Psychologie différentielle, Intelligence - Charles Spearman (1863-1945), "General Intelligence, Objectively Determined and Measured" (1904) - Lev Vygotsky (1896-1934), "Pensée et langage" (1934) - Jean Piaget (1896-1980), "La naissance de l'intelligence chez l'enfant" (1936) - Louis Thurstone (1887-1955),"Primary Mental Abilities" (1938) - Edward Thorndike (1874-1949), "The Measurement of Intelligence" (1931) - Raymond Cattell (1905-1998), "The Structure of Human Abilities" (1941) - Joy Paul Guilford (1897-1987), "The Nature of Human Intelligence" (1967) - Stephen Jay Gould (1941-2002), "The Mismeasure of Man" (1981) - Howard Gardner (1943), "Frames of Mind : The Theory of Multiple Intelligences" (1983) - Robert Sternberg (1949), "The Triarchic Mind: A New Theory of Human Intelligence" (1985) - Daniel Goleman (1946), "Working with Emotional Intelligence" (1998) - ........
Last update: 2018/12/12


Les débats sur la véritable nature de l'INTELLIGENCE n'ont jamais réellement cessé, mais dans le monde universitaire comme dans la vie professionnelle, on se garde bien d'ouvrir la boîte de Pandore. La question, il est vrai est d'une grande complexité, et si des ouvrages tels que ceux de Daniel Goleman (L'intelligence émotionnelle) et celui de Howard Gardner (L'intelligence multiple) suggèrent que l'intelligence n'est pas simplement ce que mesure un quotient intellectuel, on n'attend plus comme une très lointaine promesse, non pas une nouvelle théorie de l'intelligence, mais de nouveaux développements dans les neurosciences cognitives, sans véritable impatience ...

 

C'est Alfred Binet qui, dans les années 1900, affirme que l'intelligence peut se mesurer et introduit le fameux terme de "quotient intellectuel" (QI), mais loin de lui l'idée de classer les individus sur une échelle fixe, et encore ne mesura-t-il pas le QI comme on le fit plus tard, avec un score unique standardisé, mais selon une approche centrée sur l'évaluation des capacités cognitives des enfants pour mieux comprendre leurs besoins scolaires (le premier test, connu sous le nom de l’échelle métrique de l’intelligence de Binet-Simon date de 1905).  

 

Mesurer ce qu'on ignore - Le quotient intellectuel fut définit comme le rapport entre l'âge mental et l'âge réel, et multiplié par 100 pour des raisons dites de commodité. En moyenne, près de 95% de la population a un QI compris entre 70 et 130, et on va jusqu'à estimer la proportion d'individus censés frôler ce qu'on appelle le "génie" avec un QI supérieur à 145. Et pourtant, la construction de ces tests de QI ne repose sur aucune théorie complète et leurs résultats bien approximatifs sur leur éventuel potentiel intellectuel. Et un certain J.P. Guilford leur reprochera surtout d'ignorer ce qu'on nomme la "créativité" ...

 

On connaît les grandes étapes liées aux tentatives faites de "mesurer" l'intelligence humaine, de premières tentatives de mesure de l'intelligence (Galton, Cattell) au XIXe, au développement des premiers tests d'intelligence (Binet-Simon, Stern), début XXe, puis la Standardisation et élargissement des tests (Stanford-Binet, Wechsler), milieu du XXe, et les Théories alternatives sur la nature de l'intelligence (Gardner, Sternberg) à la fin du XXe. Début XXIe, modèles multidimensionnels et intégration des neurosciences semblent prendre le relais. Ces grandes étapes montrent pour le moins une relative évolution progressive des idées sur l’intelligence, de sa mesure aux théories complexes qui semblent inéluctablement conduire à l'idée de plusieurs formes d’intelligence.

 

Philosophie & intelligence - De nombreux philosophes et penseurs ont jadis tenté de définir l'intelligence en fonction de divers cadres théoriques, métaphysiques, épistémologiques, moraux, ou encore scientifiques. De la vision platonicienne de l'intelligence comme accès à la vérité éternelle, à la conception plus pragmatique d'Aristote, en passant par les théories modernes de l'intelligence artificielle, il existe une grande variété d'approches. 

On peut décrire l'intelligence comme la capacité à raisonner et à comprendre, à raisonner logiquement et à comprendre des concepts abstraits. Platon et Aristote voyaient l'intelligence comme la faculté de saisir des vérités universelles et des principes abstraits. Pour Platon (République, Phédon), la vraie intelligence consiste à atteindre la connaissance des réalités immuables et éternelles, loin des illusions des sens et des opinions. Pour Aristote (Éthique à Nicomaque, Métaphysique), c’est la capacité de l’intellect (noûs) à découvrir des principes à partir de l’expérience sensorielle : il introduira des distinctions comme celle entre l'intellect passif et l'intellect actif, où l'intelligence se manifeste à travers la faculté de raisonner, d'abstraire et de comprendre les principes universels à partir des expériences particulières. Au XVIIe, Descartes, dans sa quête de certitude, fait de l'intelligence la capacité de raisonner correctement pour atteindre la vérité. Pour lui, être intelligent c'est savoir utiliser le doute méthodique pour identifier les croyances fondées (Méditations métaphysiques).

Cette intelligence peut être comprise comme une intelligence pratique dédiée à la résolution de problèmes. Pour des penseurs comme John Dewey, l'intelligence est essentiellement liée à la résolution de problèmes pratiques. Selon cette vision pragmatique, être intelligent, c’est être capable de trouver des solutions novatrices aux défis qui se présentent, et notamment dans la vie quotidienne. Cette intelligence n'est plus définie seulement comme une capacité abstraite, mais comme une compétence active et liée à l'expérience. 

Dans la "Critique de la raison pure", Kant (1724-1804) réfléchit sur les limites de l'intelligence humaine. Pour lui, l'intelligence est liée à notre faculté de juger et à notre capacité de structurer l'expérience à travers des catégories de l’entendement (comme l’espace, le temps, la causalité). L'intelligence est ce qui permet d'ordonner le monde phénoménal, mais elle est limitée par l'impossibilité de connaître les choses en soi. G. W. F. Hegel (1770-1831), dans sa "Phénoménologie de l'Esprit", nous représente l'intelligence comme une expression de l'Esprit (Geist). L'intelligence se développe à travers un processus dialectique où la conscience progresse vers une connaissance absolue. Ce mouvement permet à l’intelligence de dépasser les oppositions et de réaliser une synthèse des contradictions dans une compréhension unifiée du réel. 


Psychologie de l'intelligence - Les premiers développements psychométriques datent de Francis Galton (1822-1911) et de son ouvrage "Heriditary Genius" (1869). Il est l'un des premiers à essayer de mesurer l'intelligence en termes de capacités physiques (vitesse de réaction, sensibilité sensorielle), convaincu que l'intelligence était héréditaire. On lui doit également d'avoir initié la statistique moderne et développé le concept de corrélation. James McKeen Cattell (1860-1944) introduisit les premiers tests mentaux en s'inspirant des travaux de Galton, mais ses tests, centrés sur les temps de réaction et les aptitudes sensorielles, ne donnèrent guère de résultats concluants pour mesurer l'intelligence. L'avènement des tests d'intelligence datent d'Alfred Binet (1857-1911) et de son "Etude expérimentale de l’intelligence" (1903). C'est avec Théodore Simon, que Binet a développé le test Binet-Simon (1905), conçu pour évaluer l'âge mental des enfants. Ce fut bien le premier test formalisé destiné à évaluer l'intelligence à travers des tâches cognitives variées. William Stern (1871-1938) introduisit ensuite le terme quotient intellectuel (QI) et sa formule, QI = (âge mental / âge chronologique) × 100 ...

