glaciale d'un coucher de soleil automnal dorait maintenant les trois sommets de la colline, d'où une teinte plus pâle s'était glissée sur leurs flancs dans le creux..."
L'un des premiers contes de Nathaniel Hawthorne, "The Gentle Boy" (1832), se déroule lors de la persécution historique des premiers Quakers, qui ont commencé à apparaître en Nouvelle-Angleterre en 1656, et montre comment le quakerisme primitif scinde l'âme en deux, conduisant à l'inhumanité et peut-être à la damnation, qui est "l'éternelle aliénation du bien et du vrai". Ilbrahim, enfant quaker d'un père martyr et d'une mère bannie, est recueilli en larmes sur la tombe de son père par un couple de puritains, Tobias et Dorothy Pearson : "The pale, spiritual face, the eyes that seemed to mingle with the moonlight, the sweet, airy voice, and the outlandish name, almost made the Puritan believe that the boy was in truth a being which had sprung up out of the grave on which he sat. But perceiving that the apparition stood the test of a short mental prayer, and remembering that the arm which he had touched was lifelike, he adopted a more rational supposition. "The poor child is stricken in his intellect," thought he, "but verily his words are fearful in a place like this." He then spoke soothingly, intending to humor the boy's fantasy.." Le fait de recueillir Ibrahim provoque bien des problèmes à Pearson et à sa femme au sein de la communauté puritaine, le "sweet infant of the skies", victime du fanatisme quaker, affrontera la brutalité puritaine, une brutalité présentée plus comme une perversion de leurs principes que comme une caractéristique inhérente à leur religion...
Du Transcendentalism au Dark Romanticism - Le jeune Hawthorne fréquenta dans les années 1820-1830 le cercle de ces écrivains et philosophes du Massachusetts qui incarnèrent pour la postérité le "transcendantalisme", Ralph Waldo Emerson (1803-1882), Henry David Thoreau (1817-1862), Margaret Fuller (1810-1850), et Amos Bronson Alcott (1799-1888), le père de Louisa May Alcott. Les transcendantalistes croyaient fermement en la "bonté inhérente à la fois des hommes et de la nature". À Boston, en 1842, Hawthorne épouse la peintre transcendantaliste Sophia Peabody, avec laquelle il aura trois enfants. Le couple nouvellement marié s'installe au cœur du pays transcendantaliste de la Concorde, dans le Massachusetts, et vit dans le "Old Manse" de la famille Emerson. Sophia (Peabody) se consacrera à son mari et inspirera certains des personnages féminins qui apparaissent dans ses fictions. En 1844, Hawthorne apparaît comme l'un des membres fondateurs de Brook Farm, une expérience utopique de vie en communauté basée sur les principes de Charles Fourier.
Mais Hawthorne, en mûrissant, prit quelque distance, comme en témoigne son roman satirique "The Blithedale Romance" (1852). Les hommes peuvent, sous le couvert de la bonté et de la piété, commettre de grands péchés, les ancêtres de Nathaniel Hawthorne, soldats, législateurs, et juges, hommes de principes se drapant dans le puritanisme, furent aussi des persécuteurs, et La Lettre Écarlate est représentative de cette complexité morale qui habite notre auteur.
Le "Dark Romanticism", dénomination sous laquelle on regroupe des écrivains tels que Herman Melville , Edgar Allan Poe, Emily Dickinson et Nathaniel Hawthorne, puise dans ce mouvement transcendantal de l'Amérique du XIXe siècle, mais pour montrer, l'expérience aidant, qu'au contraire l'homme de bien glisse irrésistiblement vers le mal et l'autodestruction : la culpabilité et le péché ne cesseront dès lors de le hanter. La capacité des êtres humains à faire le mal est un motif récurrent d'inspiration de Hawthorne. Le Dark Romanticism, quant à lui, va par la suite se fondre inéluctablement dans le roman dit gothique, nourrir les thématiques de la terreur, du tourment personnel, de la morbidité et du surnaturel. Parmi les oeuvres de Nathaniel Hawthorne associées à cette période, on peut évoquer : "My Kinsman, Major Molineaux" (1832), "Young Goodman Brown" (1835), sans doute le plus grand récit de sorcellerie jamais écrit (reprise dans le recueil Mosses from an Old Manse), "Feathertop" (1852), et "The Minister's Black Veil"....
"YOUNG GOODMAN BROWN came forth at sunset, into the street of Salem village, but put his head back, after crossing the threshold, to exchange a parting
kiss with his young wife. And Faith, as the wife was aptly named, thrust her own pretty head into the street, letting the wind play with the pink ribbons of her cap, while she called to Goodman
Brown.
"Dearest heart," whispered she, softly and rather sadly, when her lips were close to his ear, "pr'y thee, put off your journey until sunrise, and sleep
in your own bed to-night. A lone woman is troubled with such dreams and such thoughts, that she's afeard of herself, sometimes. Pray, tarry with me this night, dear husband, of all nights in the
year!"
"My love and my Faith," replied young Goodman Brown, "of all nights in the year, this one night must I tarry away from thee. My journey, as thou callest
it, forth and back again, must needs be done 'twixt now and sunrise. What, my sweet, pretty wife, dost thou doubt me already, and we but three months married!"
"Then God bless you!" said Faith, with the pink ribbons, "and may you find all well, when you come back."
"Amen!" cried Goodman Brown. "Say thy prayers, dear Faith, and go to bed at dusk, and no harm will come to thee."
So they parted; and the young man pursued his way, until, being about to turn the corner by the meeting-house, he looked back and saw the head of Faith
still peeping after him, with a melancholy air, in spite of her pink ribbons.
"Poor little Faith!" thought he, for his heart smote him. "What a wretch am I, to leave her on such an errand! She talks of dreams, too. Methought, as
she spoke, there was trouble in her face, as if a dream had warned her what work is to be done to-night. But, no, no! 'twould kill her to think it. Well; she's a blessed angel on earth; and after
this one night, I'll cling to her skirts and follow her to Heaven." (Young Goodman Brown)
"The Minister's Black Veil" (1836)
C'est l’une des nouvelles les plus étudiées de Nathaniel Hawthorne. L’histoire se focalise sur un ministre dans une paroisse de la Nouvelle-Angleterre, dans la première moitié du XVIIIe siècle, avant le Grand Réveil des années 1730 et 1740, lorsque les ministres américains ont mis davantage l’accent sur le péché individuel et la nécessité de la rédemption. Mr Hooper, un ministre de la ville de Milford, Connecticut, choque ses paroissiens un dimanche quand il se présente pour prononcer son sermon vêtu d’un voile noir. Ce voile, qui est semi-transparent, dissimule en grande partie son visage, ne laissant que sa bouche entièrement visible.
"Mr. Hooper appeared not to notice the perturbation of his people. He entered with an almost noiseless step, bent his head mildly to the pews on each side, and bowed as he passed his oldest parishioner, a white-haired greatgrandsire, who occupied an arm-chair in the centre of the aisle. It was strange to observe how slowly this venerable man became conscious of something singular in the appearance of his pastor. He seemed not fully to partake of the prevailing wonder, till Mr. Hooper had ascended the stairs, and showed himself in the pulpit, face to face with his congregation, except for the black veil. That mysterious emblem was never once withdrawn. It shook with his measured breath, as he gave out the psalm; it threw its obscurity between him and the holy page, as he read the Scriptures; and while he prayed, the veil lay heavily on his uplifted countenance. Did he seek to hide it from the dread Being whom he was addressing? Such was the effect of this simple piece of crape, that more than one woman of delicate nerves was forced to leave the meeting-house. Yet perhaps the pale-faced congregation was almost as fearful a sight to the minister, as his black veil to them...."
Ses paroissiens sont étonnés et s'interrogent. Le sermon de Hooper ce jour-là porte sur le « secret sin ». Après le sermon, Hooper continue à porter le voile en officiant aux funérailles d’une jeune femme, puis, le soir même, à un mariage. Personne n’ose contester la décision de M. Hooper – à l'exception d'une personne, sa future épouse, Elizabeth. Cependant, le ministre refuse de lui donner une raison précise, mais il est résolu à le porter et à ne jamais le soulever avant son dernier jour. Quand Elizabeth lui demande de le soulever pour elle, il refuse, et elle le quitte, rompant leurs fiançailles. Les années passent, et les paroissiens de Mr Hooper meurent, jusqu’à ce qu’il ne reste qu’une petite congrégation. Il vieillit et commence à être connu sous le nom de « père Hooper ». Puis, le voici, allongé sur son lit de mort, entouré d’autres saints hommes et de sa patiente épouse, Elizabeth, qui entend rester jusqu'à ses derniers instants. Alors que le ministre est sur le point de mourir, un des hommes rassemblés autour de son lit de mort, le révérend M. Clark, tente de le persuader de lever le voile noir de son visage alors que les derniers rites ont été célébrés. délivrés. Mais Hooper persiste, il renonce à le soulever tant qu’il restera « sur terre ». Pourquoi, déclare-t-il, craindraient-ils son voile, puisque, quand il les regarde, ils portent tous tout autant des voiles noirs. Ne fait-il pas ainsi référence au péché secret et à ces tristes mystères que nous cachons tous à nos proches et que nous voudrions cacher à notre propre conscience ...
