Thérapie cognitive - Aaron Beck (1921-2021), "The diagnosis and management of depression" (1967), "Cognitive therapy and the emotional disorders" (1975) - David D. Burns, "Feeling Good: The New Mood Therapy" (1980) - Donald Meichenbaum (1940), "Cognitive-Behavior Modification" (1977), "Stress Inoculation Training" (1985) - Steven C. Hayes (1948), "Acceptance and Commitment Therapy: An Experiential Approach to Behavior Change" (1999), "Get Out of Your Mind and Into Your Life" (2005) - ...
Last update : 11/11/2022
Les contributions d’Aaron Beck à la thérapie cognitive et au développement de la TCC (thérapie cognitive comportementale), publiées dès 1967 dans "Depression Causes and treatment" (1967), ont transformé le paysage du traitement psychologique. L'importance qu'il donne aux processus cognitifs, à la validation empirique et aux relations thérapeutiques collaboratives a fourni des outils précieux aux thérapeutes et à leurs patients. Bien que son travail ait fait l’objet de critiques, notamment en ce qui concerne les limites des approches cognitives pour certains patients et catégories de troubles, l’impact global du travail de Beck demeure profond dans le domaine de la psychologie.
Pour la thérapie cognitive, à la différence de la thérapie psychanalytique, la clé d'un traitement efficace (positif) ne se situe pas dans l'inconscient ou dans le rapport personnel que l'on entretient avec son thérapeute, mais dans l'examen de la façon dont un trouble se manifeste dans les perceptions d'un patient...
Après s'être imposée comme un domaine d'étude distinct, la psychologie, au tournant du
XXe siècle se résumait à deux grandes écoles de pensée, le béhaviorisme, une psychologie expérimentale issue des expériences d' Ivan Pavlov (et qui, aux États-Unis, rencontra un énorme succès), et une psychologie clinique fondée sur l'approche psychanalytique de Sigmund Freud et de ses disciples. Deux courants qui avaient peu de choses en commun. D'une part, des béhavioristes rejetaient l'approche philosophique et introspective des psychologues qui les avaient précédés au profit des méthodes scientifiques; et d'autre part, des psychanalystes défendant des méthodes introspectives en s'appuyant plus sur des hypothèses théoriques plus que sur de véritables preuves.
Au milieu du XXe siècle, alors que le béhaviorisme commençait à être dépassé sur le plan expérimental par la psychologie cognitive, la sphère clinique semblait n'offrir aucune alternative au modèle psychanalytique. La psychothérapie avait certes évoluée en plusieurs courants, mais tous restaient fondés sur la psychanalyse et la fameuse exploration de l'inconscient. C'est alors que certains psychologues, dont Aaron Beck, commencèrent a remettre en question la validité de ce type de thérapie...
Aaron Beck obtint son diplôme de psychiatre, en 1953, dans un contexte en pleine évolution : la psychologie expérimentale se focalisait désormais sur l'étude des processus mentaux. Premiers pas de la fameuse "révolution cognitive", mais qui ne se distinguait encore d'une approche béhavioristes que par l'exigence d'une plus grande rigueur et si ce n'est dans ces efforts de théorisation. Beck étudia et pratiqua dans un premier temps la psychanalyse, mais l'homme était un pragmatique, les résultats obtenus très concrètement par cette thérapie ne lui parurent que très peu satisfaisant et les psychanalystes qu'il interrogeait lui laissèrent supposer que leur "science" était plus un acte de foi qu'une véritable thérapie. La réputation d'un analyste reposait fréquemment sur le charisme de l'homme. Sa candidature à l'American Psychoanalytic Institute ne fut-elle pas refusée au motif que son «désir de mener des études de manière scientifique indiquait qu'il n'avait pas été correctement analysé..."
On connaît le fil de la critique dominante des psychanalystes à l'encontre des thérapies qui n'empruntent pas leur cheminement : ces thérapeutes ne traitent que les symptômes et non les causes. Les améliorations constatées de la qualité de vie de nombre de patients apporteront une précieuse contribution au bien-fondé de ces nouvelles techniques, et notamment de la thérapie comportementale moderne ...
"Depression: Causes and Treatment" (1967)
Cet ouvrage est l’une des premières études de la dépression à travers une perspective cognitive. Beck y décrit la "triade cognitive", un modèle selon lequel les patients déprimés manifestent des pensées négatives envers eux-mêmes, le monde, et l’avenir. Bien que novateur, l'ouvrage fut critiqué pour son manque de base empirique suffisamment robuste à l’époque. La consolidation de l'argumentaire ne vint qu'en 1979 ...
La dépression étant l'une des raisons les plus fréquentes d'entreprendre une psychothérapie, c'est dans ce domaine que Beck se lança dans une série d'expériences qui constituèrent le cadre de sa "thérapie cognitive" : il démontra que cette pathologie pouvait être traitée autrement que par un examen des émotions, des pulsions inconscientes et des refoulements, en travaillant sur la perception même du patient. "Il y a plus de choses en surface que l'œil ne peut en voir", écrira-t-il, les manifestations immédiates de la dépression - les pensées automatiques négatives - fournissent bien des informations utiles à la thérapie et, en les examinant et en les comparant avec une vision rationnelle et objective de la même situation, le patient peut reconnaître combien sa perception est déformée. Ce n'est pas la situation qui provoque la dépression mais la perception qu'en a le patient. La thérapie cognitive peut l'aider a reconnaître ses préjugés, en corrigeant ses croyances erronées, il peut tempérer ses réactions excessives et à voir sa situation dans une perspective plus ouverte ou plus réaliste. Et ces "pensées automatiques" négatives, comme les appelaient Beck ("ce travail est trop difficile, je n'y arriverai pas"), l'amenèrent à conclure que la façon dont les patients se percevaient - la cognition qu'ils avaient d'eux-mêmes - n'était pas seulement un symptôme de la dépression mais, aussi, la clé d'une thérapie efficace ...
Issue de la "thérapie cognitive de la dépression" développée par Aaron Beck dans les années 1960, la "thérapie cognitive" (TC) repose sur l'idée que nos pensées influencent fortement nos émotions et comportements. Centrée sur la modification des pensées négatives ou dysfonctionnelles, elle entend réduire les symptômes émotionnels et comportementaux associés, comme l'anxiété ou la dépression.
L'approche de la Thérapie Cognitive emporte les principes suivants :
- Toutes nos émotions sont générées par nos « cognitions » ou pensées. La façon dont nous nous sentons à un moment donné est due à ce que nous pensons.
- La dépression est la pensée constante de pensées négatives.
- La majorité des pensées négatives qui nous causent des troubles émotionnels sont tout simplement fausses ou du moins des distorsions de la vérité, mais nous les acceptons sans aucune question.
D'où,
- Identification des pensées automatiques : Les pensées automatiques sont des pensées spontanées et souvent inconscientes qui influencent notre perception des situations. .
- Détection des distorsions cognitives - Les pensées automatiques dysfonctionnelles sont souvent basées sur des distorsions cognitives.
