Joseph Heller (1923-1999) , "Catch 22" (1961), "Something Happened" (1974) - John Kennedy Toole (1937-1969), "A Confederacy of Dunces" (1961) - ...
Lastupdate: 31/12/2016
Aux côté des oeuvres de Roth, Vonnegut, Pynchon, Joseph Heller ouvre la voie à une nouvelle écriture du roman américain, l'approche réaliste et austère de la décennie précédente est battue en brèche, par un écrivain qui en appelle directement à son expérience personnelle et utilise un langage délirant, des situations grotesques ou décalées pour aborder des contextes psychologiques ou sociologiques les plus larges possibles. N'importe quelle raison de mourir est aussi une excellente raison de vivre, écrit Joseph Heller.
"Catch 22", un archétype de la satire de la guerre, fut si populaire à un moment donné que l'on disait que chaque étudiant se rendait à l'université avec un exemplaire. Le roman est devenu un classique de la littérature américaine, donnant naissance à l'expression "catch-22", qui désigne une situation sans issue en raison de règles contradictoires.
Écrite sur une guerre mais inspirée par une autre, elle a trouvé un écho auprès des opposants à une troisième guerre. Son titre est devenu le symbole d'un problème dont la nature même exclut la solution. Catch-22 est une clause fictive du règlement militaire qui justifie le refus d'une demande d'un soldat au motif que c'est lui qui l'a formulée. Dans ce roman, le compagnon de barraquement du capitaine John Yossarian, Orr, a perdu la raison suite à des missions de bombardement répétées. Il devrait être cloué au sol, et il serait insensé de continuer à voler. En demandant à ne plus voler, il fait cependant preuve d'un certain équilibre mental. Mais en étant sain d'esprit, il prouve qu'il peut voler en toute sécurité. Un cercle absurde, le piège parfait. Comme l'explique Heller dans Catch-22, « s'il a effectué [les missions], il était fou et n'avait pas à le faire, mais s'il ne voulait pas le faire, il était sain d'esprit et devait le faire » (If he flew [the missions] he was crazy and didn’t have to, but if he didn’t want to he was sane and had to)...
"There was only one catch and that was Catch-22, which specified that a concern for one’s own safety in the face of dangers that were real and immediate was the process of a rational mind. [A pilot] was crazy and could be grounded. All he had to do was ask; and as soon as he did, he would no longer be crazy and would have to fly more missions. . . . If he flew them he was crazy and didn’t have to; but if he didn’t want to he was sane and had to..."
Le roman va s'assombrir au fur et à mesure qu'il progresse. Ce qui commence presque comme une comédie burlesque se termine par des récits sans complaisance de la folie et de l'horreur de la guerre. Le roman se déroule en 1944, avec quelques retours en arrière permettant d'expliquer l'origine de certaines situations. Heller a lui-même effectué une soixantaine de missions à bord de bombardiers pendant la Seconde Guerre mondiale, et Catch-22 s'inspire de ses propres expériences et de ses camarades. Il pensait que cette guerre était juste et voulait que Catch-22 soit une attaque voilée non pas contre cette guerre, mais contre ce qui l'a suivie : la guerre froide, la guerre de Corée et le maccarthysme.
La guerre de Corée s'est achevée peu après que Heller ait commencé à écrire Catch-22, pour être remplacée par la guerre du Viêt Nam, qui ne pouvait être gagnée. Au moment de la publication du roman, cette guerre durait déjà depuis six ans et l'opposition à cette guerre était de plus en plus forte. En Grande-Bretagne, le roman a connu un succès immédiat, mais aux États-Unis, les ventes ont d'abord été lentes. Il a été publié en livre de poche en 1962 et, alors que la perspective de la conscription par appel d'offres se profilait en 1963, les ventes ont décollé. Aujourd'hui, il s'est vendu à plus de dix millions d'exemplaires rien qu'aux États-Unis.
L'une des singularité souvent relevée dans Catch-22, à propos d'un livre traitant de la guerre, est l'absence totale d'ennemi. Aucun Allemand ou Italien hostile n'apparaît dans le texte. La douleur et la mort infligées à Yossarian et à ses amis sont le fait de ses propres supérieurs et collègues. Le seul personnage allemand est un pilote travaillant pour Milo Minderbinder, l'officier mess de l'escadron américain, dont l'esprit d'entreprise va jusqu'à bombarder sa propre base aérienne parce que c'est rentable. La guerre est rentable pour l'industrie et justifie l'existence des forces militaires, créant une relation industrielle-militaire potentiellement dangereuse, dont Heller fait la satire par l'intermédiaire de Minderbinder. Comme Yossarian le rappelle à Minderbinder, le président Coolidge a dit un jour : « The business of government is business». La guerre n'est pas une question d'inimitié, mais de profit et de ressources qui mènent à encore plus de profit. Et si nous avions un doute sur le succès de Catch-22 dans la transmission de son message, l'Académie de l'armée de l'air des États-Unis a utilisé le roman pour «help prospective officers recognize the dehumanizing aspects of bureaucracy» (pour aider les futurs officiers à reconnaître les aspects déshumanisants de la bureaucratie) ...
Joseph Heller (1923-1999)
Natif de Brooklyn d'une famille d'immigrants juifs, Joseph Heller a étudié l'anglais à l'Université de New York après avoir servi comme bombardier dans l'US Army Air Corps pendant la Seconde Guerre mondiale. Plus tard, il a poursuivi ses études à la Columbia University et à Oxford en tant que Fulbright Scholar. Après ses études, il a travaillé comme publicitaire et a enseigné l’écriture créative avant de se consacrer à plein temps à l'écriture. Joseph Heller s'est imposé comme l'un des plus grands satiristes américains et "Catch-22" reste son œuvre la plus influente, souvent comparée à d'autres classiques antimilitaristes comme "Slaughterhouse-Five" de Kurt Vonnegut. Heller a marqué la littérature pour son habileté à mélanger le tragique et le comique tant dans une critique acerbe des institutions, particulièrement de la bureaucratie militaire et des systèmes capitalistes, que dans on évocation des dilemmes moraux et autres absurdités de la condition humaine.
