African-American literature & The Civil Rights Movement - Margaret Walker (1915-1998), "For My People" (1942) - Gwendolyn Brooks (1917-2000),"A Street in Bronzeville" (1945) - Richard Wright (1908-1960), "Native Son" (1940), "Black Boy" (1945), "The Outsider" (1953) - "Harlem Gang Leader", Gordon Parks, November 1, Life issue (1948) - .....
Last update: 12/12/2020
1940s, "Most African Americans of the ‘40’s, then called “Negroes,” lived wholly separate lives from their white counterparts". Avant la Seconde Guerre mondiale, la plupart des Noirs travaillaient comme agriculteurs à bas salaire, ouvriers d'usine, domestiques ou serviteurs. Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale va jouer un rôle essentiel dans l'expérience des Noirs dans les années 40, la discrimination devient insupportable...
Au début des années 1940, le travail lié à la guerre était en plein essor, mais la plupart des Noirs américains n'avaient pas accès aux emplois les mieux rémunérés. Ils étaient également découragés de s'engager dans l'armée. Alors qu'il était à la tête de tla Brotherhood of Sleeping Car Porters, A. Philip Randolph proposa une marche sur Washington le 1er juillet 1941 pour protester contre le manque d'opportunités offertes aux Afro-Américains dans une économie américaine en pleine reprise (près d'un Noir sur deux dans l'Illinois restait sans travail à la fin de l'année 1940), près de 100 000 personnes étaient ainsi susceptibles de descendre sur la capitale du pays si aucun changement ne se produisait, comme l'avait fait la Coxy's Army des chômeurs en 1894 et la Bonus Army des vétérans de guerre non rémunérés en 1932 : soutenu par son épouse, Eleanor Roosevelt, le président Franklin D. Roosevelt publia le décret 8802 le 25 juin 1941 ordonnant l'interdiction de la discrimination dans les industries de défense. Ces événements ont contribué à préparer le terrain pour des initiatives populaires visant à promulguer une législation sur l'égalité raciale et à inciter le mouvement des droits civils.
Mais en 1943, l'afflux soudain de travailleurs afro-américains dans les emplois industriels et la concurrence qui s'en est suivie avec les travailleurs blancs, la construction de logements publics pour les Noirs dans des quartiers à prédominance blanche, et les brutalités policières furent autant de facteurs qui provoquèrent des émeutes raciales, à Beaumont, Texas, à Detroit, Michigan, l'une des pires émeutes de l'époque de la Seconde Guerre mondiale...
"June of 1943, Detroit suffered one of the worst race riots in the country’s history" - Detroit, qui a joué un rôle essentiel dans la victoire américaine lors de la Seconde Guerre mondiale, est le théâtre en juin 1943 de l'une des pires émeutes raciales de l'histoire du pays (34 morts, 675 blessés, 1895 arrestations), forçant l'Amérique à se remettre en question. Les analystes ont conclu qu'il n'y avait pas une cause spécifique à ce désordre, mais plutôt une multitude de causes qui étaient en gestation depuis longtemps. En avril 1941, des milliers de Noirs du Sud sont employés au complexe Ford de River Rouge, remplaçant les Blancs partis à la guerre. Une deuxième "grande migration" des Noirs du Sud vient surprendre Detroit, submergeant réseaux de transports et offres de logement. Nombre de Blancs commencent à manifester, refusant la promiscuité des Noirs, les incidents raciaux s'enchaînent, le cycle de la violence monte d'un cran lorsque les émeutiers blancs tentent des charges dans le ghetto de Black Bottom, une violence haineuse et pathologique que l'armée seule parvient à endiguer....
Dans les années 1940, à Chicago, Margaret Walker (1915-1998) écrit l'un des poèmes les plus populaires de la littérature afro-américaine, "For My People" (1942), Gwendolyn Brooks (1917-2000) peint la vie ordinaire de ses voisins, dans "A Street in Bronzeville" (1945) ou son enfance d'Afro-Américaine à Chicago dans "Annie Allen" (1949). C'est aussi la décennie qui voit paraître "Native Son" (1940) et "Black Boy" (1945) de Richard Wright, l'écriture est alors au réalisme social...