L'introduction des tests d'intelligence standardisés apparaît avec Lewis Terman (1877-1956), auteur de "The Measurement of Intelligence" (1916) : il adapté et standardise le test de Binet pour les États-Unis et donne naissance au Stanford-Binet Intelligence Scale, un test devenu l'un des plus utilisés pour mesurer le QI. Vint David Wechsler (1896-1981) qui développe plusieurs échelles d'intelligence, notamment le Wechsler Adult Intelligence Scale (WAIS) (1939) et le Wechsler Intelligence Scale for Children (WISC), encore largement utilisés. Il proposera de plus une nouvelle approche, considérant l'intelligence comme multifactorielle, impliquant à la fois des compétences verbales et non verbales. 


Mesurer l'intelligence, mais de quelle "intelligence" parle-t-on. On reconnaît à Charles Spearman (1863-1945) une première tentative pour appréhender la nature de celle-ci. "Un examen de l'ensemble des preuves montre qu'il doit exister un facteur commun qui intervient dans toutes les performances mentales, bien que son importance puisse varier d'un test à l'autre." - Cela signifie qu'il existe une corrélation sous-jacente entre les différentes capacités mentales (par exemple, la logique, la mémoire, le raisonnement spatial, etc.). Et Spearman de constater que les personnes qui réussissent bien dans un domaine cognitif (par exemple, les mathématiques) ont tendance à réussir dans d'autres domaines (par exemple, le raisonnement verbal). 

 La théorie du facteur g (facteur général d'intelligence) qu'il propose est établie dans le cadre de ses recherches sur les corrélations entre les différentes performances cognitives. Selon lui, toutes les tâches intellectuelles seraient influencées par une intelligence générale (g), complétée par des aptitudes spécifiques (facteurs s), on parle alors de Théorie bifactorielle de l'intelligence. 

Parmi ses ouvrages, citons "General Intelligence, Objectively Determined and Measured" (1904), "The Nature of Intelligence and the Principles of Cognition" (1923), et "The Abilities of Man : Their Nature and Measurement" (1927), dans lequel Spearman explique en détail sa théorie du facteur g et l'analyse factorielle qu'il a développée. Il y explore également la nature de l'intelligence humaine et les différentes méthodes de mesure utilisées à l'époque ("L’intelligence générale, ou 'g', représente ce que l’on pourrait appeler l’essence de l'intelligence humaine, une aptitude mentale qui traverse toutes les activités intellectuelles, bien que celles-ci puissent varier dans leur forme"). 

Dans "Psychology Down the Ages" (1937), il propose une perspective historique sur l'évolution de la psychologie, en couvrant diverses théories et approches, y compris ses propres contributions à la psychologie de l'intelligence ("L'histoire de la psychologie nous montre une quête incessante de compréhension de l’esprit humain. Dans cette quête, la mesure de l'intelligence a toujours occupé une place centrale"). Dans "Creative Mind" (1930), Spearman aborde la créativité et son lien avec l'intelligence, essayant de comprendre comment le facteur g pourrait expliquer non seulement les compétences intellectuelles standard, mais aussi les capacités créatives ("La créativité peut, à première vue, sembler indépendante de l'intelligence générale, mais une analyse plus approfondie révèle qu'elle n'est qu'une expression complexe des mêmes processus mentaux que ceux impliqués dans le raisonnement"). 

L'œuvre de Spearman a eu une influence durable dans le domaine de la psychométrie et la psychologie cognitive. Le "facteur g" est encore utilisé aujourd'hui dans de nombreuses recherches sur l'intelligence. Des tests tels que le Wechsler Adult Intelligence Scale (WAIS) ou les tests de QI de Stanford-Binet sont indirectement influencés par la théorie de Spearman.

Louis Thurstone et Howard Gardner vont critiquer l’idée que l’intelligence puisse être réduite à un seul facteur. C'est réduire à l'excès la complexité et la diversité des capacités humaines ...


Louis Thurstone (1887-1955) va contester l'idée d'intelligence générale unique, celle d'un facteur g unique et proposer que l'intelligence soit composée de plusieurs aptitudes mentales primaires indépendantes (Théorie des aptitudes mentales primaires), telles que la compréhension verbale, la mémoire, le raisonnement, la vitesse perceptive, et la fluidité verbale. Son ouvrage de référence : "Primary Mental Abilities" (1938). Mais si Thurstone a pu  élargir quelque peu la compréhension de l’intelligence en introduisant des capacités multiples, certains ne vont pas tarder à  penser que ses modèles fragmentent l'intelligence de manière trop isolée, sans saisir les interactions entre ces capacités.


Edward Thorndike (1874-1949), "The Measurement of Intelligence" (1931)

Thorndike est plus connu pour ses travaux sur l'apprentissage par essais et erreurs ou sur sa loi de l'effet, mais ses contributions relatives à la compréhension de l’intelligence et à la mesure des capacités cognitives sont loin d'être négligeables. Il  a remis en question les approches simplifiées de l’intelligence et a mis en avant une vision plus complexe et multidimensionnelle. Son insistance sur la mesure des différentes formes d’intelligence et sa critique des mesures globales ont influencé les futures théories et pratiques de la psychométrie, tout en ouvrant des perspectives sur les différentes manières de concevoir et de développer l’intelligence.

Thorndike soutenait en effet que l'intelligence n'était pas un concept unique et homogène (Vision multidimensionnelle de l'intelligence ). Contrairement à certains de ses contemporains, comme Spearman qui défendait la théorie du facteur général "g" de l'intelligence, Thorndike pensait que l'intelligence était composée de différentes formes et capacités spécifiques. Pour lui, l’intelligence comprenait une intelligence abstraite (la capacité à traiter des idées ou des concepts), une intelligence mécanique (la capacité à résoudre des problèmes concrets ou physiques), une intelligence sociale (la capacité à comprendre et interagir avec les autres).

Thorndike a également souligné le lien entre l'intelligence et la capacité d'apprentissage. Selon lui, l'intelligence pouvait être vue comme la capacité d'un individu à former des associations ou des connexions entre des stimuli et des réponses. 

Pionnier dans le domaine de la psychométrie, il a proposé que la mesure de l'intelligence repose en partie sur la capacité d'une personne à s'adapter à de nouvelles situations en formant des associations correctes. D'où sa critique des tests d'intelligence qui tentaient de réduire l’intelligence à un seul score ou facteur (comme les premiers tests de QI). Il a plaidé pour des mesures plus spécifiques et diversifiées des compétences intellectuelles, qui pourraient mieux rendre compte de la complexité de l'intelligence humaine. 

Enfin, ses idées  sur l’intelligence eurent un impact direct sur le système éducatif, estimant que l'intelligence pouvait être développée par l'apprentissage et que les enseignants devaient adapter leurs méthodes en fonction des forces et des faiblesses intellectuelles de leurs élèves.  


Jean Piaget (1896-1980), "La naissance de l'intelligence chez l'enfant" (1936)

Jean Piaget intervint très tôt dans cette longue quête visant à formuler le mystère de l'intelligence humaine. En 1936, avec "La naissance de l'intelligence chez l'enfant", Piaget a définit l'intelligence par son évolution, à travers des stades de développement cognitif, chacun étant marqué par de nouvelles capacités à traiter l'information. L'intelligence est ici vue comme un processus dynamique d'adaptation et de construction de schémas cognitifs, comme un processus dynamique d'adaptation et de construction des connaissances. 

