Action Painting - Jackson Pollock (1912-1956), "Guardians of the Secret" (1943), "Mural" (1943), "Eyes in the Heat" (1946), "Number 1, Lavender Mist" (1950), "Autumn Rhythm, Nr 30" (1950), "Convergence" (1952), "The Deep" (1953) - Willem de Kooning (1904), "Woman I" (1950-1952), "Door to the River" (1960, Whitney Museum of American Art, New York) - Mark Rothko (1903-1970), "No.61 (Rust and Blue)" (1953) - Franz Kline (1910-1962), "Figure Eight" (1952), "Painting n°7" (1952) - ..
Last Update: 11/11/2016
"I don't paint nature, I am nature" - "Une vision exprimant analogiquement les contenus de l'esprit qui se dérobent au regard de la conscience.... "Essayez de rester intérieurement silencieux ne serait-ce que cinq minutes, vous ne le pourrez pas, vous vous heurterez à un organisme hostile qui vous force à parler", nous sommes branché sur un monde qui nous force à parler. L'expressionnisme abstrait ou action painting, la première grande tendance artistique qui se fait jour aux Etats-Unis, à peine cinq années d'une saisissante aventure artistique, renouvelle la puissance émotionnelle de l'expressionnisme formulée par Vassily Kandinsky (1866-1944), l'homme qui avait rejeté de sa peinture, avant la Première mondiale, tous les éléments figuratifs : voici qu'avec Jackson Pollock (1912-1956) cette puissance émotionnelle va se communiquer par l'intermédiaire du seul acte de déposer de la couleur sur une toile. "Le tableau, nous explique Pollock, vit d'une vie qui lui est propre. Mais ces peintures ne sont pas pour autant le fait du hasard, elles constituent l'enregistrement d'une activité esthétique qui, si elle utilise au maximum l'improvisation et l'accident, ne s'en soumet pas moins pour autant au rythme, au mouvement, aux facultés organisatrices de l'esprit. Plus intellectuel et plus subtil que Pollock, Mark Rothko conçoit des rapports chromatiques conçus avec une singulière sérénité, mais s'impose de telles contraintes que son art restera d'un accès difficile au grand public ...
On a souvent évoqué la parenté entre l'écriture fragmentée de Burroughs, et l'expérimentation des années cinquante qui s'exprime dans les recherches musicales d'un John Cage et ou dans la composition par champ des artistes de l'Action painting. A l'intoxication de cet ordre symbolique extérieur que représente le récit linéaire classique, mais aussi tout pouvoir étatique ou médiatique, Burroughs tente d'opposer une autre intoxication qui vient de l'extérieur et finit par posséder tout votre corps, parasite étranger qui est autant drogue que sexualité. L'homme possédé, âme et corps... Tirant la leçon de l'automatisme des surréalistes et de la violence expressive et chromatique de l'expressionnisme, les peintres américains découvrent un langage nouveau : la peinture et la sculpture américaine deviennent réellement américaines, elles ont enfin absorbé les influences européennes, l'exil, pendant la guerre de 1939-1945, des surréalistes et artistes expressionnistes allemands a insufflé la liberté d'expression attendue. Et c'est que l'Action Painting conçoit dans les années 50, notamment à New York, un rapport direct entre l'inconscient et le geste créatif, encourageant la libre expression sans contrôle éthique ou esthétique : la matière picturale est prise en soi, comme matière non encore transformée par le langage. Jackson Pollock (1912-1956) vit la peinture comme une sorte de corps à corps entre lui et la surface à peindre. Willem De Kooning (1904) peint des visages aux traits figuratifs ambigus, comme des traces oniriques de pulsions incontrôlées, en partie inconscientes, déformées par la violence expressionniste de la technique (dripping) qui les envahit. Franz Kline (1910-1962) associe la calligraphie des idéogrammes orientaux et l'automatisme surréaliste. On y retrouve ainsi, en projetant charnellement des couleurs sur de grandes toiles, les éléments caractéristiques de l'Amérique, les espaces surdimensionnés, la violence, la liberté ...
En fait, l'Action Painting n'est qu'une des deux tendances majeures de ce qu'on appelle "l'expressionnisme abstrait", mouvement déterminant dans l’art américain pendant les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale et qui ont fait de New York le centre de la scène artistique internationale, un style qui recouvre bien des tendances mais toutes suscitées par l'intensité de leur expression émotionnelle. Jackson Pollock (1912-1956), Willem De Kooning (1904-1997) ou Franz Kline (1910-1962) sont considérés comme des peintres d'action, Mark Rothko (1903-1970), Barnett Newman (1905-1970), Helen Frankenthaler (1928-2011) incarnent la seconde tendance de l'expressionnisme abstrait, le "colorfield painting" qui via de grands blocs de couleur recherche sérénité et méditation. Entre les ces deux tendances, Clyfford Still (1904-198) et Hans Hofmann (1880-1966) ...
Entre 1947 et 1950, Jackson Pollock, "Jack the Dripper" invente une autre peinture, une abstraction radicale qui semblait annoncer une nouvelle liberté, parce qu'il ne peut s'exprimer son trop-plein d'énergie et d'émotion dans la technique conventionnelle qui lui est proposée : il en conçoit une autre, et c'est avec son corps qu'il travaille, sa gestuelle, c'est à même le sol et sans le cadre étroit d'une peinture de chevalet, avec sa palette et ses pinceaux, une peinture qui n'est plus fenêtre sur la réalité ou illustration, mais expression à partir d'un monde intérieur , celui d'un artiste peintre qui, en s'extériorisant dans l'exubérance matérielle d'un flux de peinture, mouvements, éclaboussure, taches, courbes sinueuses et lignes, acquiert sa propre réalité. Ce qui naît sur la toile n'est plus une image, mais un "évènement", celui d'un acte de création, d'une énergie toute humaine dans laquelle la frontière entre artiste et oeuvre vient se dissoudre.
Mais trois années plus tard (1952), l'idée première de cette nouvelle manière de peindre semble avoir épuisé toutes ses potentialités : là encore, comme en bien des domaines, l'être humain vit de quelques éclairs de génie, en exprime toute la combinatoire qui en résulte et oriente toute son existence, puis cet élan initial est en quelques années, très peu de temps, consommé, tari, asséché. Sur les milliards d'êtres humains qui se sont succédés sur notre planète Terre, ils ne sont qu'une poignée de véritables créateurs, c'est dire les limites de cette masse humaine globalement enfermée dans sa simple reproduction et consommation de ces quelques intuitions globales qui font l'histoire des idées.
Du vivant de Pollock, sa peinture gestuelle suscitera admiration et dérision, mais lui vaudra ce qu'on appelle une "immense célébrité" : celle-ci est mise en scène par la société, médias et publics, les photographies de Hans Namuth vont révéler sa méthode, en pleine Guerre froide, sa gestuelle symbolise toute la liberté que sait promettre l'Amérique, et, paradoxe des paradoxes, son alcoolisme, son caractère explosif et sa mort accidentelle permettent de construire une mythologie commercialement exploitable : Jason Pollock n'est plus un artiste de chair et de sang, il est une "icône", son oeuvre une marchandise qui alimente la richesse de quelques-uns ("Number 5", "Number 17A", et "Mural" se sont toutes vendues pour des millions de dollars, la stratégie des droits intellectuels n'est en fin de compte pas si évidente que cela, car qui rémunère-t-on quand une oeuvre entre au panthéon de notre Humanité?), les autres se contentant de réaliser des selfies devant une de ses oeuvres, comme ils le feront plus tard devant un tableau de Kandinsky ou un spectacle immersif dédié à Van Gogh, il ne s'agit pas de penser, mais de paraître et de consommer ...
