Psychedelic Experience - Timothy Leary (1920-1996), "The Psychedelic Experience : A Manual Based on the Tibetan Book of the Dead" (1964), "Flashbacks" (1983) - Aldous Huxley, "Doors of Perception" (1954) – Charles Tart, "Altered States of Consciousness" (1969), "States of Consciousness" (1975) - Stanislav Grof, "Realms of the Human Unconscious: Observations from LSD Research" (1975) - Ken Wilber, "The Spectrum of Consciousness" (1977), "A Brief History of Everything" ( 1996) - ... 

Last update: 12/12/2023


"Turn on, tune in, drop out" - C'est dans les années 1960 que le psychiatre anglais Humphrey Osmond (1911-2004) forge le terme de "psychédélique" (psyche" (ψυχή), "esprit" ou "âme"; "delos" (δηλος), "manifestation" ou "révélation")  pour qualifier les effets émotionnels du LSD et de la mescaline (1956), et dans ces mêmes années, en toute continuité, que se développe le "mouvement psychédélique", un mouvement particulièrement influencé par l'appel de Leary à créer un monde meilleur et une société plus satisfaisante, en recherchant dans l'inconscient nos émotions dites "vraies". La création du terme de "psychédélique" ("qui révèle l’esprit" ou "qui manifeste l'âme") semble redevable tant à Osmond qu' Aldous Huxley, nul livre pour en immortaliser la création, mais des correspondances privées et plus tard des articles scientifiques ("A Review of the Clinical Effects of Psychotomimetic Agents", 1957) : prudent, Osmond entendait principalement suggérer que ces substances pouvaient dévoiler des aspects cachés ou non conscients de l'esprit, au-delà des simples hallucinations, en permettant aux utilisateurs de vivre des expériences introspectives ou spirituelles profondes. C'est ainsi qu'il proposa ce jeu de mots célèbre à l'écrivain, grand explorateur des expériences psychédéliques à venir, "To fathom Hell or soar angelic, just take a pinch of psychedelic". 

L'invention du terme "psychédélique" permit principalement d'éviter toute référence à quelques éventuels troubles psychiatriques, le concept semblait pouvoir s'imposer comme un concept positif consacré à la valorisation des "états modifiés de la confiance", fussent-ils induits par des substances jugées discutables et illicites. Et c'est ainsi qu'en 1964, s'installait, presque silencieusement, dans le paysage intellectuel de notre planète Terre "The Psychedelic Experience" ..

La psychiatrie dominante de l’époque, quant à elle, continua à privilégier des traitements biologiques comme la chimiothérapie et la thérapie électro-convulsive et perçut très rapidement l’approche d’Osmond comme ésotérique et peu compatible avec les normes psychiatriques standard. Sur la scène publique, Ken Kesey  ("One Flew Over the Cuckoo’s Nest", 1962) et les Merry Pranksters devinrent les premiers acteurs importants du mouvement, organisant des "Acid Tests", fêtes expérimentales où musique, lumières et LSD soutenaient exploration des états de conscience communautaires, désir d'expérimentation totale et anti-conformisme sans entrave que documentera en détail "The Electric Kool-Aid Acid Test" de Tom Wolfe....

 

La célèbre expression de Timothy Leary, "Turn on, tune in, drop out,", lancée en 1966 lors d'une conférence à San Francisco, est très rapidement devenue un slogan emblématique de la contre-culture psychédélique et du mouvement hippie des années 1960. "Turn on" (Allumez-vous, Activez votre esprit), ouvrez-vous à des expériences de transformation intérieure et de révélation personnelle, fussent-elles psychédéliques. "Tune in" (Connectez-vous), soyez en harmonie avec vous-même, avec les autres et avec le monde. "Drop out", Détachez-vous des systèmes de valeurs et des structures sociales qui conditionnaient et limitaient notre individualité, une expression qui fut alors immédiatement jugée comme une menace à la stabilité sociale ... Et peu importe ce qu'elle fut ou ne fut pas, la phrase "Turn on, tune in, drop out" devint un symbole de l'esprit de contestation et d'exploration personnelle qui caractérisait les années 1960 ...

 

Timothy Leary fut l'un des pionnier de la "psychologie transpersonnelle" tout en contribuant à populariser l'idée selon laquelle les psychédéliques pourraient être utilisés pour l'exploration intérieure, le développement personnel, et même comme un moyen de thérapie. Sa célèbre maxime "Turn on, tune in, drop out" a capté l'esprit de la contre-culture des années 60, en encourageant les jeunes à explorer des formes alternatives de conscience et à se libérer des contraintes sociétales. Cependant, son approche provocatrice bien affirmée  et son influence sur la culture psychédélique ont également conduit à des controverses, y compris l'éviction de Leary d'Harvard et des démêlés avec la justice, en raison des expérimentations non encadrées et de son incitation au "voyage" sous LSD. Son travail a également précipité des politiques de contrôle des drogues, faisant du LSD une substance illicite dans de nombreux pays. 



Apparue dans les années 1960 en réponse aux limitations des approches traditionnelles de la psychologie, la "psychologie transpersonnelle" (transpersonal psychology), influencée par des pionniers comme Abraham Maslow, Stanislav Grof, et Ken Wilber, est une branche de la psychologie qui se concentre sur les aspects spirituels, mystiques et transcendants de l'expérience humaine. Contrairement aux autres approches psychologiques centrées sur la santé mentale et le développement personnel en fonction des besoins et désirs individuels, la psychologie transpersonnelle s'intéresse à des expériences qui transcendent l'ego, impliquant des connexions plus vastes avec le cosmos, la nature ou une réalité supérieure. Le terme "transpersonnel" signifie "au-delà de la personne" et suppose que l'esprit humain peut accéder à des états de conscience et d'existence qui dépassent les limites de la personnalité et de l'ego. Elle englobe ainsi des expériences spirituelles, mystiques, des états modifiés de conscience et même des pratiques contemplatives comme la méditation ou le yoga. Les applications de la psychologie transpersonnelle sont infiniment variées, de la psychothérapie spirituelle aux approches holistiques de la guérison, en passant par l'étude des états de conscience modifiés et l'exploration des expériences de mort imminente. 

On parle ainsi d' "États de conscience modifiés",  d' "Expériences de sommet" (peak experiences), d' "Expansion de la conscience",  ou tout simplement de "Dimension spirituelle".

Si Michael Washburn, dans "The Ego and the Dynamic Ground: A Transpersonal Theory of Human Development" (1986), entend nous expliquercomment le développement spirituel peut devenir une partie intégrante de la croissance personnelle, c'est Ken Wilber qui porte le livre fondateur pour la psychologie transpersonnelle,"The Spectrum of Consciousness" (1977), suivi de  "The Essential Ken Wilber" (1998). 

 

Dans cette vision multidimensionnelle de l’esprit humain que soutient par exemple un Stanislav Grof, la psyché humaine gagne en extension et en potentialité, elle devient un vaste territoire contenant non seulement des éléments biographiques mais aussi des expériences collectives et universelles, on revient quelque part à Jung, que l'on n'avait jamais vraiment quitté, mais non plus exploré au bout de ses intuitions. Une approche qui reste controversée mais revient aussi aux fondements d'une psychologie qui hésitait à intègrer, dans un même cadre global,  le spirituel et le thérapeutique ...

