Generación del 98 - Antonio Machado (1875-1939), "Campos de Castilla" (1907-1917) - Miguel de Unamuno (1864-1936), ""Del sentimiento trágico de la vida" (1913) - Pío Baroja y Nessi (1872-1956), "Camino de perfección" (1902) - José Martínez Ruiz, dit Azorin (1874-1967), "La Voluntad" (1902) - Ramiro de Maeztu (1875-1936) - Ramón del Valle-Inclán Peña (1866-1936), "Las Sonatas" (1902-1905) - Ignacio Zuloaga (1870-1945) - Gustavo de Maeztu (1887-1947), "El imperio del gato azul" (1911) - Manuel de Falla (1876-1946) - Isaac Albéniz (1860-1909) - Enrique Granados (1867-1916) ...
Last Update : 12/12/2016
La Génération de 1898 (Generación del 98)
La "génération de 98" est composée d'un certain nombre d'écrivains et d'artistes espagnols (Unamuno, Baroja, Azorín, Maeztu, Machado, Valle-Inclán,
Benavente, Villaespesa, Marquina) qui posent un regard pessimiste et désenchanté sur l'Espagne, et s'accordent sur la nécessité de lui redonner un nouveau souffle : l'une des orientations
possibles est de se ressourcer dans les paysages, la culture et les traditions des terres castillanes.
Le mouvement est loin d'être homogène, mais ce sentiment de déclin s'impose au lendemain du désastre de la guerre avec les États-Unis et de la perte des dernières colonies (perte de Cuba et des Philippines).
La monarchie parlementaire sous Alphonse XII se révèle incapable de répondre aux espoirs de "régénération nationale" qui traversent la société espagnole du début du XXe siècle : montée d'une contestation émanant des traditionalistes carlistes, des régionalismes basque et catalan, d'une classe ouvrière alors très influencée par l'anarcho-syndicalisme. C'est ainsi que l'Espagne ne semble avoir que deux alternatives possibles, se laisser gagner par un maximalisme révolutionnaire dont témoignent les grèves insurrectionnelles et la situation quasi-révolutionnaire qui s'installe de 1917 à 1920, ou s'abandonner à la tentation autoritaire qui s'exprime dans l'attente d'un homme providentiel.
Quatre oeuvres de 1902 illustrent cette rénovation littéraire qui rejette toute esthétique romanesque, privilégient l'intériorité du protagoniste, multiplie tous les procédés susceptibles d'exalter les données sensorielles, et de la réalité ne recherche que son reflet dans une conscience filtrée par la subjectivité : "Camino de perfección", de Pio Baroja, "Amor y pedagogia" de Unamuno, "La Voluntad" de Azorin, "Sontana de otoño" de Valle Inclan.
L'accession au pouvoir en 1923 de Primo de Rivera marque la fin du régime constitutionnel, mis en place en 1876, et la disparition de la monarchie
parlementaire. Ce régime, qui s'établit jusqu'en 1930, entend régénérer la société espagnole, moderniser l'économie, s'inspirant du modèle mussolinien . Mais la dictature se coupe des milieux intellectuels libéraux et sombre dans la grande dépression mondiale de
1929.
La génération de 1898 est le produit d'une nouvelle Espagne, encore en gestation, incarnée par trois figures représentatives, Francisco Giner de los Ríos, Marcelino Menéndez y Pelayo, Ángel Ganivet García.
Le philosophe et pédagogue Francisco Giner de los Ríos (1839-1915), fonde en 1876 l' "Institución Libre de Enseñanza", qui encourage la recherche de
l''idéal et l'ouverture au monde : y seront formés José Ortega y Gasset, Federico García Lorca, Salvador Dalí, Antonio Machado, Juan Ramón Jiménez, Luis Buñuel, Unamuno.
Le philologie et historien Marcelino Menéndez y Pelayo (1856-1912), dans son "Historia de los heterodoxos españoles" (1880-82), témoigne d'une volonté de
libération par l'érudition et la recherche des sources spirituelles de l'Espagne.
Ángel Ganivet García (1865-1898) est considéré comme un précurseur tragique de cette génération (il se suicide à 32 ans), de cette incertitude spirituelle
face à une Espagne en décadence dont il faut se réapproprier la culture et les valeurs traditionnelles (Idearium español, 1898). Et pour Ganivet, c'est bien la philosophie de Senèque, fils
d'Espagne par hasard, qui a inspiré toute l'éthique espagnole, en dépit du catholicisme pervers, de l'impasse du patriotisme; trop individualiste, trop paresseuse, l'Espagne ne propose aucune
alternative politique, sombre dans la décadence : la renaissance de l'Espagne passe par le renoncement aux rêves d'extension coloniale et la reconnaissance d'un passé, d'une oeuvre maîtresse à
laquelle nous puissions revaloriser notre esprit, et "notre Ulysse, c'est Don Quichotte."
"No te dejes vencer por nada extraño a tu espíritu; piensa que en medio de los accidentes de la vida tienes dentro de ti una fuerza madre, algo fuerte e indestructible como un eje diamantino
alrededor del cual giran los hechos mezquinos que forman la trama del diario vivir, y sean cuales fueren los hechos que sobre ti caigan, sean de los que llamamos prósperos o de los que llamamos
adversos o de los que parecen envilecernos con su contacto, mantiene de tal modo firme y erguido que al menos se pueda decir de ti que eres un hombre." (Ne te laisses pas vaincre par quoi
que ce soit d'étranger à ton esprit ; pense qu'au milieu des accidents de la vie, tu possèdes en toi une force mère, quelque chose de fort et d'indestructible comme un axe diamantin autour duquel
tournent les faits mesquins qui forment la trame de la vie quotidienne, et quels que soient les faits qui te touchent, qu'ils soient de ceux que l'on dit prospères ou de ceux que l'on dit
adverses, ou bien de ceux qui semblent nous avilir à leur contact, reste ferme et dressé, afin qu'au moins on puisse dire de toi que tu es un homme.)
Ángel Ganivet García, Idearium español, 1898
"Toda nuestra Historia demuestra que nuestros triunfos fueron debidos más a nuestra energía espiritual que a nuestra fuerza puesto que nuestras fuerzas siempre fueron inferiores a nuestras obras; no pretendemos hoy trocar los papeles y confiar a un poder puramente material nuestro porvenir. Antes de salir de España hemos de forjar dentro del territorio ideas que guíen nuestra acción, porque caminar a ciegas no puede conducir más que a triunfos azarosos y efímeros, y a ciertos y definitivos desastres. "
"... Si j'étais appelé comme médecin de l’esprit a formuler le diagnostic du mal dont les Espagnols souffrent — car il y a un mal, et de traitement
difficile — je dirais que notre maladie se désigne sous le nom de "non vouloir" ou en un terme plus scientifique par le mot grec "aboulie" qui signifie exactement : "extinction ou affaiblissement
grave de la volonté". Je maintiendrais ce diagnostic en m‘appuyant sur des textes autorisés et sur un examen de cas cliniques très détaillés, car depuis Esquirol et Maudsley jusqu’à Ribot et
Pierre Janet il y a une longue liste de médecins et de psychologues qui ont étudié cette maladie, dans laquelle se révèle peut-être plus clairement qu’en aucune autre l’influence des désordres
mentaux sur les fonctions organiques. Il existe une forme vulgaire de l’aboulie que nous connaissons tous. Qui n’a jamais été envahi par cette perplexité de l’esprit née de l'ébranlement des
forces ou de l’abattement consécutif à une inaction prolongée, dans laquelle la volonté, faute d’une idée dominante qui la mette en mouvement, hésitant entre des motifs opposés qui se
contrebalancent, ou dominée par une idée abstraite, irréalisable, demeure irrésolue, sans savoir que faire et sans se décider à rien faire ? Quand un tel état, de passager, devient chronique il
constitue l’aboulie, qui se manifeste par la répugnance de la volonté à exécuter des actes libres. Chez l'aboulique, il y a un commencement de mouvement, qui démontre que la volonté n’est pas
éteinte tout à fait. Mais ce mouvement est faible et rarement arrive à son terme. Ce n‘est pas un mouvement désordonné qui puisse être confondu avec ceux de l'ataxique. Dans un cas il y a
faiblesse, et dans l‘autre manque de coordination. Cela est tellement vrai que dans l’aboulie, en dehors des actes libres, les autres actes psychologiques ou instinctifs, ou ceux produits par
suggestion, s'exécutent dans l’ordre.