For my people everywhere singing their slave songs
repeatedly: their dirges and their ditties and their blues
and jubilees, praying their prayers nightly to an
unknown god, bending their knees humbly to an
unseen power;
For my people lending their strength to the years, to the
gone years and the now years and the maybe years,
washing ironing cooking scrubbing sewing mending
hoeing plowing digging planting pruning patching
dragging along never gaining never reaping never
knowing and never understanding;
For my playmates in the clay and dust and sand of Alabama
backyards playing baptizing and preaching and doctor
and jail and soldier and school and mama and cooking
and playhouse and concert and store and hair and Miss
Choomby and company;
For my people blundering and groping and floundering in
the dark of churches and schools and clubs and
societies, associations and councils and committees and
conventions, distressed and disturbed and deceived and
devoured by money-hungry glory-craving leeches,
preyed on by facile force of state and fad and novelty, by
false prophet and holy believer;
For my people standing staring trying to fashion a better way
from confusion, from hypocrisy and misunderstanding,
trying to fashion a world that will hold all the people,
all the faces, all the adams and eves and their countless
generations;
Let a new earth rise. Let another world be born. Let a
bloody peace be written in the sky. Let a second
generation full of courage issue forth; let a people
loving freedom come to growth. Let a beauty full of
healing and a strength of final clenching be the pulsing
in our spirits and our blood. Let the martial songs
be written, let the dirges disappear. Let a race of men now
rise and take control.
Richard Wright (1908-1960) est l'un des premiers écrivains afro-américains à protester contre le traitement réservé aux Noirs par les Blancs, notamment dans son roman "Native Son" (1940) et son autobiographie, "Black Boy" (1945). Petit-fils d'esclaves, il a connu l'instabilité familiale, une religion adventiste tyrannique, une instruction sommaire, la pauvreté dans le ghetto de Chicago durant la crise économique des années trente, et surtout un racisme omniprésent dès son enfance, une enfance passée dans le Mississippi, l'un des États les plus racistes des États-Unis. Son itinéraire spirituel est représentatif d'une génération, qui passe du marxisme à l'existentialisme, puis à un internationalisme centré sur le Tiers Monde. Wright gagne Memphis, dans le Tennessee, puis Chicago en 1927, où il s'initie à la littérature sous l'égide du Parti communiste américain (1932), et ses premiers poèmes et nouvelles reflètent son engagement politique. Le voici en 1937 à New York, rédacteur en chef du Communist Daily Worker à Harlem. Il connaît un premier succès avec un volume de nouvelles, "Uncle Tom's Children" (1938), avec une question : "How may a Black man live in a country that denies his humanity?" (Comment un Noir peut-il vivre dans un pays qui nie son humanité?), et, dans chaque histoire, sauf une, la quête du héros se termine par la mort. En 1954, Richard Wright publie un livre intitulé "Black Power", mais c'est Stokely Carmichael qui le premier va l'utiliser comme slogan politique. "Black Power" est une chronique passionnée du voyage de l'auteur sur la Côte d'Or africaine avant qu'elle ne devienne la nation libre du Ghana. Il y parle avec éloquence de l'autonomisation et des possibilités, et résonne encore aujourd'hui avec force.
