Pyke Koch (1901-1991) - Albert Carel Willink (1900 -1983) - Felice Casorati (1883 -1963) - Paul Delvaux (1897-1994) - George Tooker (1920-2011) ..
Last update: 11/11/2016
Le Réalisme magique (1920-1940)
Franz Roh désigne comme « réalisme magique » une pratique artistique devenue prédominante dans son pays depuis la Première Guerre mondiale, mais se développant fortement dans toute l'Europe : des éléments irrationnels surgissent dans un environnement réaliste; avec une objectivité froide et précise, l’homme y apparaît déshumanisé, soumis à l’angoisse, à travers des thèmes récurrents tels que le double portrait, le miroir, la mascarade, l’impassibilité du corps, la neutralité des objets. ("Nach-expressionismus, magischer Realismus : Probleme der neuesten europäischen Malerei, 1925"). L’expression fera date mais ne s'impose pas dans la durée compte tenu de l’hétérogénéité des styles, d’autres formulations lui seront substituées dans les années qui suivent : la Nouvelle objectivité et le vérisme en Allemagne, le néo-classicisme ou le surréalisme en France. Dans les années 30, toutefois, nombre d'artistes, européens ou américains, reprendront ce style pour fuir un contexte de crise économique et sociale, et tenter une fusion du réel et du fantastique : des ambiances parallèles et étranges viennent ainsi détruire un réalisme poussé à l'extrême et ouvrir un autre regard sur le monde.
Mais c'est en Espagne et en Amérique latine que le terme de "réalisme magique" va réapparaître notamment en littérature. Cette expression semble permettre de mieux appréhender une réalité avérée à travers la peinture quotidienne de populations latino-américaines pour en révéler toute la substance fabuleuse, irrationnelle. Le terme de « real maravilloso », apparu en 1949 sous la plume d'Alejo Carpentier (préface de son ouvrage "El reino de este mundo" ou "le Royaume de ce monde"), renvoie à une vision du monde spécifique par rapport aux genres et catégories importées d'Europe, comme le merveilleux, le fantastique ou les divers « réalismes », et comme l'écrira Octavio Paz, un "futur dans le passé et tous deux dans le présent.." Dans le « real maravilloso », l'écrivain tente de défaire le réel auquel il est confronté afin de découvrir ce qu'il y a de mystérieux dans les choses, la vie et les actions humaines. Il n'essaie pas de copier la réalité selon les normes en vigueur, comme les écrivains « réalistes », ni de la transgresser librement comme les surréalistes. Cette vision est partagée par des écrivains comme Horacio Quiroga (. Cuentos de amor, de locura y de muerte, 1916 ) , F. Hernandez ("les Hortenses", 1967), Garcia Marquez ("Cent Ans de solitude", 1967)....
(Paul Cadmus, Manikins, 1951)
Franz Roh describes as "magic realism" an artistic practice which has become predominant in his country since the First World War, but which is developing strongly throughout Europe: irrational elements emerge in a realistic environment; with a cold and precise objectivity, man appears dehumanized, subjected to anguish, through recurring themes such as the double portrait, the mirror, the masquerade, the impassibility of the body, the neutrality of objects. "("Nach-expressionismus, magischer Realismus : Probleme der neuesten europäischen Malerei, 1925"). The expression will be a landmark but is not imposed in the long term given the heterogeneity of styles, other formulations will replace it in the years that follow: New objectivity and verism in Germany, neo-classicism or surrealism in France. In the 1930s, however, many artists, European and American, took up this style to escape a context of economic and social crisis, and attempted a fusion of reality and fantasy: parallel and strange atmospheres thus destroyed a realism pushed to the extreme and opened another look on the world...
Franz Roh describe como "realismo mágico" una práctica artística que se ha convertido en predominante en su país desde la Primera Guerra Mundial, pero que se está desarrollando con fuerza en toda Europa: los elementos irracionales emergen en un entorno realista; con una objetividad fría y precisa, el hombre aparece deshumanizado, sometido a angustia, a través de temas recurrentes como el doble retrato, el espejo, la mascarada, la impasibilidad del cuerpo, la neutralidad de los objetos. "Nach-expressionismus, magischer Realismus: Probleme der neuesten europäischen Malerei, 1925"). La expresión será un hito pero no se impone a largo plazo dada la heterogeneidad de estilos, otras formulaciones la sustituirán en los años siguientes: Nueva objetividad y verismo en Alemania, neo-clasicismo o surrealismo en Francia. En los años 30, sin embargo, muchos artistas, europeos y americanos, adoptaron este estilo para escapar de un contexto de crisis económica y social, e intentaron una fusión de realidad y fantasía: atmósferas paralelas y extrañas destruyeron así un realismo llevado al extremo y abrieron otra mirada al mundo...