Hawthorne décidé à fuir Salem - Les Hawthorne retournent à Salem en 1845, Nathaniel tente de trouver du travail pour couvrir leurs dettes (il fut un temps nommé géomètre de la douane de Salem), c'est alors qu'il écrivit son chef d'oeuvre, "The Scarlet Letter", publié en 1850. Le puritanisme ancestral et la conception pessimiste de la nature humaine viciée par le péché originel imprègne toute son oeuvre romanesque. Le roman a connu un succès immédiat et fut l'un des premiers livres imprimés en grande quantité aux États-Unis. Auparavant, en 1846, avait été publié un deuxième recueil de nouvelles, "Mosses from an Old Manse". Déterminé à quitter Salem pour toujours, Hawthorne déménage à Lenox, situé dans le paysage montagneux des Berkshires dans l'ouest du Massachusetts, une petite maison en bois rouge, toujours debout près du Stockbridge Bowl. Il y rencontre Herman Melville, qui lui dédie "Moby Dick", et travaille sur "The House of the Seven Gables" (1851), histoire de la famille Pyncheon qui, pendant des générations, affronte une inéluctable malédiction, et sur la reprise des anciens mythes grecs dans Tanglewood Tales for Girls and Boys (1853).
"Mosses from an Old Manse" est le deuxième recueil de nouvelles de Nathaniel Hawthorne, publié pour la première fois en 1846 en deux volumes et comportant des croquis et 25 contes écrits sur une période de plus de vingt ans, alors qu'il vivait au Vieux Manse à Concord, Mass., la maison des ancêtres de Ralph Waldo Emerson. On y trouve des classiques comme « Young Goodman Brown » (le conflit entre la religion puritaine et le surnaturel), « The Birthmark », et « Rappaccini’s Daughter » (le conflit entre la raison et l’émotion). Herman Melville considérait Hawthorne comme le Shakespeare américain, et Henry James écrivait que ses premières histoires possèdent « l’élément du simple génie, la qualité de l’imagination. C’est le vrai charme de l’écriture d’Hawthorne – cette pureté, cette spontanéité et ce naturel de fantaisie...»
"The Author Makes the Reader - Acquainted with His Abode.
Between two tall gate-posts of rough-hewn stone, (the gate itself having fallen from its hinges, at some unknown epoch,) we beheld the gray front of the old parsonage, terminating the vista of an avenue of black-ash trees. It was now a twelvemonth since the funeral procession of the venerable clergyman, its last inhabitant, had turned from that gate-way towards the village burying-ground. The wheel-track, leading to the door, as well as the whole breadth of the avenue, was almost overgrown with grass, affording dainty mouthfuls to two or three vagrant cows, and an old white horse, who had his own living to pick up along the roadside. The glimmering shadows, that lay half-asleep between the door of the house and the public highway, were a kind of spiritual medium, seen through which, the edifice had not quite the aspect of belonging to the material world. Certainly it had little in common with those ordinary abodes, which stand so imminent upon the road that every passer-by can thrust his head, as it were, into the domestic circle. From these quiet windows, the figures of passing travellers looked too remote and dim to disturb the sense of privacy. In its near retirement, and accessible seclusion, it was the very spot for the residence of a clergyman; a man not estranged from human life, yet enveloped, in the midst of it, with a veil woven of intermingled gloom and brightness. It was worthy to have been one of the time-honored parsonages of England, in which, through many generations, a succession of holy occupants pass from youth to age, and bequeath each an inheritance of sanctity to pervade the house and hover over it, as with an atmosphere.
Nor, in truth, had the old Manse ever been prophaned by a lay occupant, until that memorable summer-afternoon when I entered it as my home. A priest had built it; a priest had succeeded to it; other priestly men, from time to time, had dwelt in it; and children, born in its chambers, had grown up to assume the priestly character. It was awful to reflect how many sermons must have been written there. The latest inhabitant alone – he, by whose translation to Paradise the dwelling was left vacant – had penned nearly three thousand discourses, besides the better, if not the greaternumber, that gushed living from his lips. How often, no doubt, had he paced to-and-fro along the avenue, attuning his meditations, to the sighs and gentle murmurs, and deep and solemn peals of the wind, among the lofty tops of the trees! In that variety of natural utterances, he could find something accordant with every passage of his sermon, were it of tenderness or reverential fear. The boughs over my head seemed shadowy with solemn thoughts, as well as with rustling leaves. I took shame to myself for having been so long a writer of idle stories, and ventured to hope that wisdom would descend upon me with the falling leaves of the avenue; and that I should light upon an intellectual treasure in the old Manse, well worth those hoards of longhidden gold, which people seek for in mossgrown houses. Profound treatises of morality; – a layman's unprofessional, and therefore unprejudiced views of religion; – histories, (such as Bancroft might have written, had he taken up his abode here, as he once purposed,) bright with picture, gleaming over a depth of philosophic thought; – these were the works that might fitly have flowed from such a retirement. In the humblest event, I resolved at least to achieve a novel, that should evolve some deep lesson, and should possess physical substance enough to stand alone..."
Hawthorne at The Wayside - En 1851, Hawthorne déménage à West Newton, près de Boston et y écrit "The Blithedale Romance", inspirée par sa déception vis-à-vis de Brook Farm. Le groupe d'utopistes qui entend réformer une Amérique jugée corrompue se révèle n'être qu' un mélange d'ambitions égocentriques où chacun va poursuivre son chemin jusqu'à la tragédie. Mais le succès littéraire n'est plus au rendez-vous. En 1852, Hawthorne achète, à Concord (Massachusetts), The Wayside et s'y installe avec sa femme Sophia et leurs trois enfants Una, Julian et Rose. Ils y vécurent jusqu'en 1869. C'est aussi à cette époque que se fragmente la nation américaine avec la question de l'abolitionnisme.
Hawthorne en Europe - Hawthorne espérait une nomination politique lucrative qui renforcerait ses finances, et pour ce faire, écrivit une biographie de campagne de son vieil ami Franklin Pierce. Lorsque Pierce gagna la présidence, Hawthorne fut récompensé en 1853 par le poste de consul à Liverpool, Lancashire. Il y demeure jusqu'en 1857, puis séjourne deux ans à Rome et Florence. Pendant son séjour en Italie, Hawthorne a écrit "The Marble Faun" (1860).
De retour chez lui au Wayside en 1860, Hawthorne continue à écrire sur ses voyages dans ses volumes "Passages From Notebooks". Après le début de la
guerre civile, Hawthorne, profondément troublé par le conflit, se rend à Washington, D.C., où il rencontre le président Abraham Lincoln, et visite les champs de bataille en Virginie. À son retour
au Wayside, il partage ses observations dans un article intitulé "Chiefly About War Matters", publié dans l'Atlantic Monthly en juillet 1862. En septembre 1863, alors que sa santé décline,
Nathaniel Hawthorne termine son dernier ouvrage publié, Our Old Home. Mais il ne parvient plus à faire avancer ses projets de roman, les ébauches restent inachevées (The Dolliver Romance, Doctor
Grimshawe's Secret et Septimius Felton), l'écriture souvent incohérente. Environ deux ans avant sa mort, il a commencé à vieillir très soudainement...
(The Scarlet Letter - I. The Prison-Door) "A throng of bearded men, in sad-colored garments and gray, steeple-crowned hats, intermixed with women, some wearing hoods, and others bareheaded, was assembled in front of a wooden edifice, the door of which was heavily timbered with oak, and studded with iron spikes. The founders of a new colony, whatever Utopia of human virtue and happiness they might originally project, have invariably recognized it among their earliest practical necessities to allot a portion of the virgin soil as a cemetery, and another portion as the site of a prison. In accordance with this rule, it may safely be assumed that the forefathers of Boston had built the first prison-house, somewhere in the vicinity of Cornhill, almost as seasonably as they marked out the first burial-ground, on Isaac Johnson’s lot, and round about his grave, which subsequently became the nucleus of all the congregated sepulchres in the old churchyard of King’s Chapel. Certain it is, that, some fifteen or twenty years after the settlement of the town, the wooden jail was already marked with weather-stains and other indications of age, which gave a yet darker aspect to its beetle-browed and gloomy front. The rust on theponderous ironwork of its oaken door looked more antique than any thing else in the new world. Like all that pertains to crime, it seemed never to have known a youthful era. Before this ugly edifice, and between it and the wheel-track of the street, was a grass-plot, much overgrown with burdock, pig-weed, appleperu, and such unsightly vegetation, which evidently found something congenial in the soil that had so early borne the black flower of civilized society, a prison. But, on one side of the portal, and rooted almost at the threshold, was a wild rose-bush, covered, in this month of June, with its delicate gems, which might be imagined to offer their fragrance and fragile beauty to the prisoner as he went in, and to the condemned criminal as he came forth to his doom, in token that the deep heart of Nature could pity and be kind to him...."