En 1940, Richard Wright abandonne le journalisme pour écrire "Native Son" (Un Enfant du pays), un roman qui sonne comme un avertissement à la société blanche de la violence qu'abritait le pays : son personnage, Bigger Thomas, un pauvre Noir de vingt ans, sans éducation, livré dans le Chicago des années 1930, et n'ayant jamais connu de près le moinde Blanc : il devient l'un des archétypes du Noir victime des préjugés raciaux. "Was what he had heard about rich white people really true? Was he going to work for people like you saw in the movies . . . ? He looked at Trader Horn unfold and saw pictures of naked black men and women whirling in wild dances.." Mais au-delà de toutes les horreurs du racisme et des problèmes qu'engendre la promiscuité urbaine, Wright nous livre toutes les nuances que portent les peuples de couleur à l'existence contrainte tant par les préjugés que par la précarité. W. E. B. DuBois, dans The Souls of Black Folk, décrit l'effet du racisme sur la psyché noire : "On ressent toujours sa double nature - un Américain, un nègre ; deux âmes, deux pensées, deux aspirations non conciliées ; deux idéaux guerriers dans un corps noir dont la force tenace seule l'empêche d'être déchiré." (One ever feels his two-ness—an American, a negro; two souls, two thoughts, two unreconciled strivings; two warring ideals in one dark body whose dogged strength alone keeps it from being torn asunder).
Bigger, c'est un esprit scindé en deux dans un même corps, ce qui le rend incapable d'interagir avec les autres et incapable de se comprendre lui-même. Et c'est malheureusement lorsqu'il a tué accidentellement une jeune fille blanche, et qu'il va bientôt être exécuté qu'il est capable de se comprendre et de se saisir sa totalité. "There was something he knew and something he felt; something the world gave him and something he himself had... [N]ever in all his life, with this black skin of his, had the two worlds, thought and feeling, will and mind, aspiration and satisfaction, been together; never had he felt a sense of wholeness..."
Bigger en vient à accepter ce que la vie a fait de lui. A la fin du procès, Bigger va mourir, il a tué, mais Max, son avocat, ou Richard Wright, lui révèle en quelque sorte les mécanismes cachés et inéluctables qui déterminent sa destinée d'Afro-Américain...
"Ils restèrent silencieux et Max se ne remit à parler que lorsque Bigger l'eut regardé. Max ferma les yeux.
“- Bigger, tu vas mourir. Et si tu meurs, meurs libre. Tu t'efforces de croire en toi. Et chaque fois que tu essaies de trouver un moyen de vivre, c'est ton propre cerveau qui se met en travers de ton chemin. Et sais-tu pourquoi? C'est parce que les autres ont dit que tu étais mauvais et t'ont forcé à vivre dans de mauvaises conditions. Quand un homme s'entend rabâcher ça aux oreilles sans arrêt et qu'il regarde autour de lui et voit que la vie est réellement mauvaise, alors il commence à douter de son propre jugement. Ses sentiments le poussent en avant et son esprit, empoisonné par ce que les autres lui ont dit, lui commande de reculer. Pour obtenir des gens qu'ils aient la foi et qu'ils luttent, il faut leur faire croire à ce qu'ils ont ressenti dans l'existence, leur faire comprendre que leurs sentiments sont tout aussi valables que ceux des autres.
“- Bigger, les gens qui te haïssent sentent exactement comme toi, seulement ils sont de l'autre côté de la barricade. Tu es noir, mais ce n'est qu'un aspect de la question. Le fait que tu sois noir leur permet de te repérer plus facilement. Pourquoi font-ils cela? Ils veulent des choses de la vie, tout comme toi, et ils ne sont pas difficiles sur le choix des moyens pour les obtenir. Ils embauchent des gens et ils ne les paient pas suffisamment; ils prennent aux gens ce qui leur appartient et là-dessus ils échafaudent leur puissance. Ce sont eux qui gouvernent et qui réglementent la vie. Ils s'arrangent de façon à pouvoir faire toutes ces choses sans que les autres puissent se défendre. lls s'attaquent plus volontiers aux noirs qu'aux autres parce qu'ils prétendent que les noirs sont des êtres inférieurs. Mais tu sais une chose, Bigger? Ils prétendent que tous ceux qui travaillent sont des êtres inférieurs. Et les riches ne veulent pas que les choses changent; ils y perdraient trop. Mais tout au fond d'eux-mêmes, ils sentent comme toi, Bigger, et pour pouvoir conserver ce qu'ils ont, ils se forcent à croire que les travailleurs ne sont pas tout à fait des êtres humains. Ils font ce que tu as fait, Bigger, quand tu as refusé de t'attendrir sur Mary. Mais des deux côtés les hommes veulent vivre; les hommes luttent pour vivre. Qui sera le vainqueur? Eh bien, ce sera le côté qui sera le plus près de la vie, qui la sentira le plus profondément, le côté le plus humain et qui aura le plus d'hommes. C'est pourquoi... ”
La tête de Max eut un sursaut de stupeur lorsque Bigger se mit à rire.
