PopArt - Andy Warhol (1928-1987), "Superman" (v. 1961), "200 Campbell's Soup Cans" (1962), "Marilyn Diptych" (1962), "Self-Portrait" (1967), "Mao" (1972), "Camouflage Self-Portrait" (1986) - Richard Hamilton (1922-2011), "Just what is it that makes today's homes so different, so appealing?" (1956) - Eduardo Paolozzi (1924-2005) - Peter Blake (1932), "On the Balcony" (1955/57) - David Hockney (1937), "A Bigger Splah" (1967) - Allen Jones (1937) - Roy Lichtenstein (1923-1997), "Whaam!" (1963) - Claes Oldenburg (1929-2022) - Robert Rauschenberg (1925-2008) - Jasper Johns (1930), "Flag above White with Collage" (1955) - James Rosenquist (1933-2017), "President Elect" (1960) - Tom Wesselmann (1931-2004), "Great American Nude Number 54" (1964) - George Segal (1924-2000), "Homme qui marche" (1968) - Mel Ramos (1935-20178) - ....
Last update : 11/11/2023
L'UNIVERS DES MEDIAS PREND LE PAS SUR TOUTE AUTRE REALITE, dans ces années 1960, l'appétit d'objets accompagne l'enrichissement des classes moyennes, ... et le Pop Art, qui n'est pas un "style artistique", mais un jeu de mots et l'esprit d'une génération, un phénomène qui regroupe un certain nombre de manifestations artistiques liées à l'esprit d'une époque : le contenu des images véhiculées puise ici à même le quotidien et repense les transformations culturelles du temps. Mais l'assassinat de John F. Kennedy en 1963 à Dallas, l'explosion de la guerre du Vietnam en 1964, les troubles raciaux et le problème de la drogue aux Etats-Unis révèleront très rapidement la vulnérabilité d'une perspective d'avenir qui semblait alors trop parfaitement calculée ...
Pop Art, an abbreviation of Popular Art, is a movement that found its origins in England in the 1950s but realised its full potential in New York in the 60s. The name referred to the interest of a number of artists, such as Robert Rauschenberg (born 1925) and Jasper Johns (born 1930), in the imagery and techniques of consumerism and popular culture. Pop Art, led by the cult figure of Andy Warhol, was probably the most extraordinary innovation of 20th century art. It put art into everyday terms and so helped close the gap between “high art” and “low art.” Dans les années 1960,ce sont de comportements de masse qui occupent le devant de la scène artistique, - faire des achats, suivre des bulletins d'information, regarder les affiches publicitaires -, des comportements qui restent constant dans toutes les sociétés dites de consommation. Alors que les produits des supermarchés font leur entrée dans les galeries, tels quels ou légèrement modifiés, le spectateur change de statut : désormais, il ne s'agit plus d'interpréter les signes des expressionnistes abstraits ou d'en subir la fascination, mais plutôt de reconnaître simplement des objets familiers et des situations banales, sans avoir l'impression de franchir l'enceinte sacrée de l'art. D'où I'inquiétante ambiguïté du pop art, qui hésite toujours entre une restitution neutre du réel, dont I'impassibilité est empreinte d'un certain tragique, et une interprétation ironique de la culture de masse diffusée par la société de consommation....
Anonymat et subjectivité - Le Pop Art va donc réagir aux phénomènes de dépersonnalisation dans la société de masse par des tableaux pratiquant le même type d'objectivation et en se servant des mêmes moyens stylistiques de l'impersonnalité. Dans la société médiatique, la subjectivité de l'individu noyé dans la masse reçoit de nouveaux attributs, c'est pourquoi le Pop Art entend redéfinir l'individualisme artistique. Afin de mieux cerner les diverses motivations créatrices, il est nécessaire de définir de quelle manière l'artiste du Pop Art représente l'individu au sein de la masse, et comment il illustre la personnalité humaine et sa transformation en type social....
L'individu, tel que Roy Lichtenstein le définit dans son tableau "Drowning Girl" (Jeune Femme se noyant, 1963, MMA, New York), n'échappe pas à une sentimentalisation et à une stylisation généralisées. La société se transforme en voyeur, même à l'égard des drames personnelles. Les médias les dramatisent en usant du sensationnel, n'hésitant pas à jouer de tous les effets, mais sans jamais montrer les causes plus profondes qui participent à leur production: personne ne peut prédire l'effet réel de l'industrie de la conscience sur l'individu, ni quels sentiments subjectifs, quelles réactions individuelles, sont générés à long terme. Le destin individuel, quantité statistiquement négligeable, ne peut freiner l'optimisme de l'époque....
(James Rosenquist, "Marilyn Monroe I", 1962, Collection Sidney & Harriet Janis, The Museum of Modern Art, New York)
POPs anglais - On dit le Pop Art anglais intellectuel, conceptuel, interdisciplinaire, sa construction est progressive. The British artist Richard Hamilton defined Pop Art as: “popular, transient, expendable, low-cost, mass-produced, young, witty, sexy, glamorous, and Big Business.” Le pop a été défini par un de ses artistes phares, Richard Hamilton, comme "populaire, éphémère, produit de masse, bon marché, sexy, tape-à-l'œil". Dès 1952, des peintres, des architectes et des critiques constituent l'Independent Group au sein de l'Institute of Contemporary Art de Londres. L'exposition "This is tomorrow", à Londres, en 1956, réunit les premiers Pop anglais : Richard Hamilton (1922) figure, aux côtés de Peter Blake (1932), de David Hockney (1937) et d'Allen Jones (1937), parmi les principaux représentants du pop art anglais. C'est une contre-culture jeune, urbaine, ouvrière, s'exprimant par les comics, la chanson, une façon flamboyante de s'habiller, de vivre sa sexualité. Ce dandysme de prolétaires séduit dès les années 1950 des intellectuels qui détestent la société anglaise, ses règles, sa hiérarchie sociale. Tous font de l'Amérique une fantasmatique terre promise où fleurissent la richesse, la vulgarité, l'énergie, sources d'une nouvelle poétique. C'est celle du célèbre et cauchemardesque collage "Just what is it that makes today's home so different" (Qu 'est-ce qui peut bien rendre nos foyers d'aujourd'hui si différents, si sympathiques, 1956) de Hamilton, par ailleurs grand lecteur de Joyce et admirateur de Duchamp. Beaucoup émigrent, tel David Hockney (né en 1937), qui peint la Californie comme un Éden semé de piscines et peuplé d'éphèbes, en des images dont la fausse naïveté est le comble d'une sophistication joyeusement perverse, très anglaise....