Catch-22 (1961) est une satire absurde sur la bureaucratie militaire pendant la Seconde Guerre mondiale, centrée sur le capitaine John Yossarian, un bombardier dans l'armée américaine. Le "Catch-22" est une règle paradoxale qui illustre l'absurdité et l'inefficacité des systèmes bureaucratiques. Il a été adapté en film (1970) et en série télévisée (2019). Suivront "Something Happened" (1974), "Good as Gold" (1979), satire de la politique américaine et de la communauté littéraire, "God Knows" (1984), une réinterprétation satirique de l'histoire biblique du roi David, "Closing Time" (1994), une suite à "Catch-22", explorant les thèmes du vieillissement et du désespoir à la fin du XXe siècle. En 1981, il fut atteint du syndrome de Guillain-Barré, une maladie neurologique rare qui provoque une paralysie temporaire. Grâce à un traitement intensif et au soutien de ses proches, il avait récupéré, bien que l'expérience ait laissé une empreinte sur sa vie et ses écrits, notamment dans son autobiographie "No Laughing Matter" (1986), coécrite avec son ami Speed Vogel, et qui évoque sa peur, sa frustration et sa dépendance totale aux autres. L’amitié de Speed Vogel et le soutien de nombreux amis célèbres (comme Mel Brooks et Dustin Hoffman) sont des éléments centraux de ce dernier livre. Joseph Heller est mort le 12 décembre 1999 à East Hampton, New York, des complications d'une crise cardiaque. Il avait 76 ans.
"Catch 22" (1961)
Le Capitaine Joseph Yossarian, personnage principal, appartient à une escadrille de bombardiers basée en Méditerranée pendant la Seconde guerre mondiale. Il
est totalement indifférent aux idéaux patriotiques et considère que l'armée n'a comme seul et unique objet que de l'envoyer délibérément à une mort prématurée. Il va donc passer une grande partie
de l'ouvrage à imaginer avec créativité des stratagèmes pour éviter de participer à la moindre mission. La guerre est ainsi abordée est transposée en une guerre mettant aux prises les américains
eux-mêmes. Mais le piège se referme, l'article 22 du règlement intérieur de la base prévoit en effet que "Quiconque veut se faire dispenser d'aller au feu n'est pas réellement fou." L'ouvrage est
devenu l'un des livres cultes des pacifistes opposés à la guerre du Viêt Nam.
"Catch-22" de Joseph Heller est un roman non linéaire déroulant au fil de 42 chapitres toute l'absurdité de la guerre et de la bureaucratie militaire à travers les expériences du capitaine John Yossarian, un bombardier stationné sur l'île fictive de Pianosa pendant la Seconde Guerre mondiale...
- The Texan - Yossarian est hospitalisé, feignant une maladie pour échapper aux missions de combat. Il rencontre divers patients, dont le Texan, un homme trop amical que tout le monde finit par détester, ce qui pousse les patients à quitter l'hôpital.
- Clevinger - De retour à la base, Yossarian discute avec son camarade Clevinger, un idéaliste qui croit en la justice et en la logique de la guerre. Leur discussion met en évidence leurs perspectives opposées. On peut ici souligner le contraste entre la vision cynique de Yossarian et l'idéalisme naïf de Clevinger, illustrant les différentes réactions des soldats face à la guerre.
- Havermeyer - Le lieutenant Havermeyer, un bombardier qui prend des risques inconsidérés en mission, refuse d'effectuer des manœuvres évasives pour éviter les tirs ennemis. Il incarne l'obéissance aveugle aux ordres, contrastant avec la prudence de Yossarian, et nous en montre les conséquences dans un contexte militaire.
- Doc Daneeka - Yossarian consulte Doc Daneeka, le médecin de l'escadron, pour être exempté des missions. Doc Daneeka lui explique le "Catch-22" : un pilote peut être exempté s'il est jugé fou, mais demander une exemption prouve sa santé mentale, le rendant inéligible. C'est ici qu'est introduit le concept central du roman, le "Catch-22", illustrant le paradoxe bureaucratique qui piège les soldats dans des situations sans issue.
- Chef White Halfoat - Le chef White Halfoat, un Amérindien, raconte comment sa famille a été constamment déplacée en raison de la découverte de pétrole partout où ils s'installaient. Parallèlement, Yossarian se remémore des missions périlleuses, notamment celle où le mitrailleur Snowden a été mortellement blessé. Les anecdotes de Halfoat illustrent l'absurdité et l'injustice systémiques, tandis que le souvenir de Snowden introduit un mystère récurrent qui sera élucidé plus tard, soulignant les horreurs de la guerre.
"There was only one catch and that was Catch-22, which specified that a concern for one’s own safety in the face of dangers that were real and immediate was the process of a rational mind. Orr was crazy and could be grounded. All he had to do was ask; and as soon as he did, he would no longer be crazy and would have to fly more missions. Orr would be crazy to fly more missions and sane if he didn’t, but if he was sane he would have to fly them. If he flew them he was crazy and didn’t have to; but if he didn't want to he was sane and had to. Yossarian was moved very deeply by the absolute simplicity of this clause of Catch-22 and let out a respectful whistle. “That’s some catch, that Catch-22,” he observed. “It’s the best there is,” Doc Daneeka agreed."
- Hungry Joe - Si Hungry Joe a atteint le nombre requis de missions à plusieurs reprises, à chaque fois, le colonel Cathcart a augmenté son quota, l'empêchant de rentrer chez lui. Depuis Joe souffre de cauchemars et de troubles mentaux. C'est tout l'arbitraire des autorités militaires et l'impact psychologique de la guerre sur les soldats, exacerbés par des règles changeantes et le plus souvent totalement injustifiées.
- McWatt - McWatt, le pilote de Yossarian, est décrit comme être insouciant s'appliquant à réaliser les manœuvres les plus dangereuses pour s'amuser. Yossarian le met en garde contre ces comportements irresponsables. Un passage qui illustre deux attitudes, le déni et l'esquive, face à la réalité brutale de la guerre, contrastant avec la conscience aiguë d'un Yossarian que le danger est omniprésent.
- Lieutenant Scheisskopf - Retour sur les jours d'entraînement de Yossarian sous les ordres du lieutenant Scheisskopf, obsédé par les défilés militaires et ignorant les réalités du combat. Une satire de l'ineptie et de l'obsession des officiers pour des démonstrations insignifiantes, détachées des véritables enjeux de la guerre...
"These three men who hated [Clevinger] spoke his language and wore his uniform, but he saw their loveless faces set immutably into cramped, mean lines of hostility and understood instantly that nowhere in the world, not in all the fascist tanks or planes or submarines, not in the bunker behind the machine guns or mortars or behind the blowing flame throwers, not even among all the expert gunners of the crack Hermann Goering Antiaircraft Division or among the grisly connivers in all the beer halls in Munich and everywhere else, were there men who hated him more."
