Jules Pascin (1885-1930) - Jioi Kars (1882-1945) - Suzanne Valadon (1865-1938) - Erik Satie (1866-1925) - Maurice Utrillo (1883-1955) - Alfred Stieglitz (1864-1946 ) & Georgia O'Keeffe (1887-1986) ...
Last update : 11/11/2016
Attablé, Pascin dessine ... En 1905, Pascin arrive à Paris et s'installe à Montparnasse - en 1914, quitte Paris pour Londres et s'embarque à bord du Lusitania pour New York, - en 1920, il prend la nationalité américaine, parrainé par Alfred Stieglitz et repart pour Paris, - s'installe en 1922 boulevard de Clichy à Montmartre ...
"Je fis la connaissance de Pascin grâce à Mac Orlan. C'était en 1928, me semble-t-il. Nous dînions dans un petit restaurant de Montmartre. Je connaissais et j'aimais ses dessins et je l'examinais avec une curiosité non dissimulée. Il avait le visage d'un Méridional, peut-être même d'un Italien. Il était vêtu avec une correction excessive chez un peintre : costume bleu sombre, bottines noires vernies; bien que passé de mode, un melon désuet lui couvrait le chef. Au repas, il se taisait. Seul Mac Orlan parlait, il parlait de la guerre passée, de la croissance gigantesque des villes, de l'illumination nocturne de la place Pigalle, des ombres qui erraient sous les ponts noirs appelant tout cela le "nouveau romantisme". Pascin écoutait puis il se mit à dessiner sur le menu de Mac Orlan moi-même et des femmes nues. On nous servit le café et le cognac; il vida son petit verre comme nous buvons la vodka, d'un trait et s'anima soudain : "Le romantisme? Une absurdité! Une calamité. Pourquoi bâtir avec de la merde des écoles de Beaux-Arts? Il y a cent bordels sur la place Pigalle. Voilà un point. Sous les ponts dorment des hommes comme les autres, donnez-leur un lit et ils voteront et, le dimanche, iront à la messe. Rien ne sert d'habiller les hommes, la mode change. Il vaut mieux les déshabiller : un nombril dans sa nudité me parle plus que toutes les robes. Le romantisme, à mon avis, c'est une saleté... " Il vida encore un verre et je vis alors un autre Pascin, tapageur, turbulent, celui qui s'était rendu célèbre par ses débauches. Je ne sais pourquoi, mais je me souvins de l'ami de ma prime jeunesse, Modigliani.
Par la suite, lorsque je rencontrais Pascin tantôt sérieux, tantôt triste, timide même, d'autres fois violent, je compris que je ne m'étais pas trompé la première fois : il rappelait Modigliani. Peut-être était-ce ce passage brusque de l'extrême réserve, de la taciturnité du travail concentré à la débauche? Peut-être aussi cette passion pour les dessins sur morceaux de papier? Peut-être encore le fait que ces deux êtres qui furent toujours entourés connurent la pleine mesure de la solitude?
Pascin débarqua à Montparnasse lorsque le drame qui s'y était joué n'était plus qu'un souvenir. Loin de La Rotonde d'autres drames se déroulaient. Il apparut soudainement et trop tard, telle une étoile égarée. Il eût été bon qu'il connût Modi, ils se seraient compris. Mais Pascin, à cette époque, était loin à Vienne, à Munich, à New York. Il vivait comme un vagabond. Il avait des relations fort diverses à Paris; tantôt il fréquentait des écrivains, des peintres, Derain, Vlaminck, Salmon, Mac Orlan, les surréalistes; tantôt, il s'enfonçait dans un autre monde, buvait en compagnie d'artistes de cirque, de prostituées, de filous. Chacun savait qu'il était un peintre célèbre, que ses oeuvres étaient dans les musées; mais lui, il déchirait ses dessins, dessinait à nouveau et déchirait... Rares étaient ceux qui savaient d'où il venait, ce qu'il avait fait pendant quarante ans de sa vie, s'il avait une patrie, un foyer, une famille. Pascin s'appelait Julius Pincas et était né à Vidin, petite ville bulgare sur le Danube ... (Ily Ehrenbourg, 1964)
