Edith Wharton (1862-1937), "Chez les heureux du monde" (The House of Mirth, 1905),"Ethan Frome" (Ethan Frome, 1911), "Le Temps de l'innocence" (The Age of Innocence, 1920) - "The Boston School" - William McGregor Paxton (1869-1941) ......
Last update : 18/12/2016
Paul Bourget et Henry James furent des relation d'importance pour Edith Wharton, native de New-York, nostagique d'une aristocratie moribonde qui la vit devenir le peintre averti et plein d'ironie de la décadence de son monde et préférer écouler la plus grande partie de son existence en France, un pays qui pour elle était synonyme de "civilisation". Prix Pulitzer en 1921 , "The Age of Innocence" a été rédigé durant une époque tourmentée, après la Première Guerre mondiale qu'Edith Wharton a vécue à Paris. Newland Archer,son protagoniste, représente l'apogée du savoir›vivre. C'est l'initié par excellence de la société new-yorkaise après la guerre de Sécession. Son mariage imminent avec May Welland, jeune mondaine, unira deux des plus anciennes familles de la ville. Dès les premières pages du roman cependant, la cousine de May, la comtesse Ellen Olenska, perturbe par son intensité passionnée et son excentricité européenne mystérieuse l'univers conventionnel de New York, ville obsédée par l'ordre. L'espoir que nourrit Ellen de se libérer de son passé est anéanti lorsqu'elle est forcée de choisir entre la conformité et l'exil, et lorsque Newland est désigné par la famille Welland comme son conseiller juriclique. Cela donne naissance à une histoire d'amour compliquée dont ce dernier n'aurait jamais pu imaginer la puissance.
S'inspirant du style anthropologique fondé sur l'observation, Edith Wharton propose une histoire d'amour condamnée par le sens du devoir dans le "vieux New York" des années 1870. Si elle possède un oeil critique, attentif à la souffrance qu'inflige souvent l'imposition oppressive et dépourvue d'imagination de mœurs arbitraires, elle conteste l'assimilation d'une plus grande liberté à un bonheur total...
"The Boston School"
"L'école de Boston" est une groupe de peintres, pour la grande majorité d'entre eux basés à Boston et qui vont dominer la scène artistique de 1900 à 1930.
Souvent classés comme impressionnistes, ils furent en effet sensibles à des peintres comme John Singer Sargent et Claude Monet, mais le classicisme et la précision d'un Jan Vermeer les inspira
considérablement. Chacun de leurs tableaux constitue un véritable récit dont les jeunes femmes de la haute société sont les principales protagonistes. A la manière d'un Henry James dans ses
romans comme "Portrait of a Lady" (1881) ou "The American" (1877), ils représentent des femmes idéalisées dans des décors somptueux, et le choix de peindre uniquement la haute bourgeoisie
bostonienne leur fut souvent reproché.
William McGregor Paxton (1869-1941) est le principal d'entre eux : il enseigna de 1906 à 1913 au Museum of Fine Arts School de Boston. Le Metropolitan
Museum of Art écrivit lors de l'entrée du tableau "Tea Leaves" (1909) de Paxton dans leur collection : " In a windowless parlor permeated by soft light, a dreamy atmosphere, and the
sounds of silence, two elegant women pass the time by doing very little or nothing at all. Paxton hints at a narrative, but he asks that the viewer invent it, recapitulating the ambiguity of
Vermeer's paintings, which he admired". "The New Necklace" (1910) peut être admiré au Museum of Fine Arts de Boston, "The Figurine" (1921) au Smithsonian American Art Museum. Les autres
peintres de ce mouvement, comme Edmund C. Tarbell (1862-1938), Frank Weston Benson (1862-1951) furent tous formés initialement à l'Académie Juilian de Paris.
Edith Wharton (1862-1937)
Edith Wharton, issue d'une famille appartenant à la haute société new-yorkaise, passa une partie de son enfance en Europe (Paris, Bad Wildbad, Florence) et publia très tôt poèmes et nouvelles (1877-1890). Après l'échec d'un premier mariage, un aristocrate neurasthénique de Boston, Edward Wharton, elle acquiert une certaine notoriété avec "The Decoration of Houses", écrit en collaboration avec Ogden Codman (1897). En 1903, elle etourne en Europe et rencontre en Angleterre Henry James, avec lequel elle restera liée jusqu'à la mort de ce dernier en 1916. La publication en 1905 de "Chez les heureux du monde" révéla toute sa maîtrise littéraire. Son roman "Ethan Frame" (1911) est une sombre évocation des rigueurs de l'esprit puritain dans la Nouvelle-Angleterre. Installée à Paris, puis après 1919 dans sa villa Pavillon Colombe à Saint-Brice-sous-Forêt , elle se lie avec nombre d'écrivains et d'artistes français, Paul Bourget, Jacques-Émile Blanche, Anna de Noailles, André Gide, Jean Cocteau. En 1911, "Sous la neige" paraît dans le Scribner's Magazine, suivi par "L'Écueil" en 1912. Pendant la Première Guerre mondiale, son expérience des "American Hostels for Refugees" qu'elle contribue à fonder est retracée dans "La France en Guerre" (Fighting France: From Dunkerque to Belfort). En 1920, paraît "Le Temps de l'innocence" (The Age of Innocence), qui eut un grand succès. Elle succombe à une crise cardiaque en 1937, laissant inachevés deux recueils, "Ghosts" et "Les Boucanières".