- Restructuration cognitive - Cette étape consiste à remettre en question et à reformuler les pensées dysfonctionnelles. Le thérapeute encourage la personne à analyser ses pensées pour vérifier si elles sont basées sur des faits ou si elles sont biaisées.
- Expérimentation comportementale - Pour valider ou invalider les croyances négatives, le thérapeute peut proposer des exercices ou des expériences dans la vie quotidienne.
La Thérapie Cognitive a été appliquée à de nombreux troubles :
- Dépression : en aidant les patients à identifier les pensées négatives et à les reformuler.
- Troubles anxieux : en s'attaquant aux pensées catastrophiques et en restructurant les biais de danger perçus.
- Troubles obsessionnels compulsifs : en travaillant sur les croyances irrationnelles qui sous-tendent les obsessions et compulsions.
La thérapie cognitive est souvent intégrée à une approche plus large appelée thérapie cognitive comportementale (TCC). Cette approche combine des interventions cognitives (centrées sur les pensées) avec des techniques comportementales, telles que l’exposition graduelle pour les phobies, pour produire des changements durables.
Ces idées, formulées dans les années 1960, s'inscrivait dans le droit fil des développements de la psychologie expérimentale, qui avait réussi à imposer la psychologie cognitive par l'étude des "processus mentaux", dont la perception. Et en appliquant un modèle cognitif au traitement de la dépression, Beck découvrit que le premier pas pour surmonter cette maladie, c'était d'aider les patients à reconnaître et à évaluer les distorsion de leurs perceptions.
A l'encontre de la psychanalyse conventionnelle, la thérapie cognitive de Beck semblait fonctionner pour un grand nombre de patients. Mieux, Beck pouvait apporter la démonstration de son "efficacité" en établissant scientifiquement les preuves empiriques de ses résultats : il avait conçu en effet des fiches d'évaluation permettant de suivre pas à pas les progrès de ses patients.
Beck a sans doute été influencé par les travaux d'Albert Ellis (1913-2007), qui avait développé la "thérapie comportementale rationnelle émotive" au milieu des années 1950, ainsi que par les recherches des béhavioristes du monde entier, parmi lesquels les Sud-Africains Joseph Wolpe (1915-1997), célèbre pour ses travaux sur la "désensibilisation systématique" ("Psychoterapy by reciprocal inhibition", 1958), et Arnold A. Lazarus (1932-2013), créateur de la thérapie dite multimodale. Des approches différentes de celle de Beck mais une méthodologie scientifique et un même rejet de l'importance accordée aux causes inconscientes des troubles mentaux et émotionnels.
Beck étendit par la suite sa découverte au traitement des troubles de la personnalité, et même de la schizophrénie, et intégra des éléments de la thérapie béhavioriste dans sa pratique ...
"Cognitive Therapy and the Emotional Disorders", Aaron T. Beck (1979)
"Landmark work on how erroneous thinking can lead to depression, from the founder of cognitive therapy" - œuvre fondatrice dans le champ de la psychologie clinique et tournant dans la compréhension et le traitement des troubles émotionnels. Cet ouvrage est l'un des premiers à formaliser ce qui est devenu la thérapie cognitive, en offrant une nouvelle approche pour traiter la dépression, l'anxiété et d'autres troubles affectifs; et en introduisant une méthode thérapeutique concrète, structurée et empirique, avec un accent particulier sur la relation entre pensées et émotions...
- Théorie cognitive des émotions et des troubles émotionnels (Cognitive Theory of Emotions and Emotional Disorders)
Beck propose l'idée que les troubles émotionnels, comme la dépression et l'anxiété, sont largement le résultat de pensées dysfonctionnelles ou "distorsions cognitives" (cognitive distortions). Il suggère que la façon dont les individus interprètent les événements – leurs pensées automatiques (automatic thoughts) – influence directement leurs émotions. Selon Beck, les émotions négatives découlent de pensées irrationnelles ou biaisées, comme des croyances négatives sur soi, le monde et l'avenir (la "triade cognitive").
- Distorsions cognitives (Cognitive Distortions)
Beck identifie des schémas de pensée négatifs ou erronés récurrents, appelés distorsions cognitives, qui caractérisent les personnes souffrant de dépression, d'anxiété et d'autres troubles émotionnels. Parmi ces distorsions, on trouve la surgénéralisation, la personnalisation, la pensée "tout ou rien" (all-or-nothing), et le catastrophisme. En prenant conscience de ces schémas de pensée et en les corrigeant, les individus peuvent potentiellement réduire leurs symptômes émotionnels.
- Thérapie cognitive structurée et directives pratiques (Structured Therapy and Practical Guidelines)
Contrairement aux approches plus traditionnelles de la psychothérapie, Beck propose une thérapie structurée et orientée vers les objectifs, centrée sur la résolution des problèmes actuels du patient (a structured, goal-oriented therapy focused on addressing the patient’s current problems). Cette approche se distingue par un cadre directif, où le thérapeute aide le patient à identifier et corriger ses pensées irrationnelles en utilisant des techniques pratiques comme le questionnement socratique et la restructuration cognitive. Cela a conduit à une évolution vers une thérapie plus courte et plus ciblée que les thérapies psychanalytiques traditionnelles.
- L'impact thérapeutique des croyances et des schémas cognitifs (Therapeutic Impact of Beliefs and Cognitive Schemas)
Beck étend la théorie cognitive en introduisant le concept de schémas cognitifs, c’est-à-dire des structures profondes de croyances formées par les expériences passées et influençant la façon dont les individus interprètent la réalité. Selon Beck, ces schémas sont particulièrement rigides chez les personnes atteintes de troubles émotionnels. Le travail thérapeutique consiste à identifier et à modifier ces schémas pour promouvoir un mode de pensée plus équilibré et réaliste.
- Les fondations d’une approche scientifique et empirique en psychothérapie (Foundations for a Scientific, Empirical Approach in Psychotherapy)
Beck insiste sur la validation scientifique des techniques thérapeutiques, en utilisant la recherche empirique pour démontrer l'efficacité de la thérapie cognitive. Cet aspect a largement contribué à faire de la thérapie cognitive (et, plus tard, de la thérapie cognitivo-comportementale, ou TCC; cognitive-behavioral therapy, or CBT) une des approches les plus validées et respectées en psychothérapie contemporaine.
- Changement de paradigme dans le traitement des troubles mentaux (A Paradigm Shift in Treating Mental Disorders)
Le modèle de Beck a ouvert la voie à un changement fondamental dans le traitement des troubles mentaux, en se concentrant non plus uniquement sur les aspects inconscients et les conflits internes comme dans la psychanalyse, mais en mettant l'accent sur les processus de pensée conscients et accessibles (conscious thought processes). Cette approche plus pragmatique et centrée sur le présent a contribué à rendre la thérapie cognitive populaire, et elle est devenue un pilier dans le traitement des troubles dépressifs et anxieux.
COMPARISON WITH PSYCHOANALYSIS ...