"Une foule d’hommes barbus, en vêtements de couleurs tristes et chapeaux gris à hautes calottes en forme de pain de sucre, mêlée de femmes, certaines portant capuchon, d’autres la tête nue, se tenait assemblée devant un bâtiment de bois dont la porte aux lourdes traverses de chêne était cloutée de fer. Quel que soit le royaume d’Utopie qu’ils aient, à l’origine, projeté de construire en vue de la vertu et du bonheur des hommes, les fondateurs d’une colonie ont invariablement dû placer au premier rang de leurs obligations pratiques la nécessité d’allouer à un cimetière un morceau du terrain vierge où ils allaient bâtir et un autre morceau à l’emplacement d’une prison. En conséquence de cette règle, on peut être assuré que les ancêtres de Boston ont construit la première prison de leur ville dans le voisinage de Cornhill avec tout autant d’à-propos qu’ils creusèrent dans le lotissement d’Isaac Johnson cette première tombe autour de laquelle devaient venir se grouper ensuite toutes les tombes du cimetière de King’s Chapel. Et quelque quinze ou vingt ans après la fondation de la colonie, la prison portait sûrement déjà les traces du passage des saisons et d’autres marques encore de vieillesse qui assombrissaient un peu plus sa morne façade couleur de hanneton. La rouille des pesantes serrures de sa porte de chêne avait l’air plus ancien que n’importe quoi d’autre dans le Nouveau Monde. Comme tout ce qui touche au crime, elle semblait n’avoir jamais eu de jeune temps. Devant le vilain édifice, et le séparant de l’ornière des roues de charrettes qui traçait la rue, il y avait un carré tout envahi de chardons, de chiendent, de bardanes. Ces mauvaises herbes trouvaient évidemment quelque chose de conforme à leur nature dans un sol qui avait porté de si bonne heure cette fleur maudite de la société civilisée qu’est une prison. Mais, d’un côté du portail et presque sur le seuil du bâtiment sinistre, un rosier sauvage avait pris racine. Il était, en ce mois de juin, tout couvert de ses fleurs délicates. Et ces fleurs pouvaient passer pour offrir leur parfum et leur beauté fragile au prisonnier qui entrait ou au condamné qui sortait pour marcher vers son destin, prouvant ainsi combien le cœur généreux de la nature savait être indulgent...."
"The Scarlet Letter" (La lettre écarlate, 1850)
L'intrigue se situe à Boston, dans la Nouvelle-Angleterre puritaine du XVIIe siècle, société à laquelle appartenaient les ancêtres de Nathaniel Hawthorne
qui avaient participé à la chasse aux sorcières de 1692. Le personnage principal de The Scarlet Letter est Hester Prynne, une jeune femme mariée qui a eu un enfant illégitime alors qu'elle vivait
loin de son mari dans un village de la Nouvelle-Angleterre puritaine. Le mari, Roger Chillingworth, revient en Nouvelle-Angleterre pour trouver sa femme mise au pilori et obligée de porter la
lettre A (adultère) brodée en rouge sur sa robe pour son refus de révéler le nom du père de l'enfant. Chillingworth cherche obstinément l'identité de l'ancien amant de sa femme. Il apprend que
celui-ci est le révérend Arthur Dimmesdale. Hester quant à elle, ne se repent pas de cet acte d'adultère, considérant qu'il consacre un amour profond de l'un pour l'autre. Chillingworth se
retrouve moralement atteint par sa quête de vengeance, et Dimmesdale, brisé par son sentiment de culpabilité, avoue publiquement son adultère avant de mourir dans les bras d'Hester. Seule
Hester semble en capacité d'échapper à cette tragédie...
(Chapitre VIII) " Governor Bellingham, in a loose gown and easy cap,—such as elderly gentlemen love to indue themselves with, in their domestic privacy,—walked foremost, and appeared to be showing off his estate, and expatiating on his projected improvements. The wide circumference of an elaborate ruff, beneath his gray beard, in the antiquated fashion of King James’s reign, caused his head to look not a little like that of John the Baptist in a charger. The impression made by his aspect, so rigid and severe, and frost-bitten with more than autumnal age, was hardly in keeping with the appliances of worldly enjoyment wherewith he had evidently done his utmost to surround himself. But it is an error to suppose that our grave forefathers—though accustomed to speak and think of human existence as a state merely of trial and warfare, and though unfeignedly prepared to sacrifice goods and life at the behest of duty—made it a matter of conscience to reject such means of comfort or even luxury, as lay fairly within their grasp. This creed was never taught, for instance, by the venerable pastor, John Wilson, whose beard, white as a snow-drift, was seen over Governor Bellingham’s shoulder; while its wearer suggested that pears and peaches might yet be naturalized in the New England climate, and that purple grapes might possibly be compelled to flourish, against the sunny garden-wall. "
"Messire Bellingham marchait le premier, en vêtements lâches et le chef recouvert d’une de ces coiffures sans apparat dont les seigneurs qui avancent en âge aiment à se parer dans le privé. Il semblait faire les honneurs de son domaine et exposer ses projets d’amélioration. La large fraise à la mode du temps du roi Jacques qui s’arrondissait sous sa barbe n’était pas sans donner à sa tête quelque ressemblance avec celle de saint Jean Baptiste sur un plat. Son aspect rigide de Puritain touché par un gel qui n’était déjà plus le gel de l’automne, ne s’harmonisait guère avec toutes les commodités et les agréments dont il s’était, de toute évidence, efforcé de s’entourer. Mais c’est une erreur de croire que, s’ils considéraient l’existence humaine comme un temps d’épreuve et de combat et se tenaient prêts à sacrifier les biens de ce monde aux injonctions du devoir, nos graves ancêtres se faisaient un cas de conscience d’écarter les raffinements du confort ou même du luxe qu’ils trouvaient à portée. Pareils principes ne furent, en tout cas, jamais enseignés par le vénérable pasteur John Wilson, dont la barbe aussi blanche que neige s’entrevoyait derrière l’épaule du Gouverneur tandis qu’il suggérait qu’on pourrait peut-être acclimater des poires et des pêches en Nouvelle-Angleterre et faire mûrir des raisins noirs sur le mur le plus ensoleillé du jardin.
Nourri au sein abondant de l’Église d’Angleterre, le vieux clergyman avait un goût légitime et bien enraciné pour les bonnes choses d’ici-bas. Et, tout sévère qu’il pût se montrer en chaire, ou lorsqu’il réprouvait en public des agissements comme ceux d’Hester Prynne, il n’en avait pas moins conquis par la bienveillance et la jovialité qu’il laissait voir dans sa vie privée plus d’affection qu’aucun de ses contemporains dans la profession. Derrière le Gouverneur et le Révérend Wilson venaient deux autres visiteurs : le Révérend Arthur Dimmesdale, ce jeune pasteur qui avait, le lecteur s’en souviendra peut-être, joué brièvement un rôle, et d’ailleurs à son corps défendant, dans la scène de la disgrâce d’Hester Prynne et le vieux Roger Chillingworth, un Anglais très versé dans l’art de la médecine qui s’était depuis ces deux ou trois dernières années installé dans la ville. Ce docte personnage passait pour être le médecin aussi bien que l’ami du jeune pasteur dont la santé avait beaucoup souffert ces temps derniers par suite de son trop entier dévouement aux devoirs de son ministère....
(...)
The old clergyman, nurtured at the rich bosom of the English Church, had a long established and legitimate taste for all good and comfortable things; and however stern he might show himself in the pulpit, or in his public reproof of such transgressions as that of Hester Prynne, still, the genial benevolence of his private life had won him warmer affection than was accorded to any of his professional contemporaries. Behind the Governor and Mr. Wilson came two other guests; one,the Reverend Arthur Dimmesdale, whom the reader may remember, as having taken a brief and reluctant part in the scene of Hester Prynne's disgrace; and, in close companionship with him, old Roger Chillingworth, a person of great skill in physic, who for two or three years past, had been settled in the town. It was understood that this learned man was the physician as well as friend of the young minister, whose health had severely suffered, of late, by his too unreserved self-sacrifice to the labors and duties of the pastoral relation.
(..)
Le Gouverneur, précédant ses hôtes, monta deux ou trois degrés et, ouvrant la porte-fenêtre de la grande salle, se trouva tout près de la petite Pearl. L’ombre du rideau tombait sur Hester Prynne et la cachait en partie.
“What have we here?” said Governor Bellingham, looking with surprise at the scarlet little figure before him. “I profess, I have never seen the like, since my days of vanity, in old King James’s time, when I was wont to esteem it a high favor to be admitted to a court mask! There used to be a swarm of these small apparitions, in holiday-time; and we called them children of the Lord of Misrule. But how gat such a guest into my hall?”