Le pop art va utiliser la parodie pour critiquer une société de consommation qui tend à banaliser la culture. Des artsites britanniques come David Hockney, Hamilton, Eduardo Paolozzi, Allen Jones et Peter Blakes évoluent dans un environnement particulièrement terne, bien loins du glamour du mode de vie américain : ils vont en incorporer des images séduisantes dans leurs oeuvres, non sans ironie er humour....
On distingue généralement une première phase du Pop Art anglais faite d'images médiatiques préfabriquées, puis une seconde phase résultant de la perception d'un environnement modifié et de son influence sur la personnalité. Le rayonnement du Pop Art anglais se répandit très rapidement, en 1958, un jeune boursier américain R.B. Kitaj venait à Londres s'y installer définitivement. Une troisième phase apparut en 1960 avec l'exposition "Young Contemporaries", première exposition globale présentant un large panorama de ce mouvement...
C'est en 1947 que l'artiste dada hanovrien Kurt Schwitters créait l'une des plus célèbres incunables du Pop Art avec son collage "For Käthe". Ce collage intégrait pour la première fois la bande dessinée, nouvelle forme du roman bon marché. En 1947, Eduardo Paolozzi créait des collages pop similaires. Schwitters, qui avait déjà fait ses premières expériences avec le collage et l'assemblage avant 1920, combinait des tickets, des slogans publicitaires, des photos, des lettres, des signes graphiques, des coupures de journaux et d'autres matériaux pour en faire des tableaux et des reliefs qui ramenaient l'insistance des objets du quotidien à l'intimité d'une composition cubiste....
Pour le Pop Art, en effet, le collage et l'assemblage constituent des principes de création essentiels et c'est ici que se manifeste la proximité avec le Surréalisme, bien que celui-ci s'articule fondamentalement sur les pulsions inconscientes de l'être humain : et non sur les mécanismes manipulatoires du comportement, caractéristique du Pop Art ...
"I was a rich man's plaything" - "Dr. Pepper" (Collection of the Tate, United Kingdom)
En 1947-1948, Eduardo Paolozzi (1924-2005), alors que le rationnement était encore en place en Grande-Bretagne, et les conditions économiques difficiles, ne pouvait détourner son regard du consumérisme américain : s’inspirant des collages surréalistes et dadaïstes, tels que ceux de Max Ernst et Hannah Hoch. Paolozzi découpe des images colorées à partir de publicités qu’il a trouvées dans des magazines américains et les a assemblées pour créer un montage de la culture de consommation américaine alors en pleine expansion incluant dessins animés et commercialisation de produits et appareils ménagers ...
"Richard Hamilton (1922-2011), "Just what is it that makes today's homes so different, so appealing?", 1956 (Kunsthalle Tübingen).
Son collage, qui prétend s'interroger sur l'originalité de la maison moderne, montre le séjour d'un appartement encombré par les produits de la société de consommation : l'enregistreur, le téléviseur, l'aspirateur et même la pin-up et le culturiste, qui tient, comme un nouveau díscobole, une gigantesque sucette "pop". Si les artistes américains vont adapter un langage direct, souvent brutal, Hamilton cultive un sens de l'humour très britannique, plus subtilement provocateur...
Works : "Fun House" (1956), "Hommage à Chrysler Corp." (1957), "Towards a definitive statement on the coming trends in menswear and accessories" (1962Tate Gallery, London), "Interior" (1964-1965), "Interior II" (1964, Tate Gallery), "My Marilyn" (1965), "I am Dreaming of a White Christmas" (1967-68, Kuntmuseum Basel), "Cover design for The Beatles' White Album" (1968), "Swingeing London 67 " (1968-69) ..
Peter Blake, "On the Balcony", 1955/57, Tate Gallery, London - "Love Wall" (1961, Centro de Arte Moderna, Fundaçao Calouste Gulbenkian, Lisbonne) ...
C'est à travers le portrait que Blake pose son regard sur le monde, "après avoir assisté aux débuts du Pop Art, écrira-t-il, un peu à la pointe de ce mouvement, je me hâte d'ajouter que j'ai complètement fait volte-face. Je suis revenu à quelque chose comme de la peinture académique". En 1963, il a épousé Jann Haworth, célèbre artiste pop américaine avec qui il voyage aux Etats-Unis. "Sur le balcon" est, avec "Self-Portrait with Badges" (1961, Tate Gallery, London), une oeuvre-clé : sages et immobiles, des enfants simples sont assis ou debout sur une sorte de scène; ils sont noyés dans un gigantesque amoncellement d'images qui ne semblent pas cependant les concerner, issues de l'art reconnu, le "Balcon" de Manet, la loge royale, des jouets, des idoles, des souvenirs, de la peinture anglaise...
Works : "Children reading Comics", 1954; "Couples", 1959; "Got a Girl", 1960-61; "Toy Shop" (1962); "Cover for the Beatles’ album, Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band", 1967; "On the Balcony", 1955-57; "Tattooed Lady", 1958; "SelfPortrait with Badges", 1961; "Love Wall", 1961; "The Meeting, or Have a Nice Day Mr. Hockney", 1981-1983 ...
David Hockney, "Two Boys in the Pool, Hollywood", 1965
Dans les années 1960, David Hockney s'installa a Los Angeles et commença à peindre les plaisirs d'une existence insouciante dans le sud de la Californie : des jardins inondés de soleil, des piscines et des garçons. Il abandonna la peinture à l'huile au profit de la peinture acrylique pour représenter ce genre de scènes d'une grande qualité graphique comme ici "Two Boys in the Pool". La perspective stylisée du tableau et la netteté de ses lignes parallèles rappellent les estampes japonaises. Le caractère abstrait de la piscine, transformée en dessin psychédélique qui s'inscrit parfaitement dans la composition austère du tableau, illustre le talent graphique de Hockney. En observant plus longuement le tableau, on constate que le traitement des formes n'est pas le même partout. Hockney a peint la peau des deux garçons sortant de l'eau avec un sens du détail et une délicatesse absents dans les autres éléments. La perspective semble suggérer la présence d'un observateur, qui a saisi cette scène sur le vif depuis une fenêtre élevée. La façon dont la scène est encadrée renforce l'impression de voyeurisme. Hockney a été critiqué pour son érotisme sans limites et le traitement de ses sujets....