- Major Major Major Major - Major Major, promu au rang de commandant en raison de son nom absurde : ses subordonnés l'évitent et il se sent isolé, adoptant des comportements étranges pour échapper à ses responsabilités. C'est toute l'absurdité des promotions militaires basées sur des critères arbitraires.
- Wintergreen - Le caporal Wintergreen, responsable du courrier, exerce un pouvoir disproportionné en interceptant et en manipulant les communications, influençant les décisions militaires. Comment des individus en apparence insignifiants peuvent manipuler le système bureaucratique pour exercer une influence considérable, exacerbant inefficacité et la corruption.
- Capitain Black - Captain Black symbolise l’arbitraire et l’abus de pouvoir au sein de la hiérarchie militaire. Sa campagne de serments de loyauté est une satire de la paranoïa et de l’obsession pour la conformité qui caractérisaient des périodes comme le maccarthysme aux États-Unis. C'est est un officier cynique et malveillant qui occupe le poste d’intelligence officer (officier du renseignement) dans l’escadron. Il est connu pour son attitude mesquine et son désir constant de manipuler et d’humilier les autres, motivé par son ambition personnelle et son plaisir à semer la discorde. Il est surtout connu pour avoir lancé la "Loyalty Oath Crusade" (la croisade des serments de loyauté), une initiative absurde où il exige que chaque membre de l’escadron signe des serments de loyauté avant de recevoir des services essentiels comme de la nourriture ou des soins médicaux. Cette campagne est totalement inutile, mais elle lui permet de se sentir puissant et supérieur aux autres. Captain Black nourrit également un ressentiment profond envers ses collègues et prend plaisir à leur malheur, notamment lorsqu'il sabote les efforts de Major Major ou se moque des soldats ayant peur de leurs missions.
- Bologna - Référence à une mission particulièrement redoutée par les membres de l’escadron. Bologne est en effet une cible stratégique fortement défendue, et les soldats craignent que la mission soit extrêmement dangereuse, voire fatale. La simple mention de "Bologna" devient une source d'angoisse collective. Yossarian désespère d’éviter cette mission et manipule les cartes météorologiques pour faire croire à un mauvais temps au-dessus de Bologne, retardant temporairement l’opération. Cependant, la mission finit par être exécutée, et bien qu’elle soit difficile, elle s’avère moins désastreuse que prévu. Malgré cela, la tension autour de Bologne illustre l’angoisse omniprésente des soldats face à des situations de vie ou de mort imposées par des ordres bureaucratiques...
- Major de Coverley - Le Major de Coverley, une figure imposante et mystérieuse, est respecté et craint. Son rôle consiste à sécuriser des logements pour les soldats dans les zones récemment conquises. C'est la figure paternaliste qui agit en faveur des soldats, mais une autorité bien isolée et impuissante face à l'absurdité générale de la guerre.
- Kid Sampson - Kid Sampson, un jeune soldat, est tué accidentellement par McWatt lors d’une manœuvre dangereuse en avion. Après cet incident, McWatt se suicide en fracassant son avion contre une montagne. Un tournant émotionnel pour Yossarian.
- Piltchard & Wren - Lieutenants Piltchard et Wren sont les officiers responsables de la planification et de la coordination des missions de bombardement pour l’escadron de Yossarian. Ils sont dépeints comme des bureaucrates enthousiastes, totalement dévoués à leur travail mais sans véritable compréhension des horreurs de la guerre ou des dangers auxquels les soldats sont confrontés. Piltchard et Wren apprécient leur rôle et le pouvoir qu'il leur confère, mais leur enthousiasme pour la planification des missions contraste fortement avec l'attitude des hommes qui doivent les exécuter. Ils s’efforcent de rendre leurs opérations efficaces et bien organisées, ignorant ou minimisant les risques encourus par les équipages. Ces personnages renforcent l’idée que la guerre est organisée par des individus qui ne comprennent pas ou ne ressentent pas les conséquences de leurs décisions. Leur obsession pour les procédures et l’ordre contraste avec le chaos réel des missions...
- Luciana - Yossarian rencontre Luciana, une jeune femme italienne, et passe une nuit avec elle. Malgré son attirance, il détruit son numéro de téléphone, convaincu qu'il ne pourra jamais être heureux en raison de la guerre. Tout le désespoir de Yossarian, sans avenir possible.
- The Soldier in White - Un mystérieux soldat enveloppé de bandages blancs apparaît à l’hôpital et devient un symbole de la déshumanisation des soldats dans l’armée, réduits à des numéros et sacrifiés sans considération pour leur individualité.
"One of the things [Yossarian] wanted to start screaming about was the surgeon’s knife that was almost certain to be waiting for him and everyone else who lived long enough to die. He wondered often how he would ever recognize the first chill, flush, twinge, ache, belch, sneeze, stain, lethargy, vocal slip, loss of balance or lapse of memory that would signal the inevitable beginning of the inevitable end."
- The Soldier who saw everything twice - Un personnage mystérieux qui apparaît brièvement dans l’hôpital militaire où Yossarian se rend souvent pour éviter les missions de combat. Il est surnommé "The Soldier Who Saw Everything Twice" parce qu’il affirme constamment percevoir tout en double. Sa condition, qui semble être à la fois un problème médical et un symbole de l’absurde, intrigue et perturbe Yossarian. Peu de temps après avoir été introduit, ce soldat meurt, laissant une impression durable sur Yossarian. Lors d’une mission plus tard dans le roman, Yossarian commence lui-même à voir tout en double, un moment qui déclenche une peur existentielle en lui et qui renforce son rejet de la guerre. Ce symptôme devient un présage de la mort imminente, un rappel pour Yossarian de la précarité de la vie.
- Colonel Cathcart - Le Colonel Cathcart est présenté comme un officier ambitieux qui cherche constamment à impressionner ses supérieurs. Il augmente régulièrement le nombre de missions requises pour rentrer chez soi, frustrant les soldats. C'est toute l'obsession du pouvoir et l'indifférence des officiers face à la souffrance des soldat : l'implacable bureaucratie militaire.
“Haven’t you got anything humorous that stays away from waters and valleys and God? I’d like to keep away from the subject of religion altogether if we can.”
The chaplain was apologetic. “I’m sorry, sir, but I’m afraid all the prayers I know are rather somber in tone and make at least some passing reference to God.”