A comparison of psychoanalysis with cognitive therapy indicates a substantial area of overlap.
In both therapies the patient is asked to make introspective observations regarding his thoughts, feelings, and wishes, and to report them. These data form the base for the therapist’s formulations regarding intrapsychicproblems. In this sense, both forms of therapy are insight therapies.
Insight is a cognitive process consisting of identifying thoughts, feelings, and wishes and making psychological connections among them; it includes ascertaining meaningful relations between life events and psychological reactions. The therapist attempts to delineate basic patterns that may account for a diversity of emotional reactions and maladaptive overt behaviors. Both cognitive and psychoanalytic therapy are concerned with uncovering the meanings people attach to their environment, to other people, and to internal experiences. Identifying intrapsychic phenomena and acquiring understanding are cognitive processes central to both of these therapies.
Une comparaison de la psychanalyse avec la thérapie cognitive montre un domaine important de convergence. Dans les deux thérapies, on demande au patient de faire des observations introspectives sur ses pensées, ses sentiments et ses désirs, et de les signaler. Ces données constituent la base des formulations du thérapeute concernant les problèmes intrapsychiques. En ce sens, les deux formes de thérapie sont des thérapies d'introspection.
L'introspection est un processus cognitif qui consiste à identifier les pensées, les sentiments et les souhaits et à établir des liens psychologiques entre eux ; il s'agit notamment d'établir des relations significatives entre les événements de la vie et les réactions psychologiques. Le thérapeute tente de délimiter des schémas de base qui peuvent expliquer une diversité de réactions émotionnelles et de comportements manifestes inadaptés. Les thérapies cognitives et psychanalytiques s'attachent toutes deux à découvrir les significations que les gens attachent à leur environnement, aux autres personnes et à leurs expériences internes. L'identification des phénomènes intrapsychiques et l'acquisition d'une compréhension sont des processus cognitifs au cœur de ces deux thérapies.
Both forms of therapy, moreover, attempt to achieve structural change. Unlike behavior therapy, the insight therapies assume that a lasting modification in a person’s aberrant reactions depends on more profound personality change than simply unlearning a bad habit. The insight therapies aim at a reorganization of personality structure so that the patient is better able to harmonize his own needs and drives and to deal with external demands and difficulties in a more successful way. In order to achieve this objective and to prepare the patient for other stresses that are likely to occur in the future, the therapist seeks to eliminate or reduce components of the patient’s personality that interfere with the use of problem-solving techniques he already possesses and to help him acquire new adaptive techniques.
En outre, les deux formes de thérapie tentent de parvenir à un changement structurel. Contrairement à la thérapie comportementale, les thérapies de l'introspection partent du principe qu'une modification durable des réactions aberrantes d'une personne dépend d'un changement de personnalité plus profond qu'un simple désapprentissage d'une mauvaise habitude. Les thérapies de l'introspection visent à réorganiser la structure de la personnalité afin que le patient soit mieux à même d'harmoniser ses propres besoins et pulsions et de faire face aux exigences et difficultés extérieures avec plus de succès. Afin d'atteindre cet objectif et de préparer le patient à d'autres stress susceptibles de survenir dans le futur, le thérapeute cherche à éliminer ou à réduire les composantes de la personnalité du patient qui interfèrent avec l'utilisation des techniques de résolution de problèmes qu'il possède déjà et à l'aider à acquérir de nouvelles techniques adaptatives.
Both psychoanalysis and cognitive therapy attempt to produce such structural change by modifying the cognitive organization that produces unrealistic thinking. The psychoanalytic interest in immature thinking dates back to Freud’s (1900) concept of the primary process; Sullivan (1954) labelled such thinking “parataxic distortion.” Cognitive therapy is much more explicit than psychoanalysis with regard to the goal of modifying unrealistic thoughts. The cognitive therapist is more meticulous than the psychoanalyst in searching for, identifying, and examining faulty cognitive responses (automatic thoughts) and the underlying belief system.
La psychanalyse et la thérapie cognitive tentent toutes deux de produire un tel changement structurel en modifiant l'organisation cognitive qui produit des pensées irréalistes. L'intérêt psychanalytique pour les pensées immatures remonte au concept de processus primaire de Freud (1900) ; Sullivan (1954) a qualifié ces pensées de « distorsion parataxique ». La thérapie cognitive est beaucoup plus explicite que la psychanalyse en ce qui concerne l'objectif de modifier les pensées irréalistes. Le thérapeute cognitif est plus méticuleux que le psychanalyste dans la recherche, l'identification et l'examen des réponses cognitives défectueuses (pensées automatiques) et du système de croyances sous-jacent.
Both cognitive therapy and psychoanalysis depend on “working through” intrapsychic problems. Although the specific character of this repetitive operation is different in the two therapies, there appears to be a common component. As the analyst persistently interprets unconscious fantasies and motivations and “resistance” to insight, he is continuallychipping away at the patient’s maladaptive attitudes. His attack on the unrealistic attitudes may be indirect but, nonetheless, powerful. When the analyst makes observations or asks probing questions, he implies that the attitudes are unrealistic and induces the patient to question the validity of the attitudes; for example: (a) “I wonder why you consider all authorities omnipotent.” (b) “You seem to repress any thoughts about being more aggressive.” (c) “Is it possible that you regard yourself as worthless because you felt guilty as a child for your hostility to your father and sexual attraction to your mother?”
When confronted with statements such as these, the patient is likely to start examining his entrenched beliefs. The analyst’s exploratory probes encourage the patient to challenge his unreasonable ideas: (a) “Perhaps I am wrong in thinking my professors are so powerful and I am so weak and helpless.” (b) “I guess that being aggressive is not as dangerous as I thought…I can probably be more aggressive and get away with it.” (c) “He [the analyst] apparently does not regard me as worthless; I just think I’m worthless because of what happened in my childhood.”
La thérapie cognitive et la psychanalyse reposent toutes deux sur le « travail à travers » les problèmes intrapsychiques. Bien que le caractère spécifique de cette opération répétitive soit différent dans les deux thérapies, il semble y avoir une composante commune. En interprétant avec persistance les fantasmes et les motivations inconscients ainsi que les « résistances » à la compréhension, l'analyste s'attaque continuellement aux attitudes inadaptées du patient. Son attaque des attitudes irréalistes peut être indirecte mais néanmoins puissante. Lorsque l'analyste fait des observations ou pose des questions d'approfondissement, il laisse entendre que les attitudes sont irréalistes et incite le patient à remettre en question la validité de ces attitudes ; par exemple : (a) « Je me demande pourquoi vous considérez toutes les autorités comme omnipotentes. » (b) « Vous semblez refouler toute idée d'être plus agressif. » (c) « Est-il possible que vous vous considériez comme un être sans valeur parce que, enfant, vous vous sentiez coupable de votre hostilité envers votre père et de votre attirance sexuelle envers votre mère ?