Works: "We Two Boys Together Clinging" (1961), "Two Men in a Shower" (1963, Waddington Galleries Ltd, London), "A Bigger Splash" (1967), "American Collectors (Fred and Marcia Weisman)", (1968); "A Bigger Grand Canyon" (1998) ...
David Hockney, "Sunbather", 1966
Né en 1937, David Hockney a grandi dans une ville du nord de l'Angleterre à l'époque de l'austérité de l'après-guerre. Dès l'âge de dix ans, il sait qu'il veut devenir artiste et, après avoir quitté l'école, il étudie au Bradford Art College, puis au Royal College of Art de Londres. En faisant irruption sur la scène lors de l'exposition Young Contemporaries, Hockney est rapidement considéré comme l'enfant chéri de l'art britannique d'après-guerre et comme l'un des principaux promoteurs du pop art. C'est au cours des swinging 60s à Londres qu'il s'est lié d'amitié avec de nombreuses personnalités culturelles de la génération et c'est au cours de ces années que la carrière de Hockney a pris de l'ampleur. Toujours absorbé par son travail, il dessine, peint et grave pendant de longues heures chaque jour, mais c'est une bourse d'études qui le conduit en Californie, où il peint sa série emblématique de piscines. Depuis lors, les galeries les plus prestigieuses du monde entier ont consacré d'innombrables expositions à son œuvre extraordinaire. Dans les années soixante-dix, il élargit son éventail de projets, notamment en concevant des décors et des costumes pour des opéras et en expérimentant la photographie, la lithographie et même la photocopie. Plus récemment, il a été à l'avant-garde de la révolution numérique du monde de l'art, produisant d'incroyables croquis sur son iPhone et son iPad, et c'est cette pensée progressiste qui a mis en lumière son génie, sa vigueur et sa polyvalence en tant qu'artiste approchant son 75e anniversaire....
David Hockney, "A Bigger Splash", 1967, collection particulière
"I loved the idea of painting this thing that lasts for two seconds …" - Le peintre et critique R. B. Kitaj déclara a propos de David Hockney, "il est rare dans notre art moderne que la sensation suscitée par un lieu soit rendue aussi finement", et "Bigger Splash" rend parfaitement la désolation d'une journée à midi dans le sud-ouest de l'Amérique à l'extérieur d'une maison moderne de Californie. La sensation d'immobilité est renforcée par les lignes horizontales et verticales de la composition. Toute présence humaine est quasi absente de la toile et de la scène elle-même. Les seuls éléments qui rompent les lignes horizontales et verticales du tableau sont la diagonale formée par le plongeoir, semblant jaillir du cadre, et l'éclaboussement. Le sujet du tableau est rendu par cette explosion de couleur blanche, mais c'est toutefois la surface calme et bleue qui prédomine. Les thèmes centraux du tableau font oublier certains détails singuliers, ainsi, les deux palmiers situés à l'arrière-plan, qui ont des proportions étranges ou semblent excessivement lointains. L'éclaboussement lui-même a été peint sur la surface bleue et plate à l'aide de petits coups de pinceau. "J'aime l'idée de peindre cette chose qui ne dure que deux secondes. ll me faut deux semaines pour peindre un événement qui ne dure que deux secondes...". L'attrait de cette oeuvre aux couleurs vives en a fait une icône du pop art ainsi que du sud de la Californie...
Works: "Man in a Museum (Or You’re in The Wrong Movie)" (1962), "Mr. and Mrs. Ossie Clark, Linden Gardens, London" (1970) ..
Allen Jones, "Hatstand, Table, Chair", 1969, Aix-la-Chapelle, Neue Galerie, collection Ludwig
La version britannique du pop art est ouvertement ironique. L'absurdité de l'objet kitsch -
un mannequin féminin traité comme un portemanteau - est immédiatement perceptible. Cette figure de femme à demi nue, objet de plaisir converti en objet de consommation courante, est rigide et hautaine, ainsi figée dans la stupidité de son attitude. Allen Jones en fournit plusieurs versions, qui composent l'ameublement d'une pièce entière. Les références au sexe et à l'érotisme sont sans doute plus sarcastiques chez les artistes britanniques, qui ne reculent pas pour autant devant les images triviales. Les mannequins de "Hatstand, Table, Chair" (sont placés dans des postures différentes, pour dénoncer la condition de la femme-objet, les perversions sadomasochistes et le kitsch qui envahit toutes les pratiques quotidiennes....
Edward Ruscha, "Large Trademark with Eight Spolights" (1962, Collection of Withney Museum of American Art New York) - Alex Katz, "The Real Smile" (1963, idem) - Allan d'Arcangelo, "Road Series No 13, 1965 (Museum Ludwig, Köln) - Tom Wesselmann, "Landscape No 2", 1964 (Museum Ludwig, Köln) - ...
POP art américain - Au moment où semble triompher l'expressionnisme abstrait telle que formulée à Paris et où la première génération de grands abstraits américains s'est non sans peine imposée, vers le début des années 1960, Robert Rauschenberg (né en 1925) et Jasper Johns (né en 1930) imposent dans les années 1950 un art de la provocation et de la dérision dans le but proclamé de combler le fossé que les instances culturelles ont laissé se creuser entre l'art et la vie. Ainsi, dans ses combine-paíntíngs, Rauschenberg apporte-t-il à des tableaux subtilement peints des ajouts inattendus tels que poulet ou chèvre angora empaillés, en des sortes d'arrangements scéniques dont il dit qu'il ne faut surtout pas chercher à les lire, à les décoder. L'art de son ami Johns a pour principe l'ambiguïté. Ses imitations parfaites de drapeaux américains, ses boîtes de bière, coulées en bronze puis peintes, indiscernables de celles du commerce, renversent railleusement la problématique des grands maîtres européens du siècle, qu'il connaît fort bien : la difficulté n'est pas de lire l'œuvre d'art, mais de la reconnaître là. Ce qui distingue Johns et Rauschenberg des pop artistes proprement dits est que ceux-ci empruntent à un réel déjà médiatisé par l'omniprésent « art commercial » , avec lequel ils gardent pourtant une soigneuse distance, un « gap ». Beaucoup sont dessinateurs de métier, ont travaillé pour la publicité. La vedette en est incontestablement Andy Warhol (1929-1987), qui, les répétant en longues séries, transforme en icône le visage de Marilyn Monroe et quasiment en image publicitaire celui de la Joconde. De même Claes Oldenburg fait-il remarquer que le seul fait de mettre en scène un objet le modifie et James Rosenquist - très sensible au surréalisme européen - lance : «J'espère être aussi loin que possible de la nature». A ce jeu, des toilettes peintes, ostensiblement souillées, par Tom Wesselmann n'apparaissent pas comme des images véristes, mais comme des caricatures des publicités étincelantes et aseptisées des magazines féminins. Le plus âgé du groupe, Roy Lichtenstein (né en 1923) est celui qui, clans des agrandissements d'images de bande dessinée, affiche le plus une volonté d'imitation littérale, feignant de reprendre jusqu'à la trame typographique alors qu'en fait il métamorphose l'image de base, la « déréalise », fait acte de créateur. Car cet art qui n'a que l'apparence de la simplicité est fait par des hommes cultivés, qui le parsèment de références plus ou moins explicites à dada, à Schwitters, à Magritte, à Duchamp. Tous revendiquent leur qualité d'artistes américains. Ils se savent les héritiers de la savoureuse tradition nationale du trompe-l'oeil, de celle de l'art naïf aussi, comme de peintres de la vie moderne des générations précédentes (Stuart Davis, Charles Dernuth...). Se défendant de toute dérision, ils tiennent que leur travail, reflet du quotidien, s'adresse à tous. Très vite le pop art va faire le tour du monde....