“Then let’s get some new ones.”
- Corporal Whitcom - Corporal Whitcomb est l’assistant du chapelain Tappman, mais contrairement au chapelain, il est cynique, ambitieux, et méprisant envers son supérieur. Whitcomb passe beaucoup de temps à saboter subtilement le travail du chapelain et à critiquer son dévouement spirituel, le considérant comme inutile. Il est davantage préoccupé par des moyens bureaucratiques de se faire remarquer et de gravir les échelons militaires. Il incarne une vision complètement matérialiste et bureaucratique de la religion. Il propose, par exemple, l’idée de standardiser les lettres de condoléances aux familles des soldats morts, une suggestion qui choque le chapelain par son insensibilité. Il utilise également chaque opportunité pour discréditer le chapelain auprès des officiers supérieurs. Malgré ses manœuvres, Whitcomb reste un personnage secondaire dépeint de manière comique et ridicule, un exemple supplémentaire de la futilité et de l’ineptie dans la bureaucratie militaire...
- General Dreedle - Le General Dreedle est un officier supérieur de l'armée américaine, responsable de la base aérienne où se déroule une grande partie de l’action du roman. Il est présenté comme un homme bourru, autoritaire, et peu intéressé par les subtilités bureaucratiques ou les jeux politiques. Contrairement à son rival, General Peckem, Dreedle est davantage concerné par les résultats pratiques que par les apparences ou les manœuvres politiques. Dreedle est souvent exaspéré par les absurdités et l’incompétence des hommes sous son commandement, mais il n’est pas exempt de comportements absurdes lui-même. Il montre un penchant pour l’autoritarisme arbitraire et des caprices, comme l'exigence absurde que tout le monde reste silencieux en présence de sa maîtresse. Cependant, malgré ses défauts, Dreedle est relativement pragmatique et moins hypocrite que Peckem, ce qui le rend plus tolérable dans l’univers satirique de Catch-22.
- Milo the Mayor - Milo Minderbinder consolide son rôle de leader commercial mondial en devenant une figure d’autorité dans les villes qu’il approvisionne. Milo est accueilli comme un héros et, dans certains endroits, devient effectivement maire, gouvernant les villes grâce à ses vastes opérations commerciales. Il organise des systèmes économiques locaux qui s'intègrent à son syndicat, en promettant prospérité et avantages à tous ceux qui participent. Malgré ses apparentes bonnes intentions, ses actions restent fondamentalement égoïstes et basées sur le profit. Milo profite de son influence pour exploiter les populations locales, utilisant leurs ressources et leur main-d'œuvre pour renforcer son empire commercial. Ce rôle de "maire" renforce son image en tant qu’entrepreneur incontournable, mais il illustre également son mépris pour les conséquences humaines de ses décisions. En devenant maire, Milo transforme son rôle économique en un rôle politique, illustrant comment l’autorité peut être exploitée à des fins personnelles. Cela reflète une critique du mélange entre pouvoir économique et politique...
- Milo - Milo Minderbinder est l’officier responsable des approvisionnements dans l’escadron de Yossarian, mais il est bien plus que cela : c’est un entrepreneur opportuniste qui dirige un vaste syndicat commercial mondial. Milo transforme son poste en une entreprise de marché noir, exploitant la guerre pour générer des profits. Il engage des transactions commerciales avec des amis, des ennemis et même des civils, affirmant que ses actions sont justifiées parce qu'elles "profitent à tous". Milo va devenir une figure majeure dans Catch-22, incarnant l’avidité capitaliste et la corruption morale. Il va jusqu’à conclure un contrat pour bombarder sa propre base militaire, expliquant que l’opération était financièrement avantageuse pour son syndicat. Malgré ses activités moralement répréhensibles et absurdes, Milo est toléré, voire admiré par ses supérieurs, car ses profits soutiennent indirectement l’effort de guerre.
- The Chaplain - Le chapelain Tappman est un officier religieux de l’escadron, sensible, honnête, et bien intentionné, mais constamment en conflit avec l’absurdité et la corruption de l’armée. Sa foi et son rôle de soutien spirituel sont mis à l’épreuve par les atrocités et l’absurdité de la guerre. Facilement intimidé par ses supérieurs et déconcerté par les comportements absurdes autour de lui, il admire secrètement Yossarian pour son courage à défier l’autorité, tout en ressentant de l’incertitude sur ses propres convictions morales et religieuses. À travers le roman, le chapelain deviendra progressivement plus audacieux, prenant des positions plus fermes contre les injustices qu’il observe. Dans une scène particulièrement absurde, il sera accusé à tort d'avoir falsifié des documents sous le nom de "Washington Irving", une accusation sans fondement qui reflète l'absurdité de la bureaucratie militaire. Bien qu'il ne soit pas puni, cet incident marque un tournant dans sa perception de l’armée et de son propre rôle...
- Aarfy - Le Lieutenant Aardvark, surnommé Aarfy, est le navigateur de l’avion de Yossarian. Aarfy est souvent dépeint comme insensible, maladroit et complètement déconnecté de la réalité. Pendant les missions de combat, il se montre inutile, souvent incapable de naviguer correctement, ce qui met l’équipage en danger. En dehors des missions, Aarfy affiche un comportement étrange et hypocrite. Il se présente comme un homme respectable et amical, mais cette façade cache un profond mépris pour les autres et un manque total de moralité. Cela devient évident lors d’une scène choquante où Aarfy viole et tue une jeune femme italienne dans un immeuble. Il justifie ses actions en affirmant qu’il ne voulait pas payer pour une prostituée, rationalisant ainsi un acte odieux. Malgré la gravité de son crime, Aarfy échappe à toute conséquence réelle, car l’armée s’intéresse davantage à punir Yossarian pour avoir déserté que de tenir Aarfy responsable de son acte.
- Nurse Duckett - Nurse Duckett est une infirmière travaillant à l’hôpital de la base, où Yossarian passe une grande partie de son temps à feindre des maladies pour échapper aux missions de combat. Elle est décrite comme séduisante et intelligente, et elle entretient une relation amoureuse avec Yossarian. Leur relation commence de manière légère et physique, mais elle évolue lorsque Nurse Duckett commence à prendre conscience des horreurs de la guerre et des traumatismes des soldats. Bien qu’elle soit attirée par Yossarian, elle critique parfois son comportement cynique et désabusé. Cependant, elle finit par prendre ses distances avec lui, jugeant l'attitude de ce dernier incompatible avec ses projets de carrière au sein d'une structure militaire qu'elle respecte...