(A Vogue spread from 1951 with Pollock paintings as backdrops : Cecil Beaton, en 1951, utilise "Autumn Rhythm" comme toile de fond pour un article de Vogue sur «The New Soft Look» ..)
Bien des historiens de la culture ont tenté de comprendre les éléments et contextes qui ont pu donner naissance à tel ou tel nouveaux moments artistiques, ou, si l'on prend la fin du XXe siècle et le début ce ce XXIe siècle, la disparition totale du moindre mouvement digne de ce nom. Le début de la Renaissance italienne a pu être alimenté, par exemple, par un afflux d'artistes et d'intellectuels qui avaient fui l'Empire byzantin tombé aux mains des Ottomans. Début du XXe, on fait de VincentVan Gogh le précurseur de l'expressionnisme, ses distorsions de lignes et de couleurs expriment ses émotions les plus profondes, souvent les plus violentes. Dans les années 1920, Vassily Kandinsky peint des toiles que l'on qualifiera d' "expressionnistes abstraites". Il faut attendre le milieu du XXe siècle, pour observer une continuité dans ce mouvement, et singulièrement ce sont les principaux artistes et penseurs modernes d'Europe qui vont servir de catalyseur à une nouvelle génération de peintres américains. Les premières œuvres de Jackson Pollock, Mark Rothko, Willem de Kooning et d'autres artistes rattachés à l' "expressionnisme abstrait" ont été profondément influencées par les stratégies surréalistes qui s'appuyaient sur les théories psychanalytiques de Sigmund Freud et Carl Gustav Jung. Ces stratégies visaient à déjouer le moi conscient et à accéder ainsi au royaume caché de l'inconscient, que l'on croyait être la source de la créativité brute...
En 1947 et 1948, les expressionnistes abstraits ont évolué vers des styles plus purement abstraits et ont transformé les sujets de leur travail. Là où ils s’étaient autrefois appuyés sur la technique surréaliste et des sujets narratifs tels que la mythologie grecque antique pour lutter contre les drames de l’expérience humaine, les artistes américains de l’après-guerre ont trouvé une nouvelle forme d’abstraction comme le langage visuel le plus puissant pour articuler la condition humaine...
L'après-guerre met en avant New York qui crée de la nouveauté, bebop, beats, jazz moderne, expressionnisme abstrait, la pollinisation culturelle croisée est une évidence, mais c'est bien l’expérience humaine de l'ensemble de notre monde moderne que ces artistes interrogent, lancés des quatre coins du monde dans le monde l'art, ils furent témoins de la Grande dépression, de la montée du fascisme en Europe, du carnage historique de la Seconde Guerre mondiale, c'est un miroir brisé que l'artiste tend au public . Mark Rothko naquit dans une Russie tsariste brutalement antisémite, Arshile Gorky a échappé de peu au génocide arménien qui frappa sa mère, Rotterdam, la ville natale Willem de Kooning, fut pulvérisée par les bombardements allemands, et ce n'est pas dans une Amérique profonde triomphant certes de l'ordre ancien, mais déjà rattrapée par la Guerre froide, que semblait se préparer une révolution des esprits ou une explosion de la créativité humaine...
L’une des caractéristiques de l’expressionnisme abstrait est qu’il ne s’agit pas d’un style unifié. Le terme est mieux utilisé comme un nom pour un groupe d’artistes partageant les mêmes idées qui ont chacun développé leur propre langage visuel abstrait. Là où Pollock est tout en énergie et en action, les grands nuages de Mark Rothko de couleur lumineuse brillante sont intensément calmes et presque immobiles : se tenir devant un Rothko, c’est sentir le temps s’arrêter, le spectateur entre alors dans un espace construit par les interactions de couleurs luxuriantes qui semblent parfois exister au bord de la perception. Si Rothko définit l’espace par la couleur, la complexité de ses couleurs crée dans les espaces de ses toiles des volumes extrêmement ambigus. C'est bien le spectateur qui, perdant ses propres repères, est ici, seul, enveloppé par des formes changeantes et le jeu subtil de la lumière et de la couleur, face à des émotions qui tiennent profondément à la beauté ou à l'existence...
1943, une lettre cosignée par Mark Rothko et Adolph Gottlieb au directeur artistique du New York Times dans laquelle ils affirment leurs objectifs fondamentaux prend allure de Manifeste. L'art ne se justifie, ne s'explique pas, il est, il se ressent,
"Dear Mr. Jewell:
To the artist, the workings of the critical mind is one of life’s mysteries. That is why, we suppose, the artist’s complaint that he is misunderstood, especially by the critic, has become a noisy commonplace. It is therefore, an event when the worm turns and the critic of the TIMES quietly yet publicly confesses his “befuddlement”, that he is “non-plussed” before our pictures at the Federation Show. We salute this honest, we might say cordial reaction towards our “obscure” paintings, for in other critical quarters we seem to have created a bedlam of hysteria. And we appreciate the gracious opportunity that is being offered us to present our views.
We do not intend to defend our pictures. They make their own defense. We consider them clear statements. Your failure to dismiss or disparage them is prima facie evidence that they carry some communicative power. We refuse to defend them not because we cannot.
It is an easy matter to explain to the befuddled that “The Rape of Persephone” is a poetic expression of the essence of the myth; the presentation of the concept of seed and its earth with all its brutal implications; the impact of elemental truth. Would you have us present this abstract concept with all its complicated feelings by means of a boy and girl lightly tripping?
It is just as easy to explain “The Syrian Bull”, as a new interpretation of an archaic image, involving unprecedented distortions. Since art is timeless, the significant rendition of a symbol, no matte[r] how archaic, has as full validity today as the archaic symbol had them. Or is the one 3000 years old truer?
But these easy program notes can help only the simple-minded. No possible set of notes can explain our paintings. Their explanation must come out of a consummated experience between picture and onlooker. The appreciation of art is a true marriage of minds. And in art, as in marriage, lack of consummation is ground for annulment.
The point at issue, it seems to us, is not an “explanation” of the paintings but whether the intrinsic ideas carried within the frames of these pictures have significance.
We feel that our pictures demonstrate our aesthetic beliefs, some of which we, therefore, list:
1 - To us art is an adventure into an unknown world, which can be explored only by those willing to take the risks.
2 - This world of the imagination is fancy-free and violently opposed to common sense.
It is our functions as artists to make the spectator see the world our way — not his way.
3 - We favor the simple expression of the complex thought. We are for the large shape because it has the impact of the unequivocal. We wish to reassert the picture plane. We are for flat forms because they destroy illusion and reveal truth.
4 - It is a widely accepted notion among painters that it does not matter what one paints as long as it is well painted. This is the essence of academicism. There is no such thing as good painting about nothing. We assert that the subject is crucial and only that subject matter is valid which is tragic and timeless. That is why we profess spiritual kinship with primitive and archaic art.
5 - Consequently if our work embodies these beliefs, it must insult anyone who is spiritually attuned to interior decoration; pictures for the home; pictures for over the mantle; pictures of the American scene; social pictures; purity in art; prize-winning potboilers; the National Academy, the Whitney Academy, the Corn Belt Academy; buckeyes, trite tripe; etc.