– Qu’avons-nous ici ? dit Messire Bellingham, en regardant avec surprise la petite silhouette écarlate qui lui apparaissait. Par ma foi, je ne vis jamais rien de pareil depuis que je donnais dans les vanités, au temps du vieux roi Jacques, et tenais pour grande faveur d’être admis aux bals masqués de la Cour ! On voyait des essaims de petits personnages semblables, alors, aux jours de fête et nous avions coutume de les appeler les enfants du seigneur du Désordre. Mais comment pareil visiteur pénétra-t-il en mon logis ? ("What have we here?" said Governor Bellingham, looking with surprise at the scarlet little figure before him. "I profess, I have never seen the like since my days of vanity, in old King James's time, when I was wont to esteem it a high favor to be admitted to a court mask! There used to be a swarm of these small apparitions, in holiday-time, and we called them children of the Lord of Misrule. But how gat such a guest into my hall?")
– Or çà, s’écria le bon vieux pasteur Wilson, quel peut bien être le nom du bel oiselet à plumage rouge que voici ? Il me semble avoir vu semblables apparitions lorsque le soleil brillait à travers un vitrail richement peint et dessinait des images d’or et écarlate sur le sol. Mais ceci se passait en notre vieux pays làbas… Dis un peu qui tu es, petit personnage, et ce qui posséda ta mère de t’aller attifer de la sorte ? Sais-tu ton catéchisme ? Es-tu enfant baptisé, dis-moi ? ou un de ces coquins de petits elfes que nous croyions avoir laissé derrière nous avec les autres résidus du papisme en la bonne Vieille-Angleterre ?
– Je suis l’enfant de ma mère, répondit l’apparition, et je m’appelle Pearl.
– Pearl ? Rubis t’irais mieux ! ou Corail ! d’après ta couleur ! répondit le vieux pasteur en tentant vainement de tapoter la joue de la petite fille. Mais où ta mère est-elle donc ? Ah ! je vois !
Et, se tournant vers le Gouverneur, il murmura : « C’est ici l’enfant même dont nous nous entretînmes et voici cette malheureuse femme, Hester Prynne, sa mère.
– Que me contez-vous là ? s’écria Messire Bellingham. Eh ! nous l’eussions dû deviner que la mère d’une enfant pareille ne pouvait qu’être une femme écarlate55, ne valant guère mieux que cette autre dite Babylone ! Mais elle vient à point et nous allons régler cette affaire.
Messire Bellingham franchit le seuil de la porte-fenêtre et entra dans la salle suivi de ses hôtes.
– Hester Prynne, dit-il en fixant son regard naturellement sévère sur la porteuse de la lettre écarlate, il a été fort question de toi ces temps-ci. Il fut longuement discuté si nous autres, gens au pouvoir, ne chargions point nos consciences en confiant une âme immortelle, celle de cette enfant, ici, à la garde de quelqu’un qui ne sut éviter les embûches du monde. Parle ! Toi, la mère ! Ne crois-tu point qu’il serait bon pour le salut éternel et temporel de ton enfant qu’elle te fût enlevée pour être vêtue avec modestie, sévèrement élevée et convenablement instruite des vérités de la terre et du ciel ? Que peux-tu faire, pour ton enfant, de comparable ? ("Hester Prynne," said he, fixing his naturally stern regard on the wearer of the scarlet letter, "there hath been much question concerning thee of late. The point hath been weightily discussed, whether we, that are of authority and influence, do well discharge our consciences by trusting an immortal soul, such as there is in yonder child, to the guidance of one who hath stumbled and fallen, amid the pitfalls of this world. Speak thou, the child's own mother! Were it not, thinkest thou, for thy little one's temporal and eternal welfare, that she be taken out of thy charge, and clad soberly, and disciplined strictly, and instructed in the truths of heaven and earth? What canst thou do for the child, in this kind?")
– Je peux lui apprendre ce que m’a enseigné ceci, répondit Hester Prynne, en posant un doigt sur la lettre écarlate.
“Woman, it is thy badge of shame!” replied the stern magistrate. “It is because of the stain which that letter indicates, that we would transfer thy child to other hands.”
– Femme, c’est là le signe de ta honte ! répondit l’implacable magistrat. C’est en raison de la souillure qu’indique cette lettre que nous voulons mettre l’enfant en d’autres mains que les tiennes.
– Ce signe, dit la mère avec calme bien que pâlissant davantage, ce signe m’a enseigné, m’enseigne tous les jours, m’enseigne en cet instant même une leçon qui pourra rendre mon enfant plus sage bien que ne pouvant être d’aucun profit pour moi.
– Nous jugerons avec prudence, dit Messire Bellingham et prendrons bien garde avant de rien décider. Mon bon Révérend Wilson, voudriez-vous, s’il vous plaît, interroger cette enfant dite Pearl et voir si elle possède le savoir religieux qui convient à son âge ?
Le vieux clergyman s’assit dans un fauteuil et tenta d’attirer Pearl entre ses genoux mais l’enfant, qui n’était pas accoutumée à se laisser traiter familièrement par d’autres que par sa mère, s’échappa par la porte-fenêtre ouverte et se tint sur le premier degré de l’escalier, tel un oisillon tropical, au brillant plumage, prêt à prendre son vol au plus haut des airs. Le Révérend Wilson, non sans rester fort surpris de ces façons – car il était du genre grand-père et en général très aimé des enfants – se mit néanmoins en devoir de procéder aux interrogations qui se devaient.
“Pearl,” said he, with great solemnity, “thou must take heed to instruction, that so, in due season, thou mayest wear in thy bosom the pearl of great price. Canst thou tell me, my child, who made thee?”
– Pearl, dit-il, avec beaucoup de solennité, il te faut bien écouter et retenir ce que l’on t’apprend afin de pouvoir, le moment venu, porter sur ta poitrine une perle de grand prix. Me peux-tu dire, mon enfant, qui t’a créée et mise au monde ?
Or Pearl savait très bien qui l’avait créée et mise au monde. Hester, née de parents pieux, avait, en effet, aussitôt après avoir parlé avec l’enfant de leur Père qui était au ciel, commencé à lui apprendre ces vérités dont l’esprit humain, fût-il à peine développé encore, se laisse imprégner avec empressement. Pearl se trouvait même si avancée en instruction religieuse, pour ses trois ans, qu’elle aurait pu passer avec honneur un examen tant sur le Livre de Prières de la Nouvelle-Angleterre que sur les premiers chapitres du catéchisme de Westminster. Mais cette tendance au caprice, qui est plus ou moins le lot de tous les enfants et dont la petite Pearl avait dix parts pour une, prit possession d’elle en ce moment entre tous mal choisi, lui scellant les lèvres ou la poussant à parler de travers. Après avoir mis un doigt dans sa bouche et s’être maussadement refusée à répondre à la question du Révérend Wilson, l’enfant finit par déclarer qu’elle n’avait pas été créée du tout mais que sa mère l’avait cueillie sur le buisson de roses sauvages qui poussait contre la porte de la prison.
Cette réponse fantaisiste lui avait probablement été inspirée par le voisinage des roses rouges du Gouverneur mêlé au souvenir du rosier de la prison devant lequel la mère et la fille étaient passées le matin même en venant. Le vieux Roger Chillingworth chuchota, avec un sourire, quelque chose à l’oreille du jeune pasteur. Hester Prynne le regarda et fut frappée, même en ce moment pour elle fatidique, de voir à quel point cet homme avait changé. Son visage paraissait plus laid, son teint plus sombre, son corps plus contrefait qu’au temps où il était pour elle une présence familière. Leurs regards se croisèrent une seconde mais l’instant d’après l’attention générale était happée par la scène en cours.
“This is awful!” cried the Governor, slowly recovering from the astonishment into which Pearl’s response had thrown him. “Here is a child of three years olde, and she cannot tell who made her! Without question, she is equally in the dark as to her soul, its present depravity, and future destiny! Methinks, gentlemen, we need inquire no further.”
– Mais c’est épouvantable, s’écriait le Gouverneur revenant petit à petit de la stupeur où l’avait plongé la réponse de Pearl. Une enfant de trois ans qui ne sait pas qui l’a créée ! Sans doute aucun, elle plonge dans une obscurité aussi profonde en ce qui concerne son âme, son présent état de dépravation, le destin qui l’attend ! Il me paraît, mes bons seigneurs, inutile de nous enquérir plus avant.
Hester se saisit de Pearl et l’attira par force dans ses bras puis affronta le vieux puritain d’un air presque sauvage. Seule au monde, répudiée par le genre humain, n’ayant que cet unique trésor pour conserver son cœur en vie, elle sentait posséder envers et contre tous des droits imprescriptibles et était prête à les défendre jusqu’à la mort.
– Dieu me l’a donnée ! s’écria-t-elle. Il me l’a donnée en compensation de tout ce que vous m’avez enlevé. Pearl est mon bonheur et aussi mon tourment ! Elle me maintient en vie ! Elle est en même temps ma punition ! Ne voyez-vous donc point que la lettre écarlate, c’est elle ! Mais une lettre écarlate qui se fait aimer et qui a, par conséquent, dix millions de fois plus que l’autre le pouvoir de me faire expier ! Vous ne me la prendrez pas, je mourrai avant !