“- Oh! pour croire en moi, ça, j'y crois... Je n'aí rien d'autre... Je dois mourir...”
Il s'approcha de Max. Max était appuyé contre la fenêtre.
“- Monsieur Max, rentrez chez vous. Ne vous inquiétez pas pour moi. Ça ira bien... Ça a l'air drôle, monsieur Max, mais quand je réfléchis à c'que vous dites, je comprends c'que je voulais, dans un sens. Ça me fait penser que, dans un sens, j'avais raison... ”
Max ouvrit la bouche pour dire quelque chose mais la voix de Bigger couvrit la sienne. “ J'ai pas envie de pardonner à personne et je ne demande. à personne de me pardonner. Je ne verserai pas de larmes. Ils n'ont pas voulu me laisser vivre, alors j'ai tué. C'est p't'êt' pas juste de tuer, et j'ai idée qu'au fond je ne cherchais pas vraiment à tuer. Mais quand je pense à tout ce qui a motivé mes crimes, je commence à sentir ce que j'voulais, ce que je suis..."
Bigger vit que Max s'éloignait à reculons, comprimant ses lèvres. Mais il sentit qu'il avait réussi à faire comprendre à Max comment il voyait les choses à présent..." (traduction éditions Albin Michel, 1947).
... 215 000 exemplaires se sont vendus au cours de ses trois premières semaines de publication, et a été mis en scène avec succès au théâtre, à Broadway (1941), par Orson Welles. Et Wright lui-même jouera Bigger Thomas dans une version cinématographique réalisée en Argentine en 1951....
La première scène présente son personnage central, Bigger Thomas, en train de battre un rat à mort sous les yeux effrayés de sa soeur, intimidés de sa mère et admiratifs de son frère. Le parallèle qu'établit Wright entre le rat et Bigger Thomas nous permet de percevoir ce dernier comme tortionnaire et victime, et c'est depuis cette perspective difficile que le lecteur assiste aux troublants événements qui suivent. Le roman se compose de trois parties. La première relate sa découverte de la classe moyenne blanche, le voici chauffeur noir de la famille Dalton, chauffeur de leur fille, Mary, qui se fait conduire par lui dans un bar du ghetto noir, et qui s'enivre au point de devoir la porter dans sa chambre, et de transgresser ainsi un premier tabou de la ségrégation raciale. Alertée par le bruit, la mère aveugle de Mary pénètre dans la chambre où Bigger, pris de panique, tente d'étouffer les cris de la jeune fille. Meurtrier par accident, mais domestique et Noir, Bigger sait qu'il n'a aucune chance de pouvoir se justifier dans une Amérique raciste et fondée sur l'argent. Terrorisé, il brûle le corps, projette de demander une rançon et va tuer jusqu'à tuer son amie Bessie par peur d'une trahison. Dans la deuxième, Bigger Thomas est poursuivi à travers Chicago, et le roman montre la façon dont toute la communauté afro-américaine est punie pour son crime. La dernière partie raconte sa capture, l'ombre du lynchage, puis son procès.
La violence explicite et sexuelle du roman, notamment la décapítation et la crémation du cadavre de Mary Dalton, a fait la célébrité de l'oeuvre ("He whacked harder, but the head would not come off"), mais Wright ne veut pas d'un personnage victime passive d'une situation, Bigger n'a pas de véritables justifications à son crime, si ce n'est que le racisme a détruit en lui toute innocence. Wright, encensé pour son honnêteté courageuse, était critiqué pour avoir offert à l'Amérique blanche le parfait stéréotype du Noir qui nourrissait son angoisse et sa haine....
