Cormac McCarthy (1933-2023), "Child of God" (1973), "Blood Meridian" (1985), "All the Pretty Horses" (1992), "The Crossing" (1994), "Cities of the Plain" (1998), "No Country For Old Men"- (2005), "The Road" (2006) - ... - ........
Last update: 2024/12/12


One of the most enigmatic American writers, un des écrivains américains les plus énigmatiques, McCarthy était aussi l’un des plus populaires, grâce à ses romans sombres et puissants sur les hommes qui luttent pour survivre dans des paysages difficiles. Sa vision du passé américain comme une sorte d’enfer est presque sans précédent dans le récit américain ; son refus de donner un sens et une forme morale à son histoire rend certaines de ses oeuvres originales et troublantes (Blood Meridian)... 

The Bordery Trilogy (1985-1998), qui compte "Blood Meridian" (1985), "All the Pretty Horses" (1992), "The Crossing" (1994) et "Cities of the Plain" (1998), se déroule au XXe siècle (entre les années 1940 et 1950), mais ses thèmes (la disparition du mythe du Far West, la cruauté du progrès, la fatalité de la violence) renvoient à une violence structurelle et intemporelle, ancrée dans l’histoire américaine et humaine. De bout en bout, une Amérique née dans le sang (Blood Meridian), confrontée à la perte de ses mythes (la Trilogie), et finalement à sa propre fin (The Road)...

 

"... All night the wind blew and the ne dust set their teeth on edge. Sand in everything, grit in all they ate. In the morning a urinecolored sun rose blearily through panes of dust on a dim world and without feature. The animals were failing. They halted and made a dry camp without wood or water and the wretched ponies huddled and whimpered like dogs. That night they rode through a region electric and wild where strange shapes of soft blue fire ran over the metal of the horses’ trappings and the wagonwheels rolled in hoops of fire and little shapes of pale blue light came to perch in the ears of the horses and in the beards of the men. All night heetlightning quaked sourceless to the west beyond the midnight thunderheads, making a bluish day of the distant desert, the mountains on the sudden skyline stark and black and livid like a land of some other order out there whose true geology was not stone but fear. The thunder moved up from the southwest and lightning lit the desert all about them, blue and barren, great clanging reaches ordered out of the absolute night like some demon kingdom summoned up or changeling land that come the day would leave them neither trace nor smoke nor ruin more than any troubling dream..."

 

« ... ... Toute la nuit, le vent souffla et la poussière leur agaça les dents. Du sable partout, du gravier dans tout ce qu'ils mangeaient. Au matin, un soleil couleur d'urine se leva trouble derrière des vitres de poussière sur un monde terne et sans relief. Les animaux faiblissaient. Ils firent halte et établirent un campement aride, sans bois ni eau, et les misérables poneys se blottirent en geignant comme des chiens. Cette nuit-là, ils traversèrent une région électrique et sauvage où d'étranges formes de feu bleu et doux coururent sur le métal des harnais des chevaux, où les roues du chariot roulèrent cerclées de flammes, et où de petites lueurs bleu pâle vinrent se percher dans les oreilles des chevaux et dans les barbes des hommes. Toute la nuit, des éclairs silencieux tremblèrent sans source à l'ouest, au-delà des nuages d'orage, éclairant d'une lueur bleutée le désert lointain, les montagnes surgissant à l'horizon, sombres, noires et livides comme une terre d'un autre ordre, dont la vraie géologie n'était pas la pierre mais la peur. Le tonnerre monta du sud-ouest et la foudre illumina le désert tout autour d'eux, bleu et désolé, de vastes étendues retentissantes surgies de la nuit absolue comme un royaume démoniaque évoqué par sortilège, ou une terre changeante qui, à l'aube, ne leur laisserait ni trace, ni fumée, ni ruine, pas plus qu'un rêve troublant..."

 


Cormac McCarthy (1933-2023) 

Cormac (né Charles) McCarthy est né à Rhode Island mais a grandi à Knoxville, au Tennessee. Son père travaillait à la Tennessee Valley Authority, et une partie de son travail consistait à enlever les gens des collines où ils avaient vécu pendant des générations afin que les zones puissent être inondées. Cela semble avoir eu un effet sur le jeune McCarthy, qui s’est inspiré de leur vie pour ses quatre premiers romans.

My perfect day is sitting in a room with some  blank paper. That’s heaven. That’s gold, and anything else is just a waste of time.”  (Ma journée idéale, c'est de m'asseoir dans une pièce avec une feuille blanche. C'est le paradis. C'est de l'or, et tout le reste n'est qu'une perte de temps...)

Dans les années 1950, McCarthy a fréquenté l'université du Tennessee, avant de passer quatre ans dans l'US Air Force. Il choisit ensuite de ne pas terminer ses études et d'essayer de faire son chemin en tant qu'écrivain. Ses quatre premiers romans, à commencer par "The Orchard Keeper" (Le gardien du verger) en 1965, ont été bien accueillis et ont valu à McCarthy suffisamment de prix et de bourses pour lui permettre de continuer à écrire, mais leur sujet était souvent épouvantable : meurtre d'enfant, inceste, mutilation de cadavre, nécrophilie, etc. Aucun des livres n'a fait l'objet d'une seconde impression, si bien que McCarthy était souvent à court d'argent. 