("God gave me the child!" cried she. "He gave her, in requital of all things else, which ye had taken from me. She is my happiness!--she is my torture, none the less! Pearl keeps me here in life! Pearl punishes me, too! See ye not, she is the scarlet letter, only capable of being loved, and so endowed with a million-fold the power of retribution for my sin? Ye shall not take her! I will die first!")
– Ma pauvre femme, dit le vieux pasteur qui n’était pas méchant, l’enfant sera bien soignée, bien mieux qu’il ne serait en ton pouvoir de le faire.
– Dieu m’en a donné la garde ! reprit Hester Prynne élevant la voix presque jusqu’au cri. Je ne me la laisserai point enlever !
Et, mue par une impulsion subite, elle se tourna vers le jeune clergyman sur qui il n’avait pas paru qu’elle eût jusqu’alors seulement porté ses regards.
– Parle pour moi ! s’écria-t-elle, toi qui fus mon pasteur et me connais mieux que ne me peuvent connaître ces hommes ! Je ne veux pas perdre mon enfant ! Parle pour moi ! Tu sais – car tu as une pénétration que les autres n’ont point – tu sais ce que sont les droits d’une mère et combien peuvent être plus sacrés ceux d’une mère qui n’a que son enfant et la lettre écarlate ! Prends ma défense ! ...
("God gave her into my keeping!" repeated Hester Prynne, raising her voice almost to a shriek. "I will not give her up!"--And here by a sudden impulse, she turned to the young clergyman, Mr. Dimmesdale, at whom, up to this moment, she had seemed hardly so much as once to direct her eyes.--"Speak thou for me!" cried she. "Thou wast my pastor, and hadst charge of my soul, and knowest me better than these men can. I will not lose the child! Speak for me! Thou knowest,--for thou hast sympathies which these men lack!--thou knowest what is in my heart, and what are a mother's rights, and how much the stronger they are, when that mother has but her child and the scarlet letter! Look thou to it! I will not lose the child! Look to it!"...)
"The House of the Seven Gables" (La maison aux sept pignons, 1851)
Très ancienne demeure de la Nouvelle-Angleterre, bâtie en l'an 1668 dans la ville naissante de Salem, la Maison aux Sept Pignons est devenue l'un des
premiers monument représentatif de la littérature américaine. Hawthorne y explore la culpabilité, le châtiment et l'expiation qui peut traverser toute l'histoire d'une famille : ici la famille
Pyncheon, enfermée dans sa fierté arrogante assumant de génération en génération les péchés de leurs ancêtres. La critique a depuis montré les imbrications entre l'histoire de la famille
Hawthorne et celle du célèbre Manoir. John Hathorne, l'arrière-grand-père de Nathaniel Hawthorne, était magistrat à Salem dans la dernière partie du XVIIe siècle, et a officié lors des célèbres
procès de sorcellerie qui s'y sont tenus, faisant preuve d'une sévérité particulière à l'égard d'une certaine femme qui figurait parmi les accusés : le mari de cette femme a prophétisé que Dieu
se vengerait des persécuteurs de sa femme. La formule de la malédiction proférée à l'égard de la famille Hawthorne est reprise par Matthew Maule à l'égard des Pyncheon. Au milieu des années 1600,
le fermier Matthew Maule, qui a construit une petite maison à côté d'une belle source claire dans ce qui deviendra une petite ville aisée du Massachusetts, avait été accusé de sorcellerie par le
Colonel Pyncheon, qui voulait s'emparer de sa terre. Maule fut condamné et pendu, mais, avant de mourir, lança sa malédiction à l'encontre de Pyncheon et de ses descendants. Ignorant la menace,
le colonel Pyncheon construisit une maison à sept pignons, mais mourut tragiquement et mystérieusement le jour de son inauguration. Les générations de la famille Pyncheon vont alors se succéder
dans la maison pendant un siècle et demi et vivre sous la malédiction jusqu'à ce que l'amour parvienne enfin à en triompher...
I. - The Old Pyncheon Family.
"HALFWAY down a bystreet of one of our New England towns stands a rusty wooden house, with seven acutely peaked gables, facing towards various points of the compass, and a huge, clustered chimney in the midst. The street is Pyncheon Street; the house is the old Pyncheon House; and an elm tree, of wide circumference, rooted before the door, is familiar to every town-born child by the title of the Pyncheon Elm. On my occasional visits to the town aforesaid, I seldom failed to turn down Pyncheon Street, for the sake of passing through the shadow of these two antiquities—the great elm tree and the weather-beaten edifice.
The aspect of the venerable mansion has always affected me like a human countenance, bearing the traces not merely of outward storm and sunshine, but expressive, also, of the long lapse of mortal life, and accompanying vicissitudes that have passed within. Were these to be worthily recounted, they would form a narrative of no small interest and instruction, and possessing, moreover, a certain remarkable unity, which might almost seem the result of artistic arrangement. But the story would include a chain of events extending over the better part of two centuries, and, written out with reasonable amplitude, would fill a bigger folio volume, or a longer series of duodecimos, than could prudently be appropriated to the annals of all New England during a similar period. It consequently becomes imperative to make short work with most of the traditionary lore of which the old Pyncheon House, otherwise known as the House of the Seven Gables, has been the theme. With a brief sketch, therefore, of the circumstances amid which the foundation of the house was laid, and a rapid glimpse at its quaint exterior, as it grew black in the prevalent east wind—pointing, too, here and there, at some spot of more verdant mossiness on its roof and walls—we shall commence the real action of our tale at an epoch not very remote from the present day. Still, there will be a connection with the long past—a reference to forgotten events and personages, and to manners, feelings, and opinions, almost or wholly obsolete—which, if adequately translated to the reader, would serve to illustrate how much of old material goes to make up the freshest novelty of human life. Hence, too, might be drawn a weighty lesson from the little-regarded truth that the act of the passing generation is the germ which may and must produce good or evil fruit in a fardistant time; that together with the seed of the merely temporary crop, which mortals term expediency, they inevitably sow the acorns of a more enduring growth, which may darkly overshadow their posterity.
"Dans une de nos villes de la Nouvelle-Angleterre, au bord d’une ruelle étroite, une maison de bois aux teintes rouillées ; — elle a sept pignons élancés qui font face à différents points de l’horizon ; — au centre une massive cheminée groupant plusieurs tuyaux accotés l’un à l’autre. La rue s’appelle Pyncheon-street ; la maison est l’antique Pynchcon-House, et ce grand ormeau dont le tronc puissant se dresse devant la porte est connu de tous les gamins de la ville sous le nom de l’orme-Pyncheon. Quand je traverse par hasard la ville en question, il m’arrive souvent de descendre Pyncheon-street pour passer à l’ombre de ces deux monuments archéologiques, le grand orme et la maison battue des vents. Elle a pour moi comme une physionomie humaine ; j’y retrouve en quelque sorte la trace d’une longue vie et des vicissitudes qu’elle a dû subir. Bien racontées, elles nous offriraient un récit qui ne manquerait, à coup sûr, ni d’intérêt ni d’enseignements, et dont l’unité, qui plus est, pourrait sembler le résultat d’une préconception d’artiste. Mais quel in-folio, que d’in-douze ne réclamerait-il pas ? Aussi écarterons-nous la plupart des traditions qui se rattachent à l’antique Pyncheon-House, également connue sous le titre de la Maison aux Sept-Pignons, nous bornant à rappeler dans quelles circonstances elle fut fondée, et cela pour indiquer en passant à nos lecteurs une vérité dont on tient généralement trop peu de compte. Cette vérité, la voici : l’activité de chaque génération qui passe est un germe qui, dans un avenir éloigné, peut et doit produire des fruits bons ou mauvais, — de telle sorte qu’en semant pour recueillir cette moisson immédiate dont le besoin les domine, les êtres humains déposent dans le sol de quoi faire pousser une végétation robuste, qui projettera sur le front de leurs descendants ses ombres bienfaisantes ou malsaines.