Lorsqu'il est confronté à de telles affirmations, le patient est susceptible de commencer à examiner ses croyances bien ancrées. Les questions exploratoires de l'analyste encouragent le patient à remettre en question ses idées déraisonnables : (a) « J'ai peut-être tort de penser que mes professeurs sont si puissants et que je suis si faible et impuissant ». (b) « Je suppose qu'être agressif n'est pas aussi dangereux que je le pensais... Je peux probablement être plus agressif et m'en sortir. » (c) « Il [l'analyste] ne me considère apparemment pas comme une personne sans valeur ; je pense simplement que je suis sans valeur à cause de ce qui s'est passé dans mon enfance. »
The following case illustrates how an interpretation—whether accurate or not—impels a person to regard his irrational ideas in a different light. A patient who had a fear of heights was told by his analyst, “Your fear of going to the top of a building is based on your fear of getting to the top of your profession. You are afraid—on an unconscious level—that if you reach the top, you will be castrated. As a child, you were afraid that if you beat out your father, he would cut off your penis. Now any success has the same meaning.”
In a subsequent discussion with me, the patient reported having had the following thoughts following his analyst’s interpretation: “I’m not really afraid of going to the top of the building. I’m afraid of having my penis cut off…That’s pretty foolish.” This line of reasoning convinced him there was no objective danger. He was then motivated to experiment with taking an elevator to the top of high buildings. Whenever he felt anxiety during these “experiments,” he repeated to himself, “I don’t have to be afraid. I just have this hang-up about being castrated.”
Le cas suivant illustre comment une interprétation, qu'elle soit exacte ou non, amène une personne à considérer ses idées irrationnelles sous un jour différent. Un patient qui avait le vertige s'est entendu dire par son analyste : « Votre peur d'aller au sommet d'un immeuble est basée sur votre peur d'arriver au sommet de votre profession. Vous avez peur, à un niveau inconscient, d'être castré si vous atteignez le sommet. Enfant, vous aviez peur que votre père vous coupe le pénis si vous le battiez. Aujourd'hui, tout succès a la même signification ».
Lors d'une discussion ultérieure avec moi, le patient a rapporté avoir eu les pensées suivantes suite à l'interprétation de son analyste : « Je n'ai pas vraiment peur d'aller au sommet de l'immeuble. J'ai peur qu'on me coupe le pénis... C'est assez stupide. » Ce raisonnement l'a convaincu qu'il n'y avait pas de danger objectif. Il a alors été motivé pour faire l'expérience de prendre un ascenseur jusqu'au sommet des grands immeubles. Chaque fois qu'il ressentait de l'anxiété au cours de ces « expériences », il se répétait : « Je n'ai pas à avoir peur. J'ai juste cette appréhension d'être castré ».
The potency of psychoanalytic probing and interpretations of unconscious meanings lies in their persuasive attack on the conscious beliefs. The patient, consequently, goes through a sequence of steps that undermine his erroneous concepts. First, he opens up for inspection a previously closed belief system consisting of notions such as: All authorities are omnipotent; aggressiveness is dangerous; I am worthless; and heights are hazardous. Fortified by increasing confidence that his concerns may be irrational, he becomes more assertive with authority figures, more aggressive, more venturesome in riding elevators, and so on. As a result of taking positive action, he observes that his negative expectations were wrong. Repetition of such actions provides a substantive learning experience and subsequently modifies his misconceptions.
La puissance de l'exploration psychanalytique et des interprétations des significations inconscientes réside dans leur attaque persuasive des croyances conscientes. Le patient passe donc par une série d'étapes qui sapent ses concepts erronés. Tout d'abord, il ouvre à l'inspection un système de croyances précédemment fermé, composé de notions telles que : Toutes les autorités sont omnipotentes, l'agressivité est dangereuse, je ne vaux rien et les hauteurs sont dangereuses. Fort de la conviction croissante que ses inquiétudes peuvent être irrationnelles, il s'affirme davantage auprès des figures d'autorité, devient plus agressif, s'aventure davantage dans les ascenseurs, etc. En prenant des mesures positives, il constate que ses attentes négatives étaient erronées. La répétition de ces actions constitue une expérience d'apprentissage substantielle et modifie par la suite ses idées fausses.
Although cognitive therapy has borrowed—and transformed—many psychoanalytic concepts, there are obvious differences between these two systems of psychotherapy. In contrast to psychoanalysis, cognitive therapy deals with what is immediately derivable from conscious experience. The cognitive therapist does not look for hidden meanings in the patient’s thoughts, whereas the psychoanalyst deals with them as symbolic transformations of unconscious fantasies. By staying close to the patient’s conscious ideas, the cognitive therapist has certain advantages over the analyst.
Bien que la thérapie cognitive ait emprunté - et transformé - de nombreux concepts psychanalytiques, il existe des différences évidentes entre ces deux systèmes de psychothérapie. Contrairement à la psychanalyse, la thérapie cognitive s'intéresse à ce qui est immédiatement dérivable de l'expérience consciente. Le thérapeute cognitif ne cherche pas de sens caché dans les pensées du patient, alors que le psychanalyste les aborde comme des transformations symboliques de fantasmes inconscients. En restant proche des idées conscientes du patient, le thérapeute cognitif a certains avantages sur l'analyste.
First, since the discussions center around concepts that are essentially within the patient’s awareness, the therapist’s inferences, connections, and generalizations are readily comprehensible to the patient. Consequently, the patient is able to fit the formulations directly to conscious experiences or to reshape the formulation to fit the data. Therapist and patient actively collaborate to work out the formulation that “feels right” to the patient and discard the ill-fitting formulations. The “superficial” formulations of the cognitive therapist, in contrast to the “deep” interpretations of the analyst, may be continually tested, rejected, or refined by the patient in his experiences outside therapy. The analyst’s interpretations of unconscious processes, on the other hand, do not allow for invalidation by the patient. In fact, the patient’s rejection of an interpretation is regarded as a sign of “resistance.”
Tout d'abord, comme les discussions sont centrées sur des concepts qui sont essentiellement à la portée de la conscience du patient, les déductions, les connexions et les généralisations du thérapeute sont facilement compréhensibles pour le patient. Par conséquent, le patient est en mesure d'adapter les formulations directement à ses expériences conscientes ou de remodeler la formulation pour l'adapter aux données. Le thérapeute et le patient collaborent activement à l'élaboration de la formulation qui convient au patient et à l'élimination des formulations qui ne conviennent pas. Les formulations « superficielles » du thérapeute cognitif, contrairement aux interprétations « profondes » de l'analyste, peuvent être continuellement testées, rejetées ou affinées par le patient dans ses expériences en dehors de la thérapie. Les interprétations des processus inconscients par l'analyste, en revanche, ne permettent pas au patient de les invalider. En fait, le rejet d'une interprétation par le patient est considéré comme un signe de « résistance ».
Second, since collection and use of data in cognitive therapy do not require much time, this approach allows for brief psychotherapy. Hence, it is economical. In many cases, short-term, structured cognitive therapy may take only ten to twenty sessions (Rush, Beck, et al., 1975).