 

Michael Daniels nous rappellera l'importance des aspects sacrés dans l'expérience humaine et nous donnera une vue d'ensemble de la discipline dans "Psychology and the Sacred: Spirituality Beyond the Paradigm of the Personal" (1996). Charles Tart éditera enfin une vue d'ensemble du domaine avec compilation d'essais par plusieurs penseurs de la psychologie transpersonnelle, comme Stanislav Grof et Roger Walsh, dans "Transpersonal Psychologies" (1975). Roger Walsh et Frances Vaughan aborderont les principaux concepts de la discipline et ses applications thérapeutiques, tout en expliquant comment les expériences spirituelles et transcendantales peuvent enrichir notre compréhension de l'esprit humain dans "The Transpersonal Vision" (1998) ...


Timothy Leary (1920-1996), psychologue de formation, devint une figure centrale de la culture psychédélique et de la contre-culture des années 1960, souvent controversée pour ses positions radicales et son rôle dans la popularisation de l’usage du LSD. Né à Springfield, Massachusetts, dans une famille catholique,  il obtient son doctorat en psychologie à l’Université de Californie à Berkeley, et dans les années 1950, occupe un poste de professeur à l’Université de Harvard :  c’est là qu’il commence ses recherches sur la psilocybine, une substance psychédélique extraite des champignons hallucinogènes, qui allait changer le cours de sa vie et sa carrière. En 1960, il expérimente de la psilocybine au Mexique, une expérience qui le pousse à étudier ses effets en profondeur. De retour à Harvard, il lance avec son collègue Richard Alpert, le Harvard Psilocybin Project, une série d'expériences visant à explorer les effets de la psilocybine et, plus tard, du LSD sur l’esprit humain. Les études initiales portaient sur des groupes de participants variés, dont des prisonniers et des théologiens, et visaient à examiner les bénéfices psychologiques et spirituels potentiels de ces substances.

Mais accusés de méthodes de recherche peu rigoureuses et d’encourager l’usage récréatif de substances illégales, Leary et Alpert sont renvoyés de Harvard en 1963. C'est alors que Leary s’installe dans une grande maison à Millbrook, dans l'État de New York, qui devient un centre informel pour l’expérimentation psychédélique. Millbrook attire des artistes, intellectuels, et jeunes en quête de nouvelles expériences de conscience. C'est à cette période que Leary développe son slogan "Turn on, tune in, drop out", prônant une révolution de la conscience qui remet en question les valeurs de la société américaine traditionnelle. Leary voyait les psychédéliques comme des outils pour se libérer de la routine et accéder à des vérités spirituelles profondes. Cependant, ses idées sont rapidement  considérées comme subversives par les autorités. Leary devient la cible d'une surveillance intense de la part du FBI, qui le considère comme un provocateur et une menace pour la jeunesse américaine. En 1970, il est arrêté pour possession de marijuana et condamné à une peine de prison de dix ans, bien qu'il s'évade et vive brièvement en exil en Suisse, avant d’être de nouveau arrêté et incarcéré aux États-Unis.

 

"The Psychedelic Experience : A Manual Based on the Tibetan Book of the Dead" (1964, T. Leary)

Cet ouvrage, co-écrit avec Ralph Metzner et Richard Alpert (connu plus tard sous le nom de Ram Dass), est inspiré du "Livre des morts tibétain" (Bardo Thodol) et explore le potentiel des substances psychédéliques (particulièrement avec le LSD) pour simuler une expérience de mort et de renaissance. Le livre sert de "guide" et propose propose une sorte de "carte" pour naviguer les "états dits de conscience modifiés"

Le fait le plus important à retenir est que l'EXPERIENCE ne dépend donc pas uniquement de la substance elle-même, mais principalement des dispositions psychologiques et contextuelles dans lesquelles elle se déroule (The nature of the Psychedelic experience depends almost entirely on "set and setting"). Timothy Leary  introduit ici le concept selon lequel la nature de l'expérience psychédélique est sous la dépendance, pour naviguer en toute sécurité et pleinement profiter des substances psychédéliques, d'une préparation mentale (set) et d'un environnement physique et social (setting) .... 

Le "Set" (état d’esprit) fait référence aux dispositions mentales et émotionnelles de la personne avant de prendre une substance psychédélique. Cela inclut les attentes, l’humeur, les traits de personnalité, et les croyances de l’individu. Selon Leary, ces éléments internes jouent un rôle essentiel dans la façon dont une expérience psychédélique est vécue. 

Le "Setting" (contexte) renvoie aux facteurs environnementaux externes pendant l’expérience, comme le lieu physique, les personnes présentes, l’ambiance générale, et même le soutien ou la guidance disponibles. Leary souligne que l’environnement doit être sécurisant et positif pour favoriser une expérience enrichissante. Un setting bien encadré, avec un accompagnement bienveillant et une ambiance de sérénité, peut aider à éviter les expériences négatives et maximiser le potentiel thérapeutique et introspectif des psychédéliques...

 

L'expression "état de conscience modifié" (altered state of consciousness en anglais) a été popularisée par Arnold M. Ludwig et Charles Tart, deux pionniers de la recherche sur la conscience dans les années 1960 et 1970. Une expression qui décrit tout état mental différent de la "conscience ordinaire", qu'il soit induit par des pratiques comme la méditation, les rêves, les substances psychédéliques, l'hypnose ou d'autres techniques. Ce terme est né dans un contexte où de nombreux chercheurs exploraient les différentes façons dont la conscience humaine pouvait être altérée pour accéder à des perspectives nouvelles, des expériences mystiques ou des outils thérapeutiques. 

Arnold M. Ludwig est souvent crédité de la première utilisation officielle de l'expression dans son article "Altered States of Consciousness" (1966), où il proposait une définition des divers états de conscience observés. Peu après, le psychologue Charles Tart a utilisé et approfondi le concept dans son travail académique, "Altered States of Consciousness" (1969) , et en a largement contribué à sa diffusion en regroupant et compilant des études expérimentales sur les effets de l'hypnose, de la méditation, et des substances psychédéliques, et ainsi posant les bases de la "psychologie transpersonnelle", un livre qui reste une référence majeure. Dans "States of Consciousness" (1975), Charles Tart développera davantage sa recherche sur les états de conscience et introduira un modèle des "états de conscience de base" par opposition aux états altérés. Tart y analyse aussi les implications sociales et culturelles de ces états, explorant comment ils peuvent influencer notre compréhension du monde ...

 

Parmi les autres ouvrages qui ont contribué à forger cette notion d'état de conscience, citons ...

 

- "The Varieties of Religious Experience" (1902), de William James, livre fondateur et grand explorateur des expériences mystiques et des états altérés. 

 

- "Realms of the Human Unconscious: Observations from LSD Research" (1975), du psychiatre Stanislav Grof, auteur d'une "cartographie" des états de conscience atteignables. Dans "Psychedelic Psychotherapy: The Healing Potential of Expanded States" (1991), il abordera spécifiquement les états de conscience modifiés dans un contexte thérapeutique. Il est l'un des pionniers de la thérapie psychédélique et nous explique comment les substances psychédéliques et les techniques de respiration peuvent provoquer des états de conscience favorisant la guérison psychologique. Dans "Holotropic Mind: The Three Levels of Human Consciousness and How They Shape Our Lives" (1992), Stanislav Grof et Hal Zina Bennett dévelelopperons le concept de "respiration holotropique", une technique développée par Grof pour induire des états de conscience modifiés sans usage de substances et contribue à nous faire comprendre comment la conscience peut être explorée pour la guérison psychologique.

 

- "Toward a Psychology of Being" (1962), du célèbre psychologue humaniste Abraham Maslow qui examine ici les "expériences de sommet" ou "peak experiences", qui sont des états de conscience transcendants associés au bonheur, à la créativité, et à la découverte de soi.  

 

- "Mapping the Mind" (2002), Rita Carter, en nous expliquant comment les différentes zones du cerveau participent à la modulation de la conscience, e manque pas de se livrer à une exploration des états de conscience modifiés et des mécanismes cérébraux sous-jacents.