The House of the Seven Gables, antique as it now looks, was not the first habitation erected by civilized man on precisely the same spot of ground. Pyncheon Street formerly bore the humbler appellation of Maule’s Lane, from the name of the original occupant of the soil, before whose cottage door it was a cowpath. A natural spring of soft and pleasant water—a rare treasure on the sea-girt peninsula, where the Puritan settlement was made—had early induced Matthew Maule to build a hut, shaggy with thatch, at this point, although somewhat too remote from what was then the center of the village. In the growth of the town, however, after some thirty or forty years, the site covered by this rude hovel had become exceedingly desirable in the eyes of a prominent and powerful personage, who asserted plausible claims to the proprietorship of this, and a large adjacent tract of land, on the strength of a grant from the legislature. Colonel Pyncheon, the claimant, as we gather from whatever traits of him are preserved, was characterized by an iron energy of purpose. Matthew Maule, on the other hand, though an obscure man, was stubborn in the defense of what he considered his right; and, for several years, he succeeded in protecting the acre or two of earth which, with his own toil, he had hewn out of the primeval forest, to be his garden ground and homestead. No written record of this dispute is known to be in existence. Our acquaintance with the whole subject is derived chiefly from tradition. It would be bold, therefore, and possibly unjust, to venture a decisive opinion as to its merits; although it appears to have been at least a matter of doubt whether Colonel Pyncheon’s claim were not unduly stretched, in order to make it cover the small metes and bounds of Matthew Maule. What greatly strengthens such a suspicion is the fact that this controversy between two ill-matched antagonists—at a period, moreover, laud it as we may, when personal influence had far more weight than now— remained for years undecided, and came to a close only with the death of the party occupying the disputed soil. The mode of his death, too, affects the mind differently, in our day, from what it did a century and a half ago. It was a death that blasted with strange horror the humble name of the dweller in the cottage, and made it seem almost a religious act to drive the plow over the little area of his habitation, and obliterate his place and memory from among men.
Malgré son air suranné, la Maison aux Sept Pignons n’a pas été la première à occuper le sol ou elle se dresse maintenant. Il fut un temps où Pyncheon-street portait le nom plus humble de Maule’s lane, nom qu’elle tenait du premier pionnier qui eût défriché le sol et planté son cottage au bord d’une sente à bestiaux. L’existence d’une source naturelle donnant une eau pure et douce, — trésor rare dans la péninsule où s’était formé l’établissement Puritain, — avait décidé Matthew Maule à choisir cet endroit pour y élever sa chaumière au toit touffu, bien qu’il fût un peu éloigné de ce qu’on pouvait appeler à cette époque, le centre du village. Après un laps de trente ou quarante ans, la ville croissant toujours, le site occupé par cette espèce de hutte, excita la convoitise d’un éminent et puissant personnage qui, en vertu d’une concession décrété par la législature de l’État, revendiquait la propriété, non-seulement du morceau de terre occupé par Matthew Maule, mais d’une grande étendue de terrain située tout à l’entour. Ce prétendant, le colonel Pyncheon, était, d’après tout ce qu’on sait de lui, doué d’une volonté de fer. Matthew Maule, en revanche, s’entêta, malgré son obscurité, à défendre ce qu’il regardait comme son droit ; et pendant plusieurs années il réussit à garantir de l’invasion ce lambeau de terre (un are ou deux) qu’il avait détaché de la forêt-vierge, pour en faire l’emplacement de sa demeure et de son jardin. Sur ce procès il ne reste aucun document écrit. Tout ce qu’on en sait est de tradition. Il serait donc téméraire, peut-être injuste, de se prononcer définitivement sur les droits respectifs des parties. Tout au plus pouvons-nous légitimement soupçonner que le colonel Pyncheon étendait quelque peu au delà de ses véritables limites, la concession qu’il avait obtenue, afin d’y comprendre la modeste propriété de Matthew Maule. Ce qui semblerait le prouver, c’est que, malgré l’inégalité sociale des deux antagonistes, et bien qu’ils vécussent à une époque où l’influence personnelle était bien autrement puissante que nous ne la voyons maintenant, le litige dura plusieurs années et ne fut terminé que par la mort de l’une des deux parties, celle qui occupait le sol disputé. Cette mort ne s’offre pas à nous avec les mêmes caractères qu’elle eut pour nos devanciers. À un siècle et demi de distance, on ne voit pas les choses du même œil, et nous n’éprouvons à aucun degré l’horreur flétrissante qui s’attacha naguère à l’humble nom de l’infortuné cottager, — qui fit regarder comme un acte religieux de passer la charrue sur le sol de son habitation — et voua sa mémoire à un prompt oubli.
Old Matthew Maule, in a word, was executed for the crime of witchcraft. He was one of the martyrs to that terrible delusion, which should teach us, among its other morals, that the influential classes, and those who take upon themselves to be leaders of the people, are fully liable to all the passionate error that has ever characterized the maddest mob. Clergymen, judges, statesmen—the wisest, calmest, holiest persons of their day—stood in the inner circle round about the gallows, loudest to applaud the work of blood, latest to confess themselves miserably deceived. If any one part of their proceedings can be said to deserve less blame than another, it was the singular indiscrimination with which they persecuted not merely the poor and aged, as in former judicial massacres, but people of all ranks; their own equals, brethren, and wives. Amid the disorder of such various ruin, it is not strange that a man of inconsiderable note, like Maule, should have trodden the martyr’s path to the hill of execution almost unremarked in the throng of his fellow sufferers. But, in after days, when the frenzy of that hideous epoch had subsided, it was remembered how loudly Colonel Pyncheon had joined in the general cry, to purge the land from witchcraft; nor did it fail to be whispered that there was an invidious acrimony in the zeal with which he had sought the condemnation of Matthew Maule. It was well known that the victim had recognized the bitterness of personal enmity in his prosecutor’s conduct towards him, and that he declared himself hunted to death for his spoil.
At the moment of execution—with the halter about his neck, and while Colonel Pyncheon sat on horseback, grimly gazing at the scene—Maule had addressed him from the scaffold, and uttered a prophecy, of which history, as well as fireside tradition, has preserved the very words. “God,” said the dying man, pointing his finger, with a ghastly look, at the undismayed countenance of his enemy, “God will give him blood to drink!
Le vieux Matthew Maule, pour tout dire en un mot, fut exécuté comme « sorcier, » et son martyre, entre autres vérités morales, met en lumière la responsabilité des classes influentes, sujettes par malheur aux mêmes passions que la plus folle multitude. Prêtres, magistrats, hommes d’État, — les plus sages, les plus pacifiques, les plus saints personnages de leur temps — vinrent faire cercle autour de la potence, et, après avoir applaudi plus haut que tous l’œuvre de sang, furent les derniers de tous à confesser l’effroyable illusion dont ils avaient été dupes. Quand ils en furent là, lorsque fut apaisée la frénésie de cette hideuse époque où la persécution avait sévi indifféremment sur toutes les classes, où le supplice de Maule n’avait été qu’un épisode tragique perdu dans la foule de semblables événements, on se souvint que le colonel Pyncheon avait mis un acharnement singulier dans ses anathèmes contre « la sorcellerie, » dans ses réclamations pour qu’on en purgeât le pays ; on se rappela tout bas le zèle qu’il avait mis à faire condamner Matthew Maule, zèle un peu suspect, il faut bien le dire, et dont la victime elle-même semblait avoir deviné les motifs secrets. Au moment de l’exécution, — la corde autour du cou et tandis que le colonel Pyncheon, du haut de son cheval, jetait un regard sombre sur cette scène tragique, — Maule l’apostropha du haut de l’échafaud et articula ces paroles prophétiques, conservées par l’histoire du temps aussi bien que par les traditions du foyer : — « Dieu lui donnera du sang à boire ! » s’écria le condamné désignant du doigt, par un geste sinistre, son ennemi un moment déconcerté.
After the reputed wizard’s death, his humble homestead had fallen an easy spoil into Colonel Pyncheon’s grasp. When it was understood, however, that the Colonel intended to erect a family mansion—spacious, ponderously framed of oaken timber, and calculated to endure for many generations of his posterity—over the spot first covered by the log-built hut of Matthew Maule, there was much shaking of the head among the village gossips. Without absolutely expressing a doubt whether the stalwart Puritan had acted as a man of conscience and integrity throughout the proceedings which have been sketched, they, nevertheless, hinted that he was about to build his house over an unquiet grave. His home would include the home of the dead and buried wizard, and would thus afford the ghost of the latter a kind of privilege to haunt its new apartments, and the chambers into which future bridegrooms were to lead their brides, and where children of the Pyncheon blood were to be born. The terror and ugliness of Maule’s crime, and the wretchedness of his punishment, would darken the freshly plastered walls, and infect them early with the scent of an old and melancholy house. Why, then—while so much of the soil around him was bestrewn with the virgin forest leaves— why should Colonel Pyncheon prefer a site that had already been accursed?
Après la mort de ce prétendu sorcier, le colonel Pyncheon n’eut pas grand’peine à se faire adjuger ses dépouilles. Mais lorsque le bruit se répandit qu’il voulait faire construire un hôtel, — un hôtel spacieux et solide, en beau bois de chêne, fait pour abriter mainte et mainte génération, — sur l’emplacement occupé jadis par la misérable hutte de troncs d’arbres que Matthew Maule s’était construite, on ne parla guère de cette résolution, dans les commérages de la petite ville, qu’à voix basse et en secouant la tête. Sans mettre précisément en doute la conscience et l’intégrité de l’austère puritain, on le trouvait imprudent de bâtir sa maison sur une tombe sans repos : le fantôme du supplicié aurait ainsi une espèce de droit sur les appartements nouveaux, sur les chambres où les fiancés à venir conduiraient leurs jeunes femmes et où devaient naître les enfants issus du sang des Pyncheon. Dans le plâtre frais des murailles se glisserait la subtile infection de la demeure souillée qu’on allait ainsi remplacer. Et pourquoi, — sur ce sol dont une si grande partie était encore couverte par les feuilles amoncelées de la forêt séculaire, — pourquoi choisir un site déjà frappé de malédiction ?
