Alessandro Manzoni (1785-1873) - Massimo d'Azeglio (1798-1866) - Giuseppe Verdi (1813-1901) - Cammarano Michele (1835-1920) - Gerolamo Induno (1825-1890) - Giovanni Fattori (1825-1908) - Silvestro Lega (1826-1895) - Telemaco Signorini (1835-1901) - Giovanni Verga (1840-1922) - Giacomo Puccini (1858-1924) - ...
Last Update : 11/11/2016
Risorgimento et construction de l'unité italienne (1858-1871)
Camillo Benso, comte de Cavour (1810-1861), ministre de Victor-Emmanuel II, roi de Piémont-Sardaigne, modernise le royaume et insère le Piémont dans le jeu des puissances européennes alors en conflit, la Prusse, l'Autriche , la France. Avant de mourir, il saura manipuler Garibaldi et ses révoltés de Sicile pour étendre l'autorité du Piémont sur l'Italie du Centre et du Sud. Ses successeurs rattacheront Venise en 1866 et Rome en 1870. Cavour fonde en 1847 un journal appelé Il Risorgimento. Le "Risorgimento" correspond à cette période durant laquelle les Italiens se révoltent contre l'Empire d'Autriche (1848-1849), et passent d'une prise de conscience politique et morale du sentiment national à la constitution effective d'un Royaume d’Italie le 17 mars 1861. C'est au travers de la littérature, de la peinture et de la musique, que le peuple italien va construire sa conscience nationale, aidé en cela par le romantisme qui a saisi toute l'Europe. L'Allemagne vit, à la même époque, une expérience quelque peu similaire, ainsi que la Scandinavie ...
Les peintres du Risorgimento que sont Cammarano Michele (1835-1920) et Gerolamo Induno (1825-1890) participeront activement à la libération de leur nation : Gerolamo Induno participe aux émeutes anti-autrichiennes de 1848, puis à la défense de Rome, assiégée par l'armée française, accompagne Giuseppe Garibaldi dans sa campagne de 1859 et fut le peintre de l'Expédition des Mille. Michele Cammarano s'enrôle en 1860 dans la Guardia Nazionale de Giuseppe Garibaldi.
Leurs oeuvres sont fascinantes de réalisme : "I bersaglieri lombardi e i lancieri della morte trasportano Luciano Manara gravemente ferito a villa Spada" (1850), "La Trasteverina uccisa da una bomba" (1850, Gerolamo Induno), "L’imbarco dei Mille da Quarto" (1860, Gerolamo Induno), "I bersaglieri alla presa di Porta Pia" (1871, Michele Cammarano, Napoli, Museo di Capodimonte), "La partenza dei coscritti nel 1866" (1878, Gerolamo Induno) ...
Il est d'usage d'attribuer un rôle déterminant à la littérature italienne du XIXe siècle dans la diffusion du "Risorgimento" en tant que mouvement intellectuel, mais, davantage encore, comme idéologie nationale, depuis Alessandro Manzoni (1785-1873, "Les Fiancés", 1827), tels Massimo d'Azeglio (1798-1866), qui développe le sentiment national dans de nombreux romans historiques et essais ("Gli ultimi casi di Romagna, 1846), Francesco De Sanctis (1817-1883), auteur de la première " Histoire de la littérature italienne" (Storia della letteratura italiana, 1870-1871), ou Carlo Collodi (1826-1890), le célèbre auteur des "avventure di Pinocchio. Storia di un burattino" (1883). Contribuèrent aussi tous ces romantiques européens qui soutinrent tout au long du XIXe siècle la singularité et l'unité culturelle d'une Italie alors politiquement morcelée : Goethe, Stendhal, Byron...
Mais plus encore, c'est bien l'opéra qui va progressivement élaborer le "verbe" de cette prise de conscience italienne, dont le célèbre « Va, pensiero » est un premier aboutissement : ce chœur, extrait de Nabucco de Verdi, composé en 1842, vingt ans avant l'unification italienne, permets aux Lombards de s'identifier aux Hébreux prisonniers des Babyloniens, hymne national avant la lettre, avec des vers ciselés, d'après le « Psaume 137 », par le poète Temistocle Solera.
Va, pensiero
Va, pensiero, sull'ali dorate;
va, ti posa sui clivi, sui colli
ove olezzano tepide e molli
l'aure dolci del suolo natal!
Del Giordano le rive saluta,
di Sionne le torri atterrate.
Oh, mia patria sì bella e perduta!
Oh, membranza sì cara e fatal!
Arpa d'or dei fatidici vati,
perché muta dal salice pendi?
Le memorie nel petto raccendi,
ci favella del tempo che fu!
O simile di Solima ai fati
traggi un suono di crudo lamento,
o t'ispiri il Signore un concento
che ne infonda al patire virtù!
Va, pensée
Va, pensée, sur tes ailes dorées ;
Va, pose-toi sur les pentes, sur les collines,
Où embaument, tièdes et suaves,
Les douces brises du sol natal !
Salue les rives du Jourdain,
Les tours abattues de Sion ...
Oh ma patrie si belle que j'ai perdue !
Ô souvenir si cher et si fatal !
Harpe d'or des devins fatidiques,
Pourquoi pends-tu, muette, aux branches du saule ?
Ranime dans nos cœurs les souvenirs,
Parle-nous du temps passé !
Ou bien, similaires au destin de Solime
Fais entendre quelques tristes complaintes,
Sinon, que le Seigneur t'inspire une harmonie
Qui nous donne le courage de supporter nos souffrances !
Gioacccchino Rossini (1792-1868), qui inaugure ce mouvement d'extraordinaire inventivité musicale de l'opéra italien avec "L'Italiana in Algeri" (1813), "Il Barbiere di Siviglia" (1816), "La Cenerentola" (1817), reste encore à l'écart de cette politique italienne alors morcelée ou annexée partiellement par l'Autriche. Pourtant, dans son dernier opéra, "Guillaume Tell" (1829), Rossini tente de montrer qu'il est capable d'écrire une épopée politique, et cette oeuvre, à la fois française et italienne, créée à Paris, met fortement en valeur le thème de la lutte contre l'oppression.