 

"The Psychedelic Experience" sous l'impulsion de T. Leary fut fort bien reçu par la communauté psychédélique, on peut ne pas s'en douter, mais critiqué pour son caractère "imaginatif" et sa tendance à encourager l'usage des psychédéliques sans mise en garde rigoureuse préalable. Une défense et illustration de l’expérience psychédélique qui manquerait donc de fondements scientifiques solides : une illustration qui peut pourtant être retenue comme une solide introduction à l’expérience psychédélique et à ses implications, avec d'autres ouvrages qui couvrent des aspects par ailleurs très divers, mais contribuent à une meilleure compréhension de ce champ complexe, si l'on veut bien aborder ses rivages ...

 

- "Doors of Perception" (1954), d'Aldous Huxley, un classique qui relate l'expérience personnelle de l'auteur avec la mescaline, un psychédélique dérivé du cactus peyotl, et développe une théorie selon laquelle les psychédéliques ouvrent les "portes de la perception" : texte fondateur dans la culture psychédélique.

 

- Dans "Be Here Now" (1971), Ram Dass (Richard Alpert), expérimente des psychédéliques aux côtés de Leary, puis voyage en Inde, y découvre le potentiel spirituel de la méditation et du yoga et nous conte sa transformation spirituelle.

 

- "The Electric Kool-Aid Acid Test" (1968), de Tom Wolfe, documente les aventures de Ken Kesey et des Merry Pranksters, un groupe d'explorateurs psychédéliques qui voyagent aux États-Unis pour partager l’expérience du LSD. L'esprit d'une époque ...

 

- dans "How to Change Your Mind" (2018), Michael Pollan explore l'histoire, la science et le potentiel thérapeutique des psychédéliques comme la psilocybine et le LSD. Le livre est à la fois exploration personnelle et enquête scientifique sur la renaissance de la recherche psychédélique. Un ouvrage qui a joué un rôle majeur dans la réhabilitation publique des psychédéliques.

 

- "Food of the Gods" (1992), dans lequel Terence McKenna examine le rôle des psychédéliques dans l'évolution humaine et propose la théorie selon laquelle les substances psychédéliques, notamment les champignons contenant de la psilocybine, auraient influencé le développement de la conscience et de la culture humaine. 

 

- "LSD: My Problem Child" (1979), une autobiographie d'Albert Hofmann, de la découverte du LSD par le chimiste suisse et les premières expérimentations qui ont suivi.  

 

- "Acid Dreams: The Complete Social History of LSD" (1985), de Martin A. Lee et Bruce Shlain, pour explorer toute l’histoire sociale et politique du LSD, incluant son rôle dans la contre-culture des années 1960 et les recherches militaires et psychologiques.  

 

- "The Invisible Landscape: Mind, Hallucinogens, and the I Ching" (1975), de Terence McKenna et Dennis McKenna, de la relation entre les substances psychédéliques et des concepts de physique quantique, d'évolution, et d'anciennes pratiques divinatoires comme le I Ching. Ce livre est ésotérique, mais apprécié ....

 

- Alan Watts et "The Joyous Cosmology" (1962), influencé par le bouddhisme zen et les philosophies orientales, présentent l'expérience du LSD comme une voie d'accès à une perception cosmique et transcendante de la réalité. et contribue ainsi à intégrer la pensée orientale dans la culture psychédélique. Robert Anton Wilson et son "Cosmic Trigger" (1977), explorateur des états de conscience extrêmes et des effets de substances psychédéliques dans le cadre d’une quête personnelle de sens, inspireront bien des mouvements de pensée alternatifs ...


"The Politics of Ecstasy" (1968, T. Leary)

Leary discute ici de sa philosophie de la libération psychique et sociale à travers l'usage des drogues, en utilisant des arguments sociopolitiques pour défendre sa thèse de l'expansion de la conscience. Il critique la société de consommation et les structures de pouvoir, les accusant de limiter la liberté d’esprit. Ce livre a également popularisé l’expression "Turn on, tune in, drop out." Si certains ont trouvé ce texte inspirant pour sa vision de la libération personnelle, beaucoup de critiques l'ont qualifié d'utopiste et irresponsable, soulignant son manque de perspectives sur les dangers de l'usage non régulé de ces substances....


"High Priest" (1968, T. Leary)

Leary relate ici ses expériences personnelles avec des psychédéliques, y compris ses moments clés et révélations. Leary y décrit des expériences religieuses et des états de conscience modifiée. Ce livre a été accueilli positivement par ceux qui soutenaient la recherche psychédélique, mais d’autres, comme toujours critique un manque de rigueur scientifique, une tendance explicite à encourager un usage non thérapeutique des psychédéliques et une  idéalisation naïve du potentiel des substances pour libérer l'esprit . Pourtant ses idées ont ouvert un débat important sur l'usage des psychédéliques dans un cadre thérapeutique et sont devenues un pilier dans le mouvement pour la légalisation de la médecine dite psychédélique, un champ de la recherche médicale qui explore l'usage contrôlé et thérapeutique de substances telles que la psilocybine (champignons), le LSD, la MDMA, la kétamine et le DMT, pour traiter divers troubles de santé mentale. Ces substances, connues pour induire des états de conscience modifiés, sont actuellement étudiées pour leur capacité à traiter des conditions comme la dépression résistante, le trouble de stress post-traumatique (TSPT), l'anxiété, et même la dépendance. Dans les années 1950 et 1960, des recherches pionnières avaient déjà suggéré ce potentiel thérapeutique, mais ces études ont été interrompues par des interdictions dans de nombreux pays à cause de leur usage récréatif non contrôlé et d'une incidence éthique par ailleurs insuffisamment étayée. Depuis environ les années 2000, "renaissance psychédélique" fut observée, avec des études cliniques menées dans des institutions prestigieuses, comme l'Université Johns Hopkins, l'Imperial College London, et le Centre pour la médecine psychédélique de l'Université de Californie à San Francisco...


On peut éventuellement rappeler que les "psychédéliques" agissent principalement en modifiant l'activité de la sérotonine, en particulier via les récepteurs 5-HT2A dans le cerveau, ce qui peut provoquer une restructuration des circuits neuronaux et favoriser ce que l'on appelle "la neuroplasticité". Ces effets permettent aux patients de voir leurs schémas de pensée sous un nouvel angle, facilitant la thérapie psychologique, en particulier pour les troubles profondément enracinés comme le TSPT et la dépression.

 

La découverte de la "neuroplasticité" est le résultat de contributions étalées sur un siècle, avec des confirmations expérimentales dans les années 1960-1980. Ce concept a radicalement changé la compréhension du cerveau, démontrant que même chez l’adulte, le cerveau possède une capacité d'adaptation et de régénération plus grande que ce que l'on croyait autrefois.

La vision dominante dans la neurologie fut pendant très longtemps que le cerveau adulte ne se modifiait guère, les connexions neuronales étant considérées comme permanentes et immuables après une certaine phase de développement.

La "neuroplasticité", ou capacité du cerveau à se remodeler et à réorganiser ses connexions neuronales, a été suggérée pour la première fois à la fin du XIXe siècle. Le neuropsychologue canadien Donald Hebb a joué un rôle crucial dans l'établissement de la neuroplasticité moderne avec sa théorie de l’apprentissage Hebbien, formulée dans les années 1940 ("neurons that fire together, wire together").