R. Lichtenstein, J. Johns, R. Rauschenberg, J. Rosenquist, T. Wesselmann et C. Oldenburg ont puisé leurs sujets dans la publicité et la bande dessinée avant que Warhol ne s'installe dans le paysage médiatique. ..
«Je peins simplement des choses qui m'ont toujours paru belles, des choses dont on se sert tous les jours sans y penser», les objets de consommation de masse élevés au rang d'oeuvre d'art, l'objet figuratif semble ainsi basculer ainsi dans le domaine abstrait ... - POPism is Warhol’s personal view of the Pop phenomenon in New York in the 1960s - Peintre, illustrateur, cinéaste, écrivain, Warhol est une star médiatique, symbole des années 1960-1980, dandy et provocateur, il est roi du pop art américain et s'empare des figures emblématiques de la société de la consommation, mettant au même niveau une boîte de conserve et une star. Le traitement en aplat à l'acrylique ou en sérigraphie et la duplication parfois en grand nombre participent de la nouveauté technique et plastique de son art...
Jasper John, "Flag", 1954-1955, MoMA, New-York
"Il y a eu deux manières d'interpréter mes tableaux du drapeau américain. La première est, - Il a peint un drapeau de manière à ce qu'on ne le voie pas comme un drapeau, mais comme une peinture. - La seconde est - La façon dont il a peint le drapeau fait qu'on peut |e voir comme un drapeau, et non pas comme une peinture..." - Comme son ami et collègue Robert Rauschenberg, avec qui il partagea un studio entre 1955 et 1960, Jasper Johns entreprit de déprécier, voire anéantir, la rhétorique grandiloquente de l'expressionnisme abstrait. Alors que Rauschenberg inondait ses toiles d'une imagerie clairsemée et hétérogène, Jasper préféra une méthode plus cérébrale axée sur un motif unique comme un drapeau, une cible ou une carte géographique. Cette reproduction du drapeau des États-Unis fit l'objet de nombreuses modifications subtiles dont l'utilisation par l'artiste de l'encaustique, un médium à base de cire qui sèche rapidement et crée une surface épaisse de type impasto à l'aspect presque expressionniste. L'utilisation de ce médium coupait court à la possibilité d'interpréter une marque comme l'expression de la subjectivité du peintre et conférait à l'oeuvre une matérialité inébranlable ...
Works : "Target with Four Faces" (1955), "Flag on Orange Field" (1957, Museum ludwig, Köln), "Three Flags" (1958, Collection of Whitney Museum of American Art, New York), "False Start" (1959) ..
Jasper John, "Map", 1961, MoMA, New-York
En 1435 dans son traité De pictura, Leon Battista Alberti suggérera qu'un tableau agissait essentiellement comme une fenêtre ouverte offrant une vue sur l'univers qu'elle encadre. Et jusqu'à l'apparition du modernisme durant la seconde moitié du XIXe siècle, la peinture se conforma à cette théorie , intrinsèquement créatrice d'illusion. Mais avec son répertoire de techniques de peinture radicales, le modernisme en vint à suggérer que la contiguïté entre le réel et l'illusoire n'allait pas de soi. La signification de "Map" réside dans sa capacité à mettre l'accent sur la différence entre ce qui est réel et ce qui est illusoire, au point que les deux paraissent presque irréconciliables. Et ce qui fascine dans l'oeuvre de Jasper John c'est sa sa capacité à réunir des mondes qui s'excluent, ici les univers à deux et trois dimensions, mais aussi différents plans de signification...
Works: : "Device" (1961-1962, Dallas Museum of Art), "According to What" (1964), "Studio" (1964, Collection of whitney Museum of American Art, New York), "Harlem Light", 1967 (Collection of David Whitney, New York), "Corpse and Mirror II" (1974), "Catenary (Jacob's Ladder)" (1999) ...
James Rosenquist, "President Elect", 1960-1961 (Pompidou, Paris)
Il ne s'agit pas de fabriquer des images populaires, mais par sa proximité immédiate avec le lieu commun visuel, le Pop américain va nourrir le flux de l'imagerie propre à la culture de masse sans autre distance. Rosenquist commente ainsi son oeuvre, "The face was from Kennedy's campaign poster. I was very interested at that time in people who advertised themselves. Why did they put up an advertisement of themselves? So that was his face. And his promise was half a Chevrolet and a piece of stale cake." Kennedy, symbole de l’abondance américaine d’après-guerre, représenté via une œuvre à grande échelle : Rosenquist combine des images via des imbrication et juxtapositions, montrant tout son savoir-faire dans l'illustration du politique et du social : un morceau de gâteau entre quelques montre à quel point ces différents sujets, de la voiture au candidat, sont également soigneusement commercialisés et rendus désirables ...
Works : "I love you with my Ford" (1961, Moderna Museet, Stockholm), "Marilyn Monroe, I" (1962), "House of Fire" (1981), "The Serenade for the Doll after Claude Debussy, Gift Wrapped Doll #16" (1992), "The Swimmer in the Econo-mist (Painting I)" (1998), "Stowaway Peers Out of the Speed of Light" (2000) ...