Vincenzo Bellini (1801-1835) évite lui aussi les questions tant religieuses que politiques, aidé en cela par le librettiste milanais Felice Romani, avec qui il produit "I Capuleti e I Montecchi" (1830), "La Sonnambula" (1831) et "Norma" (1831).
Gaetano Donizetti (1797-1848), le compositeur de "L'Elisir d'Amore" (1832) et de "Lucia di Lammermoor" (1835), va, quant à lui, contourner la censure en situant ses opéras les plus politiques dans l'Angleterre protestante ("Anna Bolena, 1830), mais face aux interdictions ("Maria Stuarda", 1834) du roi de Naples se voit contraint de rejoindre Rossini à Paris.
Avec Giuseppe Verdi (1813-1901), l'évolution est considérable. La Scala de Milan devient le temple de l'opéra italien et Verdi y trouve la consécration avec son premier opéra, "Oberto" (1839). Ensuite passe de mode le fameux "bel canto" de ses prédécesseurs, caractérisé certes par une richesse mélodique extraordinaire, mais qui imposait un stéréotype trop contraignant pour les évolutions futures, la fameuse tension dramatique traduite par des explosions de virtuosité. Avec son talent naturel pour les mélodies obsédantes, sa capacité à créer des personnages incarnant les thèmes universels de l'amour, de l'honneur, du pouvoir, de la cupidité, de la trahison, de la mort, Verdi devient en 1842 un symbole nationaliste incontournable.
L'opéra italien poursuit son cheminement avec le "vérisme" d'un Pietro Mascagni ("Cavalleria Rusticana", 1889) ou d'un Ruggero Leoncavallo ("I Pagliacci", 1892), mais c'est avec Giacomo Puccini (1858-1924) que s'achève un cycle exceptionnel de l'histoire de la musique et que l'Italie entre définitivement dans l'histoire culturelle de ce monde. Entre-temps, elle est devenue une culture, un état, à part entière.
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Compositeur le plus célèbre de l'histoire de l'opéra, Giuseppe Verdi, loin d'être un activiste politique, est devenu un symbole du Risorgimento et incarne
quelque part la nation italienne à lui seul. Né près de Busseto, dans le nord de l'Italie, il présente en 1839 son premier opéra, "Oberto", à la Scala de Milan. Mais la tragédie fait irruption
dans sa vie, il perd ses deux enfants puis sa femme en 1840. Il n'écrira plus d'autre opéra bouffe jusqu'à Falstaff, cinquante ans plus tard. C'est avec "Nabucco" en 1842 qu'il se place d'emblée
au sommet de l'opéra italien, Rossini s'étant retiré, Bellini décédé, Donizetti installé à Paris. Durant les dix-sept années qui suivent, il va composer vingt opéras pour les théâtres d'Italie,
de Londres et de Paris. C'est d'ailleurs à Paris qu'il épouse en 1859 la soprano Giuseppina Strepponi, qui avait alors joué dans Nabuco cinq ans auparavant. Verdi n'a pas révolutionné l'opéra
comme un Wagner, ou un Puccini, mais ses oeuvres populaires et romantiques comme "Rigoletto", "Il trovatore", "La Traviata" sont des drames de chair et de sang, sombres, soutenus par des choeurs
amples et des mélodies inoubliables exploitant toutes les possibilités de la voix humaine.
(Giovanni Boldini, Ritratto di Giuseppe Verdi, 1886, Galleria d'Arte Moderna)
"Nabucco" (1842) - Cet opéra en 4 tableaux, sur un livret de Témistocle Solera, créé le 9 mars 1842 au Teatro alla Scala de Milan, s'inspire de l'épisode biblique de la captivité des juifs à Babylone, dans une imposante distribution de solistes et de choristes. Son air le plus mémorable, "Va, pensiero" est un choeur chanté à l'unisson. "L'intérieur du temple de Salomon - Des Juifs, Lévites et vierges juives déplorent la défaite que vient de leur infliger Nabuchodonosor, Zacharie, grand prêtre entre, amenant parmi eux Phenena, fille de Nabuchodonosor, qu'il retient en otage. Il exhorte ses frères et leur rappelle qu'il leur reste ainsi un espoir. Ismaël, neveu de Sedecias, roi de Jérusalem, survient pour leur annoncer que l'ennemi approche et que Zacharie conjure Jéhovah de disperser les hordes d'envahisseurs assyriens. Il charge Ismaël de garder Phenena. Restés seuls, les deux jeunes gens se redisent leur amour ; ils s'étaient connus à Babylone où Ismaël avait été envoyé en qualité d'ambassadeur, et plus tard, lorsqu'il avait été jeté en prison, Phenena l'avait aidé à recouvrer sa liberté, Ismaël espère pouvoir en faire autant d'elle. Ils son interrompu par l'arrivée d'Abigaïl, une esclave qui passe pour la fille aînée de Nabuchodonosor, suivie d'une troupe de Babyloniens déguisés en Juifs....."
Les "Anni di galera" (1844-1849) - Convaincu qu'il a maintenant trouvé son style – son opéra suivant, "I Lombardi alla prima Crociata" (1843),
après avoir été menacé de censure par la police autrichienne, est encore accueilli plus chaleureusement. Verdi partage alors son temps entre la composition et l'exploitation de son répertoire. Il
fait représenter "Ernani" (1844) et "Attila" (1846) à Venise, "I Due Foscari" (1844) et "La Battaglia di Legnano" (1849) à Rome, "Giovanna d'Arco" (1845) à Milan, "Alzira" (1845) à Naples,
"Macbeth" (1847) à Florence et "Il Corsaro" (1848) à Trieste.
En 1849, il s'installe avec elle dans sa propriété de Sant'Agata, non loin de Busseto, où il va mener de front sa carrière de compositeur et la vie
d'un gentilhomme campagnard. Après les bouleversements de 1848 et la défaite de Novare, qui a provoqué l'abdication de Charles-Albert en faveur de son fils Victor-Emmanuel II, la paix avec
l'Autriche ramène une période d'apaisement. Son opéra "Luisa Miller" (1849) annonce une conception plus sereine du drame lyrique.