Third, the tenets of cognitive therapy and theory are readily researchable. It is easy to define operationally the various hypotheses related to the cognitive model and then to subject them to experimental manipulations. Experimental and correlational studies are readily conducted on the basis of available research techniques; a number of such studies were presented earlier. Moreover, outcome studies are easily conducted because the principles of cognitive therapy can be systematized within a relatively uniform set of therapeutic procedures (D’Zurilla, Wilson, and Nelson, 1973; Di Loretto, 1971; Goldfried, Decenteceo, and Weinberg, 1974; Meichenbaum, 1974; Holroyd, 1975; Rush, Khatami, and Beck, 1975; Taylor, 1974; Shaw, 1975).
Deuxièmement, comme la collecte et l'utilisation des données dans le cadre de la thérapie cognitive ne nécessitent pas beaucoup de temps, cette approche permet une psychothérapie brève. Elle est donc économique. Dans de nombreux cas, une thérapie cognitive structurée à court terme peut ne nécessiter que dix à vingt séances (Rush, Beck, et al., 1975).
Troisièmement, les principes de la thérapie et de la théorie cognitives peuvent facilement faire l'objet de recherches. Il est facile de définir de manière opérationnelle les diverses hypothèses liées au modèle cognitif et de les soumettre ensuite à des manipulations expérimentales. Les études expérimentales et corrélationnelles sont facilement réalisables sur la base des techniques de recherche disponibles ; un certain nombre d'études de ce type ont été présentées précédemment. De plus, les études de résultats sont faciles à réaliser car les principes de la thérapie cognitive peuvent être systématisés dans un ensemble relativement uniforme de procédures thérapeutiques (D'Zurilla, Wilson et Nelson, 1973 ; Di Loretto, 1971 ; Goldfried, Decenteceo et Weinberg, 1974 ; Meichenbaum, 1974 ; Holroyd, 1975 ; Rush, Khatami et Beck, 1975 ; Taylor, 1974 ; Shaw, 1975).
Finally, cognitive therapy is much more easily teachable than is psychoanalysis.5 Because most of the concepts of cognitive therapy are consistent with commonly shared notions of human nature, the neophyte therapist can readily assimilate them. Also, the ease with which the principles can be defined and operationalized facilitates communication among teachers, students, and researchers.
Cognitive therapy differs from psychoanalysis in a number of other ways. In contrast to the elaborate theoretical infrastructure of psychoanalysis, cognitive therapy rests on a limited number of relatively simple assumptions about the psychological organization. Reified abstractions such as id, ego, and superego are dispensed with. The complex psychoanalytic concept of the unconscious, a postulated mental organization that is not only remote from conscious experience but consists of ideas and wishes antagonistic to conscious cognition, is drastically modified: Cognitive therapy treats awareness as a continuum rather than as a dichotomy separating conscious from unconscious experience.
Enfin, la thérapie cognitive est beaucoup plus facile à enseigner que la psychanalyse.5 Comme la plupart des concepts de la thérapie cognitive sont cohérents avec les notions communément partagées de la nature humaine, le thérapeute néophyte peut facilement les assimiler. De plus, la facilité avec laquelle les principes peuvent être définis et opérationnalisés facilite la communication entre les enseignants, les étudiants et les chercheurs.
La thérapie cognitive diffère de la psychanalyse à bien d'autres égards. Contrairement à l'infrastructure théorique élaborée de la psychanalyse, la thérapie cognitive repose sur un nombre limité d'hypothèses relativement simples concernant l'organisation psychologique. Les abstractions réifiées telles que le ça, l'ego et le surmoi sont supprimées. Le concept psychanalytique complexe de l'inconscient, une organisation mentale postulée qui est non seulement éloignée de l'expérience consciente, mais qui consiste en des idées et des souhaits antagonistes à la cognition consciente, est radicalement modifié : La thérapie cognitive traite la conscience comme un continuum plutôt que comme une dichotomie séparant l'expérience consciente de l'expérience inconsciente.
Although cognitive therapy—like psychoanalysis—emphasizes the meaning of events, it is concerned with conscious rather than hidden symbolic meanings. For instance, a patient’s belief that the reason he is afraid of guns is because of the risk they might fire accidentally and injure him would be accepted as the meaning of his fear. The psychoanalyst, on the other hand, would go beyond the conscious meaning and assert that the fear of guns is due to some unconscious process, such as a fear of his own hostility or his mental representation of the gun as a penis that might injure him. One of the theses of psychoanalysis is that the “surface problems”
disappear if the unconscious conflicts are resolved. For example, psychoanalysts believe that as a result of insight into and working through of the underlying dynamics, the cognitive distortions will ultimately wither away through inanition.
Bien que la thérapie cognitive - comme la psychanalyse - mette l'accent sur la signification des événements, elle s'intéresse aux significations symboliques conscientes plutôt que cachées. Par exemple, la croyance d'un patient selon laquelle la raison pour laquelle il a peur des armes à feu est le risque qu'elles tirent accidentellement et le blessent serait acceptée comme la signification de sa peur. Le psychanalyste, quant à lui, irait au-delà de la signification consciente et affirmerait que la peur des armes à feu est due à un processus inconscient, tel que la peur de sa propre hostilité ou sa représentation mentale de l'arme comme un pénis qui pourrait le blesser. L'une des thèses de la psychanalyse est que les « problèmes de surface » disparaissent si les conflits inconscients sont résolus. Par exemple, les psychanalystes pensent qu'à force de comprendre et de travailler sur les dynamiques sous-jacentes, les distorsions cognitives finiront par disparaître par inanition.
Consider a patient who incorrectly thinks that other people are hostile to him. Psychoanalytic theory would predict that through repeated interpretation by the analyst that the patient is actually hostile to other people (and is projecting his hostility onto them), the patient’s notion that they are hostile to him will disappear. In contrast, cognitive therapy aims explicitly at the patient’s specific distortions of reality. The cognitive therapist would engage the patient’s interest in examining the evidence for other people’s hostility, in scrutinizing his own criteria for labeling hostility in others, and in considering alternative explanations for their behavior. It is not necessary to get at ultimate causes of his misinterpretation of reality — either in terms of their historical antecedents or present “unconscious” roots. The therapist focuses more on how the patient misinterprets reality rather than on why.
Prenons l'exemple d'un patient qui pense à tort que les autres lui sont hostiles. La théorie psychanalytique prévoit que l'interprétation répétée par l'analyste du fait que le patient est en réalité hostile aux autres personnes (et qu'il projette son hostilité sur elles) fera disparaître l'idée du patient selon laquelle ces personnes lui sont hostiles. En revanche, la thérapie cognitive vise explicitement les distorsions de la réalité propres au patient. Le thérapeute cognitif incitera le patient à examiner les preuves de l'hostilité d'autrui, à passer au crible ses propres critères d'identification de l'hostilité chez les autres et à envisager d'autres explications à leur comportement. Il n'est pas nécessaire de s'intéresser aux causes ultimes de sa mauvaise interprétation de la réalité, que ce soit en termes d'antécédents historiques ou de racines « inconscientes » actuelles. Le thérapeute se concentre davantage sur la manière dont le patient interprète mal la réalité que sur les raisons de cette interprétation.