"Not all artists have ideas when they begin their paintings. Thinking ahead and planning out a painting was anathema to the abstract expressionists with their credo of spontaneity and impulse. Rauschenberg always said he never entered his studio with an idea. There is always the impulse to express things one has experienced. If you’ve had an unusual experience, you want to try to describe it in some sort of abstract way to someone else. From my experience in painting billboards, for example, I wanted to communicate that sensation of working on giant images outdoors, the exhilaration of being way up in the air with color and paint, and bring all that down into an art gallery. I had worked on a big billboard on top of the Latin Quarter; I had walked across all this glowing neon with ɻashing noises and I tried to duplicate that sensation in a piece of sculpture called Untitled (Catwalk). I took a big piece of plastic, painted it, and put it on a little footbridge of the door with ɻashing lights underneath it. I could never quite capture that feeling or experience even in a small way and eventually I destroyed the piece..." ("Painting Below Zero, Notes on a life in art", James Rosenquist, with David Dalton, 2009).
"Balcony" (1961), "The Light that Won't Fail I" (1972), Look Alive (Blue Feet, Look Alive), (1961), "Hey! Let’s Go for a Ride" (1961, Collection of Samuel and Ronnie Heyman, New York.), " 4 Young Revolutionaries" (1962) ...
Andy Warhol, "Twenty Marilyn", 1962
L'intérêt que porte Warhol à la répétition de l'image trouve son parfait moyen d'expression dans la sérigraphie, qui permet de reproduire une photographie sur un support en soie et d'en modifier les couleurs à volonté. Ici, le sujet est Marilyn Monroe, l'un des symboles du siècle, universellement connue tant par les rôles qu'elle a tenus à l'écran que par ses aventures sentimentales. Avec une apparente indifférence, Warhol aligne les Marilyn comme il le fait avec des boîtes de soupe Campbell. Marilyn Monroe et des boîtes de soupe s'équivalent : les images des magazines et la nourriture en boîte sont consommées de la même façon...
Roy Lichtenstein, "Forget it! Forget Me!", 1962, Rose Art Museum, Waltham
À l'instar de ses contemporains, Andy Warhol et Claès Oldenburg, Lichtenstein rejetait l'idée d'une spontanéité de l'artiste vu comme un génie créateur. À la place, il prônait un art- connu plus tard sous le nom de pop art- qui se caractérisait par des références explicites à la culture de masse et cherchait à saper le sérieux du "grand" art traditionnel. "Forget it I Forget me!" est un tableau empreint d'une ironie et d'une espièglerie qui transparaissent dans toutes les œuvres de Lichtenstein. Les couleurs y sont voyantes, presque criardes. Bien qu'ils aient été soigneusement dessinés à la main, les pointillés, qui confèrent au tableau sa
texture, suggèrent que celui-ci a été produit en série. Quant aux personnages, ce ne sont pas de fidèles représentations d'individus réels, mais des versions idéalisées de femmes et d'nommes. Avec son texte sous forme de bulle au contenu stéréotype et également équivoque, le tableau semble dénué de toute velléité de véhiculer une émotion véritable ou un sens profond. La scène est si convenue qu'elle semble plus familière qu'elle ne l'est. La "manière" de Lichtenstein consiste à critiquer la culture en reproduisant ses images les plus familières mais dans un autre contexte ..
Works: "Popeye" (1961), "Eddie Diptych" (1962), "Masterpiece" (1962, Collection Mr. & Mrs Melvin Hirsch, Beverly Hills, L.A.), "Drowning Girl" (1963, The Museum of Modern Art, New York), "Yellow Landscape" (1965, Kunstmuseum, St. Gallen, Switzerland), "Brushstrokes" (1967, The Art Institute of Chicago), "House II" (1997, Fabricated and painted aluminum, The National Gallery of Art, Washington DC)...
Roy Lichtenstein, "Takka Takka" (1962, Museum Ludwig, Köln), "Whaam!" (1963) ..
Comme nombre de ses oeuvres, le diptyque de Roy Lichtenstein "Whaam!" est l'adaptation d'une bande dessinée, issue ici de la série "All-American Men of War". Sur l'image de gauche, un avion de chasse américain tire une roquette, sur celle de droite le projectile frappe un autre avion. Si le tableau conserve l'essentiel des caractéristiques de la bande dessinée, le peintre en modifie plusieurs aspects pour rendre la composition plus dramatique : se plaçant sur différents plans, il va magnifier le chasseur à gauche et les flammes à droite, il agrandit démesurément la minuscule illustration de départ et en reproduit les couleurs primaires criardes, les contours noirs appuyés, donnant au final une impression de production mécanique industrielle...
Tom Wesselmann, "Bathtub Nude Number 3" (1963. Mixed media, Collection of Peter Ludwig, Wallraf-Richartz Museum, Cologne, West Germany). Une femme nue, debout dans une baignoire bleue, se sèche le dos, sa silhouette est aussi pâle que les murs, par rapport à l'intensité colorée des objets, panier à linge bleu, rideau de douche rouge, serviette éponge jaune posée sur une tringle chromée)...
Tom Wesselmann, "Still Life #35" (1963)
Wesselmann a certes rejeté l’étiquette du Pop art, mais cette pièce n'en demeure pas moins emblématique des années 1960 et s’intègre parfaitement dans le mouvement. Une image de l’Amérique du milieu du XXe siècle qui fait pourtant également référence aux natures mortes européennes traditionnelles avec ses fruits, légumes ou fleurs. Le cola Royal Crown, le pain blanc fabriqué en usine, le ragoût en conserve et un paquet de cigarettes apparaissent dans des couleurs brillantes sur une table avec un tissu rayé. Sur la gauche, une fenêtre nous révèle un jet commercial planant sur une mer émeraude dans un ciel bleu clair. Presque tous les produits sont des aliments génériques bon marché, fabriqués et emballés avec une marque et des logos distincts. ...
Works: "StillLife n°20, 1962 (Albrigt-Knox Art Gallery, Buffalo, NY) - ..
Tom Wesselmann, "Great American Nude Number 54" (1964. Museum moderner Kunst, Vienne).