"Je me souviens de cet atelier, toujours le même, du boulevard de Clichy, tel qu'il était habituellement : des dívans, des poufs poussiéreux et ternes - Pascin y asseyait ses modèles - du désordre, des bouteilles vides, des fleurs desséchées, des livres, des gants de femme, des palettes séchées; mais sur le chevalet, deux femmes nues. Les couleurs de Pascin étaient toujours assourdies; il semblait que la toile encore inachevée se fût déjà ternie. Sur quoi se fondait cette réputation de sensualité et d'érotisme que l'on a attribuée à Pascin? Ce qui frappait sans doute, c'est qu'il dessinait ou peignait toujours le corps de la femme; ce qui égarait peut-être, c'est qu'il était apparu avec une cour de femmes autour de lui. Or c'était un romantique qui s'éprenait comme au bon vieux temps et demeurait désarmé, sans défense devant l'objet de son amour; et si l'on veut méditer sur ses dessins, ils parlent non point de volupté mais bien plutôt de désespoir; toutes ces filles aux jambes courtes, potelées, aux yeux humiliés ressemblent à des poupées brisées, à cet étrange hôpital de poupées que j'ai vu à Naples. Etonnant aussi qu'il fût toujours au cœur des mêlées artistiques, des écoles, des tendances et ce, sans donner l'impression de remarquer quelque chose; ni le Cavalier bleu, ni le cubisme, ni les tapageurs surréalistes, ne le retinrent. Ayant lu, dans une revue, un article où on l'appelait le "maître de l'école de Paris", quoique celle-ci ne fût composée ni de Parisiens, ni même de Français, Pascin se mit à rire et proposa aux critiques de créer une nouvelle tendance : le "pento-orthoxénophagisme" ou l'art d'ingérer directement et quintuplement les étrangers." (Ily Ehrenbourg, 1964)
Jules Pascin (1885-1930)
Dessinateur au talent précoce, esprit cultivé et curieux de toutes les expériences que la vie peut offrir, il poursuit
diverses études à Vienne (1896-1901), à Berlin puis à Munich (1903), où il collabore dès 1905 au journal satirique Simplicissimus ainsi qu'au Jugend. De bonne heure familier des maisons closes,
il y trouvera pendant toute sa carrière ses modèles de prédilection, appréciant chez les filles leur sensualité immédiate et leur passivité. Assez détaché vis-à-vis de son œuvre (qui est
surtout celle d'un illustrateur de certains milieux contemporains), il ne connaît qu'une évolution de faible amplitude. Il arrive à Paris en décembre 1905, habite d'abord Montmartre, puis
Montparnasse, dont il devient (en partie par sa prodigalité) une des figures les plus originales, et il fait en 1907 la connaissance d'Hermine David, qu'il épousera après la
guerre. Il prit pour modèle, entre autres, sa femme et sa maîtresse Lucy Krogh ainsi que les pensionnaires des maisons
closes et des lieux mal famés de la faune montmartroise, et couvrit ses carnets de dessins voluptueux et nostalgiques, parfois érotiques et toujours nimbés d'une indicible tristesse. C'est
qu'entre Montparnasse et Montmartre, l'homme au chapeau melon prend souvent quartier à La Belle Poule, maison close de la rue Blondel aux rideaux rouges et miroirs encastrés dans les plafonds à
caissons.
En 1914, il gagne Londres, puis New York, voyage en Floride et à Cuba, en rapporte des gravures et de nombreux dessins d'un style incisif et où l'influence des débuts du Cubisme est sensible. Il revient à Paris à la fin de 1920 ; il use maintenant d'un tracé plus souple, avec de saisissants raccourcis, et se consacre davantage au tableau. Si les portraits de ses amis sont souvent d'un réalisme trop littéral, il excelle à peindre les filles, toujours très jeunes, nues ou à demi vêtues ; la vérité de l'attitude, et de l'atmosphère, est compensée par la légèreté de la technique, tracé au fusain et couleurs claires très étendues.
Son suicide, le 2 juin 1930, achève sa destruction systématique, qu'il avait entreprise par l'alcool, la drogue et l'érotisme. Tout au long de sa vie, Julius Mordecaï Pinkas dit Jules Pascin peindra des femmes, Kiki, Aïcha, Jacqueline Godard, Zniah Pichard, les sœurs Perlmutter, Julie Luce, mais Lucy Krohg restera l'amour de sa vie. Son suicide, le 2 juin 1930, achève sa destruction systématique, qu'il avait entreprise par l'alcool, la drogue et l'érotisme. Il se tranche les veines, inscrit sur la porte avec son sang "Adieu Lucy" et se pend, après avoir rédigé un testament léguant ses biens à Lucy et Hermine....