Chez les heureux du monde (The House of Mirth, 1905)
"Selden paused in surprise. In the afternoon rush of the Grand Central Station his eyes had been refreshed by the sight of Miss Lily Bart. It was a Monday in early September, and he was returning to his work from a hurried dip into the country; but what was Miss Bart doing in town at that season? If she had appeared to be catching a train, he might have inferred that he had come on her in the act of transition between one and another of the country-houses which disputed her presence after the close of the Newport season; but her desultory air perplexed him. She stood apart from the crowd, letting it drift by her to the platform or the street, and wearing an air of irresolution which might, as he surmised, be the mask of a very definite purpose..."
"Un après-midi de septembre, à la gare de New York, Mr Selden rencontre par hasard Miss Lily Bart ; elle vient de manquer le train qui devait la conduire chez des amis. Elle accepte de venir prendre une tasse de thé chez l’avocat. C’est l’occasion pour lui de faire une cour discrète à cette jeune femme de vingt-neuf ans, orpheline charmante mais sans argent, qui aimerait faire un riche mariage. Mais, pour elle, ce moment passé seule à seul chez un célibataire est aussi la première entorse aux usages du monde. Évocation brillante de la haute société new-yorkaise, où la richesse ne compte qu’affichée, Chez les heureux du monde fonde son intrigue sur le thème du mariage et de l’ascension sociale qu’il permet. Mais Lily Bart confond la vie et les fausses valeurs auxquelles elle sacrifie son âme." (Livre de poche) Histoire d'amour et critique sociale, Lily est alternativement l'architecte de son propre destin, le pouvoir féminin dans toute sa puissance, et un pion dans une société marquée par l'inégalité des sexes exploitant son amour du superficiel et du luxe.
Ethan Frome (Ethan Frome, 1911)
"I had the story, bit by bit, from various people, and, as generally happens in such cases, each time it was a different story. If you know Starkfield, Massachusetts, you know the post-office. If you know the post-office you must have seen Ethan Frome drive up to it, drop the reins on his hollow-backed bay and drag himself across the brick pavement to the white colonnade; and you must have asked who he was. It was there that, several years ago, I saw him for the first time; and the sight pulled me up sharp. Even then he was the most striking figure in Starkfield, though he was but the ruin of a man. It was not so much his great height that marked him, for the “natives” were easily singled out by their lank longitude from the stockier foreign breed: it was the careless powerful look he had, in spite of a lameness checking each step like the jerk of a chain. There was something bleak and unapproachable in his face, and he was so stiffened and grizzled that I took him for an old man and was surprised to hear that he was not more than fifty-two. I had this from Harmon Gow, who had driven the stage from Bettsbridge to Starkfield in pre-trolley days and knew the chronicle of all the families on his line..."
Le récit "évoque l'isolement mental, la frustration sexuelle et le désespoir moral d'une communauté rurale de la Nouvelle-Angleterre au début du XXe siècle. Il décrit l'amour naissant de Frome pour la vive Mattie Silver, parente pauvre de sa femme Zeena, et poursuit la logique qui va pousser les deux amants à mettre fin à leurs jours avec des conséquences inattendues et poignantes."
Le Temps de l'innocence (The Age of Innocence, 1920)
"On a January evening of the early seventies, Christine Nilsson was singing in Faust at the Academy of Music in New York. Though there was already talk of the erection, in remote metropolitan distances "above the Forties," of a new Opera House which should compete in costliness and splendour with those of the great European capitals, the world of fashion was still content to reassemble every winter in the shabby red and gold boxes of the sociable old Academy. Conservatives cherished it for being small and inconvenient, and thus keeping out the "new people" whom New York was beginning to dread and yet be drawn to; and the sentimental clung to it for its historic associations, and the musical for its excellent acoustics, always so problematic a quality in halls built for the hearing of music...."