Les symptômes intellectuels de l’aboulie sont nombreux : l’attention s’affaiblit d’autant plus que l’objet sur lequel elle doit se fixer est nouveau ou étranger ; l’entendement semble se
pétrifier et devient incapable d’assimiler des idées nouvelles, il n’est agile qu’à ressusciter le souvenir des faits passés. Mais s'il parvient à acquérir une idée nouvelle, faute du contrepoids
d’autres idées, il tombe de l’atonie dans l’exaltation, dans "l’idée fixe" qui le porte à "l‘impulsion violente". ll existe dans toute maladie, à côté du cas type, des cas similaires. Dans la
maladie dont il est question ici le nombre des premiers n’est pas très élevé, tandis que celui des seconds est écrasant: en Espagne, par exemple, il y a de nombreux malades de la volonté et comme
conséquence un état d‘ "aboulie collective". Je ne professe pas la sociologie métaphorique, qui considère les nations comme des organismes aussi bien déterminés que les organismes des individus.
La société n’est qu'une résultante des forces de ses individus: selon que ceux-ci s’organisent, ils peuvent produire une action intense ou faible, ou se neutraliser mutuellement par opposition,
et l‘oeuvre d’ensemble participera toujours du caractère de ceux qui y concourent.
L’individu, à son tour, est une réduction photographique de la société. La vie physiologique individuelle est une combinaison de l’énergie vitale interne avec les forces extérieures absorbées et
assimilées. La vie spirituelle se développe d’une façon analogue, l'esprit se nourrissant des éléments idéaux que la société conserve comme emmagasinés, selon l'expression de Fouillée. En ce sens
je crois que l’application de la psychologie individuelle aux états sociaux est profitable, comme celle de la pathologie de l’esprit à la pathologie politique. Dans notre nation se manifestent
tous les symptômes de la maladie dont souffre la plus grande partie des Espagnols: les actes physiologiques et instinctifs sont exécutés; de même que l'organisme individuel fonctionne pour vivre,
la société travaille pour vivre ; le travail, qui est libre pour les individus, pour la société est nécessaire, à moins qu’il ne s'agisse de peuples nomades. Dissimuler la richesse aux enquêtes
du fisc est un acte social aussi instinctif que de fermer les yeux au simulacre d’un coup. Les actes que nous ne voyons pas ce sont les actes de libre détermination, par exemple le fait
d’intervenir consciemment dans les affaires publiques. Si dans la vie pratique l’aboulie se manifeste par le non agir, elle est caractérisée dans la vie intellectuelle par la non attention. Il y
a déjà longtemps que notre nation est comme distraite au milieu du monde. Ordinairement, rien l'intéresse, rien ne l’émeut. Mais subitement une idée se fixe et, ne pouvant s’équilibrer avec
d’autres, elle produit l’impulsion violente. Ces dernières années, nous avons connu plusieurs mouvements d’impulsions caractérisées produites par des idées fixes : intégrité de la patrie, justice
historique et autres semblables. Toutes nos oeuvres intellectuelles se ressentent de ce manque d’équilibre, de cette erreur d’optique. Nous ne voyons pas simultanément les choses comme elles
sont, placées en leur lieu respectif, nous les voyons par morceaux, les unes un jour, le lendemain d’autres : celle qui un jour était au premier plan et cachait les autres, le lendemain reste
oubliée parce qu’une autre vient qui se place devant..."
Tous les écrivains de la génération de 1898, qu'ils soient de Séville, de Valence ou de Bilbao, vont découvrir dans l'aride Castille et la Meseta l'expression typiquement espagnole de la beauté et la clé de la résurrection nationale : "quelle beauté dans la tristesse calme de cette mer pétrifiée et pleine de ciel !.." (Miguel de Unamuno). Ce sont de même les paysages de Castille et les champs de la province de Soria qui servent de décor et de base de réflexion pour "Campos de Castilla" (1912) : dans ce recueil de poèmes, Machado se livre à une véritable "objectivation intellectuelle" du paysage castillan, moment caractéristique de l'âme de cette génération.
La "génération de 1898" peut être reconnue comme une composante du courant "moderniste" qui atteint Madrid dans les dernières années du 19e siècle.
Le modernisme, que l'on situe principalement entre 1888 (parution du recueil Azur de Rubén Darío) et 1910 (mort de l'Uruguayen Herrera y Reissig) se développe et se répand dans l'Amérique latine : ce mouvement concerne tant la poésie que la prose, prônant la simplicité de style pour traduire l'émotion, la sensibilité, le moi de l'artiste ( Enrique Gómez Carrillo (1873-1927), La Grèce éternelle (La Grecia eterna), 1907; Enrique Larreta (1875-1961), La Gloire de don Ramire (La gloria de don Ramiro, 1908)..). Autour de 1900, le Vénézuélien Rufino Blanco-Fombona (1874-1944) fonde à Madrid l'Editorial América, qui diffuse largement les œuvres latino-américaines contemporaines. Globalement, l'esthétique retenue se fait plus impressionniste, joue avec l'espace et le temps, traverse les époques, avec en fond pessimisme et contradictions entre désir de régénération de l'existence et fidélité à la tradition.
Ecrivains et artistes espagnols de cette génération iront tous puiser dans le cosmopolitisme de Paris une nouvelle vision du monde
...
Enrique Gómez Carrillo (1873-1927), diplomate et chroniqueur né au Guatemala, joue alors le rôle de médiateur entre la culture hispanique et le monde cosmopolite du Paris du début du siècle. Les artistes du monde entier viennent y rencontrer les symbolistes et les parnassiens, pour les écrivains, les impressionnistes et néo-impressionnistes pour les peintres, flâner sur les grands boulevards, partager de l’absinthe sur les terrasses des cafés. Oscar Wilde rencontre Gomez Carrillo lorsqu’il se rend à Paris au début de novembre 1891 pour travailler sur Salomé. Antonio Machado séjourne à Paris en 1899 sous la conduite du même Carillo. Et c'est le peintre Van Dongen qui, en 1924, lui présente Consuelo Suncin Sandoval de Gómez, qu'il épousera et qui sera plus tard la muse d’Antoine de Saint Exupéry. Le poète nicaraguayen Rubén Darío (1867-1916), auteur du recueil "Azul" (1888), est aussi représentatif de cette littérature hispano-américaine de la fin du XIXe siècle qui vit la rupture politique de l'Espagne avec l'Amérique hispanique et s'expatrie à Paris : il rencontre en 1893 ses maîtres symbolistes et parnassiens qu'il vénère, Moréas, Verlaine, puis s'installe dans la capitale en 1900.