- Dobbs - Dobbs est un copilote de bombardier dans l’escadron de Yossarian, connu pour son comportement nerveux et imprévisible. Son personnage est caractérisé par son anxiété croissante face aux dangers des missions de bombardement et par son incapacité à supporter la pression de la guerre. À un moment du roman, Dobbs perd le contrôle et décide de prendre des mesures extrêmes pour s’échapper de la situation. Il propose un complot à Yossarian : assassiner le colonel Cathcart, l’officier qui augmente sans cesse le nombre de missions requises pour que les soldats puissent rentrer chez eux. Yossarian hésite à accepter, trouvant l’idée extrême. Finalement, Dobbs abandonne son plan lorsqu’il atteint le quota de missions requises, avant que Cathcart ne le relève encore une fois. Cependant, malgré sa réussite à atteindre son objectif temporaire, il meurt lors d’une mission ultérieure.
- Peckem - Le General Peckem est un officier de haut rang de l’armée américaine, obsédé par son image, les apparences et le pouvoir bureaucratique. Il dirige le Special Operations Command et nourrit une rivalité constante avec le General Dreedle, un officier plus pragmatique et moins préoccupé par la bureaucratie. Peckem consacre une grande partie de son temps à manœuvrer politiquement pour prendre le contrôle de l’escadron de bombardement dirigé par Dreedle. Malgré son obsession pour le pouvoir et son mépris pour les opérations militaires concrètes, Peckem finira par se perdre dans ses machinations bureaucratiques. En fin de compte, ses efforts pour consolider son influence se retournent contre lui, une restructuration le subordonnera à un officier qu’il considèrait comme inférieur. Une caricature satirique du leadership bureaucratique militaire ...
- Dunbar - Lieutenant Dunbar est un camarade de Yossarian, connu pour sa philosophie unique sur la manière de vivre plus longtemps : il cherche activement à "rallonger sa vie" en rendant chaque moment aussi ennuyeux et insupportable que possible. Selon lui, les situations désagréables donnent l'impression que le temps passe plus lentement, ce qui, dans son esprit, équivaut à vivre plus longtemps. Dunbar partage de nombreuses discussions philosophiques et absurdes avec Yossarian sur la guerre, la mortalité et l’existence. Il devient un personnage central dans la critique des absurdités de la guerre et de la bureaucratie. Cependant, il finit par être mystérieusement déclaré "disparu" par les autorités militaires, après qu’il ait été considéré comme un perturbateur en raison de ses comportements et opinions dissidentes.
- Mrs Daneeka - Mrs. Daneeka est l'épouse du Doc Daneeka, le médecin cynique et égocentrique de l’escadron. Bien qu’elle soit un personnage secondaire, son histoire illustre de manière poignante l’absurdité et la cruauté de la bureaucratie militaire. Lorsque le nom de Doc Daneeka est inscrit sur la liste de l’équipage d’un vol qui s’écrase, l’armée le déclare mort, malgré le fait qu’il soit bien vivant et présent sur la base. Le système refuse de reconnaître son existence parce que, selon les documents officiels, il est décédé. Cette déclaration de décès affecte profondément Mrs. Daneeka. Et bien qu’il tente de la contacter pour prouver qu’il est toujours en vie, elle refuse de croire ses lettres, pensant qu’il s’agit d’un cruel canular. Finalement, elle encaisse l’assurance-vie de son mari et déménage avec ses enfants, acceptant son "décès" officiel.
- Yo-Yo’s Roomies - L’attention du roman de porte sur les différents colocataires de Yossarian (surnommé "Yo-Yo") dans sa tente sur la base aérienne. Ses compagnons, notamment Orr, Nately, Hungry Joe, et d’autres, apportent chacun une dynamique particulière à la vie commune, oscillant entre l’absurde, le comique et le tragique. Orr est souvent moqué pour ses comportements excentriques, mais il s’avère ingénieux et astucieux, ce qui est révélé plus tard dans le roman. Nately, quant à lui, est un jeune idéaliste qui se concentre sur son amour pour une prostituée. Hungry Joe, obsédé par les photographies de femmes nues, est tourmenté par des cauchemars. Ce chapitre prépare plusieurs événements clés du roman, notamment la disparition d’Orr, la mort de Nately, et la descente psychologique de Hungry Joe. Ces colocataires sont des points d’ancrage émotionnels pour Yossarian et jouent un rôle crucial dans son évolution personnelle ...
- Nately’s Whore - Nately, un camarade de Yossarian, est amoureux d'une prostituée italienne, "Nately’s Whore". Bien qu'elle soit indifférente à son amour et ne voit en lui qu'un client parmi d'autres, Nately persiste à vouloir l’épouser et la "sauver" de sa vie. Lors d’une discussion, Nately entre en conflit avec un vieil homme cynique, qui argue que les Américains finiront par perdre la guerre et que les idéaux qu’ils défendent sont hypocrites. Après la mort tragique de Nately au combat, la prostituée devient folle de rage et tente de tuer Yossarian, le blâmant indirectement pour la mort de Nately. Elle le poursuit à plusieurs reprises, une absurdité de plus dans la vie de Yossarian ....
- Thanksgiving - Un dîner de Thanksgiving organisé sur la base aérienne, censé être un moment festif pour les soldats. Cependant, l’événement est marqué par un enchaînement de situations absurdes et tendues. Une bagarre éclate entre les hommes, provoquée par des frustrations accumulées et des conflits personnels. Yossarian, comme à son habitude, observe la scène avec un mélange de cynisme et de désespoir. Le chaos généralisé du dîner finit par illustrer l'échec de toute tentative de normalité ou de camaraderie dans un contexte de guerre.
- Milo the Militant - Milo Minderbinder, le responsable de l’approvisionnement et dirigeant d’un syndicat de marché noir mondial, est décrit sous un angle plus critique. Milo, qui a déjà démontré sa capacité à tirer profit de la guerre pour son syndicat, se transforme en "militant" lorsqu'il décide de s'engager dans des missions de bombardement, mais pour des raisons purement financières. L'absurdité atteint son paroxysme lorsqu’il conclut des accords pour bombarder sa propre base, sous prétexte que cela génère un profit pour le syndicat et, par extension, pour "tout le monde". Milo présente ses actions comme étant moralement justifiables parce qu’elles respectent les principes du capitalisme.