Sincerely yours,
L'artiste s'aventure dans un monde inconnu qui lui est propre, il prend d'autant plus de risque qu'il n'est plus ici question de bon sens ou de convenances mais d'une pensée complexe qui nécessite une forme d'autant plus plate et large d'expression qu'elle se puise sa source dans l'art archaïque et primitif ...
En 1946, le critique d'art du New Yorker forge le terme “Abstract Expressionism”. En 1947, Jackson Pollock déploie un nouveau style de peinture «automatique» d’influence surréaliste, projetant ses lignes et taches sur d’énormes toiles posées à même le sol. Dix ans plus tard (1956), le peintre disparaîtra dans un accident de voiture. Vingt ans plus tard (1970), Mark Rothko, souffrant d’une profonde dépression, se suicide dans son studio ...
Jackson Pollock (1912-1956) peint ce qu'il est, - un artiste à l'écoute de son inconscient et rongé par l'alcool -, et vit la peinture comme une sorte de corps à corps entre lui et la surface à peindre. Ses "dripping" peints entre 1947 et 1952 lui valent la notoriété, "Autumn Rhythm (Number 30)" (1950, MOMA) est l'une de ses toiles les plus reconnues. Hans Namuth qui photographiera le peintre en action, - et contribue au mythe -, montre que s'il avance sans idée préconçue ou dessin préalable, Pollock maîtrise sur la toile le flux de sa peinture. "Je veux exprimer mes sentiments plutôt que les illustrer", dira-t-il, et sa vie tourmentée d'alcoolique au tempérament explosif contribuera à sa mythologie médiatique (il est en 1949, pour le magazine Life, le plus grand artiste américain vivant). Après avoir introduit des formes archétypales suite à une psychanalyse, il abandonne le drip painting en 1952 pour revenir à des motifs figuratifs. Son apport? Avec Pollock, écrira Harold Rosenberg, l'artiste voit le tableau comme une arène dans laquelle il lui faut agir, la toile elle-même n'est plus une représentation mais un évènement.... Quelque part, la frontière entre artiste et oeuvre va progressivement se dissoudre...
Jackson Pollock est le cinquième fils d'une famille pauvre qui se déplace en Californie et en Arizona au rythme des nombreux échecs professionnels de son père. Après une scolarité difficile, Pollock part en 1930 pour New York rejoindre son frère Charles, étudiant en peinture, à qui il doit son initiation. Il s'inscrit à l'Art Students League, au cours de Thomas Hart Benton, chef de file de l'école régionaliste américaine et spécialisé dans la représentation des scènes rurales et urbaines (Pollock figure dans une fresque murale de son professeur, "America Today", The Met). À la même époque, il s'intéresse à la peinture européenne. En 1935, devenu assistant en peinture murale, le Federal Art Project lui passe commande de grandes compositions murales dans le cadre du programme Roosevelt d'aide financière aux artistes. Il travaillera dans l'atelier expérimental du peintre mural mexicain David Alfaro Siqueiros qui lui fera découvrir, entre autres, des techniques insolites tel l'emploi du goutte à goutte sur une toile.
Durant ces années de crise économique, il connaît la misère, l'alcoolisme, suit des cures de désintoxication et commence une psychanalyse jungienne : c'est alors que des formes archétypales apparaissent dans ses oeuvres). Et ses premières œuvres, dans les années 1930, attestent sa culture artistique, des scènes rurales empreintes d'énergie. La toile de Pollock, "Going West" (1934-1935), mélange beaucoup de ces influences et est typique de son style à cette époque...
(1934-35 Going West - Oil on gesso on composition board - National Museum of American Art, Washington DC - The Flame, Museum of Modern Art (MoMA), New York City, NY, US - Untitled (Naked Man with Knife), 1938 - 1940, Tate Modern, London, UK - Bird, 1941, Museum of Modern Art (MoMA), New York City ...)
En 1925, Mark Rothko, dont la famille a émigré de Russie aux Etats-Unis en 1913, s’installe à New York et commence à peindre, d’abord travaillé dans un style réaliste qui a culminé dans sa série Subway de la fin des années 1930, montrant la solitude des personnes dans des environnements urbains ternes ("Entrance to Subway", 1938). Il a également cofondé le groupe d’art "The Ten" en 1935, des artistes trels que William de Kooning, Ilya Bolotowsky, William Baziotes et Adolph Gottlieb qui rejetaient la peinture dite réaliste qui, sous ses différentes formes, dominait alors le paysage culturel américain de l’époque. Rothko est un intellectuel, un penseur, il aime la musique et la littérature, Friedrich Wilhelm Nietzsche et la mythologie grecques anciennes ("Oedipus", 1944). Il va révolutionner l’essence de la peinture abstraite par sa volonté d'instaurer une relation active du spectateur à la peinture qu'il observe, et, au-delà de toute compéhension verbale, ses "formations colorées" ont pour finalité d'attirer l’observateur dans un espace rempli d’une "lumière intérieure". En 1944, "Slow Swirl at the Edge of the Sea" (Museum of Modern Art, New York City) constitue un exemple représentatif de la période surréaliste de Rothko et de l’influence de Miro avec ses couleurs sourdes et ses étranges figures translucides.
Au début des années 1940, l'expression de Jason Pollock devient plus personnelle et repose sur une synthèse esthétique, son style devient plus abstrait. De Picasso, il retient l'invention graphique curviligne (Stenographic Figure) ; chez Miró, il apprécie le motif libre dit "biomorphique"; des surréalistes, il reprend l'écriture automatique et le rôle de l'inconscient associés à sa démarche analytique personnelle (The Moon Woman Cuts the Circle, Guardians of the Secret). Son intérêt pour la peinture murale et ses réflexions l'íncitent à abandonner le tableau de chevalet et mêle ses références artistiques, les influences amérindiennes et le symbolisme mythique et totémique jungien. Sa conception graphique et le recours à une symbolique figurative révèlent sa sensibilité picturale, sa force et la densité de la matière qu`il met en œuvre. En 1944, il semble avoir résolu la question du rapport figure-fond et recherche ce qu`il nomme la non-objectivité" afin de "voiler l'image", qu'il déconstruit (Gothic)...
En 1936, Pollock avait rencontré brièvement Lenore ("Lee") Krasner. Avec le temps, leur relation apporterait quelques-uns des rares moments de calme et de bonheur que Pollock ait jamais connus. Mais ils ne se sont pas revus avant 1941, après quoi ils se marieront en 1945. C'est l'époque où il peut côtoyer les artistes européens ayant fui la guerre, notamment Miro, les surréalistes Ernst, Masson, le poète A. Breton, Mondrian ...
1943, "Guardians of the Secret" (Oil on canvas - San Francisco Museum of Art) est souvent interprété comme une métaphore de l’émergence d’impulsions inconscientes dans la pensée consciente, représente une synthèse des sources de Pollock. L’imagerie puise dans l’art africain, amérindien, ainsi que préhistorique, mais il y a aussi des touches de Miró et Picasso. "Pasiphae", terminé juste après la première exposition de Pollock en 1943 à la galerie new-yorkaise de Peggy Guggenheim, Art of This Century, est le plus grand des tableaux mythologiques du peintre du milieu des années 1940.
Works : "Mask", 1941, Museum of Modern Art (MoMA), New York City - "Moon Woman", 1942, Peggy Guggenheim Collection, Venice, Italy - "Male and Female", 1942, Philadelphia Museum of Art, Philadelphia - "Stenographic Figure", 1942, Museum of Modern Art (MoMA), New York City - "The She-Wolf", 1943, Museum of Modern Art (MoMA), New York City - "The Moon-Woman Cuts the Circle",1943, Musée National d'Art Moderne; Paris - ...