Ignacio Zuloaga (1870-1945)
Peintre de la tauromachie et du flamenco (La Niña de los Peines fut son modèle), Zuloaga vécut le plus souvent à Ségovie, et ce pendant 13 ans jusqu'en 1913. Mais il s'installa dès 1890 à París, où il fréquenta Santiago Rusiñol, Toulouse-Lautrec, Jacques Émile Blanche, Edgard Degas, Maxime Dethomas.
C'est à Paris, en 1913, que le peintre Zuloaga se lie d'amitié avec le compositeur Manuel de Falla : entre Paris, Madrid ou Grenade, ils ne cesseront tous deux d'échanger, de correspondre ou de collaborer à des projets tel que la représentation à Paris d'une nouvelle version de "El retablo de Maese Pedro", composé en 1922 par Manuel de Falla, d'après un épisode du Don Quichotte de Miguel de Cervantes.
Manuel de Falla (1876-1946)
Andalou par son père, catalan par sa mère, il étudia la composition au conservatoire de Madrid auprès de Felipe Pedrell (1841-1922), fondateur du nationalisme musical espagnol. Pianiste précoce, mais compositeur tardif, Manuel de Falla reprend le style national romantique forgé par Isaac Albéniz et Enrique Granados en y insufflant le modernisme d'un Debussy et d'un Stravinsky qu'il fréquenta à Paris. On a dit de lui qu'il "demeure ibérique jusqu’à la moelle par son ardeur sombre, sa sécheresse acérée, son mélange inimitable d’âpreté et de langueur". Une autocritique impitoyable et sa santé précaire expliquent le nombre très restreint des œuvres que nous laisse de Falla.
On distingue chronologiquement une période "andalouse" qui vit naître la majorité de ses œuvres les plus célèbres (La Vie brève, 1905) ; l’Amour sorcier, 1915) ; le Tricorne, 1919; la Fantasía betica pour piano, 1919), puis, à partir de 1920, une période "castillane" marquée par le renoncement à toute sensualité sonore pour un style plus dépouillé (Le Retable de Maître Pierre, 1923); enfin, bouleversé par la guerre d'Espagne et l'exécution de Garcia Lorca, il se retira en Argentine pour y mourir, jetant ses dernières forces dans un immense projet qui restera inachevé, l'oratorio "l'Atlantide".
Siete canciones populares Españolas (1914)
S'inspirant de mélodies andalouses, de Falla y ajoute des partitions de piano, l'ensemble constituant une grande diversité d'ambiances, tour à tour exubérante, berceuse ou douloureuse. Le succès fut immédiat dès leur première exécution à Madrid en 1915.
(Joaquín Sorolla, Baile en el Café Novedades de Sevilla 1914)
Noches en los jardines de España
(Nuits dans les jardins d'Espagne, 1915)
C'est la première oeuvre dans laquelle de Falla mêle impressionnisme français et style national espagnol. L'ouverture est connue pour être l'une des plus belles que l'Espagne musicale ait donné.
Joaquin Sorolla, Generalife. Granada (hacia 1910).
L'Amour sorcier (1915, révisé 1925)
De Falla connut la célébrité avec ses musiques de ballet, tels que "El sombrero de tres picos" (Le tricorne, 1919) et "El amor brujo" (L'amour sorcier), qui contient la célèbre "danse rituelle du feu". Dans "l'Amour sorcier", une gitane se débarrasse des attentions indésirables du fantôme jaloux de son ancien amant en l'amenant à faire l'amour avec une autre femme. "Le Tricorne", créé à Londres sur des décors de Picasso, conte l'histoire d'un magistrat qui tente de séduire l'épouse du meunier. Ce fut l'un des grands triomphes des ballets russes de Diaghilev.
Le Concerto pour clavecin et cinq instruments (1923-1926)
Sextuor pour clavecin, flûte, hautbois, clarinette, violon et violoncelle, le Concerto para clavecín y orquesta de cámara, dédié à la claveciniste Wanda Landowska, est considéré comme l'un des chefs d'oeuvre néo-classique des années 1920. Le premier mouvement cite une chanson espagnole du XVe siècle, le second mouvement le Tantum Ergo de Tomas de Victoria.
Isaac Albéniz (1860-1909)
- Iberia (1908)
Iberia est non seulement l'un des plus grand chef d'oeuvre pianistique espagnol, mais incarne l'identité espagnole, avec sa gamme dynamique étendue, ses rythmes croisés, et sa puissance évocatrice.
Jusque-là, Albéniz, virtuose et improvisateur, se cantonnait à une musique moins élaborée, et sa découverte de Ravel et de Debussy fit considérablement évoluer son langage musical. Sa "Suite espagnole" de 1886 annonce Ibéria, sans en avoir l'exubérante difficulté technique. "Pepita Jimenez" (1896) est son opéra le plus populaire. Découragé par l'accueil réservé en Espagne à ses zarzuelas, il regagna Paris en 1900.
Enrique Granados (1867-1916)
- Goyescas (1911)
Granados, pianiste virtuose, connut à Paris d'Indy, Dukas, Saint-Saens, puis regagna l'Espagne en 1890 pour créer un art musical typiquement espagnol, mêlant la musique populaire ibérique et le romantisme d'un Schumann ou d'un Lizst. S'inspirant des tableaux de Francisco Goya, Granados composa "Goyescas" qui incorpore les rythmes espagnols à la riche palette harmonique du romantisme et produit ainsi un des chef d'oeuvres du romantisme pianistique espagnol.
Gustavo de Maeztu (1887-1947)
Maetzu vécut à Paris de 1904 à 1908, se consacrant principalement à l'écriture et fréquentant Gomez Carrillo et Guillaume Apollinaire. Il retourne à Bilbao
en 1908 et se lie avec Pio Baroja , Ramiro de Maeztu , Juan de la Encina et Miguel de Unamuno. Il participe au Salón de los Independientes en 1909 et 1910, et publie en 1911 un roman, "El imperio
del gato azul". Peintre du paysage basque et espagnol, mais aussi de nombreux portraits, il utilise des couleurs vives avec une intention symbolique omniprésente.
Sitios de interés : Museo Gustavo de Maeztu - Estella-Lizarra (Navarra, Spain)
José Gutiérrez Solana (1886-1945)
Comme Darius Regoyos et Ignacio Zuloaga, Solana restitue une vision pessimiste et dégradée de l'Espagne. Influencé par Francisco de Goya ou Eugenio Lucas,
sa palette sombre, aux traits épais, privilégie un regard souvent "grotesque" portant sur les fêtes populaires (Procesión de la muerte, 1930), les usages et les coutumes de l'Espagne (La visita
del obispo, 1926) et des portraits (1920, La tertulia del Café de Pombo; 1910, Las vitrinas, Museo Reina Sofía, Madrid; La casa del Arrabal, 1934, Museo de Arte Moderno. Barcelona.
Cataluña).
La philosophie de Bergson est aussi un des grands attraits de la capitale française, la durée, la mémoire, l'essence, le non-être, l'intuition sont autant de thèmes qui enrichissent les interrogations d'un Machado en 1910, par exemple. En effet, cette génération est fortement attirée par les courants philosophiques de l'irrationalisme européen, en particulier Friedrich Nietzsche (Azorín, Maeztu, Baroja, Unamuno), Arthur Schopenhauer (Baroja), Søren Kierkegaard (chez Unamuno) et Henri Bergson (Antonio Machado).