"Macbeth" (1847) est un des plus inventif de ses opéras. Le drame repose ici sur Macbeth et lady Macbeth , avec en point d'orgue leur duo de
premier acte et la scène de somnambulisme de lady Macbeth au quatrième acte. Ecosse, XIe siècle, des sorcières prédisent que Macbeth deviendra comte de Cawdor et roi d'Ecosse, et que Banquo
engendrera une très longue lignée de rois.. Lorsque Macbeth se voit accorder le titre du rebelle Cawdor, lady Macbeth oblige son mari à tuer le roi Duncan ...
En 1850, Verdi sort de ses années de "travaux forcés", n'a plus à composer des opéras à la chaîne et peut désormais choisir ses sujets : s'ouvre une époque fastueuse où naissent trois grandes œuvres, qui seront les plus populaires, "Rigoletto" (1851), "Il Trovatore" (1853), sombre mélodrame qui contient parmi les plus belles mélodies de Verdi, et "La Traviata" (1853), son opéra le plus célèbre et dont la version de 1854 fut acclamée. Mais c'est avec "Rigoletto" que Verdi dut affronter l'une des censures les plus importantes de sa carrière : dans Venise, alors occupée par l'Autriche, il paraissait inconcevable de représenter un roi de France débauché, séducteur de la fille du fou de la cour; le roi de France devint le duc de Mantoue.
"Rigoletto" (1851), opéra en 3 actes et 4 tableaux, livret de Francesco Maria Piave d'après "Le Roi s'amuse" de Victor Hugo, créé le 11 mars 1850 au Teatro La Fenice à Venise, fonde véritablement la réputation de Verdi : il fut représenté dans un très grand nombre de théâtre du monde, et c'est sans doute l'aria du ténor "La donna é mobile" qui contribua à sa renommée. C'est une nette rupture avec ses autres opéras, ici les arias d'introduction et les ensembles du final sont supprimés. "Après une ouverture d'une puissante intensité dramatique, le rideau se lève sur une grande salle du palais où le Duc de Mantoue donne un bal. Le Duc entre en scène avec un de ses courtisans, Borsa, et lui confie qu'il a vu, à l'église, une jeune fille d'une grande beauté..."
"Il Trovatore" (1853), opéra en 4 actes, créé le 19 janvier 1853 au Teatro Apollo de Rome, possède une réputation de "facilité" : mélodrame où il est question de chevalerie, d'honneur, d'amour tragique, renforcé par un usage intense du bel canto, imposant à ses interprètes des effets inédits, qui réclament des voix plus étendues et d'une puissance accrue. Il en a va ainsi d'Azucena, la Gitane, un des plus beaux rôles de mezzo-soprano, dont le brûlant désir de vengeance est finalement récompensée par le dénouement tragique. L'action se situe au nord de l'Espagne au XVe siècle, le Palais d'Aliateria en Aragon - Ferrando, capitaine de la garde, est en faction avec d'autres courtisans et soldats devant le palais tandis que le Comte di Luna veille comme chaque nuit sous les fenêtres de Leonora dont il est amoureux. A la demande de ses compagnons, Ferrando leur raconte que, le frère du Comte a été enlevé par une Bohémienne. Un enfant qu'on croit être le même a été trouvé mort dans les cendres du bûcher où la vieille femme a été brûlée pour la punir de son crime. C'est la fille de la Bohémienne, dit Ferrando, qui s'est ainsi vengée, une mauvaise femme qu'on n'a jamais revue. Minuit sonne et les soldats et les courtisans se retirent...."
"La Traviata" (1853), opéra en 3 actes et 4 tableaux, tiré de" La Dame aux camélias" (février 1852) d'Alexandre Dumas fils, créé le 6 mars 1853 au Teatro La Fenice de Venise, met en scène un sujet contemporain, inspiré de la vie d'Alphonsine Du Plessis : la censure vénitienne interdit à Verdi de jouer cet opéra en costumes modernes, l'histoire de cette courtisane séductrice et pécheresse ne pouvant être des plus convenables. Verdi vivait alors une situation un peu semblable avec Giuseppina Strepponi et c'est sans doute pour cela que Violetta, le personnage central, exprime un registre d'émotions parmi le plus complexe du répertoire. La première fut pour Verdi un échec, sans doute du à une très mauvaise distribution, atteignit moralement le compositeur qui vint habiter Paris. La reprise, en 1854, fut acclamée. "Un salon de l'hôtel parisien de la courtisane Violetta Valéry : Violetta accueille quelques-uns des ses invités, dont Flora, escortée du marquis d'Obigny ; ils sont rejoints peu après par Gaston, qui présente à Violetta un jeune homme, Alfred Germont. Il lui dit qu'Alfred l'admire depuis longtemps déjà et que lors de sa récente maladie, il est passé tous les jours prendre de ses nouvelles. Quelque peu touchée par son dévouement, elle demande à Alfred si cela est vrai, et lorsqu'il répond par l'affirmative, elle fait remarque à son protecteur, le baron Douphol, qu'il n'en a pas fait autant ; cette réflexion contrarie fortement le baron. Alfred se tait et Gaston l'invite à égayer les invités par une chanson à boire. Après quelques réticences, que dissipe les instances de Violetta, il entonne le célèbre brindisi, dans lequel il vante les plaisirs du vin. Violetta lui fait écho et toute la compagnie se joint à eux dans une louange aux plaisirs. Quand la gaieté générale est à son comble, une musique de dans parvient d'un salon voisin et Violetta invite ses hôtes à s'y rendre pour danser. Tandis que ceux-ci se dirigent vers la porte, elle a soudain une défaillance qu'elle tente de surmonter, mais elle est prise d'un nouveau malaise et se voit contrainte de s'asseoir....."
Verdi renoue avec son inspiration politique antérieure et compose des oeuvres de valeur inégale. Sur un livret d'Eugène Scribe et Charles Duveyrier, qui
traite de la révolte des patriotes siciliens contre les occupants français, Verdi écrit "I Vespri Siciliani" (1855), opéra émouvant et pathétique, mais hybride, car il y mêle les
styles. En 1857, "Simon Boccanegra" évoque de façon complexe et parfois invraisemblable la conjuration de Fiesque. L'union plus étroite du texte et de la musique, perçue déjà dans "Luisa Miller",
ne suffit pas à lui conquérir la faveur des Vénitiens.