En 1943, Franz Kline (1910-1962), alors tout à sa passion pour les maîtres anciens tels que Rembrandt, rencontre Willem de Kooning, commence à fréquenter le Cedar Tavern, à Greenwich Village, New York, et Jackson Pollock. Ayant déjà exploré une palette austère en noir et blanc dans une série de croquis à l’encre sur papier, il abandonne vers 1947, sous l’influence de de Kooning, toute figuration pour expérimenter à grande échelle une technique gestuelle et abstraite, et associer la calligraphie des idéogrammes orientaux et l'automatisme surréaliste : ses abstractions en noir et blanc (paysage urbain de New York, paysage de sa maison d’enfance en Pennsylvanie rurale, calligraphie japonaise?) sont exposées pour la première fois à la galerie Charles Egan à New York en 1950, une exposition qui va établi sa réputation...
Jackson Pollock, "Mural" (Oil on canvas, 1943, University of Iowa Museum of Art, Iowa City)
La première rupture dans l'évolution de Jackson Pollock peintre. En 1943, Pollock est contraint de trouver du travail et, en plus de divers petits boulots devient gardien au Museum of Non-Objective Painting (plus tard le Musée Guggenheim), et c’est là qu’il rencontre Peggy Guggenheim (son premier commanditaire et mécène, le MOMA sera le premier musée à lui acheter une toile), qui l’invite à soumettre des œuvres à sa nouvelle galerie, "The Art of This Century" et c'est alors sa première exposition personnelle où, dit un critique, l'artiste a totalement absorbé et transcendé la peinture murale mexicaine, Picasso et Miró. Les images portaient encore beaucoup de figuration, bien que, comme l’a dit Pollock, "I choose to veil the imagery." Au même moment, Peggy Guggenheim lui a également commandé une peinture pour le hall d’entrée de son appartement de New York : ce sera "Mural" (1943), qui va s’avérer d'importance dans l'évolution de Pollock jusque-là façonné par les peintures murales, l’art amérindien et le modernisme européen ...
"Mural", transition entre peintures de chevalet et drippings. Une technique de peinture assimilée à partir d’une grande variété de sources, Picasso, Benton, Siqueiros, ainsi que la peinture sur sable amérindienne, c'est aussi sa première œuvre à grande échelle et l'on a pu ici et là noter qu'il avait eu quelques difficultés à en contrôler la composition....
Pollock va donc créer la peinture gestuelle (action painting), qui abolit les rapports traditionnels du peintre à la peinture; dans son oeuvre, l'abstraction est dépourvue de sujet et d'objet, ses drippings porteront souvent le titre de Number et utilisera des matériaux nouveaux comme la peinture métallisée , parfois un support à base de fribre de bois. Non seulement il porte le "dripping", inventé par un Ernst, à un niveau jamais atteint, mais invente aussi le "all-over", plaçant sur un même niveau tous les points de la toile pour donner un enchevêtrement de coulures orientées, rectilignes et souples, et de petites taches variées ..
La façon exacte dont Pollock a pu découvrir sa technique de dripping est une question à ce jour non résolue. C'est au milieu des années 1940 qu'il semble abandonner l’imagerie symbolique de ses images précédentes et chercher des moyens d’expression plus abstraits. En 1945, Pollock et Lee Krasner ont déménagé dans une ferme de Long Island et cette même année, il peint "There Were Seven in Eight", - un tableau esquissé en 1943 et repris plus tard -, l'imagerie disparaît dans un enchevêtrement de lignes vives, il aurait, interprétera-t-on, choisi de "voiler" l'image : on a souvent supposé qu'ne couche "réaliste" subsistait dans beaucoup de ses oeuvres abstraites. Le mystère de la création demeure.
Dans les années qui suivirent, il gagne en audace et produit des œuvres comme "Shimmering Substance" (1946, Museum of Modern Art (MoMA), New York City). Une oeuvre qui rappelle, - substance scintillante d'une praire épaisse sous la lumière du soleil de midi et qui ne vit que d'arcs et d'orbes de couleurs saturées de chaleur - qu'à la fin des années 1940, Pollock faisait partie d’un groupe de jeunes peintres, principalement new-yorkais, - futurs expressionnistes abstraits -, travaillant dans une variété de styles, mais partageant le même intérêt pour les théories psychologiques jungiennes de l’inconscient collectif et de la mythologie primitive, et une croyance que l’expressivité était atteinte, en partie, par le processus physique de la peinture ..
"Eyes in the Heat", 1946 (Peggy Guggenheim Collection, Venice) montre que l'installation de Pollock dans sa maison de Long Island en 1945 et la perspective d'une exposition à la galerie Art of This Century, donnent une grande intensité à son travail : Pollock n’applique plus de peinture avec un pinceau, mais il presse le pigment sur la toile directement à partir du tube, le poussant et l’enduisant avec des instruments émoussés pour créer une croûte épaisse et texturée. Le regard est porté le long de larges bandes de couleurs qui plongent, se soignent, se doublent, se lèvent et tombent rythmiquement sur toute la toile... "Eyes in the Heat" est la dernière oeuvre «classique» de l'artiste avant son passage à l'expressionnisme abstrait ...
(Works: "Shimmering Substance", 1946, MOMA NY - "Eyes in the Heat (Sounds in the Grass Series)", 1946, Guggenheim NY - "Full Fathom Five", 1947, MOMA NY - "Cathedral", 1947, laque et peinture aluminium, Dallas Museum of Art - "Red Composition", 1946) ..
1945, de Kooning, "Pink Angels" (Frederick R. Weisman Art Foundation, Los Angeles)
Au cours des années 1930 et 1940, Willem de Kooning travaille simultanément en mode figuratif et en mode abstrait. C'est 1926 que de Kooning, natif de Rotterdam, est entré clandestinement aux États-Unis, s'installe à Hoboken, dans le New Jersey, et y travaille comme peintre en bâtiment, gagne en 1927 Manhattan : il y fréquente le critique d’art John Graham et le peintre Arshile Gorky, peint des natures mortes, explore la peinture abstraite au début des années 1930, via des formes biomorphiques et des compositions géométriques simples, une opposition d’éléments formels disparates qui prévaut dans son travail tout au long de sa carrière, on lit ici l'influence de Pablo Picasso et du surréaliste Joan Miró. En octobre 1935, de Kooning commence à travailler sur le projet d’art fédéral WPA (Works Progress Administration) deux ans pendant lesquels il peut subvenir à ses besoins. En 1938, probablement sous l’influence de Gorky, de Kooning se lance dans une série de figurations ("The Glazier", c.1940, The Met) et d'abstractions aux couleurs lyriques ("Pink Landscape", "Elegy", "The Wave", Smithsonian American Art Museum, c.1942-44), deux tendances qui vont fusionner vers 1945 avec "Pink Angels" : des formes biomorphiques de couleur rose et corail flottent sur un fond de jaune et d’or, on y reconnaît des yeux et des formes anatomiques se heurtant, on y voit des liens avec "Guernica" de Picasso ainsi que Miró, Matisse et Pieter Bruegel l’Ancien. En 1938, de Kooning rencontre Elaine Fried, qu’il épouse en 1943. "Seated Woman" (1940, The Philadelphia Museum of Art) constitue sa première peinture majeure d'une femme. Au printemps 1948, de Kooning a quarante-quatre ans et organise sa première exposition personnelle à la galerie Charlie Egan, la plupart de ses oeuvres sont des compositions peintes en noir et blanc, et des formes vaguement reconnaissables, mais semblent faire de lui leader d’une nouvelle génération de peintres supprimant tout contenu narratif et figuration de leurs oeuvres. En 1950, "Excavation" (The Art Institute of Chicago), "a classical painting, majestic and distant, like a formula wrung out of testing explosives", écrira Harold Rosenberg, un format monumental pour de Kooning, et une étape de plus vers l'abstraction, mais une abstraction qui laisse toujours à la figuration une possibilité de s'exprimer ...