- The Cellar - Le chapelain Tappman est profondément affecté par la nouvelle de la mort de Nately. Alors qu'il tente de réconforter Yossarian, il est brusquement appréhendé par des officiers et conduit dans une cave pour un interrogatoire. Les interrogateurs l'accusent de diverses infractions absurdes, notamment d'avoir falsifié des documents sous le pseudonyme de Washington Irving et d'avoir volé une tomate au colonel Cathcart. Malgré l'absence de preuves concrètes et la nature illogique des accusations, le chapelain est déclaré coupable et relâché, tout en étant informé qu'il restera sous surveillance constante. De l'absurdité et de l'arbitraire des procédures militaires ..
- General Scheiskopf - Le personnage de General Scheiskopf, ancien lieutenant obsédé par les parades militaires, réapparaît sous une nouvelle fonction en tant que général. Sa promotion lui permet d’exercer davantage de pouvoir, mais il reste tout aussi obsédé par les parades, ignorant les réalités de la guerre. Scheiskopf continue d'insister sur l'importance des défilés militaires, cherchant à introduire des règlements absurdes pour les soldats. Bien qu’il soit dans une position d’autorité, il est dépeint comme totalement déconnecté de la réalité et des véritables enjeux militaires. Ses décisions illustrent son incapacité à comprendre ou à gérer des situations complexes. La promotion de Scheiskopf, malgré son incompétence évidente, illustre la satire de Joseph Heller à propos des systèmes hiérarchiques dans lesquels l’avancement est souvent arbitraire et déconnecté des compétences réelles ...
- Kid Sister - Kid Sister", référence à la jeune sœur de la prostituée italienne surnommée "Nately's Whore". Cette sœur cadette est introduite dans le récit comme une figure innocente, qui représente un contraste frappant avec le chaos, la violence et l’absurdité du monde des adultes dans la guerre. Elle est souvent vue imitant sa grande sœur mais sans saisir les réalités cruelles de son environnement. Après la mort de Nately, Yossarian devient obsédé par la protection de Kid Sister. Son désir de la sauver symbolise son aspiration à préserver quelque chose de pur et d’innocent dans un monde moralement corrompu. Cependant, à mesure que les événements dégénèrent, Kid Sister disparaît, et Yossarian est incapable de la retrouver, ce qui renforce son sentiment d’échec et d’impuissance face aux fameuses nécessités impérieuses de la guerre...
- The Eternal City - Nous sommes à Rome, "La Ville Éternelle", Yossarian erre dans la ville après avoir déserté la base, plongé dans un état de désillusion totale face à la guerre et à la condition humaine. Rome, traditionnellement un symbole de civilisation et d’éternité, est décrite comme un lieu de chaos, de dépravation et de souffrance. Yossarian est témoin de scènes horrifiantes : violence, exploitation, pauvreté et brutalité. Les rues sont pleines de soldats, de prostituées et de civils désespérés. Il voit une femme agressée sans qu'aucune autorité n’intervienne, ce qui accentue son sentiment de vide moral dans le monde. Ce passage est marqué par une atmosphère sombre et apocalyptique, reflétant la corruption et la dégradation causées par la guerre. Celle-ci détruit non seulement les corps, mais aussi l’âme et la moralité de ceux qui y participent....
- Snowden - Le récit de la mort de Snowden est révélé de manière fragmentée tout au long du roman, mais son dénouement complet apparaît dans les derniers chapitres. Lors d’une mission de bombardement, le mitrailleur Snowden est gravement blessé après que leur avion a été touché par des tirs ennemis. Yossarian tente de l’aider en lui administrant de la morphine et en soignant ce qu’il croit être une blessure à la jambe. Cependant, il découvre une blessure beaucoup plus grave : les entrailles de Snowden se sont répandues hors de son corps à cause d’une blessure interne non détectée. La scène est horrifique et profondément traumatisante pour Yossarian. Snowden meurt dans ses bras, et Yossarian est confronté à la réalité brutale de la mort. Ce moment est lié à une phrase clé, répétée dans le roman : « L'esprit disparu, l'homme n'est plus qu'un déchet » (The spirit gone, man is garbage). Elle illustre la réduction de l’individu à sa biologie, dépourvu de toute grandeur ou signification dans le contexte de la guerre.
"Yossarian was cold, too, and shivering uncontrollably. He felt goose pimples clacking all over him as he gazed down despondently at the grim secret Snowden had spilled all over the messy floor. It was easy to read the message in his entrails. Man was matter, that was Snowden’s secret.
Drop him out a window and he’ll fall. Set fire to him and he’ll burn.
Bury him and he’ll rot, like other kinds of garbage. The spirit gone, man is garbage. That was Snowden’s secret. Ripeness was all.
“I’m cold,” Snowden said. “I’m cold.”
“There, there,” said Yossarian. “There, there.” He pulled the rip cord of Snowden’s parachute and covered his body with the white nylon sheets.
“I’m cold.”
“There, there.”
- Yossarian - John Yossarian, capitaine et bombardier dans l’armée américaine pendant la Seconde Guerre mondiale, nous est dès le début du roman présenté comme un homme cynique, pragmatique, et obsédé par une seule idée : survivre à la guerre, coûte que coûte. Contrairement à ses camarades qui s'efforcent de justifier leur rôle dans le conflit, Yossarian rejette totalement l’idée de patriotisme ou de devoir militaire, qu’il considère comme des illusions absurdes. Mais intervient la mort de Snowden. Cet événement va le transformer profondément, consolidant son rejet de la guerre et des systèmes bureaucratiques qui la soutiennent. Tout au long des chapitres suivants, il passe son temps à chercher des moyens d’échapper aux missions les plus dangereuses, en feignant des maladies ou en défiant les ordres, tout en observant avec cynisme les absurdités et les hypocrisies du monde militaire. Finalement, il décidera de déserter et de fuir vers la Suède, choisissant la vie et l’intégrité personnelle plutôt que la soumission à un système déshumanisant....
Mike Nichols, le réalisateur de "The Graduate" ou de "Who's Afraid of Virginia Woolf?" a réalisé en 1970 une adaptation de "Catch-22", le scénariste en est Buck Henry et le casting suffisament étoffé : Alan Arkin dans le rôle de John Yossarian, Martin Balsam dans le rôle du colonel Cathcart, Orson Welles dans le rôle du général Dreedle, Bob Newhart, Anthony Perkins, et Jon Voight dans des rôles secondaires. Le film suit fidèlement les grandes lignes du roman, avec Alan Arkin dans le rôle principal de Yossarian, un bombardier déterminé à échapper aux absurdités de la guerre. Il met en avant la satire du roman sur la bureaucratie militaire, l'absurde des règles comme le Catch-22 et les dilemmes moraux des soldats. Si le film a reçu des avis mitigés à sa sortie, il est devenu un classique apprécié pour son humour noir et son casting étoilé...