Après la dictature de Primo de Rivera en 1923 et son cortège de déceptions, les élections de 1931 vont amener les Républicains au pouvoir. La crise mondiale de 1929 va les conduire à lancer de grandes réformes, notamment éducative et culturelle. La Génération de 27, qui suit celle de 98, place la poésie au centre de ses préoccupations avec un grand nombre de poètes : Federico Garcia Lorca, Rafael Alberti, Miguel Hernandez, Juan Ramon Jiménez, ...
Antonio Machado (1875-1939)
L'Andalou Antonio Machado s'impose comme le grand poète de l'Espagne en crise. Sa poésie s'inspire des procédés de la peinture du temps et entend
délibérément communiquer une émotion, une sensation, un sentiment au lecteur le plus modeste, la mélancolie de l'homme le soir devant la vie qui s'écoule, puis plus tard, du rêve quasi
métaphysique débouchant sur un espace magique et lumineux. "Converso con el hombre que siempre va conmigo. Quien habla solo, espera hablar con Dios un día", écrira-t-il. Machado se réapproprie la
littérature espagnole, séjourne à Paris (1899, 1910). De retour en Espagne, il sera affecté à Soria pour y enseigner le français, où il épouse Doña Leonor. C"est à partir de 1907 que débute la
publication de ses oeuvres, poèmes, revus et corrigés au rythme de son évolution intellectuelle ("Soledades, Galerias y otros poemas" (1907), "La tierra de Alvargonzález" (1911), "Nuevas
canciones" (1924)). Par la suite, Machado enseigne le français Baeza, puis Segovie, et collabore à la revue España, où se retrouve la génération littéraire de 1898: il se prononce contre la
Première Guerre mondiale, malgré ses sentiments francophiles et prend parti pour ces "hommes ingénus, élémentaires, fondamentaux" que sont les masses laborieuses et à qui il se doit de partager
cette culture universelle qui l'habite.Mais il ne sera jamais le penseur qu'il espérait et s'enferme dans le dialogue qu'il anime avec ses doubles, Abel Martin et Juan de Mairena. Il mourut en
exil à Collioure en 1939.
Soledades, Galerias y otros poemas, 1907
Ensueños
Yo voy soñando caminos
de la tarde. ¡Las colinas
doradas, los verdes pinos,
las polvorientas encinas!
¿Adónde el camino irá?
Yo voy cantando, viajero
a lo largo del sendero...
-La tarde cayendo está-.
«En el corazón tenía
la espina de una pasión;
logré arrancármela un día:
ya no siento el corazón.»
Y todo el campo un momento
se queda, mudo y sombrío,
meditando. Suena el viento
en los álamos del río.
La tarde más se obscurece;
y el camino que serpea
y débilmente blanquea,
se enturbia y desaparece.
Mi cantar vuelve a plañir:
«Aguda espina dorada,
quién te pudiera sentir
en el corazón clavada».
Rêvant, par les chemins du soir,
je m'en vais. Les collines
dorées, les pins verts,
les chênes poussiéreux!
Où peut aller ce chemin?
Je m'en vais chantant, voyageur
tout au long du chemin...
- Lentement la nuit tombe -
"J'avais dans le coeur
l'épine d'une passion;
un jour, j'ai pu me l'arracher;
mon coeur, je ne le sens plus."
Et la campagne un instant
demeure muette et sombre;
elle médite. Le vent frémit
dans les peupliers de la rivière.
Le soir s'obscurcit encore;
et le chemin qui serpente
et doucement blanchit
se trouble et disparaît.
Mon chant recommence à pleurer:
"Epine pointue dorée,
si je pouvais te sentir
dedans mon coeur clouée!"
Recuerdo infantil
Una tarde parda y fría
de invierno. Los colegiales
estudian. Monotonía
de lluvia tras los cristales.
Es la clase. En un cartel
se representa a Caín
fugitivo, y muerto Abel
junto a una mancha carmín.
Con timbre sonoro y hueco
truena el maestro, un anciano
mal vestido, enjuto y seco,
que lleva un libro en la mano.
Y todo un coro infantil
va cantando la lección:
mil veces ciento, cien mil,
mil veces mil, un millón.
Una tarde parda y fría
de invierno. Los colegiales
estudian. Monotonía
de la lluvia en los cristales.
Souvenir d'enfance
Une après-midi grise et froide
d'hiver. Les collégiens
étudient. Monotonie
de pluie derrière les vitres.
C'est la la classe. Sur une image
on voit Caïn
le fugitif, et Abel mort,
près d'une tache carmin.
D'une voix sonore et creuse
tonne le maître, un vieillard
mal habillé, maigre et sec;
il tient un livre à la main.
Et tout un choeur d'enfants
qui chante la leçon:
"mille fois cent, cent mille;
mille fois mille, un million."
Une après-midi grise et froide
d'hiver. Les collégiens
étudient. Monotonie
de la pluie sur les vitres."
Campos de Castilla (1907-1917)
"Dans un troisieme volume, j’ai publié mon second livre, Champs de Castille (1912). Cinq années en terre de Soria, aujourd’hui pour moi sacrée - là je
me suis marié, là j’ai perdu ma femme que j'adorais -, ont orienté mes yeux et mon coeur vers l’essentiel castillan. D’ailleurs, mon idéologie était déjà tout autre. Nous sommes victimes -
pensais-je - d’un double mirage. Si nous regardons vers l’extérieur et que nous tentons de pénétrer les choses, notre monde externe perd en solidité, et finit par s’évaporer lorsque nous croyons
qu'il n’existe non par soi mais par nous. Mais si, convaincus de la réalité intime, nous regardons vers l’intérieur, alors tout nous parait venir de l’extérieur, et c’est notre monde intérieur -
nous-mêmes - qui s’évanouit. Que faire ? Tisser le fil qu’on nous donne, rêver notre rêve, vivre ; ainsi, seulement, pourrons-nous réaliser le miracle de l'engendrement. Un homme attentif à
lui-même et qui décide de s’ausculter, étouffe l’unique voix qu’il pourrait écouter : la sienne ; mais les bruits étrangers l'étourdissent. Ne serions-nous que de simples spectateurs du monde ?
Mais nos yeux sont chargés de raison et la raison analyse et dissout. Trés vite, nous verrons le théâtre en ruines, et pour finir, notre seule ombre projetée sur la scène. Et j’ai pensé que la
mission du poète était d’inventer de nouveaux poèmes de l’éternel humain, des histoires animées qui, tout en étant siennes, vivraient par elles-mêmes.."
"Mi infancia son recuerdos de un patio de Sevilla,
y un huerto claro donde madura el limonero;
mi juventud, veinte años en tierra de Castilla;
mi historia, algunos casos que recordar no quiero.
Ni un seductor Mañara, ni un Bradomín he sido
—ya conocéis mi torpe aliño indumentario—,
mas recibí la flecha que me asignó Cupido,
y amé cuanto ellas puedan tener de hospitalario.
Hay en mis venas gotas de sangre jacobina,
pero mi verso brota de manantial sereno;
y, más que un hombre al uso que sabe su doctrina,
soy, en el buen sentido de la palabra, bueno.
Adoro la hermosura, y en la moderna estética
corté las viejas rosas del huerto de Ronsard;
mas no amo los afeites de la actual cosmética,
ni soy un ave de esas del nuevo gay-trinar.