Pyke Koch (1901-1991)
Comprise comme une entreprise délibérée de parodie des institutions sociales, morales et esthétiques, sa peinture est toujours d'une précision technique quasi photographique, certaines de ses œuvres ayant d'ailleurs été réalisées d'après des photographies (Poésie de minuit, 1931) ou à partir de séquences de films (Portrait de Asta Nielsen, 1929). Son œuvre débute en 1929-30 et s'applique essentiellement au thème de la " Femme fatale ", qui, mêlé à celui de la " Magna Mater ", exerce sur lui un double phénomène d'attraction-répulsion : dans Bertha d'Anvers (1931, La Haye, Gemeentemuseum) et le Stand de tir, (1931, Rotterdam, B. V. B.). Les œuvres se situent dans des espaces le plus souvent vides et clos (Nocturne, 1930, Arnhem, Gemeentemuseum ; Souvenir d'un songe, 1966), ou encore dans un monde nocturne, artificiel et mécanisé (la foire, le cirque) .
Albert Carel Willink (1900 - 1983)
est un peintre néerlandais, natif d'Amsterdam, considéré comme le représentant le plus important du "réalisme imaginaire" (Magisch Realisme), - Willink l'a lui-même appelé " Fantastique du réalisme imaginaire " (Fantastisch of Imaginair Realisme) -, combinant photo-réalisme et une extrême attention aux détails, pour représenter des situations mystérieuses et parfois inquiétantes : un amour obsessionnel de la réalité qui le faisait prendre des centaines de photos pour ensuite y réfléchir et rapporter cela à propre réalité personnelle. Il a également exercé une importante activité de portraitiste, dans laquelle on retrouve la même maîtrise technique : "Zelfportret" (1934, Kasteel Ruurlo; 1941, Museum Arnhem), "Portret Ludzer Eringa" (1926),.. Willink a expérimenté toutes sortes de mouvements artistiques et de styles d'artistes et c'est à partir des années 1930 que sa peinture se fait de plus en plus réaliste. En réaction face à un monde de dépression et plongé dans l'incertitude, et las des nombreux mouvements artistiques expérimentaux, il décide de revenir aux techniques traditionnelles de la peinture. Le voyage que fait Willink en Italie en 1931 joue un rôle important dans le développement de ce style. Il fait aussi connaissance avec l'œuvre de Giorgio De Chirico dont le penchant pour le vide, la profondeur, les étranges pièges lumineux et les ombres extrêmes inspireront également ses peintures : "Late Bezoekers aan Pompeï", "De jobstijding" (1932, Stedelijk Museum Amsterdam), "Chateau en Espagne" (1939). Son atelier était situé sur la Ruysdaelkade à Amsterdam, surplombant le Rijksmuseum. Après la guerre, maître reconnu du réalisme magique, reconnu pour sa précision et sa virtuosité technique, sa solitude fut grande dans un univers où la peinture prennait une direction complètement différente de la sienne, notamment celle de l'abstraction-expressionnisme (De schilderkunst in een kritiek stadium, 1950), 'De hedendaagse schilderkunst is voer voor psychiaters, niet meer voor kunstminnaars" (La peinture contemporaine est de la nourriture pour les psychiatres, plus que pour les amateurs d'art)... Reste que Carel Willing est une des grandes figures de la peinture hollandaise du XXe, représenté dans nombre de musées (Rijksmuseum, Stedelijk Museum, Amsterdam, Museum voor Moderne Kunst, Arnhem, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, Antwerpen..) et que, dans la région boisée de l’Achterhoek, le château de Ruurlo (Kasteel Ruurlo) expose 45 de ses oeuvres...