Jules Pascin est exposé dans nombre de musées : Musée National d'Art Moderne de Paris (Beautiful English Girl, 1916), Art Institute of Chicago ( Claudine Resting, 1913), Crystal Bridges Art Museum, The Barnes Foundation, Hokkaido Museum of Modern Art, Cincinnati Art Museum, et dans nombre de collections privées.
"Lucy Krohg en violet" (1925) - C’est la patronne d’une maison close de Bucarest qui encouragera Julius Mordecaï Pinkas dit Jules Pascin à dessiner puis à partir pour Paris. Après un passage à Berlin, il arrive à Paris le 24 décembre 1905, où il est accueilli par les Dômiers, un groupe d’artistes habitués du café du Dôme, tels Rudolf Grossman (1882-1941), , George Grosz (1893-1959). Il devient vite une figure de Montparnasse ; sa première exposition a lieu chez Paul Cassirer, en 1907. Il s’inscrit à l’académie Matisse en 1908, se rend au Louvre et se passionne pour Watteau, Fragonard, Greuze et Boucher. En 1910 il fait la connaissance de Lucy Vidil, alors modèle de l’académie Matisse. Il lui demande de venir poser dans son atelier et tombe amoureux d’elle. De retour à Paris en 1920, citoyen américain et marié à Hermine, Pascin retrouvera Lucy, qui entre-temps a épousé le peintre norvégien Per Krogh. En 1927, Pascin retournera à New York pour régler ses affaires, Lucy le rejoindra...
"Portrait d’Hermine David avec un chapeau à fleurs" (1916) - C'est en 1907 que Hermine David (Hermine-Lionette Cartan-David, 1888-1970) rencontre Jules Pascin qui traîne une relation tumultueuse avec Lucy Krohg. Pascin et Hermine David mènent alors jusqu'en 1914 une vie de bohême, entourés de peintres et d'écrivains-poètes, Georges Braque, Tsugouharu Foujita, Juan Gris, Moïse Kisling, Max Jacob, Suzanne Valadon, Maurice de Vlaminck. La nationalité bulgare de Pascin (la Bulgarie est l'ennemie de la France dans la Première Guerre mondiale) le contraint à gagner les États-Unis en 1914. Six mois après son départ, Hermine le rejoint par le paquebot Lusitania et emménage avec lui à Brooklyn. De retour à Paris en 1920, citoyen américain et marié à Hermine, Pascin s’installe au 3, rue Joseph-Bara, où habitent déjà Kisling et Zborowski. Entre 1921 et 1922, Pascin quitte Hermine et s’installe au 36, boulevard de Clichy...
"Couple insolite dans une salle d'attente" (1917-1908, aquarelle, musée d'Israël à Jérusalem) - "Deux femmes" (1905, aquarelle, collection M. et Mme Abel Rambert) - "Femme assise" (1912, huile sur toile, musée d'Israël, Jérusalem) - "Portrait de Hermine David" (huile sur toile, 1918, Centre Georges Pompidou) - ...
En 1923, Paul Morand demande à Pascin d'illustrer son roman "Fermé la nuit", évoque le peintre : "... il se rend à Berlin où il se lie avec George Grosz, puis il arrive à Paris vers 1907, déjà flâneur et travailleur à la fois, préférant la rue à l'atelier, le crayon au pinceau, et la femme à tout. La guerre le trouve à Londres; la guerre, cette querelle locale de l'Occident, n'intéresse pas ce Juif errant : il prend le premier bateau pour les États-Unis. L'Amérique semble fixer le pèlerin passionné, car elle est un monde en soi : Pascin la parcourt du nord au sud, attiré dix ans avant nous par ses Noirs, ses Polaks, ses voleurs, ses émigrants; il se fixe à Brooklyn, cité de Walt Whitman, centre d'art, annexe de New York, mais d'un goût plus audacieux; des admirations de jeunes peintres l'entourent, tandis qu'il dénude et instruit quelques jolies Américaines. Pascin fondera-t-il une école d'art? Non, il s'échappe, visite la Caroline, la Louisiane, La Havane dont la langueur créole exercera sur son oeuvre une influence certaine. Charleston surtout le retient, l'enivre, avec ses blanches maisons de bois de l'époque coloniale, enfouies dans les magnolias, les jardins Middleton, le fort Sumter, et des lawns à l'anglaise roulés par des descendants de l'oncle Tom; le voisinage l'excite de cette austérité puritaine, d'autant plus vigoureuse que le climat est plus doux et les sens davantage provoqués. Longtemps Pascin erra, le calepin à la main, autour de ces vieilles demeures hantées d'aristocratiques spectres, sur l'emplacement de l'antique marché aux esclaves - dont on voit encore les chaînes, près de l'église huguenote française; au pied de la citadelle ocre et crénelée comme celle de Ferrare, il prend cent croquis d'hommes de couleur allongés au soleil, immobiles comme des rebelles alignés au mur et fusillés à la mitrailleuse - mais parfois l'un de ces morts se retourne, soulève son feutre gris clair, gratte sa tête de laine noire, écrase de l'ongle la vermine, replace le chapeau sur ses yeux et se rendort.