Léon Vygotsky (1896-1934) fut de ceux qui critiquèrent cette démarche, considérant que Piaget avait par trop insisté sur les processus internes de l'enfant, ignorant le rôle fondamental de la culture et de l’interaction sociale dans le développement de l’intelligence.


Lev Vygotsky (1896-1934), "Pensée et langage" (1934)

Vygotsky se livre à une véritable critique socioculturelle de l'intelligence et souligne que celle-ci ne peut être pleinement comprise sans tenir compte de l'environnement socioculturel dans lequel elle se développe. Il a proposé le concept de la zone proximale de développement, mettant en évidence l'importance de l'apprentissage social et de l'interaction avec des pairs plus avancés. Mais certains psychologues considèreront, en réaction, que les aspects individuels de l'intelligence (innés) peuvent être sous-estimés dans ces approches socioculturelles, en particulier en termes de différences interindividuelles.


Raymond Cattell (1905-1998), "The Structure of Human Abilities" (1941)

Psychologue britannique qui, élève de Charles Spearman et invité par Edward Thorndike à l'université de Columbia, s'installa en 1937 aux Etats-Unis, Raymond Cattell est surtout connu pour sa théorie des deux formes d'intelligence, une intelligence humaine qui ne peut être réduite à une seule dimension ou quotient global, mais doit être comprise comme un ensemble complexe de compétences : l'intelligence fluide et l'intelligence cristallisée. 

- L'Intelligence fluide (fluid intelligence) correspond à la capacité innée à résoudre des problèmes nouveaux, à raisonner logiquement et à s'adapter à des situations nouvelles sans avoir besoin d'expérience préalable. Elle repose essentiellement sur la rapidité de traitement de l'information et la mémoire de travail. L'intelligence fluide est plus influencée par des facteurs biologiques et diminue avec l'âge.

- L'Intelligence cristallisée (crystallized intelligence) décrit les connaissances acquises et capacité à utiliser ces savoirs pour résoudre des problèmes. Elle dépend de l'éducation, des expériences de vie et des apprentissages. Contrairement à l'intelligence fluide, elle peut augmenter avec l'âge.

Cette distinction est devenue centrale dans les théories modernes de l'intelligence, car elle permet de mieux comprendre l'interaction entre les capacités innées et l'apprentissage. Et elle a influencé durablement la psychologie cognitive en fournissant notamment un éclairage sur la manière dont l'intelligence humaine peut être mesurée et interprétée. Les tests d'intelligence standardisé ne différenciant pas les deux types d'intelligence formulés par Cattel, celui-ci développa des tests dit "d'intelligence équitable" (1940) permettant d'isoler l'intelligence.

 

Parmi les ouvrages majeurs de Cattell, citons 

- "Personality and Learning Theory" : il approfondit les relations entre les traits de personnalité et l'apprentissage et y développe sa théorie de l'intelligence fluide et cristallisée, ainsi que ses recherches sur les méthodes de mesure de l'intelligence.

- "The Structure of Human Abilities" (1941) : l'une des premières contributions majeures de l'auteur  à la psychologie de l'intelligence. Il y critique la conception unidimensionnelle de l'intelligence et met en avant l'idée que celle-ci est composée de plusieurs capacités distinctes.

- "Abilities: Their Structure, Growth, and Action" (1971) : Dans cet ouvrage, il affine son modèle de l'intelligence fluide et cristallisée, explore la manière dont les capacités intellectuelles se développent au cours de la vie, et critique les modèles unidimensionnels de l'intelligence (« Il est erroné de supposer que l'intelligence est une seule entité uniforme. Ce que nous appelons 'intelligence' est en réalité un ensemble de capacités distinctes qui interagissent, chacune influencée par des facteurs différents tels que l'hérédité, l'environnement et l'expérience»). 

Certains chercheurs ont critiqué la frontière parfois floue entre les deux formes d'intelligence. Par exemple, l'intelligence fluide n'est pas complètement indépendante de l'apprentissage, car même les processus de raisonnement abstrait peuvent être influencés par l'expérience. On peut aussi noter que certains modèles, comme la théorie triarchique de l'intelligence de Robert Sternberg ou la théorie des intelligences multiples de Howard Gardner, proposent une vision plus large des capacités humaines...

Notons des liens controversés de l'auteur avec des idées eugénistes : certaines de ses idées sur l'hérédité de l'intelligence et sa fascination pour les politiques eugéniques ont été ainsi fortement contestées par une grande partie de la communauté scientifique moderne en raison de leurs connotations éthiques problématiques.


Joy Paul Guilford (1897-1987), "The Nature of Human Intelligence" (1967)

Chercheur influent et prolifique né dans le Nebraska, psychologue et professeur de psychologie à l'université de Caroline du Sud, Guilford dans "The Nature of Human Intelligence", est celui qui, plus tout autre, s'est mis en demeure de défier les théories traditionnelles de l'intelligence, et en particulier le concept du facteur g de Spearman (general factor of intelligence) : en proposant un modèle plus complexe et inclusif. Son modèle de la structure de l'intellect a élargi la compréhension de l'intelligence pour inclure non seulement la pensée analytique et convergente, mais aussi la créativité et la pensée divergente

Pour lui, en effet, les tests traditionnels d'intelligence exigeaient une réponse qui ne pouvait déboucher que sur une réponse unique, une pensée "convergente". Au contraire de la "créativité" qui mettait en oeuvre une pensée bien différente qui explorait plusieurs directions pour produire des solutions multiples à un problème donné. Et cette créativié était parfaitement mesurable, indiquée pa le nombre de directions que peut explorer la pensée d'un individu.

Contrairement à la théorie du facteur g proposée par Spearman, - qui simplifie à l'excès la nature des capacités intellectuelles humaines -,  Guilford en vint donc à rejeter l'idée qu'un seul facteur général pouvait expliquer l'intelligence : "L'insistance sur un seul facteur d'intelligence générale ne rend pas justice à la diversité des aptitudes humaines. Il existe une multiplicité de talents et de compétences qui ne peuvent pas être capturés par une seule mesure générale" (The emphasis on a single factor of general intelligence does not do justice to the diversity of human abilities. There is a multiplicity of talents and skills that cannot be captured by one general measure).

Dans son œuvre majeure, "The Nature of Human Intelligence" (1967), il proposa une théorie multidimensionnelle de l'intelligence (a multidimensional theory of intelligence), appelée modèle de la structure de l'intellect (the Structure of Intellect (SI) model), un modèle qui est l'une des contributions les plus célèbres de Guilford à la psychologie : "L'intelligence humaine ne peut pas être capturée par un seul facteur. Nous devons envisager une structure complexe qui implique des opérations mentales spécifiques sur des types variés de contenu et produisant une multitude de résultats cognitifs" (Human intelligence cannot be captured by a single factor. We must consider a complex structure that involves specific mental operations on various types of content, producing a multitude of cognitive results).

 

Ce modèle divise l'intelligence en trois dimensions :

- Opérations (Operations: The mental processes used ) : les processus mentaux utilisés (comme la cognition, la mémoire, l'évaluation).

- Contenus (Content: The types of information these processes work on) : les types d'informations sur lesquels opèrent ces processus (comme le visuel, le symbolique, le comportemental).

- Produits (Products: The outcomes of operations) : les résultats des opérations (comme les relations, les systèmes, les transformations).