Au milieu des années 1980, alors qu'il est divorcé deux fois, il s'installe à El Paso, au Texas, afin de pouvoir effectuer les recherches nécessaires à la rédaction de "Blood Meridian", un roman « anti-occidental » semi-historique et extrêmement violent, qui marque une nouvelle maturité dans son œuvre. Sa carrière est transformée par le succès de "All the Pretty Horses" (1992), qui remporte le National Book Award. Il s'agit du premier volume de la trilogie de la frontière, qui retrace la vie de deux jeunes hommes qui deviennent adultes dans le sud-ouest des États-Unis et au Mexique. McCarthy a écrit sur des hommes qui luttent dans un monde sans pitié, confrontés à leur propre capacité à faire le mal au milieu de paysages tout aussi sombres. Son œuvre a été qualifiée de contribution sérieuse au genre du Southern Gothic, aux côtés de celles de William Faulkner et de Flannery O'Connor. Il a également ajouté une dimension sombre au genre américain du western.

En 1997, McCarthy a épousé Jennifer Winkley, sa troisième femme, avec laquelle il a eu un fils (son deuxième). Il a déclaré que c'est le fait d'être père qui l'a poussé à écrire La route, l'histoire du voyage d'un homme avec son fils dans un paysage post-apocalyptique. McCarthy est mort en 2023, un an après avoir publié "The Passenger" et "Stella Maris".

 


"Child of God" (1973)

Aucune tentative de psychologisation, ni de condamnation explicite, le lecteur est laissé face à l’horreur brute, celle de Lester Ballard, un marginal rejeté par la société, qui sombre dans la folie meurtrière et la nécrophilie dans les montagnes du Tennessee. Dans un style froid et naturaliste. La bestialité vs l'humanité, mais quelle humanité? Le titre, "Child of God", "Enfant de Dieu", est ironique : Ballard est-il un monstre ou un homme brisé par le destin ? 

Ballard, un homme pauvre et asocial, est expulsé de sa ferme après une vente aux enchères. Il erre dans les bois, vivant dans des cabanes abandonnées. Il observe avec fascination et rage les habitants de la région, développant un ressentiment croissant. Après avoir découvert un couple mort dans une voiture accidentée, il s’empare du corps de la femme et entame une relation macabre avec le cadavre.

Puis c'est la descente dans la folie criminelle. Ballard, de plus en plus isolé, commence à tuer des femmes pour assouvir ses pulsions. Il cache les corps dans une grotte (l'enfer), créant un harem de cadavres qu’il habille et avec lesquels il converse (ses crimes sont une parodie de l’amour et de l’intimité). La communauté locale, d’abord indifférente, finit par le traquer après qu’un incendie révèle ses crimes.

Et la fin sera des plus grotesques : Ballard, blessé et pourchassé, se réfugie dans les égouts avant de mourir de maladie. Son corps est disséqué à l’université, bouclant le récit sur une note clinique et désacralisante.

À sa sortie, le roman a choqué par son sujet, mais a été salué pour sa puissance littéraire.

Adaptation cinématographique en 2013 par James Franco, assez fidèle mais moins subtile que le livre.

 

"I DON’T KNOW. THEY SAY HE never was right after his daddy killed hisself. They was just the one boy. The mother had run off, I don’t know where to nor who with. Me and Cecil Edwards was the ones cut him down. He come in the store and told it like you’d tell it was rainin out. We went up there and walked in the barn and I seen his feet hangin. We just cut him down, let him fall in the floor. Just like cuttin down meat. He stood there and watched, never said nothin. He was about nine or ten year old at the time. The old man’s eyes was run out on stems like a crawsh and his tongue blacker’n a chow dog’s. I wisht if a man wanted to hang hisself he’d do it with poison or somethin so folks wouldn’t have to see such a thing as that.

He didn’t look so pretty hisself when Greer got done with him. No. But I don’t mind honest blood. I’d rather to see that thaneyeballs hangin out and such.

I’ll tell ye what old Gresham done when his wife died and how crazy he was. They buried her up here at Sixmile and the preacher he said a few words and then he called on Gresham, ast him did he want to say a few words fore they thowed the dirt over her and old Gresham he stood up, had his hat in his hand and all. Stood up there and sung the chickenshit blues. The chickenshit blues. No, I don’t know the words to it but he did and he sung em ever one fore he set back down again. But he wasn’t a patch on Lester Ballard for crazy.