Desdeño las romanzas de los tenores huecos
y el coro de los grillos que cantan a la luna.
A distinguir me paro las voces de los ecos,
y escucho solamente, entre las voces, una.
¿Soy clásico o romántico? No sé. Dejar quisiera
mi verso, como deja el capitán su espada:
famosa por la mano viril que la blandiera,
no por el docto oficio del forjador preciada.
Converso con el hombre que siempre va conmigo
—quien habla solo espera hablar a Dios un día—;
mi soliloquio es plática con este buen amigo
que me enseñó el secreto de la filantropía.
Y al cabo, nada os debo; debéisme cuanto he escrito.
A mi trabajo acudo, con mi dinero pago
el traje que me cubre y la mansión que habito,
el pan que me alimenta y el lecho en donde yago.
Y cuando llegue el día del último viaje,
y esté al partir la nave que nunca ha de tornar,
me encontraréis a bordo ligero de equipaje,
casi desnudo, como los hijos de la mar. "
"Mon enfance : souvenirs d’un patio de Séville,
d’un jardin clair où mûrit le citronnier ;
ma jeunesse : vingt années en terre de Castille ;
mon histoire : quelques faits que je préfere oublier.
Ni séducteur Mañara, ni Marquis de Bradomin n’ai été
- mon piètre accoutrement est connu de tous -,
mais j’ai reçu la flèche que m’adressa Cupidon,
er aimé tout ce qu’lles possédent d’hospitalité.
Coule dans mes veines du sang jacobin,
mais mon vers jaillit d’une source sereine ;
et plus qu’un homme àla mode qui connait son catéchisme,
je suis, au bon sens du terme, un homme bon.
]’adore la beauté, et dans l'esthétique moderne
ai coupé les vieilles roses du jardin de Ronsard ;
mais je n’aime pas les fards de la cosmétique actuelle,
ni ne suis un de ces oiseaux du nouveau Gai - gazouillement
Méprisant les romances des ténors à voix creuse
et le choeur des grillons qui glapissent à la lune,
j'essaie de démêler les voix des échos.
Parmi toutes ces voix, je n’en écoute qu’une.
Suis-je classique ou romantique ? Je ne sais. Je voudrais
laisser mon poème comme le capitaine délaisse son épée :
fameuse, par la main virile qui la brandissait,
non pour l’art savant du forgeur, appréciée.
Je converse avec l’homme qui toujours m’accompagne
- qui parle seul espère parler à Dieu un jour - ;
en soliloquant, je m’entretiens avec ce bon ami
qui m’enseigna le secret de la philanthropie.
Finalement, je ne vous dois rien ; c’est vous qui me devez,
puisque j’écris.
J’accomplis mon travail, je paie de mes deniers
l'habit qui me vêt et la maison où j’habite,
le pain qui me nourrit, la couche où je repose.
Et quand viendra le jour de I’ultime voyage,
et lorsque partira la barque qui jamais ne revient,
vous me trouverez à bord, et mon maigre équipage,
nu quasiment, comme les enfants de la mer."
Aureliano de Beruete (1845-1912)
Pío Baroja y Nessi (1872-1956)
Pío Baroja est l'écrivain de la déception et du désenchantement existentialiste. Médecin et écrivain né à Saint-Sébastien, Baroja tente de conjurer
dans son oeuvre l'inaction de l'homme qui ne parvient que difficilement à surmonter sa lassitude existentielle, mais pourfend aussi la corruption et l'injustice sociale. Il s’est toujours déclaré
comme appartenant au mouvement du "roman ouvert". En 1900, il publie un recueil de trente-trois contes et nouvelles intitulé "Vies sombres" (La vida fantástica), très bien accueilli par Unamuno,
Azorín et Perez Galdós. Par la suite, il dédie une trilogie, "Tierra vasca", à son pays natal, dont se détache "Zalacaín el aventurero" (1909), le roman d’aventures le plus connu de l'auteur qui
raconte l’histoire de Martín Zalacaín, de son enfance à sa mort, assassiné, dans le contexte historique du Pays Basque de la fin du XIXe siècle. Sa trilogie "La Lucha por la vida", où s'impose
"Aurora roja" (1904), est le résultat des périnégrations de Baroja dans les bas-fonds de Madrid. En 1911, il publie "L’arbre de la science" (El árbol de la ciencia), appartenant à la trilogie "La
raza", travail autobiographique centré sur le personnage d'Andrés Hurtado, étudiant en médecine dans le Madrid de la fin du XIXe siècle, puis médecin de village avant son retour à Madrid. Baroja
retrace ainsi l’évolution intellectuelle et personnelle de son personnage à travers les déceptions répétées que provoque chacune de ses expériences professionnelles et personnelles.
El árbol de la ciencia, Pio Baroja, 1911
Travaillé par le doute, "la vie en général et surtout la sienne lui semblait une chose laide, trouble, douloureuse et incontrôlable."
"Camino de perfección" (1902, Pio Baroja)
Considéré comme le premier chef d'oeuvre de Pio Baroja, le roman suit la quête vers la "perfection" d'un personnage, Fernando Osorio, qui incarne cette
Espagne du début du XXe siècle, indécise, sans volonté, soumise à la corruption des notables et au mépris du peuple. Sa "passion mystique" est partagée entre rêves , rêves névrotiques de
relations sexuelles avec sa tante Laura, et réalisme qui résoudra toutes ses désorientations en épousant une jeune fille.
"Zalacain el aventurero" (Zalacain l'aventurier, 1909), part de la guerre carliste qui vit l'Espagne devenir une monarchie sans roi, puis une république éphémère, avant de retomber dans le giron des Bourbons avec l'accession au trône d'Alphonse XII en décembre 1874 : il relate comment Zalacain, un montagnard basque, après une enfance passée "à assommer des poulets sans ameuter le voisinage", fait du commerce de chevaux, vend aux carlistes et aux libéraux poudre et fusils, avant d'être assassiné à 24 ans par un homme de main du "Cacho", son ennemi héréditaire.
"Una muralla de piedra, negruzca y alta rodea a Urbia. Esta muralla sigue a lo largo del camino real, limita el pueblo por el Norte y al llegar al río
se tuerce, tropieza con la iglesia, a la que coge, dejando parte del ábside fuera de su recinto, y después escala una altura y envuelve la ciudad por el Sur.
Hay todavía, en los fosos, terrenos encharcados con hierbajos y espadañas, poternas llenas de hierros, garitas desmochadas, escalerillas musgosas, y
alrededor, en los glacis, altas y románticas arboledas, malezas y boscajes y verdes praderas salpicadas de florecillas. Cerca, en la aguda colina a cuyo pie se sienta el pueblo, un castillo sombrío se oculta entre gigantescos olmos.
Desde el camino real, Urbia aparece como una agrupación de casas decrépitas, leprosas, inclinadas, con balcones corridos de madera y miradores que asoman por encima de la
negra pared de piedra que las circunda. Tiene Urbia una barriada vieja y otra nueva. La barriada vieja, la calle,
como se le llama por antonomasia en vascuence, está formada, principalmente, por dos callejuelas estrechas, sinuosas y en cuesta que se unen en la plaza.