En combinant ces trois dimensions, Guilford identifie plus de 120 types différents d'intelligence (more than 120 different types of intelligence), rejetant ainsi l'idée qu'une seule mesure, comme un QI basé sur le facteur g, puisse évaluer l'intelligence humaine de manière exhaustive.

 

L'un des apports les plus importants de Guilford a été d'introduire la distinction entre la pensée convergente et la pensée divergente : "Les tests conventionnels d'intelligence mesurent principalement la pensée convergente, alors que les processus cognitifs impliquant la pensée divergente, qui sous-tendent la créativité, sont ignorés. Pourtant, ces deux types de pensée sont des aspects essentiels de l'intelligence humaine" (Conventional intelligence tests primarily measure convergent thinking, whereas cognitive processes involving divergent thinking, which underlie creativity, are ignored. Yet, both types of thinking are essential aspects of human intelligence)

- Pensée convergente (Convergent thinking) : processus de pensée qui converge vers une seule réponse correcte, typiquement mesurée par des tests d'intelligence traditionnels.

- Pensée divergente (Divergent thinking) : processus de pensée qui génère de multiples solutions à un problème, souvent associée à la créativité.

Guilford a particulièrement insisté sur l'importance de la pensée divergente pour comprendre la créativité, qui, selon lui, n'était pas adéquatement mesurée par les tests d'intelligence classiques.

 

Et c'est ainsi que tout à fait naturellement, Guilford en vint à critiquer les tests de QI conventionnels, qu'il considérait comme limités dans leur capacité à capturer la véritable étendue de l'intelligence humaine. Selon lui, ces tests se concentrent trop sur la pensée convergente et la logique abstraite, négligeant des aspects importants comme la créativité et les compétences pratiques. - "La plupart des tests d'intelligence traditionnels ne mesurent qu'une fraction de l'ensemble des compétences cognitives humaines. Ils négligent des dimensions cruciales telles que la pensée divergente, qui est indispensable à la résolution créative des problèmes" (Most traditional intelligence tests measure only a fraction of the full range of human cognitive abilities. They neglect crucial dimensions such as divergent thinking, which is indispensable for creative problem-solving).

 

"L'intelligence créative est une composante essentielle de l'esprit humain, et elle doit être reconnue comme telle dans tout modèle complet de l'intelligence. La capacité à générer des idées nouvelles et innovantes est au cœur de nombreuses réalisations humaines" (Creative intelligence is an essential component of the human mind, and it must be recognized as such in any comprehensive model of intelligence. The ability to generate new and innovative ideas is at the heart of many human achievements). C'est ainsi que Guilford a élargi la compréhension de l'intelligence pour inclure la créativité (creativity). En s'écartant des théories centrées uniquement sur les compétences analytiques et la logique lui a permis d'intégrer des aptitudes créatives et novatrices dans son modèle de la structure de l'intellect. Il a même contribué à développer des tests pour évaluer la pensée créative, tels que le Test de pensée divergente (Divergent Thinking Test).


Philip E. Vernon (1905-1987), "The Structure of Human Abilities" (1960)

Psychologue britannique, Vernon a fait d'importantes contributions à la psychologie de l'intelligence, en combinant les idées de facteur général (g) de Charles Spearman avec les théories multi-factorielles comme celle de J.P. Guilford. Vernon a développé un modèle hiérarchique de l'intelligence, qui a tenté de réconcilier les différentes approches de l'intelligence et a eu un impact durable sur les théories psychométriques tout en contribuant à orienter la recherche sur la nature des différences individuelles en intelligence. Il proposait ainsi que l'intelligence humaine soit structurée en plusieurs niveaux, un facteur g (intelligence générale), facteurs de groupe (Verbal-éducationnel et Pratique-mécanique), qui à leur tour, se décomposent en aptitudes spécifiques. 

"The Measurement of Abilities" (1950) explore les différentes méthodes de mesure des capacités intellectuelles et examine les théories psychométriques de l'intelligence. - "L'analyse factorielle révèle que les aptitudes mentales primaires de Thurstone peuvent être vues comme des aspects de facteurs de groupe sous-jacents, qui à leur tour sont influencés par un facteur général d'intelligence".

"The Structure of Human Abilities" (1960), ouvrage clé de Vernon dans lequel il développe son modèle hiérarchique de l'intelligence : il y explique comment les aptitudes mentales peuvent être organisées en facteurs de groupe sous un facteur général d'intelligence. - - "L'intelligence humaine est mieux comprise comme une hiérarchie de capacités, où un facteur général influe sur les performances globales, mais où des groupes spécifiques de compétences, comme les habiletés verbales ou mécaniques, jouent un rôle important dans la variation des talents individuels".

Enfin, "Intelligence and Cultural Environment" (1969) abordera les questions de l'influence de la culture, de l'environnement et de l'éducation sur l'intelligence. Vernon y discute de la relation entre hérédité et environnement dans la formation des capacités cognitives. - "L'intelligence est le produit d'une interaction complexe entre les facteurs héréditaires et environnementaux. Si les différences génétiques fixent certaines limites à l'intelligence, les facteurs environnementaux, comme l'éducation et la culture, déterminent dans quelle mesure cet éventuel potentiel est réalisé".


Stephen Jay Gould (1941-2002), "The Mismeasure of Man" (1981)

Un incontournable. "Nous devons reconnaître que l'intelligence humaine est trop vaste, trop diversifiée pour être réduite à un simple nombre ou à une catégorie biologique. L'idée même de mesurer l'intelligence comme une seule dimension trahit une incompréhension fondamentale de la complexité humaine." (We must recognize that human intelligence is too vast, too diverse to be reduced to a single number or a biological category. The very idea of measuring intelligence along a single dimension betrays a fundamental misunderstanding of human complexity).

Paléontologue américain, professeur de géologie et d'histoire des sciences à l'université Harvard, qui travailla toute sa vie à la vulgarisation de la théorie de l'évolution en biologie et à l'histoire des sciences, Gould est de ceux qui ont fortement contesté les tentatives faites, et constamment reprises, de mesurer l'intelligence humaine à travers des tests de QI : il les considérait en effet comme biaisés et influencés par des préjugés culturels et raciaux. Il s'opposait à l'idée que l'intelligence soit une capacité innée, mesurable de manière précise, et surtout utilisée à des fins de classification sociale. Pourquoi et comment vouloir réduire à tout prix l'intelligence à des mesures statistiques ou biologiques (comme la taille du cerveau), un problème historiquement lié à l'eugénisme. Et le livre de Gould reste de plus une critique incontournable de la manière dont la science peut être déformée par des biais culturels et politiques...

 

Critique de la craniométrie et de la mesure de la taille du cerveau - Gould consacre une grande partie de son ouvrage à démonter les études de craniométrie, qui mesuraient la taille du crâne pour estimer l'intelligence. L'un de ses objectifs est de montrer comment les données ont souvent été manipulées pour confirmer des préjugés raciaux et sociaux.

Ainsi Gould discutant des travaux de Samuel George Morton, qui mesurait des crânes humains pour prouver la supériorité intellectuelle des Européens blancs : "Morton, comme les autres, n'a pas commis d'erreurs par simple inadvertance ; il a construit une science servant à justifier les inégalités sociales. Dans ses mesures, il n'a pas été totalement objectif, mais a systématiquement biaisé ses données pour les faire correspondre à ses préjugés raciaux."