Cette notion de neuroplasticité fut définitivement confirmée par des expériences dans les années 1960 et 1970, notamment avec les travaux de Michael Merzenich : ce dernier démontra dans les années 1980 que le cortex sensoriel pouvait se réorganiser en réponse à des lésions ou à l'apprentissage, ce qui a révolutionné la compréhension de la plasticité cérébrale chez l’adulte. Les recherches de cette période ont montré que les connexions neuronales pouvaient être renforcées, modifiées, et même réassignées en fonction des besoins et des expériences ...

Et depuis les années 1990, les technologies d'imagerie cérébrale, comme l'IRM fonctionnelle, ont permis d'observer la neuroplasticité en temps réel, en montrant comment les expériences, l'apprentissage, les traumatismes, et les thérapies peuvent modifier la structure et la fonction du cerveau. Ces découvertes ont des implications profondes pour la réhabilitation après des lésions cérébrales, le traitement des troubles psychiatriques, et même l'amélioration cognitive...


"Exo-Psychology" (1977, T. Leary)

Dans cet ouvrage, Leary propose une théorie de l'évolution de la conscience en utilisant des concepts d'exploration spatiale et de technologies avancées. Il y élabore une idée futuriste de l'esprit humain et de son potentiel évolutif. Ce livre est un exemple de l’évolution de sa pensée, passant des expériences psychédéliques à une perspective plus cosmique. Les critiques sont partagées : vision particulièrement imaginative d'un avenir possible de la conscience humaine ou délire par trop éloigné de la psychologie scientifique...


"I Have America Surrounded: A Biography of Timothy Leary", written by J.M.R. Higgs (2013)

Le président Nixon l’a qualifié d’homme le plus dangereux en Amérique, tandis que Terence McKenna croyait qu’il rendait plus de gens heureux que quiconque dans l’histoire. Peu de gens ont autant si fortement divisé l'opinion, et le livre peut inviter à une réflexion sur la manière dont des personnalités charismatiques parviennent à marquer la culture tout en suscitant des controverses profondes et en laissant ,surtout, un héritage complexe. En situant Leary dans le contexte des années 60 et 70, marquées par la guerre du Vietnam, les mouvements des droits civiques et les protestations contre l’establishment américain, l'auteur montre que celui-ci fut non seulement acteur de la contre-culture mais aussi un produit de son époque, dont les idéaux et les combats révèlent les tensions culturelles et politiques de l’Amérique de l’époque.

Dépeint comme un personnage complexe, dont la quête de liberté et de spiritualité est souvent contredite par une impulsivité et un désir de notoriété qui lui ont attiré bien des critiques,  Higgs montre comment Leary a été à l’origine d’un mouvement de libération psychédélique qui a influencé la jeunesse américaine et remis en question les valeurs dominantes de l’époque, avant d'être récupéré et plus ou moins déformé, pour incarner une menace pour le gouvernement américain, qui le dénoncera comme un instigateur de désordre social ...


"The Most Dangerous Man in America: Timothy Leary, Richard Nixon and the Hunt for the Fugitive King of LSD", written by Bill Minutaglio (2018)

Une biographie de Timothy Leary "stylisée" en thriller et qui se concentre sur sa confrontation dramatique avec l'administration Nixon. Publié en 2018, ce livre dépeint une véritable chasse à l’homme et un affrontement entre deux visions diamétralement opposées de l’Amérique des années 1970 : celle de la liberté psychédélique de Leary et celle du contrôle politique de Nixon. 

Leary s’évade de prison en 1970 et échappe aux autorités en se cachant dans plusieurs pays, la répression menée par Nixon contre la culture psychédélique et la guerre contre la drogue, deviennent un des piliers de sa politique intérieure. Contrairement à d'autres biographies qui peuvent soit glorifier soit diaboliser Leary, "The Most Dangerous Man in America" offre un portrait nuancé de cette figure charismatique mais contradictoire ...


"American Trip : Set, Setting, and the Psychedelic Experience in the Twentieth Century", written by Ido Hartogsohn (2020)

Hartogsohn reprend à son compte le concept devenu classique de Timothy Leary (Set et Setting) selon lequel l'expérience psychédélique est façonnée par deux facteurs principaux, l'état d'esprit de l’individu (le set) et le cadre dans lequel se déroule l'expérience (le setting), pour réinterpréter les grandes lignes de cette "expérience psychédélique" globale qui traversa l'Amérique : pour l'auteur, cette "expérience" fut profondément altérée non seulement par les traits et les attentes d'individus spécifiques ou de leur environnement immédiat, mais aussi par des forces socioculturelles plus larges qui ont finalement aboutie à renforcer une approche répressive, bloquant ainsi des recherches prometteuses. Parmi ces facteurs de distorsion, l'auteur évoque l'instrumentalisation par la médecine occidentale pour des objectifs thérapeutiques et leur potentialité à induire des états de conscience modifiés; la montée de la contre-culture dans les années 1960, qui met en évidence comment le LSD est passé d'un objet d'étude scientifique à un symbole de liberté et de rébellion, un changement de paradigme qui a alimenté la machine à diabolisation du phénomène dans un contexte de la guerre contre la drogue, qui a culminé dans les années 1970 ...


"Acid Dreams: The CIA, LSD and the Sixties Rebellion", written by Martin A. Lee (1985)

Récit d’investigation très documenté et critique sociale, un ouvrage qui éclaire une période où la recherche scientifique, les manipulations politiques et la révolte culturelle se sont alimentées les unes les autres pour concevoir un cocktail assez détonnant qui ne fut sans répercussion. Le livre privilégie une analyse historique et critique de la CIA et des agences gouvernementales tout en offrant une vue complète des impacts du LSD sur la société et la culture: et rappelle, au passage, les enjeux éthiques d’une telle substance entre les mains de structures de pouvoir 

Les auteurs nous content ainsi les Expériences de la CIA (Projet MK-Ultra), comment la CIA, dans les années 1950 et 1960, a tenté d'utiliser le LSD dans des projets de manipulation mentale (avec l'idée que cette substance pourrait être un « sérum de vérité » ou un moyen de contrôle mental!); retracent ensuite la manière dont le LSD a quitté les laboratoires gouvernementaux pour entrer dans la culture populaire, devenant un élément clé de la contre-culture des années 1960. Des figures comme Timothy Leary, Ken Kesey et les Merry Pranksters ont contribué à diffuser la substance et ses usages « révolutionnaires » pour la conscience. Lee et Shlain montrent comment le LSD fut un support d'expression aux aspirations de liberté, d’exploration personnelle, et de critique sociale de toute une génération.

Les auteurs soulignent enfin un paradoxe central : alors que le gouvernement et la CIA cherchaient à instrumentaliser le LSD pour renforcer leur pouvoir, la même substance a échappé à leur contrôle et est devenue un catalyseur d'idées révolutionnaires, notamment dans les mouvements pour les droits civiques, contre la guerre du Vietnam, et pour la liberté d'expression ....


"The Harvard Psychedelic Club : How Timothy Leary, Ram Dass, Huston Smith, and Andrew Weil Killed the Fifties and Ushered in a New Age for America", written by Don Lattin (2010). 

On ne saurait surestimer l’importance culturelle des quatre hommes décrits dans le "Club psychédélique" de Harvard de Don Lattin, et qui met en lumière, au passage, les tensions éthiques et conflits internes qui traversèrent leurs relations. Un Huston Smith, qui travaille sans relâche pour promouvoir la tolérance religieuse et spirituelle entre les cultures: Richard Alpert, alias Ram Dass, qui a inspiré des générations avec son mantra « be here now »; Andrew Weil, le leader incontesté de la révolution de la médecine holistique, mais qui, alors étudiant en médecine, dénonce les pratiques de Leary et Alpert, ce qui aboutit à l'expulsion de ces derniers de l'université ; et, bien entendu, Timothy Leary, l’icône charismatique et rebelle de la contre-culture et gourou du LSD. En retraçant l’impact de ces quatre hommes, Lattin explore comment Harvard a servi de laboratoire involontaire pour l’expérimentation psychédélique, une université décrite comme à la fois conservatrice et paradoxalement ouverte à de nouvelles idées scientifiques, ce qui permit au mouvement psychédélique de s’épanouir avant d’être sévèrement réprimé. Lattin critique aussi la manière dont les expérimentations à Harvard, bien que novatrices, ont parfois manqué de rigueur scientifique, ce qui a entraîné des controverses et a fini par discréditer une partie des recherches.