El pueblo viejo, desde la carretera, traza una línea quebrada de tejados torcidos y mugrientos, que va descendiendo desde el Castillo hasta el
río. Las casas, encaramadas en la cintura de piedra de la ciudad, parece a primera vista que se encuentran en una posición estrecha é incómoda, pero no es así, sino todo lo contrario,
porque, entre el pie de las casas y los muros fortificados, existe un gran espacio ocupado por una serie de magníficas huertas. Tales huertas, protegidas de los vientos fríos, son excelentes. En ellas se pueden cultivar plantas de zona cálida como naranjos y limoneros. La muralla, por la parte interior que
da a las huertas, tiene un camino formado por grandes losas, especie de acera de un metro de ancho con su barandado de hierro.
En los intersticios de estas losas viejas, y desgastadas por las lluvias, crecen la venenosa cicuta y el beleño; junto a las paredes brillan, en la
primavera, las flores amarillentas del diente del león y del verbasco, los gladiolos de hermoso color carmesí y las digitales purpúreas. Otros muchos hierbajos, mezclados con ortigas y amapol as,
se extienden por la muralla y adornan con su verdura y con sus constelaciones de flores pequeñas y simples las almenas, las
aspilleras y los matacanes.
Durante el invierno, en las horas de sol, algunos viejos de la vecindad, con traje de casa y zapatillas, pasean por la cornisa, y al llegar Marzo o
Abril contemplan los progresos de los hermosos perales y melocotoneros de las huertas.."
"Une muraille de pierre, noire et haute, entoure Urbia. Cette muraille longe la grand-route, borde le village au nord et tourne lorsqu’elle arrive at la
riviere ; puis elle vient buter contre l’église, l’enserre, laisse une partie de l’abside a l’extérieur, escalade une hauteur, puis entoure la ville du côte sud. On trouve encore dans les fossés des marécages remplis d’herbes folles et de cannes de jonc, des poternes cerclées de fer, des poivrieres tronquées, de petits
escaliers moussus, et tout autour, sur les glacis, de hauts et romantiques boqueteaux, des broussailles et des bocages et de vertes prairies éclaboussées de petites fleurs. Tout près, sur la
colline pointue au pied de laquelle s’étend le village, un chateau fort de couleur sombre se dissimule à moitié derrière de gigantesques ormes.
De la grand-route, on pourrait prendre Urbia pour une agglomération de maisons décrépites, lépreuses, penchées, avec de longs balcons de bois et des
miradors que l’on aperçoit par-dessus le mur de pierre qui les enclôt. Urbia possede un vieux quartier et un quartier nouveau. Le vieux quartier, la calle, comme on l’appelle en basque par
antonomase, est formé principalement par deux ruelles étroites, sinueuses et en pente qui viennent se réunir sur la place. De la
route, la vieille ville trace une ligne brisée de toits tordus et crasseux qui descend du chateau jusqu’a la riviere. Les maisons,
juchées sur la ceinture de pierre de la ville,
semblent de prime abord étre dans une position étroite et inconfortable ; mais il n’en est rien, bien au contraire, car, entre le pied des maisons et les murs fortifiés, il existe un grand espace occupé par une série de magnifiques vergers. De tels vergers, protégés des vents glacés, sont
excellents. On peut y cultiver des arbres des regions chaudes, comme l’oranger et le citronnier.
La muraille, du coté intérieur, celui donnant sur les vergers, est agrémentée d’un chemin formé de larges dalles, une sorte de trottoir large d’un metre
et pourvu d’une balustrade de fer.
Dans les interstices de ces vieilles dalles usées par les pluies, poussent la vénéneuse ciguë et la jusquiame ; près des murs, brillent au printemps, les fleurs bouton d’or du pissenlit et
du bouillon-blanc, les glaïeuls aux belles couleurs cramoisies et les digitales pourpres. Beaucoup d’autres herbes folles, mélangées aux orties et aux coquelicots, croissent le long de la
muraille et parent de leur verdure et de leur constellation de simples et de petites fleurs, les meurtrieres et les
machicoulis.
Durant l’hiver, aux heures d’ensoleillement, quelques vieux du voisinage, en habits d’intérieur et en chaussons, se promenent sur la corniche, et, des mars ou avril, contemplent la
progression des tendres poiriers et les abricotiers des vergers..."
Azorin est un penseur romancier en quête d'un langage qui puisse exprimer l'âme profonde de la Castille: mais cette quête ne semble au bout du compte pouvoir s'extérioriser dans notre existence, le narrateur doit se faire personnage pour maintenir cette expérience si singulière : si l'écrivain semble avoir trouvé sa méthode et les moyens de son expression, l'homme n'a pas, lui, trouver la moindre ouverture.
José Martínez Ruiz, dit Azorin (1874-1967)
Azorin fut l'un des maîtres de la "génération de 98" à laquelle il a donné ce nom) naquit à Monóvar (province d'Alicante) et se fit connaître très
rapidement comme critique littéraire. Dans son attitude politique (il fut un temps anarchisant) comme dans sa création littéraire, Azorin s'avère hors de son temps, un personnage romancier
qui vivra dans un univers de fiction où les êtres ne s'émancipent jamais de leur archétype. À la différence d'un Antonio Machado, Azorín, qui, par la simplicité et la clarté de sa syntaxe, a
contribué à une évolution radicale de la prose espagnole moderne, "n'a guère senti qu'il existait peut-être, dans le peuple espagnol de son temps, d'autres milieux que les couches décadentes
qu'il fréquentait, d'autres valeurs que celles d'une critique nostalgique".
"La voluntad" (1902) constitue le premier roman d'Azorín, et une véritable rénovation stylistique de la littérature espagnole, au-delà des formules du réalisme et du naturalisme alors en
vogue. Il s’agit du premier tome d’une trilogie de nature autobiographique ayant pour héros « Antonio Azorín », personnage dont l’auteur tient son pseudonyme. La simplicité du langage et
l’absence d’histoire linéaire sont les deux aspects qui la distinguent des œuvres du siècle précédent. Azorin est en effet le précurseur du "roman sans personnage" à la manière du Nouveau Roman.
On retrouve ici les grandes thématiques de ses contemporains, introspection anxieuse, déception et désenchantement d'une Espagne figée dans ses croyances. Le personnage principal, un individu
plein de volonté à l’intelligence vive, est pourtant dépassé par son incapacité totale d’agir, par son apathie et son manque de décision : la réalité profonde peut être exprimée au gré
d'impressions et de notations fugaces, en prise directe avec la perception des choses, mais ce sera au risque de la dissolution du personnage lui-même. "La voluntad" (1902), "Antonio Azorín"
(1903) et "Los confesiones de un pequeño filósofo" (1904) constituent ainsi sa première trilogie narrative.
Dans "Castilla" (1912), Azorín plonge dans une attraction presque physique (ou métaphysique) pour les terres castillanes, pour leurs paysages et leurs horizons, pour leur culture et leurs
traditions. Le penchant pour la petite histoire quotidienne et la volonté de dévoiler l’âme cachée du paysage castillan évoquent le style de Gasset et d'Unamuno. "Les Confessions d’un petit
philosophe" et "Sur les traces de Don Quichotte" (1905) sont de même la même veine. "Toujours sollicité par une vague rêverie, il s'est enfoncé dans la mort le dos au temps. C'est pourquoi le
chemin a été, pour lui, la pente de moindre résistance, dans la vie comme dans l'art : le conservatisme, l'accord avec le milieu – une douce assurance, l'esthétisme –, une protection contre les
idées, l'opposition, la lutte."