"Something Happened" (1974)
Un roman introspectif et sombre qui explore la vie de Bob Slocum, un cadre d'entreprise en proie à des dilemmes personnels et professionnels. Et il ne se passe pas grand-chose dans « Something Happened », mais ce n'est pas nécessaire : L'histoire racontée par Heller se déroule dans notre propre maison, ou juste à côté. Ce qui rend ce livre vraiment remarquable, c'est la profondeur que sa surface humoristique finit par révéler. En effet, si les aventures circonspectes de Bob Slocum provoqueront un rire ininterrompu chez un lecteur de vingt-deux ans, elles ne sembleront pas aussi amusantes à un lecteur deux fois plus âgé, qui percevra la tristesse et l'inquiétude mélancolique que l'auteur a soigneusement tissées entre les lignes. Avec une tension croissante, ce lecteur plus âgé priera pour être libéré de la reconnaissance de soi au fur et à mesure que les pages seront tournées. Aussi sombrement comique que Catch-22, mais plus profondément ressenti, « Something Happened » explore les terreurs intimes d'une vie proche avec une acuité obsédante.
A Life of Quiet Desperation - Une vie de désespoir tranquille ...
Fruit de treize années de gestation, « Something Happened » est une anatomie des désenchantements de l'âge mûr, à la fois follement drôle et imprégnée d'une tristesse désespérée. Son narrateur, Bob Slocum, est un employé de bureau sur l'escalator fatigant d'un parcours d'entreprise insensé mais parfois vicieux ; un mari dont le mariage réside dans une dimension différente de son cœur ; un père terrifié par l'opacité, la vulnérabilité et la volonté de ses enfants ; un individu dont l'innocence jadis enthousiaste a été ternie par le quelque chose d'indéfinissable qui l'a si sûrement mis sur la voie de la désespérance. Bien que la narration de Slocum incarne sa vie banale, la focalisation presque surréaliste de Heller sur cette banalité même la transforme, par un étonnant tour de passe-passe littéraire, en quelque chose d'envoûtant.
La composition basée sur le discours (généralement des phrases simples) ..
- « J'ai la frousse quand je vois des portes fermées » (I get the willies when I see closed doors); “Dans le bureau où je travaille, il y a cinq personnes dont j'ai peur” (In the office in which I work there are five people of whom I am afraid) - ,
.... donne à Slocum une voix familière en même temps qu'elle fournit au romancier des pièces à conviction dans son musée soigneusement et caustiquement constitué sur les inquiétudes sociales et psychologiques dans l'Amérique de la fin du vingtième siècle.
Heller ne cesse de retourner les simples observations de Slocum : « Chacune de ces cinq personnes a peur de quatre personnes (sans compter les chevauchements), soit un total de vingt personnes, et chacune de ces vingt personnes a peur de six personnes, ce qui fait un total de cent vingt personnes qui sont craintes par au moins une personne. Chacune de ces cent vingt personnes a peur des cent dix-neuf autres" (Each of these five people is afraid of four people (excluding overlaps), for a total of twenty, and each of these twenty people is afraid of six people, making a total of one hundred and twenty people who are feared by at least one person. Each of these one hundred and twenty people is afraid of the other one hundred and nineteen”) - jusqu'à ce que le faisceau de son invention frappe toutes les facettes disponibles ....
John Kennedy Toole (1937-1969)
John Kennedy Toole, né à La Nouvelle-Orléans, enseigne dans divers établissements universitaires et écrit "A Confederacy of Dunces" à partir de 1961 : mais
le roman traîne d'éditeur en éditeur et ne paraîtra qu'après sa mort. Découragé, John Kennedy Toole se suicide à 32 ans, en mars 1969 sur une petite route du Mississipi, près de Biloxi. "La Bible
de néon" (The Neon Bible), qu'il écrivit à l'âge de seize ans fut publié en 1989.
"A Confederacy of Dunces" (La Conjuration des imbéciles, 1980)
Le titre est emprunté à Swift qui, au XVIIIe siècle, avait écrit qu'on ne reconnaît un génie à ce que dès sa naissance il voit se liguer contre lui
tous les "dunces" de la planète. Le héros du roman, Ignatius J.Reilly, a une bonne trentaine d'années, une casquette verte de chasseur avec les rabats qui lui retombent sur les oreilles, une
chemise de grosse flanelle, et passe la quasi partie de ses journées vautré sur son lit, chez sa mère, dans une chambre des plus sordides. Gras et gros, vomissant le monde extérieur, il prend des
notes en vue d'un livre dénonçant ce monde, et fait des petits boulots, semant le chaos partout où il passe.
"A green hunting cap squeezed the top of the fleshy balloon of a head. The green earflaps, full of large ears and
uncut hair and the fine bristles that grew in the ears themselves, stuck out on either side like turn signals indicating two directions at once. Full, pursed lips protruded beneath the bushy
black moustache and, at their corners, sank into little folds filled with disapproval and potato chip crumbs. In the shadow under the green visor of the cap Ignatius J. Reilly's supercilious blue
and yellow eyes looked down upon the other people waiting under the clock at the D. H. Holmes department store, studying the crowd of people for signs of bad taste in dress. Several of the
outfits, Ignatius noticed, were new enough and expensive enough to be properly considered offenses against taste and decency. Possession of anything new or expensive only reflected a person's
lack of theology and geometry; it could even cast doubts upon one's soul.
Ignatius himself was dressed comfortably and sensibly. The hunting cap prevented head colds. The voluminous tweed
trousers were durable and permitted unusually free locomotion. Their pleats and nooks contained pockets of warm, stale air that soothed Ignatius. The plaid flannel shirt made a jacket unnecessary
while the muffler guarded exposed Reilly skin between earflap and collar. The outfit was acceptable by any theological and geometrical standards, however abstruse, and suggested a rich inner
life...."