"Un ballo in maschera" (1859) va enfin réaliser, mieux que les précédents, la synthèse des styles de Verdi, conjuguant avec brio accords lyriques
et accords dramatiques, passant très subtilement du comique au tragique. Au deuxième acte, la rencontre clandestine entre Riccardo et Amelia offre un des plus beaux duos d'amour de Verdi.
Représenté à Rome pour éviter la censure des Bourbons (un régicide y rappelle fâcheusement l'attentat d'Orsini), il remporte un immense triomphe en exaltant, au moment où le roi de
Piémont-Sardaigne s'apprête à déclarer la guerre (avril 1859) à l'Autriche, le patriotisme italien. Le public acclame Verdi, qui symbolise d'autant mieux l'unité nationale que son nom est formé
des initiales de celui du roi : Vittorio Emanuele Re d'Italia.
Verdi est alors à l'apogée de sa carrière et jouit d'un immense prestige. Il est élu en 1861 député du premier Parlement national. Mais l'oeuvre de Verdi s'épanouit aussi dans un nouveau contexte lyrique, et le compositeur est amené à réviser ses principes : les œuvres de Wagner se répandent en Europe et ses écrits théoriques, qu'il ne connaîtra qu'en 1870, fascinent la jeune génération; Gounod, dans Faust (1859), apporte une touche d'élégance et de raffinement; enfin l'Italie ne porte plus seulement attention à la musique dramatique et redécouvre la musique de chambre.
"La Forza del Destino" (1862), opéra en 4 actes, sur un livret de Francesco Maria Piave, est une commande du Théâtre impérial de Saint-Péterbourg. Créé le 10 novembre 1862 au Théâtre Marie, on a coutume de dire det opéra très populaire, que le sublime y côtoie le vulgaire. C'est une oeuvre puissante et passionnée, la richesse des choeurs est un hommage à la créativité russe et inspirera le "Boris Godounov" de Moussorgski. "Dans son château des environs de Séville, le vieux marquis de Calatrava rend visite à sa fille, la comtesse Leonora de Vargas, pour lui souhaiter le bonsoir. Il ignore qu'elle n'attend que son départ pour fuir avec I'homme qu'elle aime, don Alvaro, un Péruvien que sa race - il a du sang inca - exclut de la noblesse espagnole. Le marquis ayant enfin regagné ses appartements, Leonora confie à sa suivante, Curra, le remords qu'elle éprouve à rompre avec sa famille. Telles sont ses dispositions quand parait don Alvaro. Leonora lui propose timidement de remettre I'enlèvement à la nuit suivante, afin qu'elle puisse revoir une fois encore son père. Le jeune homme croit comprendre qu'elle ne I'aime plus et se drape dans sa dignité, ce qui conduit Leonora à protester de ses sentiments. Mais il est écrit qu'elle ne pourra pas "le suivre au bout du monde". Le marquis, peut-être alerté par tous ces éclats de voix, revient inopinément et surprend les amoureux...."
"Don Carlos" (1867, révisé 1883), opéra en 5 actes d'après "Don Carlos" de Friedrich Schiller, créé le 11 mars 1867 à l'Opéra à Paris. La partition, particulièrement soignée, se pare, non sans quelques maladresses, d'harmonies modernes, de sonorités subtiles qui étouffent parfois la mélodie, et en France, on reprocha à Verdi de tenter d'imiter Wagner. C'est en tout cas un véritable tour de force par sa dimension musicale, mais aussi par son exaltation de la liberté. Les duos entre Carlos et Elisabeth, la confrontation entre Philippe et le Grand Inquisiteur ont marqué les esprits. "Dans la forêt de Fontainebleau en 1559 - Tandis que se négocie entre la France et l'Espagne la paix du Cateau-Cambrésis. On sait déjà qu'aux termes de ce traité. L'Infant Carlos d'Espagne épousera Elisabeth de Valois, fille du roi de France Henri Il. Don Carlos, venu incognito à Fontainebleau pour rencontrer sa fiancée, guette la chasse royale à laquelle elle participe. La voici justement, plus belle qu'il n'osait l'espérer, accompagnée de son page Thibault. Elle s'est égarée. Le jeune homme l'aborde sous prétexte de l'aider à retrouver son chemin et la conversation s'engage. Elisabeth lui confie son inquiétude d'avoir à épouser un homme qu'elle n'a jamais vu. Carlos lui montre alors une miniature représentant l'Infant d'Espagne, et elle reconnaît son interlocuteur. Les jeunes gens sont tout à la joie de leur amour naissant quand survient le comte de Lerma, ambassadeur d'Espagne ... "
Après la mort de Rossini (1868), Verdi devient le chef de l'école italienne et assume pleinement sa maîtrise d'un théâtre lyrique rénové, plus sensible, plus complet et résolument "national". En 1873, Verdi écrit un quatuor à cordes et la disparition d'Alessandro Manzoni, qu'il vénérait, lui inspire la magnifique "Messe de requiem", dans laquelle il insère le "Libera me" dédié à la mémoire de Rossini. Les critiques y ont perçu le début de l'emprise de la musique germanique dans la péninsule italienne.
"Aïda" (1871), opéra en 4 actes qui brode sur un thème de l'égyptologue français Auguste Mariette, créé le 24 décembre 1871 à l'Opéra du Caire pour célébrer l'ouverture du canal de Suez, est l'oeuvre la plus spectaculaire de Verdi avec ses longs passages dansés et ses scènes de foule. "Dans le palais royal de Memphis, le grand prêtre Ramfis s'entretient avec le jeune capitaine Radamès : l'Egypte est menacée par l'Ethiopie et prépare la guerre, et il a lui-même appris de la déesse Isis le nom du guerrier qui conduira l'armée au combat; c'est le pharaon qui révélera dès aujourd'hui le nom du chef élu. Radamès souhaite vivement être celui-ci, en partie car il espère pouvoir épouser Aïda, une esclave éthiopienne, après son retour victorieux. Mais le jeune homme est aimé également d'Amnéris, fille du pharaon, qui tente de lui faire deviner son inclination. Aïda survient alors Radamès remarque, avec suspicion et jalousie, le trouble ressenti par l'esclave lorsqu'elle se trouve en présence de Radamès....."