"La voluntad" (1902, Azorin)
Le premier roman d'Azorín va au-delà des formules du réalisme et du naturalisme en vogue au XIXe siècle. Il s’agit en effet du premier tome d’une trilogie
de nature autobiographique ayant pour héros «Antonio Azorín», mais qui se démarque par la simplicité de son langage et l’absence d’histoire linéaire. Antonio Azorín est un individu à
l’intelligence vive, mais pourtant dépassé par son incapacité totale d’agir, par son apathie et son manque de décision, thématique commune à cette génération. Ici, la volonté n'est vue que comme
l'effort consacré à des tâches qui sont en fait inutiles...
"Castilla" (1912, Azorin)
Dans "El alma castellana" (1900), "Los pueblos. Ensayos sobre la vida provinciana" (1905), "La ruta de D.Quijote" (1905), ou dans "Castilla", Azorin s'empare des paysages de la Castille et de leurs traditions, des bourgades assoupies, des plus humbles scènes de la vie quotidienne, pour en extraire une réalité plus profonde, intangible, subjective et impressionniste, certes, mais qui nécessite pour nous, lecteurs, un langage en a ccord avec cette contemplation : des phrases courtes, des termes du terroir directement en prise avec la vie profonde des choses, des archaïsmes, car le présent n'est pas sans lien avec le passé.
"Las confesiones de un pequeño filósofo" (1944)
" Lector: yo soy un pequeño filósofo; yo tengo una cajita de plata de fino y oloroso polvo de tabaco, un sombrero grande de copa y un paraguas de seda
con recia armadura de ballena. Lector: yo emborrono estas páginas en la pequeña biblioteca del Collado de Salinas. Quiero evocar mi vida. Es medianoche; el campo reposa en un silencio augusto;
cantan los grillos en un coro suave y melódico; las estrellas fulguran en el cielo fuliginoso; de la inmensa llanura de las viñas sube una frescura grata y fragante.
Yo estoy sentado ante la mesa; sobre ella hay puesto un velón con una redonda pantalla verde que hace un círculo luminoso sobre el tablero y deja en una
suave penumbra el resto de la sala. Los volúmenes reposan en sus armarios; apenas si en la oscuridad destacan los blancos rótulos que cada estante lleva—Cervantes, Garcilaso, Gracián, Montaigne,
Leopardi, Mariana, Vives, Taine, La Fontaine —, a fin de que me sea más fácil recordarlos y pedir, estando ausente, un libro.
Yo quiero evocar mi vida; en esta soledad, entre estos volúmenes, que tantas cosas me han revelado, en estas noches plácidas, solemnes, del verano,
parece que resurge en mí, viva y angustiosa, toda mi vida de niño y de adolescente. Y si dejo la mesa y salgo un momento al balcón, siento como un aguzamiento doloroso de la sensibilidad cuando
oigo en la lejanía el aullido plañidero y persistente de un perro, cuando contemplo el titileo misterioso de una estrella en la inmensidad infinita.
Y entonces, estremecido, enervado, retorno a la mesa y dudo ante las cuartillas de si un pobre hombre como yo, es decir, de si un pequeño filósofo, que
vive en un grano de arena perdido en lo infinito, debe estampar en el papel los minúsculos acontecimientos de su vida prosaica...
No voy a contar mi vida de muchacho y mi adolescencia punto por punto, tilde por tilde. ¿Qué importan y qué podrían decir los títulos de mis libros
primeros, la relación de mis artículos agraces, los pasos que di en tales redacciones o mis andanzas primitivas a caza de editores? Yo no quiero ser dogmático y hierático; y para lograr que caiga
sobre el papel, y el lector la reciba, una sensación ondulante, flexible, ingenua de mi vida pasada, yo tomaré entre mis recuerdos algunas notas vivaces e inconexas-como lo es la realidad-, y con
ellas saldré del grave aprieto en que me han colocado mis amigos, y pintaré mejor mi carácter, que no con una seca y odiosa ringla de fechas y de títulos. Y sea el lector bondadoso, que a la
postre todos hemos sido muchachos, y estas liviandades de la mocedad no son sino prólogos ineludibles de otras hazañas más fructuosas y trascendentales que realizamos -¡si las realizamos!- en el
apogeo de nuestra vida. "
LE CHEMIN DE L'ECOLE
Lorsque les vignes devenaient jaunes et que s’annonçaient, lentement, les crépuscules gris de l’automne, je me sentais soudain devenir plus triste que
jamais : l’heure de la rentrée des classes avait sonné. La première fois que je fis ce voyage, j ’avais huit ans. Pour nous rendre de Monóvar à Yecla, nous devions emprunter la voiture, traverser
des précipices et gravir des collines ; en guise de viatique, nous emportions une omelette, des côtelettes froides et des saucisses grillées. Au linge qu’on repassait puis qu’on pliait - draps,
taies d’oreiller, draps de bain, serviettes -, je savais que ce triste jour approchait... Puis, la veille du départ, on descendait du grenier un coffre recouvert cl’une peau sétacée, dans lequel,
ma mère, avec un soin extrême, rangeait les vétements. J'ajouterai qu’elle y plaçait aussi des couverts en argent ; aujourd’hui, quand, passant parfois devant le vieux buffet, je revois ces
couverts usés que j'utilisai huit années durant, j’éprouve pour eux une profonde sympathie.
De Monóvar à Yecla, il y a six à huit heures de route : nous partions avec l’aube qui se levait et arrivions aux premières heures de la tombée du jour.
La voiture avançait en cahotant, n’évitant que rarement les profondes ornières; parfois nous choisissions un olivier sous lequel faire halte et déjeuner. Et je me souviens parfaitement que, alors
que nous en étions à la moitié de notre chemin, là-bas, aux confins de l’immense plaine noirâtre, en contre-bas du défilé rocailleux, nous distinguions les petits points blancs du village et la
majestueuse coupole de la Nouvelle église qui scintillait. Alors, s’emparait de moi une inexprimable angoisse ; comme si, tout à coup, on venait de m’arracher à un paradis délicieux pour me
plonger dans une obscure caverne. Une fois, je voulus même m’échapper; un vieux serviteur, celui qui me rattrapa, me le raconte encore aujourd’hui en riant. Je sautai de la voiture et courus à
travers champs ; il s’empara de moi et me dit en riant aux éclats : "Non, non, Antonito, nous allons à Yecla !" Evidemment que nous allions à Yecla ! La voiture poursuivit sa route ; une
nouvelle fois je pénétrai dans cette ville horrible ; une nouvelle fois, je me retrouvai irrémédiablement, à réflechir, en rang, tout le long cle ces allées, ou assis, silencieux et immobile, sur
les bancs de la salle de classe."
LA SECHERESSE
"Il se trouve dans nos souvenirs, dans ce sédiment que le temps a lentement déposé dans notre cerveau, des visions uniques, rapides, incohérentes, qui
constituent un seul moment, mais que nous avons présentes avec une vivacité et une lucidité extraordinaires. A cet instant précis, je vois une rue large, profonde, de Yecla ; le soleil se
réverbère sur les façades blanches, et je contemple sur les murs ces barres obliques de lumière venue de l’aube ou du couchant. Le ruisseau est recouvert d’une espèce de chape de poussière que
l’air chaud soulève et forme des nuages brûlants. Entre ces nuages se devinent les capes noires des prêtres, aux ramages jaunes, les cottes rouges des enfants de choeur, une haute croix d’argent
qui irradie, deux longues files de paysans qui cheminent lentement et chantent, en un choeur fervent, une psalmodie larmoyante...