En 1944, Wright quitte le parti communiste en raison de divergences politiques et personnelles. Il raconte dans l'émouvant "Black Boy" l'extrême pauvreté de son enfance, son expérience des préjugés des Blancs et de la violence contre les Noirs, et la prise de conscience de son intérêt croissant pour la littérature. Après la Seconde Guerre mondiale, Wright s'installe à Paris en tant qu'expatrié permanent. "The Outsider" (1953, Le transfuge), acclamé comme le premier roman existentiel américain, avertit que l'homme noir s'est réveillé dans une société en désintégration qui n'était pas prête à l'inclure...
"...Nous nous trouvâmes enfin à la gare avec nos bagages, attendant le train qui devait nous emmener en Arkansas, et pour la première fois je remarquai qu'il y avait deux files d'attente au guichet des billets, une file "blanche" et une file "noire". Au cours de ma visite chez grand-père, le sentiment des deux races était né et s'était concrétisé en moi avec une acuité qui ne devait mourir qu'avec moi. En montant dans le train, je remarquai que nous autres Nègres, nous occupions une partie du train, et les Blancs une autre. Naïvement, je voulus aller voir comment c'était chez les Blancs, dans l'autre section du train.
- "Je peux aller regarder les Blancs, juste un petit coup? demandai-je à ma mère?
- Tiens-toi tranquille, fit-elle.
- Mais ça ne serait pas faire mal, dis, mam?
- Veux-tu te tenir tranquille.
- Mais pourquoi je ne peux pas y aller?
- Cesse de dire des bêtises!"
J'avais commencé à remarquer que ma mère se montrait agacée quand je lui posais des questions sur les Blancs et les Noirs, et je ne saisissais pas très bien. Je voulais savoir le pourquoi de ces deux catégories de gens qui vivaient côte à côte et qui n'avaient de contact, semblait-il, que dans la violence. Par exemple, il y avait ma grand-mère...
Etait-elle blanche? A quel point était-elle blanche? Que pensaient les Blancs de sa blancheur?
- "Maman, est-ce que grand-mère est blanche? demandai-je tandis que le train roulait dans la nuit.
- Si tu as des yeux, c'est pour t'en servir. Tu es capable de voir de quelle couleur elle est, répondit ma mère.
- Je veux dire, est-ce que les Blancs la prennent pour une Blanche?
- Pourquoi ne le demandes-tu pas aux Blancs? rétorqua-t-elle.
- Mais toi, tu le sais, insistai-je.
- Comment le saurais-je? Je ne suis pas blanche.
- Grand-mère a l'air blanche, dis-je espérant arriver à établir au moins un fait patent. Alors, pourquoi elle vit avec nous aut', gens de couleur?
- Tu n'as pas envie que grand-mère vive avec nous? dit-elle, éludant ma question.
- Si.
- Alors pourquoi poses-tu cette question?
- Pour SAVOIR.
- Grand-mère n'habite-t-elle pas avec nous?
- Si.
- Ca ne suffit pas?
- Mais est-ce qu'elle VEUT habiter avec nous?
- Pourquoi ne l'as-tu pas demandé à grand-mère? fit ma mère d'un ton moqueur, éludant encore ma question.
- Est-ce que grand-mère est devenue une femme de couleur quand elle s'est mariée avec grand-père?
- Vas-tu finir de me demander des choses idiotes?
- Réponds-moi.
- Grand-mère n'est pas DEVENUE une femme de couleur, dit ma mère d'un ton irrité. Elle est NEE avec la couleur qu'elle a maintenant."
De nouveau, je me voyais frustré du secret, de la chose, de la réalité que j'entrevoyais derrière tous ces mots et ces silences.