Verdi effectue de nombreuses tournées en Europe, est nommé sénateur du royaume d'Italie mais son oeuvre semble marquer le pas. Mais une nouvelle et dernière page se tourne avec la rencontre d'Arrigo Boito (1842-1918), écrivain et compositeur lui-même. Boito lui propose sa collaboration et commence par refaire le livret de "Simon Boccanegra" : cette nouvelle version est reçue à Milan (1881) avec tant de chaleur que Verdi reprend courage. Boito en profite pour présenter à Verdi deux livrets, dont la musique sera lentement élaborée, mais qui donnent naissance à deux ultimes chefs-d'œuvre, Otello (1887) et Falstaff (1893). On a souvent reproché au librettiste Boito d'avoir poussé Verdi à sacrifier le public italien populaire, amateur de "beaux airs", pour satisfaire l'intelligentsia milanaise et européenne.
"Otello" (1887), opéra en 4 actes, inspiré de Shakespeare, créé le 5 février 1887 au Teatro alla Scala de Milan, est considéré comme le meilleur des deux cents opéras inspirés par les pièces de Shakespeaure, au point que l'on a pu estimer que le livret de Boito était supérieur à l'original. Verdi écarte récits et airs, adopte un discours continu, l'orchestre brillant et coloré a sa vie propre mais soutient, sans jamais la couvrir, l'ample déclamation des voix. L'opéra comporte l'une des partitions pour ténor les plus exigeantes de tout le répertoire. L'opéra prend ainsi un aspect "moderne", qui déroute d'abord quelque peu les Milanais, mais connaît finalement un véritable triomphe. "Un port cypriote, à la fin du XVe siècle - Otello, général maure, est le gouverneur vénitien de Chypre. Sur le quai, la foule impatiente et inquiète voit arriver le bateau qui le ramène d'une bataille en mer affronter une violente tempête, puis se mettre à quai en ayant évité de justesse le naufrage sur les bancs de sable. Otello descend à terre et proclame sa victoire sur les Sarrasins. La foule se réjouit. Iago, l'enseigne d'Otello, est jaloux de la puissance du Maure. Il promet Roderigo, qui est amoureux de la femme d'Otello, Desdemona, qui la lui livrera. Iago dit que la haine qu'il éprouve pour Otello vient du fait que ce dernier a promu Cassio capitaine à sa place. Les Cypriotes fêtent la victoire à la clarté et à la chaleur d'un feu de joie. Cassio doit bientôt prendre son service de capitaine de la garde. Iago l'encourage à boire plus que de raison, l'incitant à chanter les louanges de Desdemona dans le but d'attiser la jalousie de Roderigo. Iago entonne une chanson à boire à laquelle Cassio se joint avec enthousiasme. Lorsque Cassio est ivre, Iago pousse Roderigo à se quereller avec lui....."
"Falstaff " (1893), comédie lyrique en 3 actes, inspiré de "The Merry Wives of Windsor" de Shakespare, créé le 9 février 1893 au Teatro alla Scala de Milan, dans lequel Verdi, âgé de quatre-vingts ans, montre avec éclat toute la force de son génie. Animée d'une vie intense, d'un élan lyrique ininterrompu qui s'inspire du modèle wagnérien, l'œuvre mêle le drame au comique et à la poésie la plus pure ainsi que toutes les ressources d'un métier acquis au cours des ans à une inspiration pleine de jeunesse. "L'action se déroule à Windsor sous le règne d'Henry IV (1399-1413) - Le Dr Caïus accuse Sir John Falstaff, vieux libertin, d'être entré chez lui par effraction et ses deux acolytes Bardolph et Pistol, de lui avoir vidé les poches. Commandant tranquillement à l'aubergiste une bouteille de Xérès, Falstaff refuse de réparer ses torts. Quant à Bardolph et Pistol, ils nient tout. Sans avoir obtenu satisfaction le Dr Caïus quitte l'auberge en pestant. Falstaff examine la note et reproche à ses serviteurs de gaspiller à tout va. Après avoir déchargé sa bile, Falstaff leur fait part d'un nouveau plan pour améliorer ses finances. Il doit, en effet, subvenir à sa superbe bedaine, dont le royaume va en s'agrandissant. Il projette de séduire Alice Ford et Meg Page, l'une et l'autre épouses de riches bourgeois de Windsor...."
Désormais, Verdi cesse de composer. Après avoir publié en 1898 quelques chants sacrés ("Quattro Pezzi sacri"), il se tait définitivement. Comblé d'honneurs, il ne quitte plus l'Italie et, jusqu'à sa mort, s'occupe de ses œuvres, de ses terres et de la "Casa di riposo per musicisti" (maison de repos pour les musiciens), qu'il a fondée à Milan et à laquelle il réserve tous les revenus de ses droits d'auteur...
L'unification de l'Ialie en 1861 laisse entiers bien des problèmes : ainsi alors que le Nord prospère, le Sud s'appauvrit plus que jamais. La rupture de Verdi avec son public populaire pousse la jeune génération de l'opéra italien, incarnée par le "vérisme" de Mascagni et de Leoncavallo, sur le chemin d'un langage direct, au plus près de la réalité sociale et de ses difficultés.
En peinture, le courant des "Macchioli" s'intègre dans le Risorgimento en constant, entre autres actions, l'esthétique dominante : les paysages de
Toscane et la volonté de traduire toute vérité immédiate par un langage pictural synthétique, juxtaposant masses claires et masses sombres constituent les deux principes de leur expression.
Les deux principaux représentants en sont Giovanni Fattori (1825-1908) et Silvestro Lega (1826-1895). Mais certains peintres, comme Telemaco Signorini, prennent le chemin de la dénonciation plus
sociale et politique.