 

Rejet du déterminisme biologique - Gould critique sévèrement les théories selon lesquelles les capacités intellectuelles d'une personne sont fixées biologiquement et ne peuvent pas être modifiées. Il s'oppose aux conceptions qui lient le cerveau et l'intelligence à des facteurs raciaux, sociaux ou économiques. "Les différences d'intelligence humaine ne peuvent pas être réduites à de simples différences biologiques. L'intelligence est un concept trop complexe, influencé par l'environnement, la culture, l'apprentissage, pour être restreint à des mesures purement biologiques" (Differences in human intelligence cannot be reduced to simple biological differences. Intelligence is a complex concept, influenced by environment, culture, and learning, and cannot be confined to purely biological measures).

 

Gould démontre ainsi que les scientifiques, influencés par leurs propres préjugés, ont souvent mal interprété les données pour soutenir des théories racistes et hiérarchiques. Il se penche notamment sur les erreurs des chercheurs comme Broca, Galton, et Spearman, qui ont conçu des théories et des tests pour mesurer l'intelligence de manière quantitative : "Lorsque nous examinons de près les données originales de ces scientifiques, il devient évident que leurs conclusions étaient biaisées. Ils cherchaient des différences entre les races et les classes sociales, et ont orienté leurs recherches en fonction de ces attentes" (Upon closer inspection of these scientists' original data, it becomes evident that their conclusions were biased. They were looking for differences between races and social classes and tailored their research to meet these expectations).

 

Gould remet donc en question la validité des tests de QI, argumentant que ces tests ne mesurent pas vraiment l'intelligence innée, mais plutôt des compétences spécifiques influencées par des facteurs culturels, sociaux et éducatifs. Il montrera aussi que l’utilisation de ces tests pour classer des individus ou des groupes (par exemple, en fonction de la race ou de la classe sociale) repose sur une compréhension déformée de l'intelligence humaine : "Les tests de QI ne mesurent pas une intelligence 'pure' ou 'innée', mais plutôt des compétences qui sont elles-mêmes influencées par des facteurs comme l'éducation, la langue et l'expérience culturelle. Ainsi, la prétention que ces tests révèlent une hiérarchie naturelle de l'intelligence humaine est fallacieuse" (IQ tests do not measure 'pure' or 'innate' intelligence but rather skills that are themselves shaped by factors such as education, language, and cultural experience. Therefore, the claim that these tests reveal a natural hierarchy of human intelligence is fallacious).

 

Gould critique également l'idée du facteur g, le fameux concept d'une "intelligence générale", notion développée par Charles Spearman, selon laquelle il existerait une seule forme d'intelligence générale mesurable chez tous les individus. Il montre que cette notion est une simplification excessive et une construction mathématique qui ne reflète pas la diversité et la complexité de l'intelligence humaine : "Le facteur g n'est pas une entité physique, mais une abstraction statistique. Cela ne signifie pas que l'intelligence est un concept simple et unitaire ; en fait, elle est multidimensionnelle, et la réduction de l'intelligence à un seul chiffre trahit la complexité des capacités cognitives humaines" (The g factor is not a physical entity, but a statistical abstraction. This does not mean that intelligence is a simple, unitary concept; in fact, it is multidimensional, and reducing intelligence to a single number betrays the complexity of human cognitive abilitie).

 

Enfin, Gould aborde le racisme dans la science, en montrant comment certains chercheurs ont utilisé leurs travaux pour justifier la domination de certains groupes raciaux sur d'autres. Il démontre que l'idéologie raciste imprégnait ces recherches, influençant à la fois les méthodes utilisées et les interprétations des résultats : "La science n'est jamais réalisée dans un vide culturel ou social. Les idées dominantes de la société, y compris les préjugés raciaux et les inégalités sociales, influencent la manière dont les chercheurs formulent leurs hypothèses et interprètent leurs résultats" (Science is never conducted in a cultural or social vacuum. The prevailing ideas of society, including racial biases and social inequalities, influence how researchers formulate their hypotheses and interpret their results).


"At the time I wrote "Frames of Mind", I had not fully anticipated the extent to which most people continued to adhere to two assumptions about intelligence: first, that it is a single, general capacity that every human being possesses to a greater or lesser extent; and that, however defined, it can be measured by standardized verbal instruments, such as short-answer, paper-and-pencil tests. In an effort to help new readers to enter the work, and to forestall these widely held but ultimately untenable conceptions, I ask you to perform two thought experiments. First of all, try to forget that you have ever heard of the concept of intelligence as a single property of the human mind, or of that instrument called the intelligence test, which purports to measure intelligence once and for all. Second of all, cast your mind widely about the world and think of all the roles or “end states”—vocational and avocational—that have been prized by cultures during various eras. Consider, for example, hunters, fishermen, farmers, shamans, religious leaders, psychiatrists, military leaders, civil leaders, athletes, artists, musicians, poets, parents, and scientists. Honing in closer, then, consider the three end states with which I begin "Frames of Mind": the Puluwat sailor, the Koranic student, and the Parisian composer at her microcomputer.

 

« Au moment où j'ai écrit « Frames of Mind », je n'avais pas pleinement anticipé la mesure dans laquelle la plupart des gens continuaient à adhérer à deux hypothèses sur l'intelligence : premièrement, qu'il s'agit d'une capacité unique et générale que chaque être humain possède à un degré plus ou moins élevé ; et que, quelle que soit sa définition, elle peut être mesurée par des instruments verbaux standardisés, tels que des tests à réponses courtes, papier et crayon. Afin d'aider les nouveaux lecteurs à entrer dans le travail et de prévenir ces conceptions largement répandues mais finalement insoutenables, je vous demande de réaliser deux expériences de pensée.

Tout d'abord, essayez d'oublier que vous avez déjà entendu parler du concept d'intelligence en tant que propriété unique de l'esprit humain, ou de cet instrument appelé test d'intelligence, qui prétend mesurer l'intelligence une fois pour toutes. En second lieu, jetez un regard large sur le monde et pensez à tous les rôles ou « états finaux » - professionnels ou non - qui ont été appréciés par les cultures à différentes époques. Pensez, par exemple, aux chasseurs, aux pêcheurs, aux agriculteurs, aux chamans, aux chefs religieux, aux psychiatres, aux chefs militaires, aux chefs civils, aux athlètes, aux artistes, aux musiciens, aux poètes, aux parents et aux scientifiques. Pour aller plus loin, considérons les trois états finaux avec lesquels je commence « Frames of Mind » : le marin de Puluwat, l'étudiant coranique et la compositrice parisienne devant son micro-ordinateur.

 

In my view, if we are to encompass adequately the realm of human cognition, it is necessary to include a far wider and more universal set of competences than we have ordinarily considered. And it is necessary to remain open to the possibility that many—if not most—of these competences do not lend themselves to measurement by standard verbal methods, which rely heavily on a blend of logical and linguistic abilities. With such considerations in mind, I have formulated a definition of what I call an “intelligence.” An intelligence is the ability to solve problems, or to create products, that are valued within one or more cultural settings—a definition that says nothing about either the sources of these abilities or the proper means of “testing” them.

 

À mon avis, si nous voulons englober de manière adéquate le domaine de la cognition humaine, il est nécessaire d'inclure un ensemble de compétences beaucoup plus large et plus universel que ce que nous avons habituellement considéré. Et il est nécessaire de rester ouvert à la possibilité qu'un grand nombre de ces compétences, voire la plupart, ne se prêtent pas à une mesure par des méthodes verbales standard, qui reposent fortement sur un mélange d'aptitudes logiques et linguistiques. En gardant ces considérations à l'esprit, j'ai formulé une définition de ce que j'appelle une « intelligence ». Une intelligence est la capacité à résoudre des problèmes ou à créer des produits qui sont appréciés dans un ou plusieurs contextes culturels - une définition qui ne dit rien sur les sources de ces capacités ni sur les moyens appropriés de les « tester ».