"Newland Archer, son personnage principal, est l'initié de la bonne société new-yorkaise après la guerre de Sécession. Son mariage imminent avec May Welland, jeune mondaine, unira deux des plus anciennes familles de la ville. Dès les premières pages du roman cependant la cousine de May, la comtesse Ellen Olenska, perturbe par son intensité passionnée et par son excentricité européenne l'univers conventionnel d'une société obsédée par l'ordre. L'espoir que nourrit Ellen de se libérer de son passé est anéanti lorsqu'elle est forcée de choisir entre la conformité et l'exil. "
Les New-Yorkaises (Twilight Sleep, 1927)
"Miss Bruss, the perfect secretary, received Nona Manford at the door of her mother's boudoir ("the office," Mrs. Manford's children called it) with a gesture of the kindliest denial. "She wants to, you know, dear--your mother always wants to see you," pleaded Maisie Bruss, in a voice which seemed to be thinned and sharpened by continuous telephoning. Miss Bruss, attached to Mrs. Manford's service since shortly after the latter's second marriage, had known Nona from her childhood, and was privileged, even now that she was "out," to treat her with a certain benevolent familiarity--benevolence being the note of the Manford household. "But look at her list--just for this morning!" the secretary continued, handing over a tall morocco-framed tablet, on which was inscribed, in the colourless secretarial hand: "7.30 Mental uplift. 7.45 Breakfast. 8. Psycho-analysis. 8.15 See cook. 8.30 Silent Meditation. 8.45 Facial massage. 9. Man with Persian miniatures. 9.15 Correspondence. 9.30 Manicure. 9.45 Eurythmic exercises. 10. Hair waved. 10.15 Sit for bust. 10.30 Receive Mothers' Day deputation. 11. Dancing lesson. 11.30 Birth Control committee at Mrs.--" "The manicure is there now, late as usual. That's what martyrizes your mother; everybody's being so unpunctual. This New York life is killing her."
"Avec l'intelligence et l'humour féroce dont elle est coutumière, Edith Wharton brocarde dans ce roman, publié en 1927, l'inaction et l'insouciance aveugle de l'aristocratie new-yorkaise des Années folles. En moraliste sévère, elle étudie les mœurs de cette classe sociale privilégiée – dont elle est elle-même issue – et montre que, sous la surface policée et rassurante des conventions, bouillonnent les passions, les mensonges et les trahisons ; nul n'échappe à sa plume acerbe : oisifs, dilettantes, forcenés du travail, tous sont condamnés par un sentiment d'autosatisfaction qui va insensiblement provoquer des ravages irréversibles. Le sentiment du tragique apporte donc une note discordante dans cet univers feutré. Ce thème pourra paraître quelque peu désuet aux yeux d'un lecteur contemporain, mais la description exacte du New York du début du XXe siècle, ainsi que le style élégant, proche de celui de Paul Bourget et d'Henry James, parvient en partie à masquer cette faiblesse." (J'ai Lu)
Eté (Summer, 1917)
" A girl came out of lawyer Royall's house, at the end of the one street of North Dormer, and stood on the doorstep. It was the beginning of a June afternoon. The springlike transparent sky shed a rain of silver sunshine on the roofs of the village, and on the pastures and larchwoods surrounding it. A little wind moved among the round white clouds on the shoulders of the hills, driving their shadows across the fields and down the grassy road that takes the name of street when it passes through North Dormer. The place lies high and in the open, and lacks the lavish shade of the more protected New England villages. The clump of weeping-willows about the duck pond, and the Norway spruces in front of the Hatchard gate, cast almost the only roadside shadow between lawyer Royall's house and the point where, at the other end of the village, the road rises above the church and skirts the black hemlock wall enclosing the cemetery. The little June wind, frisking down the street, shook the doleful fringes of the Hatchard spruces, caught the straw hat of a young man just passing under them, and spun it clean across the road into the duck-pond...."
La jeune Charity, recueillie enfant par un avocat du petit village de North Dormer, en Nouvelle-Angleterre, s'est résignée à une vie étriquée, au pied des montagnes, rythmée par les heures qu'elle passe à dépoussiérer et ordonner la minuscule bibliothèque municipale. Un jour de début d'été, elle voit apparaître dans ce bout du monde un jeune architecte, Lucius Harney, venu dessiner des croquis d'habitats traditionnels de la région. Très vite, elle s'éprend de lui... Admirablement construit, ce court roman des espoirs et des cruautés de l'amour est également une description impitoyable de l'oppression exercée par la "normalité" sociale contre les aspirations de l'individu. Été, quoique fort chaste, traite avec franchise de la sexualité féminine, vue comme force vitale puissante. Un roman très en avance sur son temps qui, lorsqu'il fut publié en 1917, créa un véritable scandale. On alla jusqu'à le comparer à Madame Bovary, qui était précisément le livre préféré d'Edith Wharton. (UGE, 10-18)