Lattin en vient à montrer comment les expériences psychédéliques influencèrent la pensée spirituelle et la culture américaine. En particulier, il explore la transformation d’Alpert en Ram Dass, qui est passée d'une expérimentation de la conscience à une exploration spirituelle sérieuse et à long terme avec son livre "Be Here Now" (1971). Huston Smith, universitaire et expert des religions, voyait les psychédéliques comme des outils potentiels pour accéder à des expériences spirituelles authentiques, même s’il fut plus réservé sur leur usage à long terme. Lattin critique la vision parfois simpliste de Leary qui voyait le LSD comme un « raccourci » vers l’illumination, en contrastant cela avec la quête spirituelle profonde de Smith et de Ram Dass.

Histoire culturelle et héritage contradictoire donc du mouvement psychédélique qui, d'un côté, contribue à installer dans nos mentalités un dialogue portant sur la conscience et la spiritualité en Occident et  posant les bases des études modernes sur la psychothérapie psychédélique; et d'autre part, par ses controverses et excès associés contribuèrent à la répression et à la stigmatisation des psychédéliques pour des décennies.  

Au passage, Don Lattin nous raconte l’histoire d'un certain « Cambridge Quartet », qui a croisé le chemin du fameux projet de Harvard sur la psilocybine au début des années 1960, et qui est devenu le pionnier du fameux mouvement "Mind Body Spirit", si populaire dans les années 1970 et 1980, parallèlement à l’essor des médecines alternatives et de la New Age, promoteur du yoga, le végétarisme, et d'un certain mysticisme oriental dans le monde occidental ... 


"Flashbacks", written by Timothy Leary (1983)

 Ouvrage essentiel pour comprendre l'essor et la chute du mouvement psychédélique ou interprétation parfois auto-indulgente de sa vie, minimisant ses erreurs "Flashbacks"  reste une autobiographie incontournable teintée de subjectivité et de provocation., et le témoignage d’une époque marquée par des transformations radicales – et parfois chaotiques – de la pensée et de la culture occidentales. Le livre retrace ses expériences avec le LSD et d'autres substances psychédéliques, qu'il percevait comme des outils révolutionnaires pour transformer la conscience humaine et la société. Théories et convictions de Leary sont évoquées, notamment son célèbre concept de « Turn on, tune in, drop out » (Accédez, syntonisez, déconnectez), qui incarne son appel à l'indépendance de la pensée et à la quête d'une conscience supérieure. Flashbacks explore également sa vision de l'importance du « set and setting » pour les expériences psychédéliques, ainsi que ses idées sur la psychologie humaniste. Leary y défend la croyance que les psychédéliques peuvent être des catalyseurs de changement personnel et sociétal, bien que cette vision ait contribué à sa marginalisation dans le monde universitaire et scientifique. Leary nous décrit enfin ses interactions avec des figures emblématiques de la contre-culture, comme Allen Ginsberg, William Burroughs, Ken Kesey, et les Beatles. Texte personnel, mais aussi un document culturel d'une époque ...


"The Timothy Leary Project : Inside the Great Counterculture Experiment", written by Jennifer Ulrich (2018)

Ulrich a eu accès à des archives personnelles de Leary qui n'avaient jamais été publiées auparavant (des lettres, des journaux intimes, des manuscrits et des photographies), et elle présente ces documents avec un sens du détail qui enrichit la compréhension des motivations et des pensées intimes du personnage, révélant des éléments de vulnérabilité, de doutes et de préoccupations intellectuelles souvent occultés dans les représentations populaires de Leary.

 Homme aux multiples facettes, psychologue de formation, il était également provocateur et charismatique, mais souvent inconséquent et égocentrique. Le livre critique ses méthodes de recherche parfois peu rigoureuses et ses choix risqués qui ont non seulement terni sa carrière universitaire mais ont également miné la crédibilité de la recherche psychédélique pour plusieurs décennies. Ulrich montre comment, tout en cherchant à libérer l’esprit humain, Leary est parfois devenu prisonnier de son propre personnage public.

Le livre examine de même le rôle de Leary dans la contre-culture, notamment sa relation avec la politique et son influence sur des mouvements de libération personnelle et sociale. Ulrich analyse comment Leary a influencé une génération à travers son mantra « Turn on, tune in, drop out », tout en soulignant que ses actions ont parfois manqué de réalisme ou d’un plan de transformation sociale durable. Elle décrit un homme capable d’inspirer mais aussi en proie à des contradictions, notamment dans ses prises de position publiques et dans son rapport à l'autorité. Et l’ouvrage suggère que si Leary a ouvert de nouvelles voies, son approche trop radicale a contribué à la stigmatisation des psychédéliques dans les milieux académiques et médicaux, un paradoxe est au cœur de l’héritage de Leary ...


Stanislav Grof, "Realms of the Human Unconscious: Observations from LSD Research" (1975) 

 Psychiatre et psychologue d'origine tchèque, né en 1931, Grof est devenu une figure centrale dans le développement de la psychologie transpersonnelle et un pionnier dans l’étude des états modifiés de conscience pour la guérison psychologique. Il a commencé ses recherches dans les années 1950, expérimentant l’usage thérapeutique du LSD pour explorer les profondeurs de l’inconscient humain. Cette substance ayant été interdite pour un usage thérapeutique dans de nombreux pays., il continua d'explorer les états non ordinaires de conscience par le biais de la respiration holotropique, une technique de respiration intense qu’il a co-développée avec sa femme Christina Grof pour reproduire les effets thérapeutiques des psychédéliques. Grof est également connu pour sa cartographie élargie de la psyché humaine, intégrant des concepts issus de la spiritualité et de la psychologie jungienne, ce qui en fait une figure marquante de la psychologie contemporaine.

Dans "Realms of the Human Unconscious" (1975), Grof nous montre comment il a utilisé le LSD comme un outil pour plonger profondément dans l’inconscient de ses patients, permettant une introspection amplifiée et la résurgence d’expériences enfouies. Il en vient ainsi à formuler l'hypothèse que les états modifiés de conscience peuvent jouer un rôle thérapeutique puissant. C'est élargir la compréhension de l'inconscient au-delà de la vision freudienne classique, introduire des expériences transpersonnelles, c’est-à-dire celles qui transcendent l'individu, comme des visions de vies passées, des expériences archétypales ou des contacts avec des dimensions mythologiques. Ces expériences transpersonnelles constituant un pont entre la psychologie et la spiritualité.

Il en vient comme naturellement à concevoir une "cartographie" de l'inconscient élargie. Grof propose de distinguer trois niveaux dans l'inconscient :

- L' "Inconscient personnel" contient les expériences biographiques, similaire à la conception freudienne, comme les traumatismes de l'enfance.

- L' "inconscient périnatal" inclut des expériences liées à la naissance et au processus de naissance, qu'il divise en quatre matrices périnatales de base (BPM) correspondant aux stades de l'accouchement. Grof soutient ici que des expériences de naissance influencent profondément le psychisme et peuvent affecter les schémas émotionnels et comportementaux de l’individu.