 

Building upon this definition, and drawing especially on biological and anthropological evidence, I then introduce eight distinct criteria for an intelligence. As set forth in chapter 4, these criteria range from the isolation of a capacity as a result of brain damage to the susceptibility of a capacity to encoding in a symbolic system. Then, in part II of the book, I describe in detail each of the seven candidate intelligences: the linguistic and logicalmathematical intelligences that are at such a premium in schools today; musical intelligence; spatial intelligence; bodily-kinesthetic intelligence; and two forms of personal intelligence, one directed toward other persons, one directed toward oneself.

 

En m'appuyant sur cette définition, et en particulier sur les preuves biologiques et anthropologiques, je présente ensuite huit critères distincts pour une intelligence. Comme indiqué au chapitre 4, ces critères vont de l'isolement d'une capacité à la suite d'une lésion cérébrale à la sensibilité d'une capacité à l'encodage dans un système symbolique. Ensuite, dans la deuxième partie du livre, je décris en détail chacune des sept intelligences candidates : les intelligences linguistique et logico-mathématique qui sont si prisées dans les écoles aujourd'hui ; l'intelligence musicale ; l'intelligence spatiale ; l'intelligence corporelle-kinesthésique ; et deux formes d'intelligence personnelle, l'une orientée vers les autres personnes, l'autre vers soi-même.

 

Following the introduction of the intelligences and a description of their respective modes of operations, I present a critique of the theory in terms of those deficiencies most evident to me at the time of writing. I conclude with some considerations of how intelligences do—and can—develop within a culture, and of how they can be mobilized in various educational settings. When one puts forth a new theory, it is sometimes helpful to indicate the perspectives to which it is most radically opposed. This tack seems especially important in light of the critics who have been unable—or unwilling—to abandon these traditional perspectives. I introduce two exhibits in this regard. First, an advertisement for an intelligence test begins: 

 

Need an individual test which quickly provides a stable and reliable estimate of intelligence in 4 or 5 minutes per form? Has three forms? Does not depend on verbal production or subjective scoring? Can be used with the severely physically handicapped (even paralyzed) if they can signal yes—no? Handles two year olds and superior adults within the same short series of times and the same format?

 

and continues in this vein. Whatever might be the value of this test, I can state unequivocally that the description of it implies an illusory wonder-land of testing. Furthermore, I am equally suspicious of claims to test intelligence (whatever it might be) by means of reaction-time measures or brain waves. That these measures may well correlate with IQs is, from my perspective, all the more reason for calling IQs into question.

 

Après la présentation des intelligences et la description de leurs modes de fonctionnement respectifs, je présente une critique de la théorie en fonction des lacunes qui m'apparaissent les plus évidentes au moment de la rédaction. Je conclus par quelques considérations sur la façon dont les intelligences se développent - et peuvent se développer - au sein d'une culture, et sur la façon dont elles peuvent être mobilisées dans divers contextes éducatifs. Lorsque l'on propose une nouvelle théorie, il est parfois utile d'indiquer les perspectives auxquelles elle s'oppose le plus radicalement. Cette démarche semble particulièrement importante à la lumière des critiques qui n'ont pas pu - ou pas voulu - abandonner ces perspectives traditionnelles. Je présente deux pièces à conviction à cet égard. Tout d'abord, une publicité pour un test d'intelligence commence par « Besoin d'un test individuel qui donne rapidement une idée de l'intelligence de l'individu » : 

 

Vous avez besoin d'un test individuel qui fournisse rapidement une estimation stable et fiable de l'intelligence en 4 ou 5 minutes par formulaire ? Qui comporte trois formulaires ? Ne dépend pas de la production verbale ou de la notation subjective ? Peut être utilisé avec des personnes gravement handicapées physiquement (même paralysées) si elles peuvent répondre par oui ou par non ? Il peut être utilisé avec des enfants de deux ans et des adultes de niveau supérieur dans la même série de temps courts et le même format ?

 

et continue dans cette veine. Quelle que soit la valeur de ce test, je peux affirmer sans équivoque que la description qui en est faite implique un pays merveilleux et illusoire de tests. En outre, je me méfie tout autant des affirmations visant à tester l'intelligence (quelle qu'elle soit) au moyen de mesures du temps de réaction ou des ondes cérébrales. Le fait que ces mesures puissent être en corrélation avec les QI est, de mon point de vue, une raison de plus pour remettre en question les QI.

 

My second exhibit comes from a more venerable source—a well-known quotation from Samuel Johnson. The redoubtable doctor once defined “true genius” as “a mind of large general powers, accidentally determined to some particular direction.” While I do not question that some people may have the potential to excel in more than one sphere, I strongly challenge the notion of large general powers. To my way of thinking, the mind has the potential to deal with several different kinds of content, but a person’s facility with one content has little predictive power about his or her facility with other kinds. In other words, genius (and, a fortiori, ordinary performance) is likely to be specific to particular contents: human beings have evolved to exhibit several intelligences and not to draw variously on one flexible intelligence.

 

Ma deuxième pièce à conviction provient d'une source plus vénérable : une citation bien connue de Samuel Johnson. Le redoutable médecin a un jour défini le « vrai génie » comme « un esprit doté de vastes pouvoirs généraux, accidentellement déterminé à suivre une direction particulière ». Bien que je ne remette pas en question le fait que certaines personnes puissent avoir le potentiel d'exceller dans plus d'une sphère, je conteste fermement la notion de grands pouvoirs généraux. Selon moi, l'esprit a le potentiel de traiter plusieurs types de contenus différents, mais la facilité d'une personne à traiter un contenu n'a que peu de pouvoir prédictif quant à sa facilité à traiter d'autres types de contenus. En d'autres termes, le génie (et, a fortiori, les performances ordinaires) est susceptible d'être spécifique à des contenus particuliers : les êtres humains ont évolué pour faire preuve de plusieurs intelligences et non pour puiser diversement dans une seule intelligence flexible...."  (Howard Gardner, "Frames of Mind")


Howard Gardner (1943), "Frames of Mind: The Theory of Multiple Intelligences" (1983)

Il faut alors un grand bon en avant, pour voir en 1983, plus d'un demi-siècle après Charles Spearman et Louis Thurstone, Howard Gardner (1943) écrire "Frames of Mind: The Theory of Multiple Intelligences" : celui-ci, en proposant la théorie des intelligences multiples, soutient que l'intelligence ne peut être réduite à un seul facteur (g) mais relève de très nombreuses formes d'intelligence qui ne sont pas mesurables par les tests de QI :  intelligence linguistique, logico-mathématique, spatiale, musicale, kinesthésique, interpersonnelle, intrapersonnelle, etc., chacune correspondant à différentes façons d’interagir avec le monde. Encore faut-il les définir et les cultiver. Ce n'est qu'en élargissant et en reformulant notre vision de ce qui constitue l'intellect humain que nous pourrons concevoir des moyens plus appropriés pour l'évaluer et des méthodes plus efficaces pour l'éduquer (“Only if we expand and reformulate our view of what counts as human intellect will we be able to devise more appropriate ways of assessing it and more effective ways of educating it”).