À la fin des hostilités, Pascin abandonne l'Amérique et rentre à Paris, en compagnie de celle qui l'a accompagné dans cet exil et qui, depuis des années, veille sur lui avec un merveilleux dévouement. Les États-Unis ont achevé de le dénationaliser. Il s'est fait naturaliser américain, pour n'avoir plus à penser à une patrie. Il ne se sent plus d'attache avec aucune race, aucune école, aucun milieu, ses anciens amis, sa famille, sa mère elle-même dont le souvenir pourtant lui est cher, il les néglige; son frère, de condition bourgeoise, voudrait le mettre dans ses meubles : Pascin refuse; qu'a-t-il besoin de meubles? Qu'est-ce qu'un pays natal? ..."
Jioi Kars (1882-1945)
Peintre tchèque d'origine Allemande, Kars arrive à Paris en 1907, et fréquente Suzanne Valadon, Maurice Utrillo, mais sera surtout un grand ami de
Pascin.
Errant en Europe dans les années 30, il se suicide en 1945, profondément marqué par les tragédies de la seconde guerre mondiale qui touche alors son peuple.
Suzanne Valadon (1865-1938)
Suzanne Valadon, de son vrai prénom Marie-Clémentine, est née d'un père inconnu et d'une mère blanchisseuse qui vint s'établir avec elle en 1872 à Montmartre en 1870. Elle exerça divers petits métiers, devint acrobate dans un cirque forain et y fut victime d'un accident qui ne lui permit pas de poursuivre cette carrière, mais ne l'empêcha pas de poser, nue ou habillée, dans l'atelier de quelques grands maîtres de l'époque. Sa vocation naît à force de regarder peindre lors de ses poses, elle apprend leurs techniques, leurs gestes, Toulouse-Lautrec puis Edgar Degas, qui admire ses traits appuyés, ses coloris qui rappelle Gauguin, l'encourage à peindre et à exposer. Ces tableaux ont pour sujet principaux des nus robustes et des figures réalistes.
A 18 ans, en 1883, elle met au monde Maurice (le futur peintre Utrillo), qui n'est pas reconnu par son père (Maurice Boissy, bohème impénitent, alcoolique invétéré ), le place chez sa mère et le délaisse peu à peu. Suzanne brosse son autoportrait au pastel, sa première oeuvre connue, puis celui de sa mère. Mais Maurice va souffrir de l'absence de sa mère et devenir autodestructeur.
Elle a une brève liaison avec le pianiste Erik Satie dont elle peint le portrait et qui lui envoie 300 lettres d'amour, puis sera l'amante d'un catalan émigré à Paris, Miguel Utrillo, journaliste et peintre, qui reconnaît son fils. En 1896, elle épouse finalement Paul Moussis, un ami de Satie, riche agent de change, le couple s'installe à Montmartre. De 1894 à 1896, Suzanne travaille beaucoup, elle exécute une série de nus debout, assis, allongé accroupi. Degas présente la jeune artiste à des collectionneurs, au marchand de Lautrec, Le Barc de Bouteville, à Sérusier, Émile Bernard, Pissarro, à Vollard.
En 1904, son fils est devenu violent et est interné à Saint-Anne à Paris, il n'a alors que 21 ans. En 1911, elle se met en ménage avec André Utter, ami de son fils et de vingt ans plus jeune qu'elle. Maurice Utrillo ne supporte pas cette situation, s'enivre jour et nuit, mais va produire des chef-d'oeuvres qui font vivre le trio. À partir de 1928, Suzanne participe à de nombreuses expositions. Mais à partir de 1935, la santé de Suzanne Valadon décline, elle pousse son fils dans les bras de Lucie Valore, peintre amateur et actrice, et tombe progressivement dans une déchéance quasi absolue.