- Enfin l' "Inconscient transpersonnel": au-delà du personnel et du périnatal, il inclut des éléments archétypaux, des expériences mystiques, et des connexions collectives et universelles. Ce niveau soutient la notion que la psyché humaine n'est pas confinée aux limites de l'individu, mais connectée à une conscience plus large. Dans cette vision multidimensionnelle de l’esprit humain, la psyché humaine gagne en extension et en potentialité, malgré les critiques de méthode, et redevient un vaste territoire, contenant non seulement des éléments biographiques mais aussi des expériences collectives et universelles. 

 

S'il est un passage du livre qui offre une base solide pour saisir l'essence de la psychologie transpersonnelle, telle que Grof l'a développée, et pour comprendre ainsi sa vision sur l’inconscient humain, sa thèse selon laquelle le processus de naissance peut façonner l’expérience de vie d’un individu reste singulier et fascinant. La notion de "Matrices Périnatales de Base" (BPM, Basic Perinatal Matrices) est assez unique dans la littérature psychanalytique et transpersonnelle, car elle relie des expériences de la naissance aux structures émotionnelles et comportementales chez l’adulte. Stanislav Grof s’inspirera largement des théories d’Otto Rank (Rankian level), un psychanalyste et élève de Freud, qui a proposé l’idée que le trauma de la naissance constitue une expérience fondatrice et déterminante pour le psychisme humain. Selon Rank, cette première expérience de séparation et de choc influence toute la vie émotionnelle et relationnelle de l’individu. 

Stanislav Grof ajoutera à cette idée une dimension thérapeutique et transpersonnelle, notamment par l'usage du LSD pour revisiter ce trauma originel, mais plus encore positionnera ce trauma de la naissance non pas seulement en tant que question de séparation psychique mais d'ouverture également à des expériences transpersonnelles. En traversant les BPM sous LSD, les patients peuvent accéder à des dimensions de conscience collective, archétypale, ou spirituelle, ce qui élargit la compréhension du trauma de la naissance vers une perspective spirituelle et universelle. La naissance peut ainsi être revisitée comme une première « mort et renaissance » initiatique, une expérience que l’individu peut redécouvrir en thérapie pour surmonter des blocages personnels....

 

C'est durant ses sessions d'analyse que Grof a remarqué que les expériences des patients sous LSD dépassaient les souvenirs personnels (traumatismes d'enfance, souvenirs refoulés) pour atteindre des niveaux de conscience plus profonds et atypiques, comme des souvenirs liés à leur propre naissance. Il en vint à identifier un schéma récurrent d’expériences que ses patients semblaient revivre, toutes avec des thèmes communs qui semblaient en corrélation avec les étapes de la naissance. Il a naturellement formulé l'hypothèse que la naissance elle-même est un processus psychiquement marquant, et que les expériences vécues durant le passage périnatal laissent une empreinte durable dans l'inconscient...

 

" .... Perinatal experiences represent a very important intersection between individual psychology and transpersonal psychology or, for that matter, between psychology and psychopathology, on one hand, and religion, on the other. If we think about them as  related to the individual birth, they would seem to belong to the framework of individual psychology. Some other aspects, however, give them a very definite transpersonal flavor. The intensity of these experiences transcends anything usually considered to be the experiential limit of the individual. They are frequendy accompanied by identification with other persons or with struggling and suffering mankind. Moreover, other types of clearly transpersonal experiences, such as evolutionary memories, elements of the collective unconscious, and certain Jungian archetypes, frequently form an integral part of the perinatal matrices. 

 

Les expériences périnatales représentent une intersection très importante entre la psychologie individuelle et la psychologie transpersonnelle ou, d'ailleurs, entre la psychologie et la psychopathologie, d'une part, et la religion, d'autre part. Si nous les considérons comme liées à la naissance individuelle, elles sembleraient appartenir au cadre de la psychologie individuelle. D'autres aspects, cependant, leur donnent une saveur transpersonnelle très nette. L'intensité de ces expériences transcende tout ce qui est habituellement considéré comme la limite expérientielle de l'individu. Elles s'accompagnent fréquemment d'une identification à d'autres personnes ou à l'humanité en lutte et en souffrance. De plus, d'autres types d'expériences clairement transpersonnelles, telles que les mémoires évolutives, les éléments de l'inconscient collectif et certains archétypes jungiens, font fréquemment partie intégrante des matrices périnatales. 

 

LSD sessions on this level usually have a rather complex character, combining very subjective experiences with clearly transpersonal elements. It seems appropriate to mention in this connection a category of experiences that represents a transitional form between the Freudian psychodynamic level and the Rankian level. It is the reliving of traumatic memories from the life of the individual that are of a physical rather than a purely psychological nature. 

Typically, such memories involve a threat to survival or body integrity, such as serious operations or painful and dangerous injuries, severe diseases, particularly those connected with breathing difficulties (diphtheria, whooping cough, pneumonia), instances of near drowning, and episodes of cruel physical abuse (incarceration in a concentration camp, exposure to the brainwashing and interrogation techniques of the Nazis or Communists, and maltreatment in childhood). These memories are clearly individual in nature, yet, thematically, they are closely related to perinatal experiences. Occasionally, the reliving of physical traumas occurs simultaneously with perinatal phenomena as a more superficial facet of the birth agony. Observations  from LSD psychotherapy seem to suggest that memories of somatic traumatization have a significant role in the psychogenesis of various emotional disorders, particularly depression and sadomasochism; this concept is as yet unrecognized and unacknowledged in present-day schools of dynamic psychotherapy.

Elements of the rich and complex content of LSD sessions reflecting this level of the unconscious seem to appear in four typical clusters, matrices, or experiential patterns. Searching for a simple, logical, and natural conceptulization of this fact, I was struck by the deep parallels between these patterns and the clinical stages of delivery. It proved to be a very useful principle for both theoretical considerations and the practice of LSD psychotherapy to relate the above four categories of phenomena to consecutive stages of the biological birth process and to the experiences of the child in the perinatal period. Therefore, for the sake of brevity, I usually refer to the four major experiential matrices of the Rankian level as Basic Perinatal Matrices (BPM IIV). It must be reemphasized that this should be considered at the present stage of knowledge only as a very useful model, not necessarily implying a causal nexus...."

 

Grof a donc soutenu que les expériences émotionnelles, physiques et spirituelles des quatre matrices périnatales de base (BPM) qu'il distingue et décrit restent inscrites dans l’inconscient et influencent notre psyché tout au long de notre vie. En thérapie, revisiter ces matrices permettrait aux patients de comprendre et de résoudre des blocages émotionnels profonds ...

Ces quatre matrices périnatales de base (BPM) sont :

- BPM I : État de fusion océanique, qui représente la vie prénatale dans l'utérus, un état de plénitude et de sérénité.

- BPM II : Crise cosmique sans issue, qui correspond au début des contractions sans possibilité de sortie pour le fœtus, évoquant des sentiments d’oppression et de souffrance.

- BPM III : Lutte et mort-résurrection, qui décrit le passage intense dans le canal de naissance, une lutte pour la survie accompagnée de violence et d'énergie intense.

- BPM IV : Expérience de mort et de renaissance, qui correspond à la libération lors de l’accouchement, symbolisant la renaissance et une sensation de libération.


"Beyond the Brain : Birth, Death, and Transcendence in Psychotherapy" (1985), Stanislav Grof 

Ce livre est un pilier dans le développement de la psychologie transpersonnelle, selon Stanislas Grof, et propose une cartographie élargie de la conscience, intégrant des aspects spirituels, mystiques et archétypaux. On peut considérer que le chapitre probablement le plus important est celui dans lequel l'auteur développe en profondeur l’inconscient transpersonnel : un chapitre que l'on peut présenter comme un tournant dans la psychologie en intégrant des éléments mystiques et archétypaux qui transcendent la psyché individuelle, ce qui constitue une avancée significative dans le domaine de la psychologie transpersonnelle...