In summary, the system of cognitive therapy has many of the advantages of psychoanalysis and few of the disadvantages. Cognitive therapy has access to the types of ideational material obtained in free association, dream reporting, and in the patient’s reactions to the therapist (transference). However, by staying close to the data, the therapist avoids becoming enmeshed in the abstract speculations of psychoanalysis. In contrast to psychoanalysis, cognitive therapy is readily comprehensible to the patient, testable by the researcher, teachable to the student, and economical in terms of time and money...."
En résumé, le système de thérapie cognitive présente de nombreux avantages de la psychanalyse et peu d'inconvénients. La thérapie cognitive a accès aux types de matériel idéationnel obtenus par l'association libre, le récit des rêves et les réactions du patient vis-à-vis du thérapeute (transfert). Cependant, en restant proche des données, le thérapeute évite de s'enfermer dans les spéculations abstraites de la psychanalyse. Contrairement à la psychanalyse, la thérapie cognitive est facilement compréhensible pour le patient, testable par le chercheur, enseignable à l'étudiant et économique en termes de temps et d'argent.... »
"Anxiety Disorders and Phobias: A Cognitive Perspective" (1985) (avec Gary Emery)
L'ouvrage étend les principes de la thérapie cognitive aux troubles anxieux, en particulier les phobies et les troubles paniques. Beck et Emery y explorent comment les pensées catastrophiques et les biais d’interprétation contribuent aux troubles anxieux. Ils introduisent des techniques pour corriger ces schémas de pensée et aider les patients à mieux gérer leurs peurs. On reprocha à l'ouvrage son approche trop mécaniste du traitement des troubles anxieux, en négligeant le rôle des émotions dans leur traitement. Les techniques cognitives seules ne suffisant pas toujours, furent développées un peu plus tard la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) et d’autres approches pour mieux intégrer les dimensions émotionnelles.
"Cognitive Therapy of Personality Disorders" (1990) (avec Arthur Freeman)
C'est l’un des premiers ouvrages à appliquer la thérapie cognitive aux troubles de la personnalité. Beck et Freeman y expliquent comment des schémas cognitifs rigides et des distorsions spécifiques influencent les comportements et perceptions des personnes atteintes de troubles de la personnalité (notamment borderline et narcissique). Ils proposent des interventions pour aider les patients à prendre conscience de leurs schémas et à les modifier. Un ouvrage critiqué pour la complexité de la mise en œuvre de ses techniques, d'autant que ce type de patient nécessite souvent une approche plus longue et plus nuancée. Certains cliniciens jugèrent que la thérapie cognitive seule trop limitée dans ce domaine et la compléter par des approches intégratives, combinant thérapie comportementale dialectique (DBT) ou thérapie basée sur les schémas ...
"Prisoners of Hate: The Cognitive Basis of Anger, Hostility, and Violence" (1999)
Beck applique ici la thérapie cognitive à des problématiques de colère, de haine et de violence. Il examine comment des schémas de pensée hostiles et des croyances de type "nous contre eux" mènent à des comportements agressifs. Beck y explore les mécanismes cognitifs sous-jacents à ces émotions et propose des moyens pour les désamorcer. Un livre est parfois critiqué pour sa vision réductrice ...
Beck soutient ainsi que la colère, l’hostilité et la violence découlent de distorsions cognitives particulières — des façons de penser qui déforment la réalité (anger, hostility, and violence stem from specific cognitive distortions—ways of thinking that distort reality). Il laisse entendre que ces émotions sont souvent déclenchées par des interprétations biaisées des intentions ou des actions d’autrui, qu’il appelle schémas - croyances et hypothèses fondamentales qui façonnent la perception (core beliefs and assumptions that shape perception). Ces schémas conduisent à une pensée polarisée (polarized thinking), conduisant les gens à voir les autres comme des ennemis ou des menaces, ce qui intensifie les sentiments de colère et d’hostilité.
Au cœur de la thèse de Beck se trouve l’idée de "pensée antagoniste" (adversarial thinking), où les individus créent une mentalité "nous contre eux" (us versus them). Ce style de pensée comprend des distorsions cognitives courantes comme la pensée en noir et blanc (black-and-white thinking), la surgénéralisation (overgeneralization) et la personnalisation (personalization). Lorsque les gens considèrent que les autres sont intrinsèquement "mauvais" (bad) ou des sources de frustration, ils peuvent rationaliser les réponses hostiles ou violentes comme justifiées ou même nécessaires. Beck décrira ainsi comment la pensée hostile mène souvent à un cycle d’agression croissante, un cycle peut être observé dans les conflits interpersonnels ainsi que dans les conflits sociaux et politiques plus larges.
S’appuyant sur son cadre de thérapie cognitive, Beck décrit des stratégies pratiques pour aborder et modifier les modes de pensée hostiles. Il préconise d’identifier et de remettre en question les distorsions cognitives qui sous-tendent la pensée contradictoire.
"Cognitive Therapy for Challenging Problems: What to Do When the Basics Don't Work" (2005)
Beck propose des stratégies avancées pour les cas où les techniques cognitives standards ne fonctionnent pas. Il explore les cas complexes et résistants au traitement, en introduisant des techniques de résolution de problèmes, la reformulation cognitive, et des approches adaptatives pour répondre aux besoins spécifiques des patients. Un ouvrage précieux pour les cliniciens expérimentés, mais complexe pour les débutants en thérapie cognitive.
"Feeling Good: The New Mood Therapy", David D. Burns (1980)
"Feelings are not facts; you can change your feelings by changing your thinking" - C'est le livre de référence, par un ancien élève d’Aaron T. Beck, dans le domaine de l’auto-thérapie pour la dépression et l’anxiété, et il a popularisé les idées de la thérapie cognitive bien au-delà du cercle professionnel. Son succès a inspiré d’autres ouvrages similaires et a contribué à la diffusion des concepts de TCC à grande échelle. De plus, il a permis de réduire la stigmatisation autour de la dépression en offrant des outils concrets et accessibles pour gérer son humeur.
"Feeling Good" explique de manière simple et concrète comment les pensées automatiques et les distorsions cognitives influencent les émotions. Burns identifie les distorsions cognitives les plus courantes qui contribuent à la dépression et à l’anxiété, comme la généralisation excessive, la pensée en "tout ou rien", et la personnalisation. Le livre propose des exercices concrets pour prendre conscience de ces distorsions et les corriger, une approche inspirée directement des travaux de Beck.