Silvestro Lega (1826-1895)
La carrière de ce peintre réaliste, qui dépeint les plaisirs domestiques de la petite bourgeoisie italienne, se déroule dans l'Italie de Manzini qui lutte
pour instaurer une démocratie populaire et moderne. Lega soutint le nouvel Etat unifié en dotant ses tableaux d'un contenu moral, une harmonie et une stabilité sociale : "Il canto di uno
stornello" (1868) - Galleria dell'Arte Moderna, Palazzo Pitti, Florence), "The Pergola" (1868, Pinacoteca di Brera, Milan), "Giuseppe Mazzini on his Death Bed" (1873, Museum of Art, Rhode Island
School of Design, Providence).
Telemaco Signorini (1835 -1901)
Signorini est un habitué du fameux "Caffè Michelangiolo", lieu de réunion artistique et politique à partir des années 1860 à Florence, devenue capitale d'une Italie sans Rome le 17 mars 1861 : c'est aussi le lieu de convergence de tous les artistes côtoyant de près ou de loin le courant des Macchiaioli. En 1859, Signorini part pour le front en suivant les troupes des Garibaldi; on le retrouve en 1861, à Paris où il rencontre le peintre Corot (Campagna senese con carro, 1868-1869). A partir de 1865, sa peinture aborde franchement l'injustice et les problèmes sociaux : "La sala delle agitate al San Bonifazio in Firenze" (Galleria internazionale d'arte moderna di Ca' Pesaro; 1865), "Bagno penale a Portoferraio" (1888-1894, Galleria Palatina, Palazzo Pitti, Florence).
En littérature, Giovanni Verga (1840-1922), dans "Les Malavoglia" (Malavoglia, 1881), exprime le désenchantement de l'Italie du Sud après l'unification du pays; Verga dépeint avec une précision inégalée le combat pour la survie à tous les niveaux d'une réalité sociale, celle de la Sicile, du plus pauvre au plus puissant.
Frederico De Roberto (1861-1927), "Les Vice-Rois" (I vicerè, 1894) est le surnom donné à Catane, en Sicile, à l'aristocratique famille Uzeda dont
nous suivons l'irréductible orgueil familial qui tente de traverser trente ans d'histoire de la Sicile, de la période des Bourbons à l'unification de l'Italie.
Gabriel d'Annunzio (1863-1938), "L'Enfant de volupté" (Il piacere, 1889) rédige un premier roman foisonnant qui analyse et critique les classes
aisées italiennes, entièrement dominées et asservies à leur réputation, aux conventions sociales de leur milieu, et derrière lesquelles elles s'avèrent rongées par des besoins insatisfaits.
Eviter le scandale conduit ainsi les protagonistes à la destruction émotionnelle, voire physique.
Giacomo Puccini (1858-1924)
Puccini n'a écrit que dix opéras en quarante ans de carrière, mais "La Bohème', "Tosca", "Madame Butterfly" et "Turandot" constituent des chefs d'oeuvre
absolus du répertoire lyrique mondial. Cet héritier de quatre générations d'organistes et maîtres de chapelle, né à Lucques, semblait naturellement destiné à la musique religieuse, mais c'est une
représentation d'Aïda de Verdi à Pise, en 1876, qui le convertit à l'opéra. Le point commun de toutes ses oeuvres est une trame mélodique et dramatique d'une intensité rarement égalée, où une
héroïne, attachante, meurt tragiquement. La critique a rattaché, contre son gré, Puccini au "vérisme", brève tentative de renouvellement de l'opéra dans cette "jeune Italie" issue du
Risorgimento, qui substitue à l'antagonisme romantique du Bien et du Mal, le conflit Homme/Femme attisé par les inégalités sociales. L'oeuvre de Puccini a de même était représentée comme la
synthèse de Verdi et du wagnérisme. Pour le public, c'est le maître des effusions lyriques et de l'émotion, qui puise dans la vie quotidienne la plus triviale, dans sa vie propre parfois (âgé
d'une vingtaine d'années, il provoque un scandale en s'enfuyant avec une femme mariée, Elvira Gemignani, qu'il épousa en 1904 et dont il eut un fils; autre épisode bien connu, le grave accident
en 1903 de ce passionné d'automobiles), des situations et des sentiments qu'il restitue au fil d'une orchestration raffinée, axée sur l'individualité des timbres et la prédominance des
cordes.
"Manon Lescaut" (1893, révisé 1922), drame lyrique en quatre actes, inspiré du roman de l'Abbé Prévost (1731), créé le 1er février 1893 au Teatro
Regio de Turin, fut son troisième opéra et le premier succès international de Puccini. L'histoire, déjà mise en musique par Auber et Massenet, est, comme l'a écrit Puccini, ici" vue comme un
italien", c'est-à-dire "dévorée par la passion". C'est aussi le point de départ de sa collaboration si fructueuse avec les librettistes Luigi Illica et Giuseppe Giacosa, avec lesquels il écrira
ses trois grands opéras, La Bohême, Tosca et Madame Butterfly. Dans "Donna non vidi mai"; l’innocent chevalier des Grieux aperçoit pour la première fois la toute jeune Manon Lescaut, destinée à
entrer au couvente, et tombe aussitôt amoureux au point de voler à son secours. C'est un opéra profondément lyrique, avec des arias inoubliables, des duos qui retracent l'amour, la frivolité,
puis l'exil de Manon jusqu'à sa mort.
"La jeune, belle mais légère Manon doit, selon le souhait de son père, être amenée au couvent. En chemin, un arrêt est prévu à Amiens où nombreux sont ceux
à attendre la calèche. Parmi d’autres passagers, Geronte de Ravoir, un riche fermier général, mais aussi Manon et son frère Lescaut, sergent de la garde royale, descendent pour se reposer dans
l’auberge proche. Parmi la foule qui attend se trouve également l’étudiant Des Grieux, dont se moquent ses camarades à cause de sa naïveté envers les filles. Le chevalier Des Grieux est pris de
passion à la vue de Manon. Pendant que Geronte et Lescaut se dirigent vers l’auberge, l’étudiant s’approche de Manon, apprend son destin et essaie de la persuader de commencer une nouvelle vie
avec lui. Entretemps, Geront a pu corrompre Lescaut, moyennant une forte somme, de lui laisser sa sœur Manon comme maitresse et de l’enlever à Paris. Edmond, un autre étudiant, qui surprend cette
conversation, révèle ce plan à Des Grieux. Il décide alors d’enlever Manon et s’enfuit avec elle à Paris en s’emparant de la calèche que Geronte a louée. La foule se moque alors de Geront,
trompé, et de Lescaut, ivre..."