Selon un procédé qui lui est familier, Wesselmann représente une jeune femme nue au corps nu bronzé sur lequel se découpent les marques plus claires de son bikini. Tandis que les pointes des seins et les poils pubiens sont toujours dans ses œuvres particulièrement mis en évidence, les traits des visages, hormis les lèvres, sont presque toujours absents. Des nus nus féminins à la fois provocants et dépersonnalisés. Dans "Great American Nude #2"1 (1961), sur le mur derrière elle se trouve un portrait du président récemment élu John F. Kennedy (une coupure de magazine). La petite amie de Wesselmann, Claire Selley, a été modélisée pour ce tableau. La couleur vibrante et la pose stylisée évoquent Matisse, et la structure du visage, une référence directe à de Kooning ..
Works: "Great American Nude No 98", 1967 - ...
James Rosenquist, "F-111" (1964-65, Oil on canvas with aluminum, twenty-three sections - The Museum of Modern Art, New York)
Conçu pendant la guerre du Vietnam, le plus ambitieux des collages de Rosenquist, le F-111 s’étend sur une longueur de 86 pieds sur 23 panneaux de toile et des sections d’aluminium, englobant tout le champ de vision du spectateur. Le tableau représente un avion de chasse F-111 à grande échelle que viennent interrompre des images dérivées de panneaux d’affichage et de publicités de l’époque aux couleurs à fort contrastes. Le bombardier F-111 représentait la dernière innovation technologique en matière de guerre, Rosenquist l'imaginait "flying through the flak of consumer society to question the collusion between the Vietnam death machine, consumerism, the media, and advertising" ...
Andy Warhol, "Electric Chair", 1964.
Chez Warhol, les images de marchandises ou de vedettes de l'écran sont inspirées par la même démarche que les images dramatiques telles que le portrait de Jacky Kennedy en deuil, lors des funérailles de son mari, ou encore les scènes de répression d`émeutes raciales. Ici, on voit une chaise électrique, dans une salle vide, qui semble attendre le prochain condamné. Mais la coloration de l'image atténue sa force et la revêt d'une patine mièvre, qui détourne l'attention du symbole de mort. On ne sait, en fin de compte, ce qui est le plus inquiétant : l'indifférence suscitée par l`image de Warhol ou la constatation que n'importe quelle image peut être vidée totalement de son contenu émotif en fonction des conditions de son exposition...
Robert Rauschenberg, "Retroactive II", 1964, collection Stefan T. Edlis.
Tenu pour l'un grand représentant du néodaïsme et l'un des grands précurseur du pop art, Robert Rauschenberg étudie, après la Seconde Guerre mondiale, dans diverses écoles américaines avant de venir à Paris, où il fréquente l'Académie Julian. En quête d'une nouvelle forme d'expression artistique, il se laisse séduire par le dadaïsme allemand (Kurt Schwitters, Hannah Höch), ses collages et son regard critique sur la société, ce qui l'incite à renouveler ce courant et l'inspire dans la création de collages destinés à contrer l'influence prédominante de l'art abstrait. C'est ainsi en incluant que dans ses premières oeuvres il inclut dans ses tableaux influencées par l'impressionnisme abstrait, des fragments du monde réel (journaux, photos, etc), les "combine paintings", tel "Magician II" (1959, collection Sonnabend, New York). ll est aussi influencé par les ready-made de Duchamp et parla musique engagée de John Cage, avec lequel il organise différentes manifestations, qui évoquent des spectacles improvisés. Mais il se recentre assez rapidement sur le thème de la vie urbaine aux États-Unis, qui ouvre la voie à un courant réaliste, dont naîtra le pop art. Ainsi ses oeuvres de grand format évoquant des collages mais représentant les différentes facettes de la vie urbaine, et plus particulièrement à New York. ll fait appel à des techniques diverses, comme le transfert avec solvant de photos d'actualité. Ses tableaux les plus connus sont ceux qui constituent le cycle "Retroactive". Tout en glorifiant des idoles américaines comme Kennedy, les astronautes ou les stars du sport, l'artiste porte un regard critique sur les tendances du moment; ses compositions sont alors une superposition d'événements hétérogènes....
Works : "Red Painting" (1953), "Canyon" (1959, Sonnaben Gallery, New York), "Tideline" (1963, Louisiana Museum), "Hedge" (1964) ...
Robert Rauschenberg, "Lock" (1964)
À partir des années 1950, Robert Rauschenberg réalisa des œuvres expérimentales, tel son célèbre tableau "Erase De Kooning Drawing" (1953) qu'il exécuta en gommant un dessin de De Kooning, défiant ainsi la définition de l'art généralement admise. Nombre de ses tableaux peuvent être associés à cette volonté, ainsi "Lock", constitué à l'aide de différents matériaux, peinture, coupures de journaux... Cette toile est l'emblème d'un nouveau style qui allait devenir caractéristique de l'oeuvre de l'artiste, et constitue pour lui une façon de se séparer de l'expressionnisme abstrait...
James Rosenquist, "The Friction Disappears" (1965, Smithsonian American Art Museum, Washington)
Au début de sa carrière, James Rosenquist peignit des panneaux d'affichage à Times Square, dans la ville de New York, mais c'est seulement en 1960 qu'il commença à réaliser des tableaux de grandes dimensions dans son atelier. Au moyen d'allusions intelligentes et subversives à notre monde de l'abondance, à la fabrication en série et à la sexualisation de la vente, l'artiste montre sous un angle plutôt optimiste le divorce entre société moderne et nature. Dans "The Friction Disappears" Rosenquist juxtapose deux produits qui symbolisent le bien-être de la modernité et la société de consommation : un plat préparé par un traiteur et une voiture. Les pâtes épaisses et lisses sur le coté supérieur gauche semblent se mélanger sans effort à la sauce tomate en boîte qui se trouve sur le fragment droit du tableau. Le produit par excellence de la société de loisir, la voiture, confère plus de structure à l'enchevêtrement de pâtes. Le mouvement de friction qui existe entre les deux est comparé à de l'énergie atomique. Une existence marquée par le développement du commerce, par le lustre et le bien-être permet donc de mener une vie sans friction apparente. Rosenquist est renommé pour son habileté à jouer des échelles, des couleurs et de la répétition des formes. En recourant a un réalisme extrême et à des agrandissements démesurés, il transforme les biens de consommation en objets abstraits, traduisant et exagérant la mentalité populaire qui modèle notre société moderne...
Works : "Untitled, Joan Crawford Says ..." (1964, Museum Ludwig, Köln) ...
Roy Lichtenstein, "M-Maybe", 1965, Cologne, Musée Ludwig
Roy Lichtenstein agrandit démesurément des vignettes de bandes dessinées, laissant ainsi apparaître la trame de l`image. Sorties de leur contexte et exposées sur le mur d'une galerie, ces images provoquent un effet d'étrangeté qui peut être diversement interprété.