1947, lors de la quatrième exposition individuelle de Jackson Pollock, le critique Clement Greenberg, alors bien isolé mais qui devint l’un des critiques d’art les plus connus du XXe siècle (ses écrits sur l’art ont influencé des générations d’artistes, de critiques et d’historiens), écrit dans The Nation un article précurseur qui, certes, restera encore bien obscur pour ses lecteurs immédiats: "Pollock points a way beyond the easel, beyond the mobile, framed picture, to the mural, perhaps—or perhaps not. I cannot tell". Dans son essai le plus célèbre, "Avant-Garde and Kitsch" (1939), Greenberg faisait valoir que la fonction essentielle de l’avant-garde était de maintenir la culture vivante en résistant aux effets négatifs du capitalisme, et, ce faisant, a jeté les bases du débat sur le «high art» et le «low art» qui a imprégné une grande partie de la critique d’art au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Après la Seconde Guerre mondiale, Greenberg a fait valoir que les meilleurs artistes d’avant-garde de l’époque étaient américains plutôt qu’européens. Son soutien à l’Abstract Expressionnism fut constant. Il organisa ainsi la premièreexposition personnelle de Pollock au Bennington College, dans le Vermont en 1952. Pour l'heure, Pollock portait une nouvelle voie au-delà du chevalet, au-delà de l’image conventionnelle du tableau peint et encadré cloué au mur ..
Greenberg introduit ici sa célèbre théorie de la mort du chevalet (death-of-the easel-picture theory) : Pollock exprime une nouvelle étape dans l'histoire de l'art moderne, étape tant espérée par le critique, qui pourrait enfin permettre de se libérer de la tradition cubiste, dernière des illusions à entretenir encore quelques formes et hiérarchies entre celles-ci. La "dissolution du pictural en texture pure", écrit Greenberg (Partisan Review, 1948) est dans l'ère de la nouvelle sensibilité contemporaine, de celle que l'on observe tout autant en littérature ("The dissolution of the pictorial into sheer texture into apparently sheer sensation, into an accumulation of repetitions, seems to speak for and answer something profound in contemporary sensibility. Literature provides parallels in Joyce and in Gertrude Stein) ...
Certes, un artiste comme Mondrian, que Pollock admirait énormément, avait depuis longtemps rejeté toute représentation au profit de l’abstraction pure, à la recherche d’idéaux basés sur la simplification des formes et des couleurs, mais pour Pollock, l’abstraction n’était pas un choix philosophique mais un dernier recours, celui de pouvoir forger une technique artistique qui pourrait pleinement accueillir ses émotions. Ce qui n'était pas sans risque, un peintre comme Picasso n’a-t-il jamais complètement abandonné la figure, de crainte que son travail ne dégénère en modèle sans signification ...
En 1947, Pollock abandonne ses peintures d’inspiration surréaliste, réalise ses premiers "drippings" et lance ainsi une nouvelle forme radicale d’art abstrait...
Rejetant le pinceau et le chevalet, il a étendu sa toile sur le sol et a commencé à verser de la peinture directement de la boîte. Utilisant un bâton pour obtenir plus de contrôle, il dribble, clignote et éclabousse ses peintures sous tous les angles. Les images qui en résultent semblent aléatoires, mais Pollock maintient que rien n’est laissé au hasard; bien que le flux de peinture soit spontané, il prétend être guidé par l’intuition et l’émotion. Il signe un contrat avec la galerie B. Parsons. Sa peinture, désormais gestuelle, sera qualifiée d' "action painting" par le critique américain H. Rosenberg ..
"In the summer of 1947 Pollock produced the first of his so-called “drip” paintings.* Not the least among his innovations was the technique by which they were created. Instead of using an easel, Pollock placed his canvas on the floor and applied paint from sticks, trowels, and hardened brushes. He walked around the canvas as he worked, tossing paint from all four sides.
At some point Pollock realized that he would not have to stop to dip the stick into a can of paint if he poured the paint directly from the can. So he placed a stick in a can of paint, tilted the can, and allowed the pigment to run down the stick and onto the canvas. Sometimes he tilted the can just a bit to produce a slow, dribbling line. Sometimes he tilted it at sharper angles so the paint fell faster and landed harder, forming a puddle. He experimented with a wide range of paints—artist’s oils, industrial enamels, plumber’s aluminum paint, and, most often, ordinary house paint, which he chose because of its fluidity and low cost.
One of the most common misconceptions about Pollock’s working methods is that he produced his “drip” paintings almost instantaneously. To the contrary, he tended to work in stages. It was not unusual for him to interrupt work on a canvas and tack it to a wall in the barn so that he could contemplate his next step. Sometimes he waited a few days before returning to the painting, sometimes weeks. In the meanwhile he worked on other paintings; he was always working on more than one painting at a time..." ("Jackson Pollock: A Biography", Deborah Solomon, 1987)
"There is an amazing sense of movement in these paintings as countless linear rhythms and tensions counteract one another to form an indivisible whole. The only way to look at a “drip” painting is all at once. The key element in the “drip” paintings is line, as opposed to color or form. As many critics have pointed out, Pollock was essentially drawing in paint, or endowing the painted line with the immediacy and spontaneity one tends to associate with pencil sketches. His line is novel not only because of the way it is applied but also because it doesn’t define shapes or mark the edge of a plane—the two traditional functions of drawing. Instead it travels freely, following its own path as it breaks away from the tedious conventions of description and illustration. Color is of secondary importance and rarely calls attention to itself. Pollock generally avoided strong, saturated hues in favor of black, white, and aluminum, which evoke the monochromy of pencil sketches and serve to dramatize the linear quality of his work ..."
Il y a un incroyable sens du mouvement dans ces peintures alors que d’innombrables rythmes linéaires et des tensions s’opposent pour former un tout indivisible. La seule façon de regarder une peinture « goutte à goutte » est tout à la fois. L’élément clé dans les peintures « goutte à goutte » est la ligne, par opposition à la couleur ou la forme. Comme de nombreux critiques l’ont souligné, Pollock dessinait essentiellement dans la peinture, ou dotait la ligne peinte de l’immédiateté et de la spontanéité que l’on a tendance à associer aux croquis au crayon. Sa ligne est nouvelle non seulement en raison de la façon dont elle est appliquée, mais aussi parce qu’elle ne définit pas les formes ou ne marque pas le bord d’un plan — les deux fonctions traditionnelles du dessin. Au lieu de cela, il voyage librement, en suivant son propre chemin car il rompt avec les conventions fastidieuses de la description et de l’illustration. La couleur est d’importance secondaire et attire rarement l’attention sur elle-même. Pollock évite généralement les teintes fortes et saturées en faveur du noir, du blanc et de l’aluminium, qui évoquent la monochromie des croquis au crayon et servent à dramatiser la qualité linéaire de son travail...