 

Grof commence par souligner les limites des approches classiques de la psychologie et de la psychiatrie qui réduisent le psychisme aux seules dimensions biographiques et individuelles (par exemple, Freud et le modèle du moi, du ça, et du surmoi). Il critique ces modèles pour leur incapacité à expliquer les expériences profondes et transpersonnelles vécues par ses patients lors des sessions de thérapie psychédélique et dans des états modifiés de conscience.

En réponse, Grof proposera une cartographie de l'esprit en trois niveaux, chacun pouvant être exploré lors d’états de conscience modifiés :

- Un Inconscient biographique : Similaire au modèle freudien, ce niveau contient les souvenirs et expériences de la vie de l'individu, particulièrement les traumatismes de l’enfance.

- Un Inconscient périnatal : Inspiré par sa théorie des Matrices Périnatales de Base (BPM), ce niveau inclut les expériences liées au processus de naissance, qui constituent selon lui une source majeure d’angoisse et d’énergie émotionnelle.

- Un Inconscient transpersonnel : Ce niveau englobe des expériences mystiques et spirituelles, comme la régression vers des vies passées, des visions d’archétypes universels, et des expériences de fusion avec la nature ou l’univers. Ces expériences transpersonnelles vont au-delà de l’individu et sont communes à l’humanité.

Grof souligne ensuite l'importance des états modifiés de conscience (par le LSD, la respiration holotropique, la méditation, etc.) pour accéder aux dimensions profondes de la psyché. Ces états permettent de résoudre des traumatismes et de restructurer la psyché en facilitant l'accès à des expériences transformatrices. Et ces expériences, bien que parfois déroutantes ou effrayantes, peuvent jouer un rôle clé dans la guérison psychologique et spirituelle.

 

Dans "Beyond the Brain", Grof met l’accent sur les expériences transpersonnelles, qui incluent des expériences de connexion avec des entités non humaines, des vies passées, ou des archétypes. Des expériences qui peuvent se révéléer être thérapeutiques et offrent dans tous les cas des perspectives inédites sur la nature de la conscience humaine. Elles remettent également en question l'idée que l'esprit est limité au cerveau physique, suggérant que la conscience pourrait avoir une dimension non locale et se connecter à une sorte de conscience collective. Dans cette continuité, Grof avance que la psychologie devrait embrasser une vision plus holistique, qui intègre des aspects spirituels et cosmiques de l’expérience humaine.

Il ouvre également, cela semble logique dans une telle perspective, un débat sur la nature de la réalité elle-même, en suggérant que les expériences transpersonnelles permettent d’accéder à des niveaux de réalité qui dépassent le monde matériel et empirique. Grof rapprochera ainsi la psychologie de domaines philosophiques et spirituels, proposant que les expériences spirituelles vécues par les mystiques et les chamans sont des explorations de ces niveaux transpersonnels....


"The Way of the Psychonaut: Encyclopedia for Inner Journeys (Vol #1)",  written by Stanislav Grof (2019) est un manuel en deux volumes conçu pour guider les individus à travers l'exploration des états modifiés de conscience dans un objectif de guérison personnelle et de croissance spirituelle. Grof y réunit des décennies de recherche et d'expérience clinique, notamment dans le domaine de la psychologie transpersonnelle, des psychédéliques, et des méthodes alternatives de thérapie (comme la respiration holotropique). Si l'auteur propose une cartographie de la conscience élargie, qui inclut les dimensions biographiques, périnatales et transpersonnelles, une grande partie du livre est dédiée à l'exploration de la spiritualité et des expériences mystiques dans la psychologie. Grof encourage ses lecteurs à voir ces expériences comme des étapes essentielles dans l'évolution de la conscience, et les relie à des concepts spirituels provenant de traditions anciennes et modernes, suggérant que l’exploration transpersonnelle peut mener à une connexion plus profonde avec l'univers et au dépassement du moi égoïque....


Ken Wilber, "The Spectrum of Consciousness" (1977) 

Biochimiste de formation abandonnant ses études pour se concentrer sur la philosophie et la psychologie, et cherchant à réconcilier les points de vue occidentaux et orientaux, la quête de Ken Wilber est celle de la compréhension globale de la psyché humaine. Il propose ainsi une théorie audacieuse qui conceptualise la conscience humaine comme un spectre comprenant divers niveaux d'expériences, des plus personnels et individuels aux plus transcendants et universels. Ce livre constituera un apport fondamental pour la psychologie transpersonnelle et la philosophie intégrale, car il redéfinit la psyché humaine dans une perspective qui relie des éléments de psychologie, de spiritualité, de philosophie orientale et occidentale. 

Ce sont toutes les dimensions de l’expérience humaine que Wilber entend intégrer : les aspects physiques, émotionnels, mentaux et spirituels, tous reliés et faisant partie de la nature profonde de la conscience. La fameuse "M Theory” au centre du modèle de conscience intégrale de Wilber, proposé pour la première fois dans "The Marriage of Sense and Soul" et élaboré dans des ouvrages ultérieurs ("A Theory of Everything: An Integral Vision for Business, Politics, Science and Spirituality", 1996), encore et toujours, tenter de concevoir un cadre unificateur permettant de comprendre la réalité en intégrant des perspectives venant de différentes traditions spirituelles, scientifiques, philosophiques, et psychologiques (All Quadrants, All Levels).

Wilber introduit ici des niveaux distincts de conscience, chaque niveau représentant une vision du monde ou une structure de la réalité plus large, 

- Le Niveau égoïque, associé à l’individualité, c’est le niveau auquel l’individu se voit comme une entité séparée, un moi distinct.

- Le Niveau bio-psychique, élargissement de la conscience qui inclut des expériences émotionnelles et intuitives, et commence à dépasser les frontières du moi égoïque.

- Le Niveau transpersonnel, caractérisé par des expériences mystiques, où le moi individuel fusionne avec des réalités plus larges, telles que la nature, le cosmos, ou une conscience universelle.

Wilber utilise cette structure pour montrer comment, en explorant et en intégrant chaque niveau, l'individu peut élargir sa conscience, passant de l'égoïsme vers une perspective plus universelle. Inspiré par la psychologie du développement, Wilber postule dans un autre ouvrage que la conscience évolue à travers plusieurs Niveaux ou Étages de complexité, qui vont des préoccupations égocentriques aux niveaux de conscience universelle, des niveaux cumulatifs, chaque stade intégrant les précédents. L'auteur révèle ainsi toute sa capacité à intégrer des éléments de psychologie occidentale (Freud, Jung, Maslow) et de philosophie orientale (notamment le bouddhisme, l’hindouisme et le taoïsme). Chaque tradition ou théorie représente une facette du spectre de la conscience et peut être utilisée pour comprendre un niveau spécifique de la psyché humaine.

Tout comme les problèmes psychologiques et les pathologies viennent souvent d’une fixation à un niveau de conscience spécifique, notamment à celui de l’égo, de nombreux conflits internes et souffrances humaines viennent de la séparation artificielle des aspects de la conscience, tels que le mental et le corps, l’individu et l’univers, le moi et les autres. En élargissant la conscience, l'individu apprend à intégrer ces opposés, ce qui mène à une perception unifiée et holistique de la réalité. 

Un modèle qui  a pu influencer des penseurs et thérapeutes en psychologie transpersonnelle, en inspirant un changement de paradigme pour inclure des expériences spirituelles comme partie essentielle du développement humain ....