Vers 1880, Suzanne Valadon, alors qu'elle a quinze ans, de petite taille, voluptueuse aux yeux très bleus, se rend au fameux marché aux modèles, place Pigalle : elle posera pendant une dizaine d'années pour Zandomeneghi, De Nittis, Henner, Steinlen, Puvis de Chavannes (Le Bois sacré, 1883), Forain, Renoir (Danse à Bougival, 1883), Toulouse-Lautrec (La buveuse, 1889, ou La Gueule de Bois). Et plusieurs de ces peintres seront ses amants, Puvis de Chavannes et Renoir, de quarante ou vingt années de plus qu'elle...
Maurice Utrillo (1883-1955)
Fils naturel de Suzanne Valadon, mais portant le nom d'un critique d'art espagnol, Miguel Utrillo, qui l'adopta en 1891, Maurice Utrillo est dans l'histoire de l'art un peintre paysagiste français de l'école de Paris souvent malmené par la Critique, perturbé par des relations psychologiques destructrices qui le liaient à une mère passionnément amoureuse de son meilleur ami, Utter avec qui il débuta la peinture. Voué à la déchéance, - la fatalité de l'alcoolisme pesa lourdement sur son destin et, en 1900, une crise aiguë justifie la première cure de désintoxication à l'asile Sainte-Anne -, la peinture le sauva presque malgré lui, et les fréquents internements dans plusieurs maisons de santé n'interrompront pas une activité artistique que couronne le succès dès 1919. Travaillant vite et beaucoup, il peint de 1903 à 1907 Montmagny, Pierrefitte, Montmartre, et expose pour la première fois au Salon d'automne de 1909...
...Maurice Utrillo peint la ville avec un talent de coloriste indéniable, remplaçant les tubes de couleur par le plâtre des carrières de Montmagny (sa fameuse période blanche, 1910-1916). Son univers respire une obsédante mélancolie : des maisons délabrées, des arbres secs rangés comme de petits fagots, des rues ou petites places de banlieues oubliées, des personnages réduits à quelques ombres minuscules. Utrillo est reconnu comme le peintre de Montmartre d'avant la guerre de 1914, et Modigliani sera l'un des rares peintres qu'il fréquente. Utrillo se décidera à quitter sa mère, une mère qui n'aura de cesse de le protéger toute sa vie, à 52 ans pour épouser Lucie Valore, veuve de banquier et collectionneur belge qui va prendre en main le contrôle de la production du peintre…
Oeuvres: "Le Théâtre de l'Atelier, Montmartre" (1926, Paris, MNAM), "La maison Bernot" (1924, Musée de l'Orangerie, Paris), "La rue Saint-Rustique à Montmartre" (1926, Paris, MNAM), "La rue du Mont Cenis" (1916, Paris, MNAM), "Le quartier Saint-Romain à Anse" (1925, Paris, musée des Arts décoratifs), "Rue du Mont-Cenis" (Musée de l'Orangerie, Paris), "La maison de Berlioz" (Musée de l'Orangerie, Paris), "La Rue Bayen à Paris" (Toulouse, Fondation Bemberg)…
Erik Satie (1866-1925)
Erik Satie, né d'une mère anglaise, de confession protestante, qui meurt en 1870, et d'un père courtier maritime, catholique, entre au Conservatoire de Paris et compose ses Trois Gymnopédies (1888), pour piano, qui sont devenues avec les Six Gnossiennes (1890-91) son œuvre la plus populaire. À Montmartre, Satie croise Bruant, Suzanne Valadon, fréquente assidûment, pour y boire autant que pour y gagner sa vie, les cabarets de Montmartre, comme le Chat Noir ou il devient second pianiste dès 1891, l’Auberge du Clou avenue Trudaine, où il se lie d’amitié avec Debussy, le Divan Japonais ou le Lapin Agile.
Exubérant et introverti, c'est à Montmartre que Satie vivra son unique aventure sentimentale, connue, avec Suzanne Valadon, qui va durer, comme il le note lui-même, du 14 janvier au 20 juin 1893. Il lui enverra plus de 300 lettres d'amour et s'enfiévra dans une tumultueuse passion. Il composera une série de neuf pièces pour piano, "Les Danses gothiques", sous titrées Neuvaine pour le plus grand calme et la forte tranquillité de mon âme, lors de sa rupture avec Suzanne Valadon.