De vrouwen in het leven van Carel Willink? Les femmes inspiratrices du peintre? Mies van der Meulen, Wilma Jeuken, Mathilde de Doelder, Sylvia Quiël. Poser pour Willink nécessitait une préparation rigoureuse, la photographie et une approche des plus précises portant sur les couleurs, la lumière, venait compléter son regard. Mies van der Meulen, modèle et épouse de 1926 à 1928, "Meisje met bal" (1925), "Ariadne van Bolivie" (1926, Museum Arnhem), "De semafoor" (1926). Wilma Jeuken (1925-1960), qu'il rencontre et épouse au début des années 1930 et qu'il peint dans onze tableaux (Wilma, 1932, Self portrait with Wilma van der Meulen, 1934), dont le bien connu "Portret van Wilma" de 1952. A 69 ans, Willink entre dans une vie sntimentale qui va quelque peu se compliquer et alimenter bien des commentaires. En 1969, il épouse Tilly de Doelder, 31 ans, qui devient Mathilde Willink , "mijn inspirerende, mooie, verwende en kostbare muze", la muse tant vénérée qu'il peint dans "Portret van Mathilde de Doelder" (1963) et qui lui redonne vie et inspiration, jusqu'à devenir une "oeuvre d'art vivante" (levende kunstwerk). Mais en 1975, alors qu'il vient de terminer "portret Mathilde Willink", le peintre fait la connaissance, après Andrée Rupp, de Sylvia Quiël, 31 ans et elle-même peintre et sculpteur, ils vont ainsi se compléter l'un l'autre (Rustende dryade, 1977, Rustende Venus, 1978), et par dépit Mathilde détruit en grande partie deux de ses portraits parmi les plus connus, 1952 et 1963, la querelle déchaînera tous les médias en Hollande... Carel Willink épouse Sylvia Quiël en 1977 et ne la quittera plus jusqu'à sa mort en 1983...
Felice Casorati (1883 - 1963)
Il vécut et travailla à Turin, mais sa formation artistique apparaît fortement influencée par le Jugendstil, l'art de Toorop et par la Sécession viennoise, comme le montrent son œuvre graphique et ses premières peintures (les Vieilles, 1908-1909, Rome, G. A. M. ; Portrait de la sœur de l'artiste, 1908, Turin, G. A. M.). Son évolution s'effectue en marge des mouvements et lui permet de développer à travers une interprétation personnelle quelques principes de la peinture métaphysique, à laquelle il se rallie à partir de 1919 à la suite de la lecture de la revue Valori Plastici (la Femme et l'armure, 1921). Dans ses portraits et natures mortes, l'univers intime et familier se fige en un monde silencieux et austère où une analyse lucide des formes et de l'espace abolit toute sensibilité.
Paul Delvaux (1897-1994)
Paul Delvaux suit les cours de l'Académie des beaux-arts de Bruxelles de 1920 à 1924. C'est en découvrant un tableau de Giorgio De Chirico "Mélancolie et
mystère d'une rue", que Delvaux trouve sa voie. Apparenté au Surréalisme à son corps défendant ("J'ai certainement été influencé par De Chirico et André Breton, mais je n'aime pas tellement qu'on
me range sous leur bannière"), épris de ses propres rêves, hanté par une enfance dont il semble prisonnier (subissant l'ascendant de sa mère, il a été élevé dans la crainte du monde féminin),
Delvaux se situerait plutôt, de même qu'un Balthus, dans le vaste courant du "Réalisme magique", qui, durant l'entre-deux-guerres, jeta une passerelle entre le fantastique du Surréalisme et la
démarche plus mesurée des peintres dont le regard ne quittait point ce côté-ci du miroir. Du surréalisme, il affirme encore : "ce qui m'en rapproche, c'est le sens poétique. Ce qui m'en sépare,
c'est la théorie." Il doit respectivement à De Chirico et à Magritte le sens d'un espace inquiétant à force de lumineuse évidence et la situation incongrue des figures. Des femmes nues semblent
attendre que le mâle, vêtu, les sorte de leur apparente léthargie; il emprunte à Ingres certains corps, à Poussin certains profils; il est le "peintre des gares tristes", de scènes étranges
où tout mouvement semble s'être arrêté. "On ne devrait jamais oublier qu'une peinture est une peinture, c'est-à-dire une autre réalité", disait-il. Le style néo-classique lui permet de
représenter tous ses fantasmes et on a pu lui reprocher effectivement des scénographies trop répétitives. Sa peinture, lisse, polie, évoquent un monde de vitres transparentes, de miroirs, comme
pour empêcher tout contact, tout possible assouvissement d'un désir. Les peintures murales réalisées chez Gilbert Périer à Bruxelles en 1954, comptent parmi les meilleures créations de l'artiste.
Delvaux est représenté dans les musées belges, à la Tate Gal. de Londres, à Paris (M.NAM) et à New York (MOMA).
George Tooker (1920-2011)
Natif de Brooklyn (New-York), George Tooker restitue dans ses œuvres l'angoisse et l'aliénation du XXe siècle, notamment dans "Subway" (1950), où des banlieusards inquiets croisent des inconnus, "The Waiting Room" (1957), qui dépeint des clients faisant la queue passivement, "Landscape with Figures" (1965-1966), qui ne laisse apercevoir que des visages d'employés de bureau par delà un dédale de boxes. Les peintres américains Paul Cadmus (1904-1999), connu pour son homoérotisme, et Jared French (1905) furent un temps ses grands inspirateurs.