"Alchemy", 1947 (Peggy Guggenheim Collection, Venice, Italy) est l’une des premières oeuvres de Jackson Pollock correspondant à sa nouvelle technique. Après une longue réflexion devant la toile vide, il a utilisé tout son corps dans un processus de prise de vue qui peut être décrit comme le dessin dans la peinture. En versant des jets de peinture commerciale sur la toile à partir d’une boîte à l’aide d’un bâton, Pollock a rendu obsolètes les conventions et les outils de la peinture traditionnelle de chevalet. Il plaçait souvent la toile non étirée sur le sol dans une approche qu’il comparait à celle des peintres de sable indiens navajos, expliquant : "on the floor I am more at ease. I feel nearer, more a part of the painting, since this way I can walk around it, work from the four sides and literally be in the painting." Les notions surréalistes de hasard et d’automatisme s’expriment pleinement dans les "poured paintings" de Pollock, dans lesquelles la ligne ne sert plus à décrire la forme ou à l’enfermer, mais existe comme un événement autonome, traçant les mouvements du corps de l’artiste. Au fur et à mesure que la ligne s’amincit et s’épaissit, elle accélère et ralentit, son apparence étant modifiée par le comportement fortuit du centre. Vue à distance, l'oeuvre encourage le spectateur à vivre la peinture comme un environnement. La superposition et l’interpénétration des écheveaux labyrinthiques donnent à l’ensemble un aspect dense et généralisé. La surface texturée est comme un mur sur lequel des signes primitifs sont inscrits avec un pigment blanc pressé directement du tube...
"Sea Change", 1947, by Jackson Pollock - Oeuvre qui fut réalisée en deux temps, d’une manière d'abord relativement traditionnelle, - brosser la peinture sur une toile verticale -, l’image est posée à plat sur le sol et sont alors versées - il ne s'agit donc pas d'une peinture d'action - des couches beaucoup plus épaisses d’aluminium et de peinture noire ... - "Lucifer", 1947, by Jackson Pollock - A un moment donné de son art créatif, le peintre posa son pinceau et commença plutôt à égoutter et à éclabousser son pigment, ne couvrant pas complètement la sous-couche, dans laquelle il a également intégré de petits morceaux de gravier pour augmenter la texture. À quel moment exactement et pourquoi a-t-il décidé de concentrer ses efforts sur une exploration délibérée et soutenue des possibilités de créer une composition entière en égouttant ou en versant de la peinture, on ne sait, si ce n'est qu'il semblait penset que son inconscient à un moment donné du processus prenait en mains directement les opérations ... - "Full Fathom Five" (1947, Oil on canvas, with nails, buttons, tacks, key, coins, cigarettes, matches, etc. - The Museum of Modern Art, New York). Réalisée selon dripping, la surface est coagulée avec un assortiment de détritus, des mégots de cigarette aux pièces de monnaie et une clé. Alors que les couches supérieures ont été créées en versant des lignes de peinture maison noire et argentée brillante, une grande partie de la croûte de la peinture a été appliquée au pinceau et au couteau à palette, créant un contrepoint angulaire aux lignes de tissage. La peinture aurait-elle enregistré les énergies et les états de l’homme qui l’a dessiné, Pollock aurait-il trouvé un nouveau langage abstrait pour l’inconscient, qui allait au-delà du symbolisme freudien des surréalistes ou de l’espace rigidifiée et si peu profond des images cubistes... - "Reflection of the Big Dipper", 1947 (Stedelijk Museum, Amsterdam), exposé à la Galerie Betty Parsons en 1948, avec seize autres peintures de Jackson Pollock, des oeuvres qui se situent à une étape de transition entre une manipulation plus traditionnelle de la peinture et sa technique de dripping sur des toiles à grande échelle. - "War", 1947, un dessin qui certes s'inscrit dans la période qui précède l'apparition du dripping, mais qui vaut dans la continuité, ses nombreux mouvements linéaires assombris et épaissis par des éclairs de crayon rouge et jaune, pour sa puissance sauvage et monstrueuse qui rappelle l'imagerie du "rêve et mensonge de Franco" de Picasso qui a précédé "Guernica", toutes deux de 1937.
"Number 1", 1948 by Jackson Pollock (Museum of Modern Art (MoMA), New York City) - Considéré comme le chef-d’œuvre représentatif du "drip" qui ancre l’expressionnisme abstrait dans l'histoire de l'art. Se déplaçant autour d’une étendue de toile posée sur le sol, Pollock jetait et versait des coulées de peinture sur la surface, et la toile, si complexe, vibre d'une énergie créative étonnante. À cette époque, Pollock a cessé de donner à ses peintures des titres évocateurs et a commencé à les numéroter. Son épouse, l’artiste Lee Krasner, a expliqué plus tard, "Les nombres sont neutres. Ils font que les gens regardent une peinture pour ce qu’elle est pure peinture." Invendu en 1949, le tableau sera finalement acquis plus tard par le MoMA.
"Number 17A", 1948, une huile sur panneau de fibres de bois représentative de la "drip technique" introduite l'année précédente, et une oeuvre en support du fameux article du magazine Life de 1949 qui a contribué à faire de Jackson Pollock un artiste reconnu.
"Silver Over Black, White, Yellow, and Red", 1948 - La surface se compose de lignes coulées et de petites gouttes de peinture sur un tissu rouge foncé, de fines lignes grises et blanches, une rangée de courbes noires audacieuses, un entrelacement global de coulées blanches et délicates et des touches de jaune, d’argent, d’écarlate et de rouge indien. L’huile provenant des plus grandes concentrations de peinture noire et blanche a coulé dans le tissu poreux, créant des zones d’ombre d’un rouge plus foncé. À bien des égards, son travail semble un système fermé qui se régénère jusqu’à ce que son énergie intérieure se dissipe.
"Out of the Web: Number 7", 1949 (Staatsgalerie Stuttgart) - "Number 8", 1949, structure chaotique avec des couches noires, blanches, grises, rouges et jaunes qui s’entremêlent et couvrent toute la surface, un mouvement constant, s’accumulant dans des endroits plus grands et explosant dans plusieurs directions simultanément - On y note ici la "puissance polymorphe" de la ligne, l'étonnante capacité de l'artiste créateur à accélérer une ligne en l’amincissant, à la ralentir en l’inondant, à l'étendre en jouant sur sa matérialité... - "Number 31" (1949), en collection privée pendant plus de 20 ans avant de réapparaître lors de la rétrospective Pollock de 1967 au Museum of Modern Art de New York, puis celle de 1998 au MoMA et à la Tate Modern de Londres ...
En 1948, Mark Rothko met en place une forme très personnelle de l’expressionnisme abstrait. Les onze peintures qu'il expose à la galerie Betty Parsons au printemps 1949 voient les formes biomorphiques semi-abstraites cèdent la place à des formes floues créées à partir de lavis de peinture en couches. Dans "No. 9", les rouges chauds, les oranges et les jaunes sont perturbés par une étrange masse noire et par les tourbillons de bleu dans la section inférieure, autant de motifs imprégnés d'une force vitale, comme des organismes envahi par la passion de s’exprimer .. Contrairement à beaucoup de ses collègues expressionnistes abstraits, Rothko ne s’est jamais appuyé sur des techniques dramatiques telles que les coups de pinceau violents ou les gouttes et les éclaboussures de peinture. Au lieu de cela, ses peintures pratiquement sans gestes ont obtenu leurs effets en juxtaposant de grandes zones de couleurs fondantes qui semblent flotter parallèlement au plan de l’image dans un espace atmosphérique indéterminé.