Il semble avoir décidé de sacrifier ses désirs charnels à ses élans mystiques, allant jusqu'à demander protection policière pour échapper à cette voisine trop encombrante. Il se tourne vers Joseph Péladan, rénovateur du mouvement de la Rose-Croix , puis fonde, peut-être pour rire, une Église métropolitaine d'art de Jésus conducteur, dont il est seul adepte, et compose une Messe des pauvres (1895), pour orgue.
A partir de 1898, Satie s'installe à Arcueil et commence à y « organiser son échec », donnant des titres dérisoires à une foule de recueils de pièces pour piano souvent pleins de talent et d'expression (Pièces froides, 1897 ; Trois Morceaux en forme de poire, 1903, pour piano à quatre mains ; Nouvelles Pièces froides, 1906-1910 ; Aperçus désagréables, 1908-1912 ; Préludes flasques et Véritables Préludes flasques pour un chien, 1912 ; Descriptions automatiques, 1913 ; Embryons desséchés, 1913 ; Vieux Sequins et Vieilles Cuirasses, 1913 ; Trois Valses distinguées du précieux dégoûté, 1914 ; Avant-Dernières Pensées, 1915 ; etc.).
Alfred Stieglitz (1864-1946 ) & Georgia O'Keeffe (1887-1986)
Jules Pascin obtient la nationalité américaine en 1920 et se lie d'amitié avec Alfred Stieglitz (1864-1946 ) qui dirige une galerie de photographie, le 291, au 291 Fifth Avenue à New York, et qui est le premier à faire connaître les artistes européens (Pablo Picasso, Henri Matisse, Georges Braque, Paul Cézanne, Duchamp, Picabia) au public américain. Marchand d'art américain, Alfred Stieglitz est en effet l'une des premières personnalités à élever la photographie au rang d'œuvre d'art. Il réalise en 1907 une photographie, L'entrepont, qu'il ressent comme un acte de création à part entière. En 1924, il offre une vingtaine de photographies au Metropolitan Museum of Art et symbolise à lui seul toute l'évolution de la photographie des années 20, qui se trouve érigée en oeuvre d'art. Le photographe fait de Georgia O'Keeffe (1887-1986), sa muse et son épouse, photographiant son corps et capturant avec son objectif toute la complexité de sa personnalité. En retour, les images photographiques de Stieglitz serviront souvent d'inspiration à Georgia qui, se pensant incapable de peindre ce qu'elle voit, peindra ce qu'elle ressent : sa série de toiles consacrées à New York transforme la ville en images fantasmagoriques, s'organise en compositions visionnaires faites de formes géométriques colorées, à l'instar des clichés réalisés par Alfred Stieglitz. Celui-ci meurt en 1946. Trois ans plus tard elle quitte New York pour s'installer définitivement au Nouveau-Mexique.
Déçue par les limites de sa formation artistique, c'est seulement en 1915 que Georgia O'Keeffe trouva enfin sa voie d'expression, son existence expressive pourrait-on dire, avec une série de dessins au fusain qui la menèrent à cette célèbres séries d'aquarelles (Nude Series, Musée Georgia O'Keefe, Santa Fe).
Georgia O'Keeffe, pendant son long parcours (elle est décédée à l'âge de 99 ans, en 1986), a abordé une grande variété de sujets, "ses" fleurs restent liées à son nom : ne sachant, comme elle disait, "peindre des fleurs", elle s'éloigna de la représentation classique sous forme de nature morte pour s'approcher davantage de ses sujets, avec un nouveau regard que l'on peut apparenté à la vision photographique, se concentrant sur leur texture, leurs lignes, leurs dégradés de teintes: Calla Lily on Grey (1928, Museum of Fine Arts - Boston), Light iris (1924), Pink and Green (1922), Petunia and Coleus (1925), White Rose with Larkspur (1927) ...
Chargées d'une puissante connotation sensuelle, sensualité, la critique a souvent vu dans ses toiles de fleurs des représentations symbolisées du sexe masculin ou féminin. Le célèbre naturaliste suédois Carl von Linné (1707-1778), dans son " Praeludia Sponsaliorum Plantarum (Introduction aux noces des plantes" (1729), avait déjà formulé l'évidente représentation sexuée des fleurs...
Le "Georgia O'Keeffe Museum", situé à Santa Fe (New Mexico, United States) est entièrement dédié à l'oeuvre de Georgia O'Keeffe... Alfred Stieglitz est représenté au Metropolitan Museum of Art de New York....