Si l'absurdité de ces dialogues fragmentaires, qui acquièrent tout à coup une importance démesurée, relève d'une certaine ironie, l'attitude de l'artiste contient aussi une dénonciation de la pauvreté intellectuelle des mass media. Pour avoir fait entrer la bande dessinée dans le domaine de l'art, Lichtenstein a été considéré comme une sorte de père spirituel par les graffiteurs des années 1980, élevés à l`école de la bande dessinée...
Claes Oldenburg, "Soft light switch", 1966, Cologne, Musée Ludwig
Si Warhol vide les images de leur portée émotionnelle, Oldenburg les détourne. Les objets quotidiens prennent des dimensions monumentales ou sont traités avec des matières insolites : des pinces à linge ou des truelles géantes trônent au milieu des pelouses, comme des statues équestres ; des interrupteurs en matériaux mous perdent de leur consistance.
Works: "Pastry Case, I" (1961-62, Painted plaster, ceramic and metal - The Museum of Modern Art, New York), "Floor Cake" (1962, The Museum of Modern Art, New York), "V" (1966, Latex - Whitney Museum of American Art), "Lipstick Ascending on Caterpillar Tracks" (1969)...
Tom Wesselman, "Great American nude n°98", 1967, Cologne, Musée Ludwig
Les nus de Tom Wesselman (1931) et de Mel Ramos (1935) sont parodiques : les uns mettent en évidence les seins, le pubis et les lèvres; les autres reproduisent malicieusement les pin-up des affiches publicitaires ("Great American Nude n° 54", 1964). L'environnement est quelconque, salon ou chambre où apparaissent cependant aux murs des portraits de personnages historiques américains (George Washington et Abraham Lincoln dans les Still life nr. 3 et 28 de 1963) ou des tableaux, notamment de Paul Cézanne, Matisse, Mondrian, Motherwell ou Liechtenstein....
Tom Wesselman, "Smoker, 1 (Mouth, 12)" (1967), Metropolitan Museum of Art, New York.
Wesselmann commencera sa série de peintures de bouche en 1965. Cette grande toile représente une bouche monumentale avec une cigarette pendante de la lèvre inférieure. Une grande traînée de fumée grise jaillit de la pointe, et les lèvres rouges pleines contrastent fortement avec les dents blanches. Tout est trop parfait pour être réel. En se concentrant sur une partie du corps, le peintre renforce l’élément de fétichisme présent dans ses travaux antérieurs. Il poursuivra cette cette ligne dans les années 1970 avec sa série "Smoker Study" et "Seascapes". La série "Mouth" de Wesselmann inspirera l’un des logos de groupe les plus emblématiques de tous les temps, la couverture des Rolling Stones pour "Sticky Fingers", conçue en 1971 par le designer Ed Pasche ...
Works : "Monica Sitting with Mondrian" (1988), "Bedroom Painting #76" (1984-93), "Sunset Nude with Matisse Odalisque" (2003).
George Segal, "Film Poster", 1967, Colorado, collection Kimiko et John Powers
Une note d'amertume se retrouve dans les moulages de George Segal, qui rappellent le sentiment de solitude et d'abandon exprimé par la peinture d'Edward Hopper. Les personnages de Segal sont en effet figés dans des postures trahissant leur aliénation, jusque dans leurs activités les plus quotidiennes, qu'ils soient au bar, au cinéma ou encore dans le métro. Ainsi immobilisés et privés de traits individuels, ils se distinguent seulement par leurs vêtements et leurs coiffures (1964-1965, "Woman washing her Feet in a Sink", musée Ludwig, Cologne; 1965, "The Butcher Shop", musée des beaux-arts de l'Ontario, Toronto; 1966, "Movie House", centre Pompidou, Paris; 1967, "The Restaurant Window I, musée Ludwig, Cologne) ...
George Segal, "Homme qui marche", 1968. Saint Louis, collection M. et Mme M. B. Champs.
George Segal est sans cloute le seul artiste pop qui dénonce l`aliénation de la vie contemporaine sans aucune ambiguïté. Ses moulages en plâtre de figures humaines montrent l'anonymat dans lequel la société plonge les individus, qui paraissent se ressembler, mais qui, loin de se rencontrer, sont enfermés dans leur terrible solitude. Les sculptures de Segal annoncent les œuvres hyperréalistes de John De Andrea et de Duane Hanson : le premier dote ses créatures de cheveux paraissant plus vrais que nature et d'yeux en verre ; le second est l'auteur de la fameuse ménagère américaine, que l'on voit poussant son chariot à commissions, la cigarette aux lèvres, les bigoudis en bataille et les bas plissés.
Andy Warhol (1928-1987)
'Self Portrait", 1967, (Saatchi, Londres) - "Je m'intéresse encore aux hommes. Mais ce serait tellement plus simple de pouvoir s'en désintéresser. Il n'est pas facile de s'y intéresser. Je n'aime pas toucher aux choses. Je ne veux pas me mêler de la vie des autres. Je ne veux pas m'en approcher de trop près. C'est pourquoi mon oeuvre est éloigné de moi" - Tout en parodiant l'expressionnisme abstrait, Warhol s'empare de l'ïmagerie quotidienne pour dépeindre la société américaine dans tous ses aspects, biens de consommation (boîtes de conserve), finance (dollar), star-system (Elvis Presley, Marilyn Monroe, Liz Taylor), politique (Kennedy, Mao, Nixon), sport, faits divers (crash d`avion, accident de voiture, émeute raciale, suicide, fugitifs), en partant de photographies d'actualité. Si Pollock ou Bacon persistent à s'intéresser à la "réalité objective", c'est aux images évènementielles que s'attachent Warhol, des images rapides, brèves, fortes, et la perception peut ainsi osciller entre figuration et abstraction ...