Rothko a passé le reste de sa vie à affiner ce style de base grâce à une simplification continue. Il a limité ainsi ses dessins à deux ou trois rectangles à bords souples qui remplissaient presque les formats verticaux de la taille d’un mur, comme des icônes abstraites monumentales, cela lui suffisait pour suggérer dans de nombreuses variations de couleurs et de tons une gamme étonnante d’atmosphères et d’humeurs. Les formes elles-mêmes peuvent être constituées de couleur seule, et leur translucidité établit une profondeur en couches qui complète et enrichit l’architecture verticale de la composition. Les variations de saturation et de tonalité ainsi que la teinte vont évoquer un domaine insaisissable mais presque palpable de l’espace peu profond. La couleur, la structure et l’espace se combinent pour créer une présence unique. L'échelle de ces toiles permet alors de contenir ou d'envelopper le spectateur, au plus d'un lien intime et tout simplement humain ...
En janvier 1948, Pollock et Lee viennent à New York pour l’ouverture de son exposition à la Parsons Gallery. Le début de ses peintures «drip» s’est avéré être une déception épouvantable, suscitant peu d’intérêt de la part des critiques ou des collectionneurs. L'année est marquée par la mort d'Arshile Gorky, la première exposition personnelles de Willem de Kooning et un Clement Greenberg qui regrette, article après article, l'aliénation sociale et l'isolement des jeunes peintres américains.
De janvier à février 1949, se déroule la seconde exposition de Pollock à la Parsons Gallery, mieux accueillie et, en février, Pollock reçoit à Springs la visite d’Arnold Newman, un photographe indépendant chargé par le magazine Life, le magazine le plus lu en Amérique, de réaliser quelques images en noir et blanc et en couleur pour la publication d'un reportage qui sera publié le 8 août....
“JACKSON POLLOCK — Is he the greatest living painter in the United States?” ...
"Recently a formidably high-brow New York art critic [Clement Greenberg] hailed the brooding, puzzled-looking man shown above as a major artist of our time and a fine candidate to become “the greatest American painter of the 20th century.” Others believe that Jackson Pollock produces nothing more than interesting, if inexplicable, decorations. Still others condemn his pictures as degenerate and find them unpalatable as yesterday’s macaroni. Even so, Pollock, at the age of 37, has burst forth as the shining new phenomenon of American art ..."
Ce fut cinq millions d’exemplaires de diffusion et cinq millions de réactions ...
La troisième exposition de Pollock à la Parsons Gallery (du 21 novembre au 10 décembre 1949), est largement acclamée. L’exposition, composée de trente-quatre peintures «drip», fut bien accueillies par The New Yorker, The New York Times et les revues d’art. La stature de Pollock prend la dimension d'un autre mythe, Kandinsky. Jason Pollock est ainsi devenu pour le monde extérieur le “shining new phenomenon of American art", éclipsant Willem de Kooning, le peintre né à Rotterdam qui était arrivé à New York en tant que passager clandestin en 1926, qui avait réalisé sa première exposition en 1948, possédait une clientèle nombreuse et fidèle, mais ne sentait jamais prêt à exposer. De Kooning reconnut en Pollock l'artiste qui le premier de sa génération brisa l'indifférence du grand public à l'égard de la peinture abstraite américaine, mais leurs relations s'arrêtent là...
En 1950, exposition personnelle réussie de Pollock, il est, avec Arshile Gorky et Willem de Kooning, sélectionné par le directeur du MoMA pour la Biennale de Venise. Jason Pollock est au sommet de son art: "Number One", 1950 (Lavender Mist), "Autumn Rhythm (Number 30)", 1950, "Composition", 1950, "One : Nr.31" (1950), "Number 19" (1951), "Number 7" (1952), "Blue Poles: nr 2" (1952), "Convergence" (1952), "The Deep" (1953), considéré comme son dernier chef d'oeuvre ..
"Number One (Lavender Mist) ", 1950, by Jackson Pollock (National Gallery of Art, Washington, DC) - "Number One" incarne la percée artistique de Pollock entre 1947 et 1950, une oeuvre réalisée dans une ancienne grange transformée en atelier à côté d’une petite maison à l’extrémité est de Long Island, où Pollock a vécu et travaillé à partir de 1945. La propriété menait directement à Accabonac Creek, où les marais de zostères et la magnifique lumière aqueuse étaient une source d’inspiration pour lui. Un article du magazine Life met alors en vedette Pollock, les bras croisés et une cigarette suspendue à ses lèvres, avec une légende : "Is he the greatest living painter in the United States?"
"Autumn Rhythm (Number 30)", 1950 by Jackson Pollock (The Metropolitan Museum of Art, New York). "Autumn Rhythm" est l’une des œuvres majeures de l'exposition entreprise par l'artiste en cette année 1950, courbes sinueuses, pointes et lignes évoquent les motifs changeants et complexes de la nature. A une échelle conséquente qui enveloppe tant l’artiste tel qu’il l’a créé et que les spectateurs qui s'y laissent entraîner, l'oeuvre offre une dynamique de rythmes visuels et des sensations de flottaison, de pesanteur, d’arc, de tourbillonnement et de mise en commun de lignes de couleur qui témoignent directement de la chorégraphie très physique de l’application de la peinture avec les nouvelles méthodes de l’artiste, le pigment y a été versé, dégouliné, éraflé, éclaboussé, utilisant même bâtons, truelles et couteaux, pour construire des compositions denses et lyriques composées d’écheveaux de lignes complexes, sans point central, sans hiérarchie. L’artiste a travaillé la toile à plat sur le sol, en se déplaçant constamment tout autour tout en appliquant la peinture et en travaillant des quatre côtés, liant contrôle et hasard dans un même acte de création qui rappelle celui de la nature ("On the floor I am more at ease," he said. "I feel nearer, more a part of the painting, since this way I can walk around it, work from the four sides and literally be in the painting")...
"Pollock pretends to paint Number 32, 1950 for photographer Rudy Burckhardt" - Contrairement aux peintures murales des années trente, cette oeuvre semble bouleverser les conceptions de ce que nous nous faisions jusque-là du monumental, et ce en réinventant l’élément le plus simple de l’art, la ligne, «the essence of all» : ici pas de forme, pas de couleur, juste de la ligne qu'il façonne à la mesure de ce qu'il se sent en mesure d'exprimer.. Incapable de s’exprimer à travers les techniques toutes faites de l’art, Pollock en venait ainsi à concevoir ses propres techniques d'expression ..
1951, les "Black paintings" ...
La quatrième exposition de Pollock à la galerie Parsons ouvre le 28 novembre 1950, un évènement, à une extrémité de la galerie "Autumn Rhythm" occupe un mur entier, et le mur opposé porte "One". On y compte trente-deux peintures, l'effet est éblouissant, les invités impressionnés. Pollock fait désormais figure de leader de la peinture américaine, bien que son style ne puisse le propulser sur la scène artistique comme un chef d'école. A la différence d'un De Kooning. En 1951 (janvier) Life Magazine publie la photographie des "Irascibles" (les fameux 18 peintres qui lancèrent le Boycott Metropolitan en 1950), le seul et unique portrait de groupe portant sur les acteurs de l'Abstract Expressionism : Willem de Kooning, Adolph Gottlieb, Ad Reinhardt, Hedda Sterne; Richard Pousette-Dart, William Baziotes, Jackson Pollock, Clyfford Still, Robert Motherwell, Bradley Walker Tomlin; Theodore Stamos, Jimmy Ernst, Barnett Newman, James Brooks, Mark Rothko ...