"La Bohème" (1896), opéra en quatre actes, adaptée des Scènes de la vie de bohême de Henri Murger, créé le 1er février 1896 au Teatro Regio de
Turin, vit l'affrontement, sur le même thème, de Ruggero Leoncavallo et de Puccini. L'histoire a retenu la version de Puccini et sa grande richesse mélodique. Chacun des quatre actes possède son
propre rythme et timbre, les personnages sont bien campés et la partition, reliée par des thèmes musicaux mémorables, est extraordinairement prenante. Les arias les plus connus sont celles du
premier acte dans lequel Rodolfo et Mimi tombent amoureux l'un de l'autre. Dans "Si, mi chiamamo Mimi", la jolie couturière timide, raconte au poète Rodolfo l’histoire de sa vie, et malgré
ses hésitations initiales, finit par se livrer, transfigurant par son récit une existence simple et modeste.
"Une mansarde - C'est la nuit de Noël dans le quartier latin. Nous sommes en 1830. Dans la mansarde qu'ils partagent Marcel, le peintre, et Rodolphe, le
poète sont au travail. L'hiver est rude, mais il n'y a plus rien pour alimenter le poêle, jusqu'à ce que Rodolphe se décide finalement de sacrifier l'un de ses manuscrits. Survient leur ami
Colline le philosophe, qui profite lui aussi de la bonne chaleur du poêle. Mais le feu ne tarde pas à s'éteindre, ce qui vaut à Rodolphe et à sa pièce les railleries de ses camarades. Puis
arrivent deux garçons de course portant de la nourriture, du vin et du bois. Ils sont suivis du quatrième membre de la Bohème, le musicien Schaunard, qui jette sur la table l'argent qui lui reste
de ses achats. Il explique comment il a gagné cet argent, mais ses compagnons ne prêtent aucune attention à son histoire et préparent la table pour le repas. Schaunard finit par se rendre compte
de ce que font ses amis et suggère qu'ils sortent tous manger dehors pour fêter Noël. Mais le propriétaire Benoît arrive inopinément pour encaisser son terme. Marcel fait entrer le vieil homme en
lui laissant voir l'argent qui est sur la table, mais Benoît oublie bientôt le but de sa visite comme la bande lui offre force verres de vin et l'encourage à faire le récit de ses succès auprès
des femmes. Lorsqu'il dit qu'il est marié, tous font mine d'être scandalisés et saisissent cette occasion pour le chasser de la pièce. Rodolphe décide alors de rester un peu plus longtemps dans
la mansarde pour terminer un article pendant que les autres se préparent à sortir et propose de les rejoindre devant la loge du concierge. Une fois seul, Rodolphe ne se sent guère d'humeur à
écrire et un coup frappé timidement à la porte vient interrompre ses efforts : une voisine, Mimi, vient demander du feu pour sa bougie. Mais en entrant dans la pièce, elle chancelle et laisse
tomber sa bougie et la clé de sa chambre. Rodolphe ramasse la bougie et l'allume. Elle s'apprête à partir mais se souvient brusquement qu'elle n'a plus de clé, Un courant d'air éteint à nouveau
la chandelle et Rodolphe souffle furtivement sa propre bougie. Tous deux tâtonnent dans l'obscurité pour retrouver la clé. Rodolphe la trouve mais il la dissimule et réussit finalement à toucher
la main de Mimi..."
"Tosca" (1899), opéra en trois actes, créé le 14 janvier au Teatro Costanzi de Rome, est un drame éminemment passionnel. C'est après avoir assisté
à la performance de Sarah Bernard dans la pièce de Victorien Sardou que Puccini en conçut le projet. La partition est connue pour être truffée d'arias et de duos bouleversants, avec au deuxième
acte la confrontation inoubliable de Tosca et Scarpia. Dans "E lucevan le stelle", le peintre et révolutionnaire Mario Cavaradossi doit être fusillé à l’aube et s’efforce d’écrire une lettre
d’adieu à sa bien-aimée la chanteuse Floria Tosca. Puccini réalisa d'immenses efforts pour rendre cet opéra aussi véridique que possible, se rendant jusqu'à Rome, par exemple, pour y entendre le
son des cloches telles qu'on les entend depuis le sommet du château Saint-Ange d'où Tosca se jette dans le vide.
"Après s’être évadé de son cachot du château Saint-Ange, Angelotti trouve refuge dans l’église Sant’Andrea della Valle où sa sœur, la marquise
Attavanti, lui a caché des vêtements dans la chapelle qui lui appartient. Le peintre Mario Cavaradossi surprend le fugitif et lui propose généreusement son aide afin qu’il puisse échapper aux
recherches des sbires du terrible chef de la police, Scarpia. Mais Mario doit veiller à ménager la jalousie maladive de sa maîtresse, la cantatrice Floria Tosca, qui le soupçonne d’entretenir une
liaison avec la marquise Attavanti. D’autant qu’elle pense avoir reconnu ses traits dans le portrait de Marie-Madeleine auquel il travaille. Entouré de ses hommes de mains, Scarpia fait son
entrée dans l’église au milieu des préparatifs d’un Te Deum destiné à célébrer l’annonce d’une défaite de Bonaparte. Le machiavélique chef de la police est un faux dévot, littéralement embrasé
par son désir pour Tosca. Il soupçonne Cavaradossi d’avoir prêté secours à Angelotti et il décide fort habilement d’exciter la jalousie de Tosca pour l’amener à trahir le secret de son amant,
lequel a proposé à Angelotti de le cacher dans le puits de sa villa. Tandis que le poison du doute s’insinue en Tosca, Scarpia exulte à mesure que l’église s’emplit des accords majestueux du Te
Deum. Il rêve de posséder enfin cette femme aveuglée par la jalousie. .."