 

Fils de réfugiés de l'Allemagne nazie, Howard Gardner a d'abord étudié l'histoire à l'université de Harvard. Après une année à la London School of Economics, il a intégré le programme de doctorat en psychologie du développement de Harvard (1966) puis fait partie de l'équipe de recherche du Projet Zéro (une étude à long terme du développement intellectuel et créatif de l'être humain et l'inspiration d'Erik Erikson). Parmi ses autres ouvrages, citons "The Unschooled Mind : How Children Think and How Schools Should Teach" (1991), "Multiple Intelligences : The Theory in Practice" (1993), "The Disciplined Mind : Beyond Facts and Standardized Tests" (1999), et "Changing Minds : The Art and Science of Changing Our Own and Other People's Minds" (2004). 

In my view, it is fine to call music or spatial ability a talent, so long as one calls language or logic a talent as well. But I balk at the unwarrantedassumption that certain abilities can be arbitrarily singled out as qualifyingas intelligence while others cannot.” (« À mon avis, il n'y a rien de mal à qualifier de talent la musique ou l'habileté spatiale, à condition que l'on qualifie également de talent le langage ou la logique. Mais je m'insurge contre l'hypothèse injustifiée selon laquelle certaines aptitudes peuvent être arbitrairement qualifiées d'intelligence, alors que d'autres ne le peuvent pas ».

 

Lorsque Howard Gardner, professeur de psychologie à Harvard, a écrit "Frames of Mind", le grand public avait très largement accepté l'idée que l'intelligence pouvait simplement être mesurée à l'aide d'un test de QI, ou quotient intellectuel. Un QI élevé signifiait que l'on était "intelligent" et que l'on bénéficiait de certaines opportunités dans la vie, tandis qu'un QI faible signifiait que l'on ne pouvait espérer au-delà de certaines opportunités particulièrement restreintes.

Gardner a tout d'abord popularisé l'idée que l'intelligence logico-mathématique ou « générale » (the logical-mathematical or “general” intelligence) normalement mesurée par les tests de QI n'est peut-être pas une bonne mesure du potentiel d'une personne. Les tests de QI peuvent être raisonnablement efficaces pour prédire les résultats obtenus dans les matières scolaires, mais ils ne permettent pas d'évaluer la capacité d'une personne à composer une symphonie, à gagner une campagne politique, à programmer un ordinateur ou à maîtriser une langue étrangère. Gardner a remplacé la question « Quel est votre niveau d'intelligence ? » (“How smart are you?”) par une autre, plus sage et plus inclusive : « Quel est votre niveau d'intelligence ? » (“How are you smart?”). Gardner, tout en allant à l'encontre des idées reçues, nous donne en fait une appréciation de l'intelligence proche de ce que nous savons déjà, c'esr que nous avons tous différentes façons d'être intelligents, et que le succès éventuel vient de l'utilisation de ces intelligences tout au long de la vie.

Gardner affirme donc que tous les êtres humains possèdent un mélange unique de" sept intelligences" à travers lesquelles nous nous engageons dans le monde et cherchons à nous épanouir. Parmi ces « cadres de pensée » (frames of mind), deux sont généralement valorisés dans l'éducation traditionnelle, trois sont généralement associés aux arts et deux sont appelés « intelligences personnelles » (personal intelligences).

 

- "Linguistic intelligence (maîtrise des mots) : Il s'agit de l'appréciation de la langue, de la capacité à apprendre de nouvelles langues et de la capacité à utiliser la langue pour atteindre certains objectifs.  

- "Logical-mathematical intelligence" (raisonnement logique et numérique) : Il s'agit de la capacité à détecter des modèles, à raisonner de manière déductive et à penser de manière logique. Avec l'intelligence linguistique, c'est elle que les tests de QI mesurent principalement.  

- "Visual-spatial intelligence" (Intelligence visuo-spatiale) : Il s'agit de la capacité à percevoir avec précision les objets dans l'espace, à avoir une idée de « l'endroit où les choses doivent aller ». 

- "Musical intelligence" (compréhension des structures sonores) : Les personnes dotées d'une intelligence musicale pensent en termes de sons, de rythmes et de modèles musicaux.  

- "Bodily-kinesthetic intelligence" (intelligence corporelle et kinesthésique) : Il s'agit de la capacité à contrôler et à coordonner des mouvements physiques complexes, à s'exprimer par le mouvement (langage corporel, le mime et le jeu d'acteur, activités sportives). 

- "Interpersonal intelligence" (comprendre les autres) : L'intelligence interpersonnelle est la capacité à comprendre les objectifs, les motivations et les désirs des autres. Elle joue un rôle essentiel dans l'établissement de relations. 

- "Intrapersonal intelligence" (intelligence intrapersonnelle) : Il s'agit de la capacité à se comprendre soi-même, avec une conscience aiguë de ses sentiments et de ses motivations.  

 

La théorie de Gardner représentera un énorme défi pour les modèles éducatifs établis : accepter l'idée que chaque personne combine un ensemble unique d'intelligences impose la nécessité de mettre en place un système éducatif soigneusement adapté pour permettre à chaque potentiel de se réaliser.  

Ensuite, sa théorie nous pose la question de l'utilité de persévérer à  mesurer en termes de « QI » chacun d'entre nous, que l'on pense au célèbre test américain SAT pour l'entrée à l'université (SAT Reasoning Test). Mais nous sommes dans un monde dans lequel  les tests dits d'intelligence existent depuis plus d'un siècle et offre un moyen si facile et si peu coûteux de trier les individus en fonction d'un "mérite" qu'on se garde bien de remettre en question , faute sans doute d'intelligence au sens de capacité à "comprendre" ...


Robert Sternberg (1949), "The Triarchic Mind: A New Theory of Human Intelligence" (1985) 

La théorie de Howard Gardner sera l'objet de bien de critiques, notamment de la part de Robert Sternberg (1949), affirmant que celle-ci manque de bases empiriques suffisamment robustes. Les "intelligences" de Gardner ressemblent davantage à des talents ou des aptitudes qu'à des formes d'intelligence cognitive comparable au facteur g. Aussi, dans "The Triarchic Mind: A New Theory of Human Intelligence" (1985), Sternberg va nous soumettre une approche dite triarchique de l'intelligence, la divisant en trois composantes principales : l'intelligence analytique (en charge de la résolution de problèmes), l'intelligence créative (liée à adaptation à des situations nouvelles), et l'Intelligence pratique (qui est foncièrement adaptation aux environnements réels). Il ajoutera que l'idée que les tests classiques de QI ne mesurent qu'une petite partie de l'intelligence humaine. 

Les critiques ne vont guère se faire attendre. Certains psychologues vont estimer que les distinctions de Sternberg ne sont pas suffisamment individualisées dans la réalité et que ses trois formes d’intelligence se recouvrent en fait dans de nombreux contextes. Quant à la mesure empirique de ces trois formes, rien ne semble réellement possible. 


Daniel Goleman (1946), "Emotional Intelligence" (1995)

Emotional intelligence matters twice as much as technical and analytic skill combined for star performances… And the higher people move up in the company, the more crucial emotional intelligence becomes.” (L'intelligence émotionnelle compte deux fois plus que les compétences techniques et analytiques combinées pour les performances des stars... Et plus les gens montent dans l'entreprise, plus l'intelligence émotionnelle devient cruciale) - L'idée d'une "L'intelligence émotionnelle" (IE) fut popularisée par Daniel Goleman dans un livre de référence, "Emotional Intelligence" (1995). Cette "IE" inclut la capacité à reconnaître et gérer ses propres émotions et celles des autres, à se motiver, et à entretenir des relations interpersonnelles positives.

On reprochera à approche une certaine dilution du concept d'intelligence. John D. Mayer et Peter Salovey, qui, par exemple, avaient initialement développé le concept, ont reproché à Goleman d'avoir par trop élargi l'idée d'intelligence émotionnelle à des comportements qui relèvent plus de la personnalité ou des compétences sociales que de l'intelligence.