Andrew Warhola, dit Andy Warhol (1928-1987), peintre américain, est né de parents d'origine slovaque, étudie la conception graphique au Carnegie Institute of Technology de Pittsburgh, puis, diplômé, gagne New York en 1949 où il devient un dessinateur publicitaire célèbre. Dans les années 1950, Warhol est alors sensible au retour de la figuration, alors que l'expressionnisme abstrait domine la peinture américaine. Dans ses créations publicitaires, il utilise une technique de décalcomanie sur buvard et parodie avec humour les objets de consommation, les recouvre d'or et d`argent ou les traitant de façon expressionniste. Il promeut notamment la "Chaussure Zsa Zsa Gahor" (1956, New York), mais rêve de devenir un «grand» artiste. Aussi, s'il fait bientôt siennes les valeurs du pop art et introduit la bande dessinée, «pour devenir un peintre célèbre, déclarera-t-il, j'ai décidé de prendre d`autres directions dans lesquelles je serai le premier». Ainsi décidera-t-il de s'emparer des objets de consommation du quotidien, qu`il agrandira grâce it l'épiscope à des formats inhabituels, et projettera sur une toile, puis ce seront ses sérigraphies, mécaniques et impersonnelles, sans profondeur, ses aplats de couleurs vifs et irréels....
En 1959, l'exposition «Sixteen Americans», qui se tient au M.O.M.A., regroupe R. Rauschenberg et J. Johns sous l'appellation de «pop art». Warhol adhère à cette démarche: "Dr Scholl" (1960, New York, M.O.M.A.), "Large Coca-Cola" (id. coll. part), "Bottle of perfume" (1961, New York, R. Miller Gallery), "Superman" (Paris, coll. G. Sachs). ll découvre par l'intermédiaire de R. Lichtenstein l'utilisation de la bande dessinée et se l'approprie: "Superman" (v. 1961, Paris).
L'année 1962 marque un tournant pour Warhol avec l'introduction de la sérigraphie: "Campbells Soup Cans" (1961-1962, Washington, N .G.) et "Big Campbell's Soup Cans, 19 cents" (1962, Houston, coll. Menil) connaissent un succès immédiat. Il compose ses premières séries: "200 Dollars Bills" (1962), "200 Campbell 's Soup Cans" (id.), "Green Coca-Cola Bottles" (1962, New York, Whitney Museum) et signe "129 Die in jet / Plane Crash" (1965, Cologne)...
Bientôt il immortalise, vers 1964, l'artiste systématise l'utilisation de la sérigraphie sur toile produite en série et l'applique aux images de stars : "Marilyn Diptych" (1962, Londres)," Liz Taylor" (1965, coll. part), "Triple Elvis" (1964, Richmond, Virginia), s'intéresse à la Joconde (Mona Lisa, 1965, New York, Blum Helman Gallery), poursuit son parcours avec "Marilyn" (1964, New York, M.O.M.A.), "Neuf Jackie" (id., New York), - Jackie Kennedy en épouse souriante puis en veuve -, "Elvis" (1965, Toronto, Art Gallery of Ontario). Mais tout autant s'intéresse aux Fleurs (Flowers, id., New York, coll. part.), au Papier peint (Cow Wallpaper, 1966, New York, coll. L. Castelli) et toujours aux produits alimentaires: "Brillo Box" (1964, New York, The Andy Warhol Fondation for Visual Arts), "Colored Campbell's Soup Cans" (1965, Waltham, Mass.). ll aborde les réalités les plus crues avec la série des "Electric Chair" (1964-1968) ...
Sans renoncer à son activité plastique, l'artiste au "Self-Portrait" (1967, coll. part.) se passionne pour le cinéma (Kiss), ses audaces de tournage marquent l'avant-garde cinématographique. C'est en 1965 qu'il tourne son premier film dans sa Factory, haut lieu de la culture new-yorkaise où il fait connaître le groupe rock Velvet Underground ....
En 1968, l'attentat dont il est victime lui inspire "Skull" (1976, New York, Fond. A. Warhol). Il se consacre alors aux commandes de la "Jet set: Ladies and Gentleman" (1975, Fond. A. Warhol), et introduit dans ses portraits des traces au pinceau: "Mao" (1972, Londres, coll. Saatchi), "Julia Warhol", sa mère (1974, New York, Fond. A. Warhol). Le voici pratiquant des expérimentations, "Oxidation Painting" (1982, Zurich), "Joseph Beuys" (1980, Berlin, coll. E. Marx), et peignant quelques séries dont "Dollar Sign" (1982, New York, gal. L. Castelli). En 1984, il compose "Rorschach", en 1986 "Campbell's Noodles Soup" (Salzbourg), "60 Last Suppers" (New York) et "Camouflage Self-Portrait" (id. New York) ...
Le cinéma underground, tourné ou produit par Andy Warhol, constitue une réaction polémique au cinéma hollywoodien. Il s'agit en effet d'un cinéma amateur, aux résultats imparfaits, qui propose des séries d'images obsessionnelles, à l'instar des toiles de Warhol : "Sleep"(1965-1964) montre pendant six heures un homme en train de dormir, alors qu' "Empire" (1964) présente pendant huit heures d'affilée le même plan de l'Empire State Building. Malgré l'absence de toute mise en scène et le jeu maladroit des acteurs non professionnels, certains films underground ("The Chelsea Girls", 1966 ; "Flash", 1968; "Trash", 1969) remportent un grand succès auprès du public. A l'opposé du cinéma hollywoodien, de son hyperréalisme que l'on peut jugé insipide et de l'impeccable professionnalisme de ses stars, ce cinéma imparfait et sommaire, qui donne à voir la banale quotidienneté de beaucoup de jeunes New-Yorkais, frappe par sa vraisemblance. Pour Andy Warhol, en revanche, ces films sont originaux parce qu'ils permettent de faire autre chose - comme manger, boire, fumer, notamment - sans jamais rien perdre de la trame...
Andy Warhol, Chelsea girl, 1966
Pierre angulaire du cinéma underground américain, "Chelsea Girls" est le chef-d'œuvre cinématographique du maître du pop art. Ce film expérimental est son premier succès commercial. ll passe en revue les icônes de sa « Factory ››. Ondine ou Nico. Le film est composé de douze bobines de 35 minutes, chacune montrant ce qui se passe dans une chambre du Chelsea Hotel, 222 Ouest, 23e Rue. Deux projections simultanées se partagent l'écran, ce qui ramène la durée du film à 3 heures. Aucun montage. Chaque personnalité de l'entourage de Warhol (junkies, travestis, homosexuels et stars du rock) agit au gré de sa fantaisie sous l'oeil impitoyable de la caméra. Certains se droguent, d'autres s'envoient en l'air, le tout sur fond de musique prodigué par les protégés de Warhol, le groupe The Velvet Underground, mené par Lou Reed...
Chelsea Girl; est un fascinant document, révélateur de la contre-culture de l'époque...