"Une casquette de chasse verte enserrait le sommet du ballon charnu d'une tête. Les oreillettes vertes, pleines de grandes oreilles, de cheveux rebelles au ciseau et des fines soies qui croissaient à l'intérieur même desdites oreilles, saillaient de part et d'autre comme deux flèches indiquant simultanément deux directions opposées. Des lèvres pleines, boudeuses, s'avancaient sous la moustache noire et broussailleuse et, à leur commissure, s'enfonçaient en petits plis pleins de désapprobation et de miettes de pommes de terre chips. A l'ombre de la visière verte, les yeux dédaigneux d'Ignatius J. Reilly dardaient leur regard bleu et jaune sur les gens qui attendaient comme lui sous la pendule du grand magasin D.H. Holmes, scrutant la foule à la recherche des signes de son mauvais goût vestimentaire. Plusieurs tenues, remarqua Ignatius, étaient assez neuves et assez coûteuses pour être légitimement considérées comme des atteintes au bon goût et à la décence. La possession de tout objet neuf ou coûteux dénotait l'absence de théologie et de géométrie du possesseur, quand elle ne jetait pas tout simplement des doutes sur l`existence de son âme.
Ignatius, quant à lui, était confortablement et intelligemment vêtu. La casquette de chasseur le protégeait des rhumes de cerveau. Son volumineux pantalon de tweed était durable et permettait une liberté de mouvement peu ordinaire. Ses plis et replis emprisonnaient des poches d'air chaud et croupi qui mettaient Ignatius à l'aise. Sa chemise de flanelle à carreaux rendait inutile le port d'une veste et le cache-nez protégeait ce que Reilly exposait de peau entre col et oreillettes. La tenue était acceptable au regard de tous les critères théologiques et géométriques, aussi abstrus fussent-ils, et dénotait une riche vie intérieure.
"Passant d`une hanche sur l'autre à sa manière pondéreuse et éléphantesque, Ignatius, sous le tweed et la flanelle, envoya mourir contre des coutures et des boutons des vagues de chairs ondulantes. Ainsi réinstallé, il se prit à songer au temps considérable qu'il venait de passer à attendre sa mère. Mais il concentra son attention sur le malaise qu'il commençait à éprouver. Il semblait que son être entier fût sur le point d`exploser, l'arrachant à ses semi-bottillons de daim gonflés. Et, comme pour le vérifier, Ignatius dirigea le regard de ses yeux singuliers vers ses pieds. Ces derniers semblaient bel et bien enflés. Il s'apprêtait à offrir le spectacle de ces souliers tumescents à sa mère pour preuve de l'insouciance avec laquelle elle le traitait. Levant les yeux, il vit que le soleil commençait à descendre sur le Mississippi, au bas de Canal Street. La pendule de Holmes indiquait presque cinq heures. Déjà il peaufinait quelques accusations bien senties dont les termes choisis avec soin étaient destinés à réduire sa mère au repentir et, à tout le moins, à la confusion. Il lui fallait souvent la remettre à sa place.
Elle l`avait conduit en ville dans la vieille Plymouth, et tandis qu'elle consultait le médecin pour son arthrite, Ignatius avait fait l'emplette de quelques partitions chez Werlein pour sa trompette et d'une corde pour son luth. Puis il était allé flâner devant les appareils à sous de la Penny Arcade de Royal Street pour voir si l'on n'avait pas installé de nouveaux jeux. Il avait été déçu de constater que le jeu de base-ball miniature avait disparu. Peut-être était-il seulement en réparation ? La dernière fois qu'il y avait joué, le batteur refusait obstinément de fonctionner et, après quelques discussions, la direction lui avait rendu sa pièce de monnaie, bien que les employés eussent été assez mesquins pour suggérer qu'Ignatius lui-même avait cassé le base-ball miniature en lui donnant des coups de pied.
Concentrant toute son attention sur le sort du base-ball mécanique, Ignatius détacha son être de la réalité physique de Canal Street et des gens qui l`entouraient. Aussi ne remarquât-il pas les deux yeux qui l`observaient avidement depuis leur abri, derrière une colonne du grand magasin D.H. Holmes, deux yeux tristes, brillant d'espoir et de désir.
Etait-il possible de faire réparer la machine à La Nouvelle-Orléans? Probablement. Toutefois il pourrait se révéler nécessaire de l`expédier à Milkwaukee ou à Chicago, ou encore dans l'une quelconque de ces villes qu'Ignatius associait dans son esprit à l'efficacité d'innombrables ateliers de réparation et à la fumée éternelle des usines. lgnatius espérait bien que le base-ball mécanique serait manipulé avec le plus grand soin, au cours de son expédition, qu'aucun de ses petits joueurs ne serait ébréché ou estropié par de brutaux employés des chemins de fer bien décidés à ruiner pour toujours leur compagnie sous le poids des réclamations d`usagers lésés, avant de se mettre en grève pour détruire Illinois Central.
Tandis qu'Ignatius songeait aux délices que le petit jeu de base-ball procurait à l'humanité, les deux yeux tristes et envieux se déplaçaient dans sa direction, fendant la foule comme deux torpilles filant à la rencontre d'un gros tanker à coque de tweed. Le policier tira sur le sac de partitions d'Ignatius.
- Vous avez des papiers d'identité, monsieur? demanda le policier d"une voix qui espérait qu'Ignatius fût dépourvu de toute identité officielle.
- Quoi?
Ignatius baissa les yeux sur l`écusson de la casquette bleue et ajouta :
« Qui étes-vous?
- Montrez-moi votre permis de conduire.
- Je ne conduis pas. Ayez l'obligeance de vous éloigner. J`attends ma mère.
- Qu'est-ce qui pend à votre sac, là?
- Que voulez-vous que ce soit, imbécile ? C'est une corde pour mon luth.
- Qu'est-ce que c'est que ça?
Le policier recula d'un pas.
« Vous êtes d'ici?
- Est-ce bien le rôle de la police municipale de s'acharner dans des tracasseries contre ma personne alors que notre ville est, au vu et au su de tous, l'une des capitales du vice du monde civilisé? beugla Ignatius au-dessus des têtes de la foule qui se pressait devant le magasin. Notre ville est célèbre pour ses joueurs professionnels, ses prostituées, ses exhibitionnistes, ses antéchrists, ses ivrognes, ses sodomites, ses drogués, ses fétichistes, ses onanistes, ses pornographes, ses fripons, ses coquines, ses vandales et ses lesbiennes, tous et toutes dûment protégés par la prévarication et le trafic d'influence. Si vous avez un moment, je suis prêt à entreprendre de débattre avec vous du problème de la criminalité, mais ne commettez surtout pas l'erreur de m'importuner moi..."