À partir de 1951, Pollock revient à une figuration en noir et blanc, les "Black Paintings", en abandonnant la couleur, il a donné à son art un sentiment d’urgence, qui se répercute sur le sujet, la figure humaine revient soudainement, avec des têtes, des visages et des membres mutilés émergeant des toiles et des enchevêtrements de noir. La plus commune et la plus grossière des images est une tête romaine décapitée, son front haut et chauve et ses traits classiques à la ressemblance troublante avec l’artiste (Number 24, 1951, Private collection). Les critiques resteront divisés sur leur signification, voir leur intérêt ...
"Yellow Islands", 1952 (Oil on canvas - Collection of the Tate, UK) - Des gestes rapides et agressifs entrecoupés d’une grande quantité de peinture noire versée sur la toile alors qu’elle était en position verticale : après avoir réparti un certain nombre de tache, le peintre ajoute des zones de jaune et de pourpre avec un pinceau ...
1952, Franz Kline, "Painting No. 7" (Musée Solomon R. Guggenheim, New York)
Contrairement à ses amis Pollock et de Kooning, Franz Kline n’a jamais expérimenté d'éléments figuratifs. Cette oeuvre est un bel exemple de ses tableaux en noir et blanc où la géométrie stricte de larges lignes noires définit la composition, est-ce peut-être quelque hommage aux carrés de Kazimir Malevitch...
En 1952, Pollock arrête le "drip painting" et réintroduit dans ses oeuvres des motifs figuratifs ...
En janvier 1952, Pollock constate que ses peintures ne se vendent pas et rompt avec la "Betty Parsons Gallery". Incapable, semble-t-il, d'innover, après l'échec de ses Black Paintings, Pollock revient à son "drip style" de la fin des années 40 : mais il avait commencé à se répéter, un processus si contraire à ses instincts créatifs. En 1952, sa production décline, il ne produit que seize tableaux, moins de la moitié de ceux de l’année précédente et moins du tiers de 1950. Le tableau "Blue Poles" de 1952 est considéré comme l’un de ses plus grands tableaux et aide à expliquer les difficultés auxquelles il se trouvait alors confronté : la couleur, la répétition, et résout le problème en superposant huit « pôles » verticaux sur l’image, les espaçant à des distances égales et les inclinant légèrement à des angles perpendiculaires opposés, remplaçant les les "drips" en chargeant le tableau d’un formidable sens de l’ordre et de la retenue. C'est pour le peintre une victoire, mais la dernière, l’exposition inaugurale de Pollock à la Janis Gallery, avec "Blue Poles", "Convergence" et dix autres peintures, inaugure en novembre 1952 un large succès critique. L'oeuvre est exposée une seconde fois en janvier 1954 dans une exposition de groupe intitulée « Nine American Painters Today », cette fois, le tableau se vend, puis, de collectionneur, le tableau échoue à la Galerie nationale australienne de Canberra pour 2 millions de dollars, le prix le plus élevé jamais payé pour une œuvre d’un artiste américain ...
"Easter and the Totem" (1953, MOMA NY), "Portrait and a Dream" (1953, Dallas Mus. of Art), "Ocean Greyness" (1953, Guggenheim NY), mais les quatre dernières années de la vie de Jason Pollock sont dominées par la dépression et l'alcoolisme, un alcoolisme qui vient ravager sa vie plus que jamais : "The Deep" (1953, MNAM Paris G.Pompidou) évoque un gouffre, un abîme au risque de s'y perdre à l’intérieur, l'onde blanche prend forme à coups de pinceau superposés, des gouttes flottent au-dessus du gouffre, quête d'une nouvelle approche mais qui ne pourra s'incarner dans aucun nouveau départ ni même conclusion. La même année, en mars 1953, de Kooning dévoile sa série "Woman" à la galerie Janis et succède à Pollock "as the sensation of Fiftyseventh Street".
Pollock meurt d'un accident de voiture à l'âge de quarante-quatre ans...
Il est à l'origine d'un véritable foisonnement artistique outre-Atlantique après-guerre. Quant à Lee Krasner, la période suivant la mort de son mari s’est avérée être la plus gratifiante de sa carrière artistique et prit rang dans l'expressionnisme abstrait ...
A la fin des années 1950, Allan Kaprow (1927-2006) fait émerger avec ses "happenings" une nouvelle forme d'art, la "performance" ...
Willem de Kooning, "Woman II" (1952, Museum of Modern Art, New York City)
De Kooning peint régulièrement des femmes depuis le début des années 1940, puis des formes biomorphiques assumées comme ses premières abstractions et pouvant être interprétées comme des symboles féminins. C'est au cours de l’été 1950, que cette recherche devient sa ligne directrice, il commence " Woman I", qui connaîtra d’innombrables métamorphoses avant d'être terminée en 1952. Ces œuvres sont alors exposées à la galerie Sidney Janis en 1953 et font sensation, sans doute parce qu'elles sont encore figuratives à la différence de ce que proposent ses collègues expressionnistes abstraits. Le pigment savamment appliqué et la projection singulière des couleurs, les seins, les yeux vides, ce sont les idées freudiennes les plus noires sur la fermme qui semble ainsi représentées. Les "Woman paintings II" à "VI" (1952–53) constituent toutes des variantes sur ce thème, tout comme "Woman and Bicycle" (1953) et "Two Women in the Country" (1954), et en 1955, la femme comme paysage, "Woman as Landscape". Le thème ressurgira au milieu des années 1960 mais avec des peintures encore plus controversées. Dans les années 1980, de Kooning souffrant de la maladie d’Alzheimer est jugé inapte à gérer sa succession, et c'est alors que ses oeuvres les plus anciennes vont générer des profits croissants pour quelques-uns (Pink Lady) ...
("Woman" (1953, Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Smithsonian Institution) - "Gotham News" (1955, Collection Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, NY) - "Rosy-Fingered Dawn at Louse Point", 1963 (Stedelijk Museum, Amsterdam) ...)
De 1958 à 1966, Rothko a travaillé par intermittence sur une série de 14 immenses toiles (la plus grande était d’environ 11 15 pieds [3 5 mètres]) finalement placées dans une chapelle non confessionnelle à Houston, au Texas, appelée, après sa mort, la chapelle Rothko. Ces peintures étaient des monochromes virtuels de bruns sombres, marrons, rouges et noirs. Leur intensité sombre révèle le profond mysticisme des dernières années de Rothko. Tourmenté par la maladie et la conviction qu’il avait été oublié par les artistes qui avaient appris le plus de sa peinture, il s’est suicidé. Après sa mort, l’exécution du testament de Rothko (il avait accumulé tout au long de sa vie plus de 800 tableaux) provoqua l’un des procès les plus spectaculaires et complexes de l’histoire de l’art moderne, qui dura 11 ans (1972-1982)...
(Works : "No.61 (Rust and Blue)", 1953, Museum of Contemporary Art (MOCA), Los Angeles - "Orange and Yellow", 1956, Albright-Knox Art Gallery, Buffalo - "Four Darks in Red", 1958, Whitney Museum of American Art - "Orange, Red, Yellow", 1961 ...)