L’un des messages centraux de "Feeling Good" est que les pensées ont un impact direct et puissant sur l’humeur. Burns explique que les pensées négatives entraînent des émotions négatives et que, en modifiant ces pensées, les personnes peuvent améliorer leur humeur. Il donne au lecteur des outils pour examiner ses propres pensées et changer progressivement ses schémas de pensée. Certes, une telle approche peut minimiser d’autres facteurs importants, comme les expériences de vie difficiles ou les facteurs biologiques contribuant à la dépression. De plus, des approches plus récentes, comme l’ACT (Acceptance and Commitment Therapy), mettent l’accent non seulement sur la modification des pensées mais aussi sur l’acceptation de certaines expériences pour mieux vivre avec elles.
"If you’re willing to invest a little time in yourself, you can learn to masteryour moods more effectively, just as an athlete who participates in a daily conditioning program can develop greater endurance and strength." - Burns introduisit un outil, le "Mood Log", qui permet aux individus de noter et analyser leurs pensées, leurs émotions et les événements déclencheurs. Ce journal aide les lecteurs à développer une conscience de leurs processus de pensée et à identifier les pensées négatives automatiques pour les remplacer par des alternatives plus équilibrées...
Make life an exhilarating experience! - Au travers de ses nombreux ouvrages, David D. Burns a joué un rôle essentiel dans la vulgarisation de la thérapie cognitivo-comportementale et dans l'élargissement de ses applications à divers troubles psychologiques, comme la dépression, l'anxiété, la panique et les problèmes d'estime de soi. Il a non seulement popularisé des concepts de TCC mais aussi introduit des outils pratiques, tels que des feuilles de travail et des journaux de pensée, qui permettent aux lecteurs de s’engager activement dans leur propre processus de guérison. Mais une telle popularité ne va pas sans critiques : la simplification de certains concepts pour un public de masse, une approche centrées sur le changement cognitif plus que sur les aspects émotionnels profonds ...
"The Feeling Good Handbook" (1989) est une extension de "Feeling Good: The New Mood Therapy", et couvre non seulement la dépression, mais aussi l'anxiété, les phobies, les relations interpersonnelles et la gestion de la colère. Il contient des exercices pratiques, des questionnaires, et des techniques cognitives que les lecteurs peuvent utiliser pour changer leurs schémas de pensée et améliorer leurs relations. - dans "Ten Days to Self-Esteem" (1993), Burns proposera un programme structuré sur dix jours destiné à aider les lecteurs à améliorer leur estime de soi et leur confiance; il propose des exercices quotidiens inspirés de la TCC pour prendre conscience des pensées négatives et les remplacer par des alternatives plus positives, l'approche est interactive, avec des feuilles de travail que le lecteur peut remplir pour suivre ses progrès ...
"When Panic Attacks: The New, Drug-Free Anxiety Therapy That Can Change Your Life" (2006)
Une contribution qui s'adresse aux personnes souffrant d'anxiété et de crises de panique. Burns y présente des techniques cognitives avancées, mais aussi des approches complémentaires comme l'exposition progressive, la relaxation, et même certaines méthodes basées sur l'acceptation. Il se concentre sur des méthodes non-médicamenteuses, offrant ainsi une alternative pour les patients qui ne veulent pas ou ne peuvent pas prendre de médicaments.
"Feeling Great: The Revolutionary New Treatment for Depression and Anxiety" (2020)
Burns entreprend une mise à jour de ses techniques de thérapie cognitive et présente la "Team CBT" (Testing, Empathy, Agenda Setting, and Methods), une approche qui vise à impliquer davantage les patients dans leur propre traitement. L'auto-thérapie pure sans supervision professionnelle ne semble pas ici réellement maîtrisable ...
Donald Meichenbaum (1940), "Cognitive-Behavior Modification: An Integrative Approach" (1977), "Stress Inoculation Training" (1985).
Donald Meichenbaum est l'un des pionniers de la thérapie cognitivo-comportementale, ayant développé la thérapie cognitive comportementale de gestion du stress et le concept d'entraînement à l’auto-instruction. Il a mis l'accent sur l'importance du langage intérieur et de l’autorégulation cognitive dans la gestion du stress et de l’anxiété. Meichenbaum a également travaillé sur les traumatismes et les stratégies de résilience, élargissant ainsi les applications de la thérapie cognitive.
Dans une nouvelle édition de son fameux "Guide to Rational Living", Albert Ellis rappelera l'importance des réflexions de D. Meichenbaum, et notamment ...
"... Back to this new edition of the Guide. We have tried to add to it another notable, and we think highly revolutionary, aspect. From the start-as perusal of the first edition of the work will show-RET has emerged as a form of "semantic therapy." Dr. Donald Meichenbaum and other researchers have emphasized this aspect of it; and we agree. Uniquely, we have pointed out from the start that, unlike lower animals, people tell themselves various sane and crazy things. Their beliefs, attitudes, opinions, and philosophies largely (though hardly exclusively) take the form of internalized sentences or self-talk. Consequently, one of the most powerful and elegant modalities they can use to change themselves, and particularly to modify their self-defeating emotions and sabotaging behaviors, consists of their clearly seeing, understanding, disputing, altering, and acting against their internal verbalizations. This theory seemed most revolutionary when we espoused it in the first edition of the Guide. Since that time, it has gotten confirmed by literally hundreds of research studies-largely by clinical, experimental, and social psychologists, many of whom have little to do with psychotherapy-almost all of which demonstrate that when we directly or indirectly induce people to change their beliefs or philosophies about something, their emotions and their behaviors also significantly change.
« ... Revenons à cette nouvelle édition du Guide. Nous avons essayé d'y ajouter un autre aspect notable et, à notre avis, hautement révolutionnaire. Dès le début, comme le montre la première édition de l'ouvrage, l'ERT s'est imposée comme une forme de « thérapie sémantique ». Donald Meichenbaum et d'autres chercheurs ont insisté sur cet aspect, et nous sommes d'accord. Nous avons souligné dès le départ que, contrairement aux animaux inférieurs, les gens se racontent des choses saines d'esprit et d'autres qui le sont moins. Leurs croyances, attitudes, opinions et philosophies prennent en grande partie (mais pas exclusivement) la forme de phrases intériorisées ou de discours sur soi. Par conséquent, l'une des modalités les plus puissantes et les plus élégantes qu'ils peuvent utiliser pour se changer eux-mêmes, et en particulier pour modifier leurs émotions autodestructrices et leurs comportements de sabotage, consiste à voir clairement, à comprendre, à contester, à modifier et à agir contre leurs verbalisations internes. Cette théorie nous a semblé très révolutionnaire lorsque nous l'avons présentée dans la première édition du Guide. Depuis, elle a été confirmée par des centaines d'études, menées principalement par des psychologues cliniciens, expérimentaux et sociaux, dont beaucoup n'ont pas grand-chose à voir avec la psychothérapie. Ces études démontrent presque toutes que lorsque nous incitons directement ou indirectement les gens à changer leurs croyances ou leur philosophie sur un sujet, leurs émotions et leurs comportements changent également de manière significative...."