Mais ce qu'il faut noter, au détour de cet ouvrage, ce n'est guère la recherche d'une quelconque définition de ce que pourrait être l'intelligence, mais de l'état d'un certain "esprit" qui pourrait nous laisser espérer de cette fameuse réussite sociale et financière à propos de laquelle depuis plus d'un siècle bien des auteurs anglo-saxons nous proposent en fin de compte les même formules ..

Daniel Goleman a grandi à Stockton, en Californie, a obtenu son doctorat en psychologie à l'université de Harvard sous la direction de David McClelland et pendant 12 ans, a écrit une chronique pour le New York Times sur les sciences du comportement et du cerveau, et il a également été rédacteur en chef de Psychology Today. En 1994, il a cofondé le Collaborative for Academic, Social, and Emotional Learning (CASEL), qui vise à promouvoir l'apprentissage social, émotionnel et scolaire afin d'améliorer la réussite des enfants à l'école et dans la vie. Il sera coprésident du Consortium pour la recherche sur l'intelligence émotionnelle dans les organisations à l'université Rutgers. Parmi ses autres ouvrages figurent "The Meditative Mind" (1996), "Primal Leadership" (2002, avec Richard Boyatsis et Annie McKee) et "Destructive Emotions : A Scientific Dialogue with the Dalai Lama" (2003). 

Son ouvrage, « Emotional Intelligence » connut en 1995 un succès inattendu, se vendant à plus de cinq millions d'exemplaires dans le monde entier. Inspiré par quelques articles universitaires de John Mayer et Peter Salovey établissant un lien entre les émotions et l'intelligence, Goleman a écrit et publié un ouvrage de psychologie populaire d'un impact inhabituel. Divisant le livre en cinq parties et définissant 25 « compétences émotionnelles » qui peuvent déterminer si nous progressons ou si nous restons à la traîne dans notre carrière, tout en nous explique pourquoi nous devrions essayer de créer des organisations émotionnellement intelligentes, voilà de quoi effectvement vendre beaucoup d'ouvrages et notamment dans le monde des affaires. 

What employers want - Et effectivement, Golemann commence par nous décrire ce que veulent les employeurs dans un monde où la sécurité de l'emploi n'existe plus. Si jadis, le type d'emploi que nous occupions dépendait de nos résultats à l'université ou de nos compétences techniques, de nous jours, ce qui fait notre succès potentiel, c'est la possession d'aptitudes telles que la résilience, l'esprit d'initiative, l'optimisme, l'adaptabilité au changement et l'empathie envers les autres (resilience, initiative, optimism, adaptability to change, and empathy toward others). Très peu d'employeurs justifient le recrutement d'une personne par son « intelligence émotionnelle » (emotionally intelligent), et pourtant c'est souvent le facteur décisif. D'autres termes tels que le caractère, la personnalité, la maturité, les compétences non techniques et la volonté d'atteindre l'excellence peuvent être utilisés à la place. Et cette intelligence émotionnelle est d'autant plusimportante que les entreprises ne sont plus seulement compétitives sur les produits, mais aussi sur la façon dont elles utilisent leur personnel.

Dans un environnement commercial difficile, ce sont les compétences en matière d'intelligence émotionnelle qui permettront à une entreprise d'aller plus loin (Listening and communication skills, Adaptability to change and ability to get over setbacks, Confidence, motivation, wish to develop one’s career, Ability to work with others and handle isagreements, Wanting to make a contribution or be a leader) ...

Are you emotionally competent? En 1973, David McLelland, le mentor de Goleman, publia un article célèbre dans American Psychologist, dans lequel il affirmait que les tests académiques et d'intelligence traditionnels n'étaient pas un bon moyen de prédire les performances réelles d'une personne dans son travail. Les personnes devraient être testées sur les « compétences » qui sont importantes pour l'emploi : et ce fut le début des tests de compétences, aujourd'hui largement utilisés pour sélectionner les candidats ou créer des équipes, en plus de la prise en compte traditionnelle des compétences académiques et de l'expérience.

Et Goleman poussa encore plus loin les idées de McLelland en présentant 25 compétences émotionnelles basées sur cinq compétences fondamentales : Self-awareness, Self-regulation, Motivation, Empathy, Social skills. L'intelligence émotionnelle permet de tirer le meilleur parti des compétences techniques dont nous disposons, ainsi les scientifiques veulent que le reste du monde sache ce qu'ils font, les programmeurs veulent que les gens sentent qu'ils ne sont pas seulement des « techniciens ». Selon Goleman, le QI explique 25 % des performances professionnelles, ce qui laisse 75 % à d'autres facteurs ... 

Quant au niveau le plus élevé de la hiérarchie, ce qui compte, outre les facteurs évidents tels que le désir de réussir et la capacité à diriger des équipes, ce sont la capacité à avoir une vision d'ensemble, la conscience politique, ou le fait d'avoir une idée de la manière dont certaines personnes ou certains groupes interagissent et s'influencent mutuellement, la confiance en soi (Albert Bandura a inventé le terme « auto-efficacité » pour décrire la croyance d'une personne en son potentiel et en sa capacité à réaliser des performances, indépendamment de ses capacités réelles), et l'intuition (l'intuition est au cœur des processus de prise de décision) ...

Quant aux cadres, le cabinet de recrutement de cadres Egon Zehnder, nous explique-t-on, a constaté que les cadres qui échouaient étaient généralement dotés d'un QI et d'une expertise élevés, mais qu'ils présentaient souvent un défaut fatal tel que l'arrogance, le refus de collaborer, l'incapacité à prendre en compte le changement ou la dépendance excessive à l'égard de la seule puissance cérébrale...

Nous voici donc distinguant "QI" et "intelligence émotionnelle" : alors que nous naissons avec un certain niveau d'intelligence native qui ne change pas beaucoup après l'adolescence, nous aurons, nous dit-on, la possibilité d'améliorer notre intelligence dite émotionnelle au fil du temps, promesse de belle intégration sociale ("In the vast majority of fields, what makes a star performer is the ability to deploy exceptional emotional intelligence") ...


Les approches neuropsychologiques vont alors prendre le relai : les développements récents incluent des recherches sur la neurobiologie de l'intelligence, cherchant à relier les capacités cognitives à la structure et au fonctionnement du cerveau. Les techniques d'imagerie cérébrale (IRM) permettent quant à elles de mieux comprendre les corrélats neurologiques de l'intelligence. D'autre part, les tests actuels, comme le WAIS-IV et le Stanford-Binet 5, sont largement utilisés, mais la compréhension de l'intelligence continue d'évoluer, notamment avec l'intégration de la neuroscience cognitive et de nouvelles théories sur la plasticité cérébrale et l'influence de l'environnement.

 

Neurosciences et plasticité cognitive - Les développements récents dans les neurosciences cognitives, tels que les travaux de Stanislav Dehaene ou Elkhonon Goldberg, mettent en avant la nature neurobiologique de l'intelligence. On se concentre ici sur les corrélats neuronaux de l’intelligence, notamment les régions cérébrales impliquées dans la résolution de problèmes, la mémoire de travail, ou encore les fonctions exécutives.

Mais a contrario, des auteurs comme Richard Nisbett vont insister sur l’importance de l’environnement dans le développement de l’intelligence, soulignant que l'intelligence n'est pas entièrement déterminée par la biologie mais peut être modulée par l’éducation et l’expérience.