Je ne vois rien d’autre. Mais à présent, je peux restituer l'atmosphere de ces jours de sécheresse dévastatrice, avec les moissons qui se perdent, les
arbres fruitiers qui meurent, les bois qui perdent leurs feuilles chétives, avec les chemins poussiéreux, avec les vieilles femmes en deuil qui poussent des soupirs et regardent le ciel en
ouvrant les bras, avec une colère sourde qui s’empare des paysans terrassés d’épouvante sur leurs chaises, dans les vestibules obscurs, et qui éclate de temps en temps en cris et en coups qui
font pleurer les enfants."
Ramiro de Maeztu (1875-1936)
Ramiro de Maetzu fut d'abord l’un des représentants de la "Génération de 98" à rejoindre les rangs de la pensée libérale, ouverte vers l'Europe et la
régénération de son Espagne natale. Mais son expérience de correspondant de guerre pendant la Première Guerre mondiale, son séjour à l'étranger, son activité de diplomate le firent évoluer,
sous la dictature de Primo de Rivera, vers un traditionalisme monarchique et profondément catholique. Dans "Hacia otra España" (1899), influencée par Ibsen et Nietzsche, Maeztu défend la
nécessité dune européanisation de l'Espagne. À Londres (1905-1909), il entre en contact avec la société des Fabiens, rédige des conférences telles que "La revolución y los intelectuales" (1910),
publie "La Crisis del humanismo" (1919), qui traduisent une crise spirituelle et infléchissent durablement son orientation vers le catholicisme traditionnel. qui, désormais, occupe
une grande place dans sa vie ; à cette évolution correspond qui analyse les principes d'autorité, de liberté et d'action par rapport à la guerre. Dans son œuvre maîtresse "Defensa de la
hispanidad" (1934), il entreprend la défense et la justification de la tradition nationale,de la mission historique de l'Empire espagnol : l'Espagne a perdu sa valeur au XVIIIe siècle en
acceptant le matérialisme de l'Encyclopédie, les idées de la Révolution française et le libéralisme. Il défend le concept de l’« hispanité », qu’il décrit comme un esprit commun à tous
les peuples hispano-américains, unis par le catholicisme et la monarchie. Ses articles de critique littéraire sont rassemblés dans "Don Quijote, don Juan y la Celestina" (1926). Il fut fusillé
par les républicains au début de la Guerre civile en 1936.
Ramón del Valle-Inclán Peña (1866-1936)
Ramón José Simón Valle Peña naquit à Vilanova de Arousa (Galicie). En 1890, la mort de son père lui permet d’abandonner ses études de droit, puis rencontre
Rubén Darío à Madrid et gagne le Mexique. De retour en Espagne, il fréquente Azorín, Benavente et Pío Baroja. En 1899, il perd un bras dans une bagarre avec le journaliste Manuel Bueno et doit
renoncer à être comédien. "Jardin umbrio" (1903) et "Flor de santidad" (1904) constituent des contes populaires de Galicie centrés sur les supersitions rurales, une Galicie comme pétrifiée dans
laquelle les déshérités trouvent place.
Plus tard, en 1907, il épouse l’actrice Josefina Blanco, mais son infirmité l’isole d’un monde qui lui paraît grotesque et hypocrite. Il utilise
l'esthétique empruntée aux décadents et aux symbolistes de la "modernista" pour défier la société établie, sa morale apparente. Il publie quatre nouvelles en prose poétique, les Sonates,
dont chacune porte le nom d’une saison : la "Sonata de otoño," d’ambiance galicienne (1902), la "Sonata de estío", d’ambiance mexicaine (1903), la "Sonata de primavera", sur un fond de la
Renaissance italienne (1904), la "Sonata de invierno", d’ambiance navarraise et carliste (1905). Ses Sonates constituent l'un des plus grands apports de la littérature espagnole au modernisme. Il
tente sa chance au théâtre avec "El marqués de Bradomín" (le Marquis de Bradomín, 1907) et des "Comedias bárbaras".Sa trilogie de la guerre carliste, "Los cruzados de la causa" (1908), "El
resplandor de la hoguera" (1909), "Gerifaltes de antaño" (1909), privilégie la petite noblesse, celle qui est la plus proche du peuple et qui est jugée déterminante dans la grandeur passée de
l'Espagne.
L’année 1920 marque le grand tournant de son œuvre littéraire: il crée l’esperpento, un théâtre expressionniste opposé au réalisme bourgeois dominant. La création littéraire permet de muer les hommes en personnages, ce qui permet d'éliminer leur réalité et de faire ainsi apparaître toute leur vérité. Dans ses "Luces de Bohemia" (Lumières de Bohême, 1924) il jette une lumière crue et cruelle sur la misère des êtres marginaux, poètes sans public, baladins sans clients, bouffons crispés, rêveurs tragiques, dont les gens de la bonne société ont fait des épaves grotesques et indignes. Son oeuvre prend des aspects tantôt de parodie de mélodrame, tantôt de tragi-comédie grotesque, comme son chef-d’œuvre, "Divinas palabras" (Divines Paroles, 1920).
En 1924, Valle-Inclán prend à partie le dictateur Primo de Rivera et en 1926, il publie "Tirano Banderas", dont le héros-guignol est un dictateur ibérique, imaginaire et pourtant très concret, le grotesque et terrifiant Santos Banderas qui inspirera nombre d'auteurs sud-américain, de Miguel Angel Asturias (Senor Presidente, 1946) à Gabriel Garcia Marquez (El otoño del patriarca, 1975) et dont le pays associé a pour nom "Tierra caliente". Il poursuit ainsi sa caricature du monde réel, ses "esperpentos" (épouvantails), courtes pièces en prose, ou séries romanesques sur l'Histoire d'Espagne ("El ruedo ibérico"), mais ne reste pour le public de son temps qu’un écrivain outrancier et un être farfelu. Son oeuvre, pourtant très riche, "entendait déchirer les oripeaux de l’apparence..."
Ramón del Valle-Inclán Peña - Las Sonatas (1902-1905)
Ces quatres sonates sont considéré comme le chef d'oeuvre de l'écrivain et un monument de la prose dite moderniste. Elles sont présentées comme les mémoires d'un romanesque Marquis de Bradomin, "laid, catholique et sentimental", un Don Juan volontiers sacrilège et transgressif. Chacune des sonates se réfère à une saison (primavera, estio, otoño, inverno), un âge de la vie et un paysage (la mer Tyrrhénienne, le Mexique, La Galicie, la Navarre).
Darío de Regoyos (1857-1913)
Regoyos appartient à ces artistes d'origine basque mais de formation française comme Paco Durrio, Ignacio Zuloaga et Pablo Uranga. Se partageant entre Paris
et Bruxelles dès 1880, Regoyos, influencé par Camille Pissaro, Paul Signac, Georges Seurat, James McNeill Whistler, est un des plus importants représentants de l'Impressionnisme et du
néo-impressionnisme espagnol, comme Joaquín Sorolla et Santiago Rusiñol.. Proche des compositeurs Enrique Fernández Arbós et Isaac Albéniz et du poète Émile Verhaeren, ses œuvres ne
rencontrèrent que peu de succès en Espagne. C'est à Barcelona qu'il finira ses jours après des années difficiles tant au niveau de sa santé que financièrement. Ses oeuvres sont exposées aux Museo
de Bellas Artes de Bilbao, Museo Thyssen-Bornemisza de Madrid et au Museo Carmen Thyssen Málaga.