L'une des premières et importantes contributions de Meichenbaum fut la gestion du stress par inoculation (Stress Inoculation Training, ou SIT), une technique de TCC qui vise à aider les individus à mieux faire face aux situations stressantes. La SIT consiste à exposer graduellement les individus à des situations simulées de stress tout en leur enseignant des techniques pour mieux contrôler leurs pensées et leurs réactions. Le but est de les "immuniser"(immunize) contre le stress en leur permettant de développer des stratégies d'adaptation avant d'être confrontés aux situations difficiles.
L’auto-instruction (Self-Instructional Training) est une autre de ses méthodes qui aide les individus à mieux gérer leurs pensées et comportements en modifiant leur discours interne, c'est-à-dire la façon dont ils se parlent intérieurement (the importance of inner dialogue in emotional regulation and impulse control). Cette technique est particulièrement utile pour les enfants et les adolescents, mais aussi pour les adultes qui font face à des comportements impulsifs, à la colère ou à l'anxiété. En utilisant des auto-instructions positives, les patients apprennent à remplacer les pensées négatives ou autodestructrices par des affirmations constructives et motivantes.
Meichenbaum a également joué un rôle clé dans l'adaptation de la TCC pour le traitement des traumatismes (Trauma-Focused Cognitive-Behavioral Therapy). Il a développé des techniques spécifiques pour aider les personnes à surmonter les séquelles psychologiques d'événements traumatisants, notamment à travers une approche appelée "thérapie narrative" (narrative therapy approach).
Enfin, Meichenbaum a mis un accent particulier sur le concept de résilience (Focus on Resilience and Positive Adaptation), l’idée que les individus peuvent rebondir après une adversité en s'appuyant sur leurs forces personnelles. Il a souligné que les patients qui sont encouragés à identifier et à utiliser leurs ressources personnelles sont souvent mieux équipés pour faire face aux défis futurs. Cette approche, centrée sur les capacités et les forces des patients, constitue un tournant vers une vision plus positive et proactive de la thérapie...
Dans "The Evolution of Cognitive Behavior Therapy: A Personal and Professional Journey with Don Meichenbaum" (2015), l'auteur nous entraîne dans un parcours personnel et professionnel, dont celui l’« histoire non racontée » de la façon dont la thérapie comportementale cognitive est apparue, et discute au passage des controverses qu’elle a suscitées...
Marsha Linehan, "Cognitive-Behavioral Treatment of Borderline Personality Disorder" (1993), "Skills Training Manual for Treating Borderline Personality Disorder" (1993).
Marsha Linehan, professeure émérite de psychologie et de psychiatrie à l'Université de Washington à Seattle, a développé la thérapie comportementale dialectique (DBT, Dialectical Behavior Therapy), une forme de TCC spécifiquement conçue pour le traitement du trouble de la personnalité borderline (borderline personality disorder, BPD) et des comportements d’auto-mutilation. La DBT intègre des éléments de la thérapie cognitive avec des techniques de pleine conscience (Mindfulness) et de régulation émotionnelle, permettant ainsi aux patients de mieux tolérer la détresse et de gérer leurs émotions.
Adrian Wells, "Cognitive Therapy of Anxiety Disorders: A Practice Manual and Conceptual Guide" (1997), "Metacognitive Therapy for Anxiety and Depression" (2011).
Adrian Wells, professeur de psychologie clinique et de psychopathologie à l’Université de Manchester, au Royaume-Uni, est l'un des fondateurs de la "thérapie métacognitive", une théorie selon laquelle les troubles anxieux sont fortement influencés par les croyances méta-cognitives des patients (metacognitive beliefs), c’est-à-dire leurs croyances à propos de leurs propres pensées et des processus cognitifs. Une approche qui enrichit et élargit le champ de la thérapie cognitive traditionnelle en introduisant et développant la "théorie de la méta-cognition" (metacognition), un concept central dans l'approche des troubles anxieux.
Ainsi, dans le trouble d'anxiété généralisée (TAG, Generalized Anxiety Disorder, GAD), les personnes ne sont pas seulement préoccupées par des situations spécifiques, mais entretiennent des croyances sur la nécessité et le danger de s'inquiéter (« Si je ne m'inquiète pas, quelque chose de grave pourrait arriver » - If I don’t worry, something bad might happen). Wells affirme que ces croyances sur la pensée, plutôt que les pensées anxiogènes elles-mêmes, sont souvent la source principale du maintien des troubles anxieux.
Wells a adapté et enrichit le modèle cognitif pour chaque trouble anxieux. Son approche inclut des modèles spécifiques pour les troubles de panique, le trouble obsessionnel-compulsif (TOC, obsessive-compulsive disorder, OCD), l'anxiété sociale, et le trouble d'anxiété généralisée. Chacun de ces modèles inclut une analyse des croyances méta-cognitives qui soutiennent et aggravent le trouble. Dans le cas du TOC, il a pu montrer comment les croyances sur le besoin de contrôler ses pensées ou ses compulsions contribuent au maintien du trouble.
L'un des apports pratiques majeurs de Wells est le développement d'une méthode thérapeutique appelée Thérapie Méta-Cognitive (TMC, Metacognitive Therapy, MCT), qui se concentre spécifiquement sur le changement des croyances méta-cognitives, en plus des pensées dysfonctionnelles habituelles. Cette approche inclut des techniques comme la "dé-catastrophisation", la désactivation de la rumination et la désactivation des pensées de contrôle pour aider les patients à cesser de voir leurs pensées anxiogènes comme des menaces.
Steven C. Hayes (1948), "Acceptance and Commitment Therapy: An Experiential Approach to Behavior Change" (1999), "Get Out of Your Mind and Into Your Life" (2005).
Steven Hayes, professeur émérite de psychologie à l'Université du Nevada, à Reno, a développé l’Acceptance and Commitment Therapy (ACT), une forme de thérapie cognitivo-comportementale de troisième vague qui se concentre sur l’acceptation des émotions et des pensées difficiles plutôt que sur leur modification. Une approche qui repose sur l’idée que les tentatives de contrôler ou d’éviter les pensées et émotions inconfortables peuvent paradoxalement amplifier la souffrance.
"Here’s a sample of some of the unconventional concepts you will be asked to consider:
- Psychological pain is normal, it is important, and everyone has it.
- You cannot deliberately get rid of your psychological pain, although you can take steps to avoid increasing it artificially.
- Pain and suffering are two different states of being.
- You don’t have to identify with your suffering.
- Accepting your pain is a step toward ridding yourself of your suffering.
- You can live a life you value, beginning right now, but to do that you will have to learn how to get out of your mind and into your life...."
Au lieu de lutter contre ces expériences, l’ACT encourage l'acceptation des pensées et émotions désagréables, tout en recentrant l'individu sur ses valeurs personnelles et en l'incitant à adopter des comportements alignés avec celles-ci. L'objectif de l'ACT est de promouvoir une flexibilité psychologique, c'est-à-dire la capacité d’une personne à s’adapter à ses émotions et pensées tout en continuant d'agir selon ses valeurs.
L’ACT utilise des techniques de pleine conscience et d’acceptation pour aider les patients à agir en accord avec leurs valeurs, même en présence d’émotions inconfortables...