- "Pourquoi grand-mère ne s'est-elle pas mariée avec un Blanc? demandai-je.
- Parce que ça ne lui plaisait pas, répondit-elle avec humeur.
- Pourquoi que tu ne veux pas me répondre?" fis-je.
Elle me gifla et je pleurai. Par la suite, à contrecoeur, elle me dit que grand-mère était de souche irlandaise, écossaise et française, avec quelques gouttes de sang nègre venues d'on ne savait où. Elle me donna ces explications d'un air détaché, désinvolte, neutre; tout cela ne la touchait nullement...
- "Comment s'appelait grand-mère avant de s'être mariée avec grand-père?
- Bolden.
- Qui lui a donné ce nom là?
- Le Blanc qu'elle avait pour maître.
- C'était une esclave?
- Oui....." (traduction Editions Gallimard, 1947)
Parmi ses écrits polémiques de cette période, Richard Wright a publié "White Man, Listen !" (1957), une série de conférences données en Europe, "Eight Men", un recueil de nouvelles, et "American Hunger", une autobiographie qui relate ses expériences après son départ pour le Nord, publiée à titre posthume en 1977. Centrée sur un réalisme social, on a pu parler d'une "Wright school" à propos de romanciers tels que William Attaway (1911-1986), Chester Himes (1909-1984) et Ann Petry (1908-1997)...
(1940s) Kenneth Clark, "Prejudice and Your Child" (1955)
Des effets psychologiques de la ségrégation raciale : "Ceux qui ont le pouvoir de rejeter leurs semblables imposent à l'être humain rejeté l'obligation d'accepter le rejet."- Kenneth Bancroft Clark (1914-2005), natif de Harlem, associé à Mamie Phipps (1917-1983), qu'il épouse, a reçu le premier doctorat de psychologie noire de Columbia et sa renommée tient à ses recherches sur l'image de soi des enfants noirs, des études cruciales pour justifier et accompagner la déségrégation des écoles publiques. Etudiant les réponses de plus de 150 enfants noirs, autant de filles que de garçons âgés de 3 à 5 ans, qui avaient le choix entre des dessins noirs et blancs, Clark en déduisit qu'une grande partie du développement de la conscience de soi et de l'identité raciale se produisait entre l'âge de trois et quatre ans ("The Development of Consciousness of Self and the Emergence of Racial Identification in Negro Preschool Children"). "The coloring test", une seconde vague de tests impliquant 160 enfants afro-américains âgés de cinq à sept ans, montrait que les enfants se coloraient généralement de façon nettement plus claire que leur couleur réelle.
Enfin, les fameuses "Doll Experiments" (1939-1940) visant à définir la perception qu'ont les enfants de leur propre race et à déceler les contrastes entre les enfants afro-américains fréquentant des écoles séparées à Washington DC et ceux des écoles intégrées à New York, montrait l'effet particulièrement nuisible de la ségrégation dès le plus jeune âge, à quel point le racisme s'intériorisait chez les enfants afro-américains, et que la haine de soi atteignait un seuil dramatique chez les enfants fréquentant des écoles séparées. Les conclusions de cette étude furent prises en compte quatorze ans plus tard dans la fameuse décision "Brown v. Board of Education of Topeka" (1954), une décision historique de la Cour suprême des États-Unis dans laquelle la Cour a statué que les lois des États américains établissant la ségrégation raciale dans les écoles publiques étaient inconstitutionnelles....
1948, "Harlem Gang Leader", Gordon Parks, November 1, Life issue
Gordon Parks s'installe à Harlem au milieu des années 1940 et propose aux rédacteurs du magazine Life une série de photos sur la guerre des gangs qui sévit à Harlem, et notamment le portrait contrasté d'un adolescent, chef de gang, Leonard "Red" Jackson, dix-sept ans : Life se porte acquéreurs de tous ses négatifs et remodèle le projet de Parks en concevant un photo-essai uniquement basé sur la brutalité, "fear, frustration and violence"...