But the Puritan soldier and magistrate was not a man to be turned aside from his well-considered scheme, either by dread of the wizard’s ghost or by flimsy sentimentalities of any kind, however specious. Had he been told of a bad air, it might have moved him somewhat; but he was ready to encounter an evil spirit on his own ground. Endowed with common sense, as massive and hard as blocks of granite, fastened together by stern rigidity of purpose, as with iron clamps, he followed out his original design, probably without so much as imagining an objection to it. On the score of delicacy, or any scrupulousness which a finer sensibility might have taught him, the Colonel, like most of his breed and generation, was impenetrable. He, therefore, dug his cellar, and laid the deep foundations of his mansion, on the square of earth whence Matthew Maule, forty years before, had first swept away the fallen leaves. It was a curious and, as some people thought, an ominous fact that, very soon after the workmen began their operations, the spring of water, above mentioned, entirely lost the deliciousness of its pristine quality. Whether its sources were disturbed by the depth of the new cellar, or whatever subtler cause might lurk at the bottom, it is certain that the water of Maule’s Well, as it continued to be called, grew hard and brackish. Even such we find it now; and any old woman of the neighborhood will certify that it is productive of intestinal mischief to those who quench their thirst there. The reader may deem it singular that the head carpenter of the new edifice was no other than the son of the very man from whose dead gripe the property of the soil had been wrested...
Mais ni la crainte d’un fantôme, ni aucunes puériles considérations de sentiment, si spécieuses qu’elles pussent être, ne devaient faire dévier de sa route tracée à l’avance, le soldat, le magistrat puritain. Son bon sens, massif et dur, — fait en quelque sorte de blocs de granit, que rattachaient entre eux, comme autant de crampons de fer, des résolutions invariables, — devait lui faire rejeter toute objection au dessein qu’il poursuivait depuis si longtemps. Il creusa donc son cellier et posa les fondements de son hôtel, sur ce même carré de terre que Matthew Maule, quarante ans auparavant, avait déblayé le premier. Une circonstance curieuse et de mauvais augure, au dire de bien des gens, c’est que la source dont nous avons parlé, renommée pour la fraîche suavité de ses eaux, perdit ce mérite essentiel. Soit qu’on en eût troublé le cours en creusant les caves profondes, soit pour quelque autre cause moins facile à expliquer, il est certain que l’eau de « la source de Maule, » — on continuait à l’appeler ainsi, — devint tout à coup dure et saumâtre. Elle l’est encore aujourd’hui, ainsi que vous l’attesteront au besoin maintes vieilles commères du voisinage. Par une autre bizarrerie que nous devons signaler à nos lecteurs, le maître charpentier choisi pour diriger les travaux du nouvel édifice, fut précisément le fils de l’homme à qui avait été arrachée la propriété du terrain, et que la mort seule avait forcé à s’en dessaisir ...
La majestueuse mais pauvre Hepzibah Pyncheon prend possession de la maison et tente de soutenir son frère Clifford qui a récemment été libéré de prison et qui est maintenant déprimé et envisage de se suicider. Alors que la dépression de Clifford s'aggrave, Hepzibah ouvre une petite boutique dans la maison et engage sa jolie cousine de 17 ans, Phoebe, qui emménage et reprend la boutique et en fait un succès. Elle remonte également le moral de Clifford et apporte un peu de bonheur dans la maison. Hepzibah a également loué le grenier à M. Holgrave, un daguerréotypiste qui, à l'insu de tous, est un descendant de Matthew Maule qui a été escroqué par le colonel Pyncheon du terrain sur lequel la maison a été construite. Holgrave écrit une histoire sur Alice Pyncheon, une beauté dont on pense que le fantôme hante la maison Pyncheon. Holgrave est tombé amoureux de Phoebe et lui lit son histoire sur Alice Pyncheon. Phoebe part visiter sa maison à la campagne et Hepzibah et le cousin de Clifford, le juge Pyncheon, se présentent et menacent de faire interner Clifford dans un asile d'aliénés à moins que ce dernier ne lui remette un acte légendaire de terre que la famille est censée posséder dans le Maine. Avant que cette affaire ne puisse être résolue, le juge Pyncheon est retrouvé mort dans le même fauteuil que le colonel Pyncheon, lui aussi retrouvé mort. Hepzibah et Clifford sont tous deux disculpés, les romances se terminent, et tout le monde quitte la maison pour commencer une nouvelle vie à la campagne....
La Maison des Sept Pignons sert à bien des égards d’expiation à Hawthorne, sa purge de la honte et de la tristesse qu’il ressentait pour descendre d’un homme qui, jusqu’à son dernier jour, n’a jamais regretté le rôle qu’il a joué dans la pendaison de dix-neuf personnes comme sorcières en 1692....
(XV - The Scowl and Smile)
"SEVERAL days passed over the Seven Gables, heavily and drearily enough. In fact (not to attribute the whole gloom of sky and earth to the one inauspicious circumstance of Phoebe’s departure), an easterly storm had set in, and indefatigably applied itself to the task of making the black roof and walls of the old house look more cheerless than ever before. Yet was the outside not half so cheerless as the interior. Poor Clifford was cut off, at once, from all his scanty resources of enjoyment. Phoebe was not there; nor did the sunshine fall upon the floor. The garden, with its muddy walks, and the chill, dripping foliage of its summerhouse, was an image to be shuddered at. Nothing flourished in the cold, moist, pitiless atmosphere, drifting with the brackish scud of sea breezes, except the moss along the joints of the shingle roof, and the great bunch of weeds, that had lately been suffering from drought, in the angle between the two front gables.
As for Hepzibah, she seemed not merely possessed with the east wind, but to be, in her very person, only another phase of this gray and sullen spell of weather—the east wind itself, grim and disconsolate, in a rusty black silk gown, and with a turban of cloud wreaths on its head. The custom of the shop fell off, because a story got abroad that she soured her small beer and other damageable commodities, by scowling on them. It is, perhaps, true that the public had something reasonably to complain of in her deportment; but towards Clifford she was neither ill-tempered nor unkind, nor felt less warmth of heart than always, had it been possible to make it reach him. The inutility of her best efforts, however, palsied the poor old gentlewoman. She could do little else than sit silently in a corner of the room, when the wet pear-tree branches, sweeping across the small windows, created a noonday dusk, which Hepzibah unconsciously darkened with her woebegone aspect. It was no fault of Hepzibah’s. Everything—even the old chairs and tables, that had known what weather was for three or four such lifetimes as her own—looked as damp and chill as if the present were their worst experience. The picture of the Puritan Colonel shivered on the wall. The house itself shivered, from every attic of its seven gables, down to the great kitchen fireplace, which served all the better as an emblem of the mansion’s heart, because, though built for warmth, it was now so comfortless and empty. Hepzibah attempted to enliven matters by a fire in the parlor. But the storm demon kept watch above, and, whenever a flame was kindled, drove the smoke back again, choking the chimney’s sooty throat with its own breath.
Plusieurs jours s’écoulèrent assez tristement pour les habitants des Sept Pignons. Le départ de Phœbé était sans doute le motif principal, mais non pas la cause unique de cette tristesse. Le vent d’Est s’était levé ; la pluie tombait à torrents. Le jardin avec ses allées boueuses, ses feuillages fléchissants, sa tourelle ruisselant d’eau, présentait un aspect sinistre. Le pauvre Clifford, qui ne voyait plus ni Phœbé, ni le soleil, avait perdu à la fois toutes ses conditions de bien-être. Quant à Hepzibah, sous l’influence de ce vent aigre et salé, on l’eût prise pour la personnification du mauvais temps, ou pour le vent d’Est lui-même, — triste et monotone, dans sa robe de soie rougie — et coiffé d’un turban de vapeurs nuageuses. Le public s’éloignait peu à peu du magasin, où on prétendait que les regards de la vieille fille faisaient tourner la bière et endommageaient diverses autres marchandises sujettes à s’aigrir. Mais si le public avait à se plaindre, elle n’en était pas moins, vis-à-vis de Clifford, aussi tendre, aussi affectueuse que jamais. Par malheur, l’inutilité de ses efforts pour lui complaire semblait l’avoir paralysée à la longue. Elle ne savait guère que s’asseoir silencieusement à côté de lui et assombrir, en quelque sorte, le peu de jour que les rameaux mouillés du poirier laissaient arriver jusqu’aux étroites fenêtres. Du reste, il n’y avait pas de sa faute. Tout dans la maison avait le même aspect humide et glacé. Le portrait du Colonel puritain frissonnait sur le mur. La maison elle-même tremblait du haut en bas, — et des sept pointes de ses Pignons jusqu’à la grande cheminée de la cuisine où le feu ne s’allumait plus.