"Madama Butterfly" (1904), tragédie japonaise en trois actes, (inspirée d’une nouvelle de David Belasco, créée à La Scala de Milan le 17 février
1904, emprunte certains motifs et imite quelques mélodies traditionnelles à une époque où le Japon était à la mode. Cio-Cio-San, âgée de quinze ans à peine et déjà geisha, rencontre le lieutenant
de la marine américaine Pinkerton. La pureté de son amour contraste avec le cynisme de l'Américain, et cette innocence s'exprime dans le magnifique duo de la fin du premier acte. La création de
cet opéra fut un fiasco et la presse se montra particulièrement cruelle : la révision que Puccini entreprit en fit une oeuvre parmi les plus populaires de son répertoire. Le rôle de Cio-Cio-San
est d'une extrême difficulté vocale.
" Au Japon, près de Nagasaki, Goro, le marieur, fait visiter à l’officier américain Pinkerton sa nouvelle maison. Il lui présente Suzuki, la servante de sa
future épouse. Sharpless, le consul des Etats-Unis, met en garde Pinkerton contre son union avec Cio-Cio San, jeune geisha de quinze ans qui rayonne de bonheur à l’idée de ce mariage. Alors que
les invités se rassemblent en vue du mariage, Butterfly montre à Pinkerton le sabre avec laquelle son père s’est fait hara-kiri. A l’issue de la cérémonie, le Bonze, son oncle, la renie. Choquée,
la famille de Butterfly se retire. Un long duo d’amour réunit les nouveaux époux...."
"La Fanciulla del West" (1910), opéra en trois actes, créé le 10 décembre 1910 au Metropolitan Opera de New York sous la direction d'Arturo
Toscanini. Construit autour d'un thème américain pour un public américain, cet opéra marque un tournant dans sa musique, avec moins de mélodies "faciles", l'absence de grands airs, au profit
d'une composition narrative plus élaborée et d'un orchestre qui tient une place prépondérante. Il faudra toute la volonté d'artistes comme Dimitri Mitropoulos, Plácido Domingo pour faire sortir
cette œuvre remarquable de l'oubli.
"Dans les montagnes de Californie, au temps de la ruée vers l’or, Minnie (soprano), une jeune femme au caractère bien trempé, tient un bar où se retrouvent
les mineurs venus tromper leur ennui. Jack Rance, le shérif ( baryton) la désire. Or celle-ci ne l’aime pas et rêve du grand amour. Dick Johnson (ténor), en réalité le brigand Ramerrez, entre.
Instantanément Minnie s’éprend de lui. Exaspéré, le Shérif abandonne le saloon à la recherche du bandit. Minnie invite alors Johnson à la retrouver chez elle le soir venu. ..."
"Il trittico" (1918), Le Triptyque, composé de trois opéras en un acte donnés à la suite et dans la même soirée créé au Metropolitan Opera de New York le 14 décembre 1918. "Au théâtre, répétait Puccini, il y a des règles incontournables : intéresser, surprendre, faire pleurer ou faire rire". Trois registres complémentaires, le tragique, le lyrique et le comique, sont ainsi proposés, mais aussi trois époques, trois lieux différents et trois milieux contrastés, le prolétariat du Paris de 1900, l’aristocratie du XVIIème siècle et l’univers des petits propriétaires terriens dans la Florence de 1299. Puccini commence par un drame sinistre "Il Tabarro" (Un drame de la jalousie sur une péniche amarrée près de Notre-Dame, dans le Paris du XXème siècle naissant. Le débardeur Luigi, amant de Giorgetta, est surpris par son mari, Michele qui l’étrangle et oblige ensuite sa femme à contempler le visage du mort), se poursuit avec un conte sentimental, "Suor Angelica" (dans un couvent au XVIIème siècle sœur Angélique expie sa faute : avoir déshonoré sa famille en donnant naissance à un enfant illégitime; quand elle apprend brutalement la mort de son fils elle s’empoisonne pour pouvoir le rejoindre au ciel), et termine avec "Gianni Schicchi", une comédie qui fait la part belle aux barytons (Tito Gobbi) et emporte tous les suffrages (à Florence, en 1299, des héritiers malhonnêtes et imprudents acceptent l’aide du rusé Gianni Schicchi, qui leur propose de se faire passer pour leur riche parent Buoso Donati qui vient de mourir en léguant tous ses biens au couvent). L’exécution de l'ensemble de cette œuvre assez singulière nécessite un orchestre considérable, seize voix masculines, vingt-deux voix féminines, sans compter des chœurs importants.
"Turandot" (1924), opéra en trois actes, dont le final est achevé par Franco Alfano, et créé à La Scala de Milan, en 1926, après la mort de
Puccini, n'a jamais connu le succès de "La Bohème", bien que l'imagination lyrique du compositeur y soit à son comble. Il comporte des arias parmi les plus belles de Puccini, dont la célèbre
"Nessun dorma".
"Le peuple de Pékin attend l’exécution du prince de Perse qui vient d’échouer dans la résolution des trois énigmes que propose à chacun de ses prétendants
la princesse Turandot. Dans la foule, se dissimule le prince Calaf. Il retrouve son père, Timur roi de Tartarie détrôné par l’empereur de Chine (« O mio figlio ! »). Aveugle, celui-ci est
accompagné de la jeune esclave Liù qui lui est restée fidèle dans son exil, par amour pour Calaf. Elle aime passionnément le jeune prince parce qu’autrefois, dans son palais, il lui a souri. Tous
les trois doivent rester incognito pour survivre dans la ville de leurs ennemis. Calaf, ébloui à son tour par la beauté de Turandot (« Si profuma, di lei l’oscurità »), décide de se soumettre à
l’épreuve des trois énigmes, malgré les supplications de Timur et de Liù ( « Signore, ascolta »)..."
« Je veux que mon public ne puisse retenir ses larmes : l’opéra, c’est ça ! » écrit Puccini en 1912, devenu riche et célèbre, Puccini est pourtant vilipendé par certains compositeurs comme Fauré et Debussy qui ne voient en lui qu’un simple auteur d’airs à succès, et ainsi semblent ignorer les importantes innovations de son théâtre. Le dernier grand compositeur d'opéras italien meurt à Bruxelles le 29 novembre 1924 suite à une opération tentée contre son cancer de la gorge. Lors de création posthume de Turandot à la Scala de Milan, plusieurs mois après sa mort. Toscanini dirige alors les deux actes achevés, et attendra le lendemain pour donner le troisième....