 

"A Brief History of Everything" (1996) reste le best-seller d'un des grands spécialistes qui règne depuis deux décennies sur une sorte de théorie unifiée de l'univers qui agrège et traite toutes les idées que nous pourrions avoir, en plus des quelques-unes sur lesquelles nous bâtissons croyance et existence, des rôles des hommes et des femmes au multiculturalisme, en passant par l'environnementalisme et même la signification d'Internet, c'est dire le spectre d'une littérature qui se vend assez bien. "In the ambitiously titled "A Brief History of Everything", Wilber continues his search for the primary patterns that manifest in all realms of existence. Like Hegel in the West and Aurobindo in the East, Wilber is a thinker in the grand systematic tradition, an intellectual adventurer concerned with nothing less than the whole course of evolution, life’s ultimate trajectory—in a word, everything ... Combining spiritual sensitivity with enormous intellectual understanding and a style of elegance and clarity, "A Brief History of Everything" is a clarion call for seeing the world as a whole, much at odds with the depressing reductionism of trendy Foucaultderivative academic philosophy", nous écrira avec emphase le San Francisco Chronicle ...


Robert E. Ornstein, "The Psychology of Consciousness" (1972)

Considéré comme un ouvrage pionnier dans l'exploration des états de conscience, dans un cadre à la fois scientifique et philosophique. le psychologue américain Robert E. Ornstein propose une analyse novatrice de la conscience humaine, en intégrant des perspectives de la psychologie cognitive, des neurosciences, et des pratiques méditatives. Un ouvrage  influent toujours étudié pour sa tentative d'établir des liens entre science et spiritualité. 

Pour Ornstein, la conscience n’est pas un phénomène statique, mais plutôt un processus dynamique qui peut varier selon plusieurs dimensions. Il identifie ainsi les états de conscience « ordinaires » et « modifiés », et s'intéresse à des états alternatifs tels que ceux produits par la méditation, l’hypnose, ou même par l’usage de substances psychédéliques. A l'époque, la plupart des travaux en psychologie restaient centrés sur des états de conscience "normaux" ou observables à travers des méthodes comportementalistes. En insistant sur les états modifiés de conscience, Ornstein a ouvert de nouvelles perspectives sur la plasticité de l'esprit humain et la manière dont la conscience pouvait être explorée scientifiquement.

Ornstein s'appuie également sur des recherches neuropsychologiques pour étudier les rôles respectifs des deux hémisphères cérébraux dans la conscience. Il postule que l’hémisphère gauche est principalement responsable des fonctions analytiques et séquentielles, tandis que l’hémisphère droit gère les fonctions créatives, holistiques et intuitives. Cette distinction entre les fonctions des hémisphères, bien qu’elle ait largement contribué à la compréhension populaire de la psychologie du cerveau, est critiquée pour être trop simpliste et schématique.

L’idée d’un hémisphère gauche « rationnel » et d’un hémisphère droit « créatif » a en effet été nuancée depuis par des recherches ultérieures, qui montrent que les deux hémisphères travaillent de manière plus intégrée et interconnectée. 

Mais un aspect innovant du livre est l’introduction de concepts issus des traditions spirituelles orientales, notamment le soufisme et le bouddhisme, dans l’analyse de la conscience. Ornstein suggère que la compréhension scientifique de la conscience pourrait bénéficier de l’étude des pratiques spirituelles comme la méditation, qui favorise des états de conscience modifiés et permet d’explorer des dimensions plus profondes du soi. Ornstein soutient que l’étude de ces pratiques traditionnelles peut compléter les approches scientifiques et psychologiques contemporaines, en élargissant notre compréhension de la nature de la conscience. On reconnaît là les bases du développement de la psychologie transpersonnelle, et Ornstein va courir le risque de mystifier certains aspects de la conscience, au détriment de leur analyse scientifique.

L’un des apports majeurs d’Ornstein est sa conception de la conscience comme un processus flexible, capable de s’adapter aux besoins et aux situations de l’individu. Il avance que nous passons constamment d’un mode de conscience à un autre, selon que nous sommes en train de résoudre des problèmes complexes, de nous relaxer, ou de rêver. Cette idée a fortement contribué à élargir la compréhension de la conscience au-delà des simples états de veille ou de sommeil. Ornstein décrit la conscience comme une mosaïque d’expériences, soutenue par des processus physiologiques et psychologiques complexes. Cette approche est aujourd'hui acceptée dans la psychologie moderne, qui reconnaît la multiplicité des états de conscience. Néanmoins, à l’époque, cela représentait un défi aux paradigmes rigides de la psychologie comportementaliste et cognitiviste qui dominaient le champ.

Ornstein critique enfin également la survalorisation de la pensée analytique dans les sociétés occidentales modernes. Il propose que la conscience rationnelle et analytique, souvent valorisée dans l’éducation et la culture occidentales, limite notre capacité à accéder à des formes de pensée plus globales et intuitives, qui sont tout aussi importantes pour comprendre la réalité. Son analyse rejoint les critiques de la modernité faites par d'autres penseurs comme Aldous Huxley et Carl Jung, qui ont mis en avant la nécessité d’équilibrer rationalité et intuition pour une meilleure santé mentale et un épanouissement personnel. Cependant, certains de ses détracteurs considèrent que cette critique repose sur des oppositions trop simplifiées entre pensée occidentale et pensée orientale, et qu'elle sous-estime la complexité des modes de pensée dans les deux traditions.

"The Psychology of Consciousness" a eu un impact significatif dans les années 1970, notamment en ouvrant des discussions sur la conscience, la méditation et les états modifiés. Son ouvrage a contribué à une vague d'intérêt pour la psychologie humaniste et transpersonnelle, qui vise à intégrer des aspects spirituels et existentiels dans la psychologie scientifique.

Dans "Multimind: A New Way of Looking at Human Behavior" (1986), Robert Ornstein développera l’idée que l’esprit humain n'est pas une entité unifiée, mais plutôt une collection de plusieurs "minds" ou systèmes cognitifs qui opèrent en parallèle, parfois de manière autonome. Selon lui, nous n'avons pas un seul "moi", mais plusieurs niveaux de conscience qui interagissent pour produire des pensées, des comportements et des expériences. Ornstein introduit le modèle du "multimind" pour illustrer la manière dont différents systèmes mentaux coexistent et interagissent au sein d’un individu. Ce modèle, encore flou, remet en question l’idée classique d’un soi cohérent et unifié (We are not one self but many, a dynamic system that can produce multiple, sometimes conflicting behaviors, depending on which part of the mind is in control).

Dans "The Right Mind: Making Sense of the Hemispheres" (1997), Ornstein réexamine les notions qu’il avait initialement présentées dans "The Psychology of Consciousness", en tentant de corriger certaines des simplifications antérieures sur la dichotomie cerveau gauche/droit.Il reconnaît que la séparation entre les hémisphères gauche et droit, telle qu’elle a été vulgarisée, est plus complexemais reste ancré dans une approche dualiste encore trop marquée.

Dans "The Evolution of Consciousness: The Origins of the Way We Think" (1991), Ornstein tente d'explorer comment la conscience humaine a évolué au cours de l'histoire de l'espèce humaine. Reliant les découvertes en psychologie cognitive avec les théories de l'évolution pour expliquer comment la structure et les fonctions de la conscience ont évolué pour s’adapter aux besoins changeants de l’environnement humain, Ornstein avance que l’évolution de la conscience est liée à l’émergence de nouvelles compétences cognitives et sociales chez l’humain, et propose une vision dynamique du développement de la conscience à travers les âges. La psychologie évolutionniste reste à ce jour bien difficile à démontrer de manière empirique ....