Nevertheless, during four days of this miserable storm, Clifford wrapped himself in an old cloak, and occupied his customary chair. On the morning of the fifth, when summoned to breakfast, he responded only by a brokenhearted murmur, expressive of a determination not to leave his bed. His sister made no attempt to change his purpose. In fact, entirely as she loved him, Hepzibah could hardly have borne any longer the wretched duty—so impracticable by her few and rigid faculties—of seeking pastime for a still sensitive but ruined mind, critical and fastidious, without force or volition. It was, at least, something short of positive despair that, today, she might sit shivering alone, and not suffer continually a new grief, and unreasonable pang of remorse, at every fitful sigh of her fellow sufferer.
But Clifford, it seemed, though he did not make his appearance belowstairs, had, after all, bestirred himself in quest of amusement. In the course of the forenoon, Hepzibah heard a note of music, which (there being no other tuneful contrivance in the House of the Seven Gables) she knew must proceed from Alice Pyncheon’s harpsichord. She was aware that Clifford, in his youth, had possessed a cultivated taste for music, and a considerable degree of skill in its practice. It was difficult, however, to conceive of his retaining an accomplishment to which daily exercise is so essential, in the measure indicated by the sweet, airy, and delicate, though most melancholy strain that now stole upon her ear. Nor was it less marvelous that the long-silent instrument should be capable of so much melody. Hepzibah involuntarily thought of the ghostly harmonies, prelusive of death in the family, which were attributed to the legendary Alice. But it was, perhaps, proof of the agency of other than spiritual fingers that, after a few touches, the chords seemed to snap asunder with their own vibrations, and the music ceased. But a harsher sound succeeded to the mysterious notes..."
Quatre jours durant, en dépit de ce temps désastreux, Clifford, enveloppé dans un vieux manteau, vint occuper son grand fauteuil habituel. Mais dans la matinée du cinquième, invité à descendre pour le déjeuner, il ne répondit que par un murmure découragé, manifestant ainsi sa résolution de ne pas quitter le lit. Sa sœur n’essaya pas de réagir contre cette volonté bien arrêtée. Au fait, avec quelque dévouement qu’elle l’aimât, Hepzibah se sentait plier sous le rude travail, — si peu fait pour sa rigide nature, — de chercher des passe-temps à une intelligence comme celle de Clifford, sensible, mais débile, critique et dédaigneuse, sans force ni vouloir. Ce lui était un soulagement d’avoir froid toute seule, de s’ennuyer toute seule, et de se soustraire aux remords aigus qu’éveillait en elle chaque bâillement de son capricieux compagnon de souffrances.
Clifford, cependant, encore qu’il se fût refusé à descendre, finit par se mettre en quête de distractions. Dans le courant de la matinée, Hepzibah l’entendit promener ses doigts sur le vieux clavecin d’Alice Pyncheon. Son étonnement fut grand, bien qu’elle connût ses dispositions natives pour la musique, de voir qu’il jouait encore à merveille, après tant d’années où aucune occasion n’avait existé pour lui de cultiver un art si facile à oublier. Et cet instrument, muet depuis tant d’années, comment avait-il pu en tirer ces aériennes et plaintives mélodies ? Hepzibah ne put s’empêcher de songer à ces airs légendaires par lesquels la défunte Alice préludait, suivant une tradition populaire, au glas funèbre de chaque membre de la famille. Mais il est probable que les doigts sous lesquels gémissait le clavecin n’étaient pas ceux d’un fantôme, car, après quelques accords, les cordes vibrantes parurent se rompre, et la musique cessa. Aux notes mystérieuses succéda un son de mauvais augure..."
"The Marble Faun, Or, The Romance of Monte Beni" (Le Faune de marbre, 1860)
La Lettre écarlate avait posé le problème du péché et des réactions, devant le mal, de la société puritaine. Le Faune de marbre, le plus populaire des
romans de Hawthorne, reprend et approfondit ce thème. L'Italie du XIXe siècle offre à Hawthorne le contexte dans lequel se détache avec une sombre grandeur la tragédie qui oppose Miriam,
Donatello, image vivante du Faune de Praxitèle, Kenyon, le sculpteur américain, et Hilda, la pré-raphaëlite gardienne de colombes. C'est l'un des premiers romans à explorer l'influence des idées
culturelles européennes sur la morale des expatriés américains, on pense à The Innocents Abroad, de Mark Twain et à The Portrait of a Lady, de Henry James. Hawthorne semble se plaire à fourvoyer
les âmes pures sur la route du Malin...
CHAPTER I - MIRIAM, HILDA, KENYON, DONATELLO
"Four individuals, in whose fortunes we should be glad to interest the reader, happened to be standing in one of the saloons of the sculpture‐gallery in the Capitol at Rome. It was that room (the first, after ascending the staircase) in the centre of which reclines the noble and most pathetic figure of the Dying Gladiator, just sinking into his death‐swoon. Around the walls stand the Antinous, the Amazon, the Lycian Apollo, the Juno; all famous productions of antique sculpture, and still shining in the undiminished majesty and beauty of their ideal life, although the marble that embodies them is yellow with time, and perhaps corroded by the damp earth in which they lay buried for centuries. Here, likewise, is seen a symbol (as apt at this moment as it was two thousand years ago) of the Human Soul, with its choice of Innocence or Evil close at hand, in the pretty figure of a child, clasping a dove to her bosom, but assaulted by a snake.
From one of the windows of this saloon, we may see a flight of broad stone steps, descending alongside the antique and massive foundation of the Capitol, towards the battered triumphal arch of Septimius Severus, right below. Farther on, the eye skirts along the edge of the desolate Forum (where Roman washerwomen hang out their linen to the sun), passing over a shapeless confusion of modern edifices, piled rudely up with ancient brick and stone, and over the domes of Christian churches, built on the old pavements of heathen temples, and supported by the very pillars that once upheld them. At a distance beyond‐‐yet but a little way, considering how much history is heaped into the intervening space‐‐rises the great sweep of the Coliseum, with the blue sky brightening through its upper tier of arches. Far off, the view is shut in by the Alban Mountains, looking just the same, amid all this decay and change, as when Romulus gazed thitherward over his half finished wall..."
Jonathan Eastman Johnson (1824-1906)
"Self Portrait", 1863, Art Institute of Chicago - Portraitiste de la bourgeoisie bostonienne (Dolley Madison, 1846, Cambridge, Mass., Fogg Art Museum) et
célèbre peintre de genre, Jonathan Eastman Johnson, né à Lovell, dans le Maine, a grandi dans la ville voisine de Fryeburg. Après avoir séjourné à Washington, D.C. puis à Boston, il part en
Europe en 1889 pour parfaire son éducation artistique : Düsseldorf, dans l'atelier d'Emanuel Leutze, Londres, La Haye. Sa formation européenne se termine par plusieurs mois passés dans l'atelier
parisien de Thomas Couture avant que la mort de sa mère ne le ramène chez lui en 1855. De retour aux États-Unis, ce sont les sujets typiquement américains qui retiennent son attention, Indiens,
Noirs, paysans, grands paysages ruraux : "Canoe of Indians" (1857, musée de Duluth, Minnesota), "Life in the South" (1859, New York, Historical Society), "Corn Husking" (1860, Syracuse, New York,
Everson Museum of Art), "A Ride for Freedom - The Fugitive Slaves" (1862, Brooklyn Museum). Il participe ainsi avec ses oeuvres à valoriser une Nouvelle-Angleterre célèbre pour son passé
colonial, son littoral atlantique, son feuillage d'automne, et dont le puritanisme quitte le rivage...
Mais il ajouta à son répertoire des scènes d'intérieurs reflétant avec virtuosité la bourgeoisie triomphante : "The Blodgett Family" (1864), "The Hatch Family" (1871, Metropolitan Museum), "la Discussion d'affaires" (1881, Metropolitan Museum), "The Brown Family" (1869)...
Johnson se consacra par la suite progressivement à un genre d'intimité plus singulier, des tranches de vie où cohabitent souvent les deux mondes, Amérique traditionnelle et Nouveau Monde du paraître et du consumérisme : "Sunday Morning" (1866), "New England Kitchen" (1863), "The New Bonnet" (1876, Metropolitan Museum of Art, New York), " Boy on a Stool" (1867), "The Toilet" (1873, Washington, Corcoran Gal.), "Not at Home" (1872-1880, New York, Brooklyn Museum), "The Little Convalescent" (1872-1880, Museum of Fine Arts, Boston), "The Old Stage Coach" (1871, Milwaukee Art Museum), "Bo Peep" (1872), "Not at Home" (1873), "Susan Ray's Kitchen - Nantucket" (1875, Addison Gallery of American Art , Andover). Au cours des années 1870, Johnson a trouvé l'inspiration à Nantucket, une île du Massachusetts qui a préservé des traditions américaines, à distance des bouleversements qui agitaient tout le pays (1887, The Nantucket School of Philosophy,Walters Art Museum, Baltimore). Il passera le reste de sa vie à peindre les portraits de personnages éminents de la ville de New York, où il meurt en 1906...