 

« J’sais pas. Ils disent qu’il a jamais été bien normal après que son papa s’est pendu. Y’avait que lui comme gamin. Sa mère avait pris la fuite, j’sais pas où ni avec qui. C’est moi et Cecil Edwards qu’on l’a décroché. Il est entré dans le magasin et il nous l’a annoncé comme s’il parlait de la pluie. On est montés là-bas, on est entrés dans la grange, et j’ai vu ses pieds qui pendaient. On l’a juste décroché, laissé tomber par terre. Comme si on découpait de la viande. Lui, il est resté planté là à regarder, sans dire un mot. Il devait avoir neuf ou dix ans à l’époque. Les yeux du vieux lui sortaient des orbites comme ceux d’une écrevisse, et sa langue était plus noire que celle d’un chow-chow. J’aurais préféré qu’un homme qui veut en finir choisisse le poison ou un truc dans le genre, pour épargner aux gens un spectacle pareil.

Lui non plus, il était plus très beau après que Greer en a fini avec lui. Non. Mais le sang, honnêtement, ça me dérange pas. J’préfère encore ça que des yeux qui pendouillent et des trucs dans le genre. J’vais vous dire c’que le vieux Gresham a fait quand sa femme est morte, et à quel point il était cinglé. Ils l’ont enterrée là-haut, à Sixmile, et le prêcheur a dit deux-trois mots, puis il a demandé à Gresham s’il voulait ajouter quelque chose avant qu’on balance la terre dessus. Alors le vieux Gresham s’est levé, son chapeau à la main et tout. Il s’est mis là, et il a chanté le blues de la merde de poule. Le blues de la merde de poule. Non, j’en connais pas les paroles, mais lui si, et il les a chantées d’un bout à l’autre avant de se rasseoir. Mais comparé à Lester Ballard en matière de folie, c’était de la gnognotte. »

 

"WERE THERE DARKER PROVINCES of night he would have found them. Lying with his fingers plugged in the bores of his ears against the strident cheeping of the myriad black crickets with which he kept household in the barren cabin. One night on his pallet while half asleep he heard something scamper through the room and vault ghostly (he saw, struggling erect) through the open window. He sat there looking after it but it was gone. He could hear foxhounds in full cry, tortured wails and yelps nigh unto agony coming up the creek, up

 the valley. They ooded into the cabin yard in a pandemonium of soprano howls and crashing brush. Ballard standing naked saw by palest starlight the front door fill from floorsill up with bawling dogs. They hung there for a moment in a pulsing frame of piebald fur and then bowed through and lled the room, circled once with rising volume dog on dog and then swept out the window howl on howl carrying first the muntins, then the sash, leaving a square and naked hole in the wall and a ringing in his ear. While he stood there cursing two more dogs came through the door. He kicked one as it passed and stove his bare toes on its bony rump. He was hopping about on one foot shrieking when a nal hound entered the room. He fell upon it and seized its hind leg. It set up a piteous howling. Ballard ailed blindly at it with his st, great drumlike thumps that echoed in the near empty room among the desperate oaths and wailings." ...

 

Y EUT-IL DES PROVINCES PLUS OBSCURES de la nuit, il les aurait trouvées. Allongé, les doigts enfoncés dans les conduits de ses oreilles pour se protéger du crissement strident des myriades de grillons noirs avec lesquels il partageait sa demeure dans la cabane déserte. Une nuit, sur sa paillasse, à moitié endormi, il entendit quelque chose traverser la pièce en courant et bondir spectralement (il se redressa en luttant) par la fenêtre ouverte. Il resta assis à la regarder partir, mais elle avait disparu. Il pouvait entendre des meutes de chiens courants en pleine chasse, des gémissements torturés et des jappements proches de l'agonie remontant le ruisseau, la vallée. Ils déferlèrent dans la cour de la cabane dans un pandémonium de hurlements suraigus et de broussailles fracassées. Ballard, nu, vit à la lueur des étoiles les plus pâles la porte d'entrée se remplir, du seuil jusqu'en haut, de chiens hurlants. Ils restèrent suspendus là un instant, dans un cadre palpitant de fourrure pie, puis se courbèrent et envahirent la pièce, tournèrent une fois en un volume croissant, chien après chien, avant de s'engouffrer par la fenêtre, hurlement après hurlement, emportant d'abord les petits bois, puis le châssis, laissant dans le mur un trou carré et nu et un tintement dans ses oreilles.

Alors qu'il se tenait là, jurant, deux autres chiens entrèrent par la porte. Il en frappa un du pied au passage et se brisa les orteils nus contre sa côte osseuse. Il sautillait sur un pied en hurlant quand un dernier chien pénétra dans la pièce. Il se jeta sur lui et lui agrippa la patte arrière. L'animal poussa un gémissement pitoyable. Ballard le frappa aveuglément avec son poing, de grands coups sourds qui résonnèrent dans la pièce presque vide, parmi les jurants désespérés et les lamentations....


"Suttree" (1979)

Une plongée dans la boue et la lumière des âmes perdues. "Suttree" se déroule dans les bas-fonds de Knoxville, Tennessee, au début des années 1950. Contrairement aux autres œuvres de McCarthy (westerns, apocalyptique), c’est un récit urbain, introspectif et baroque, inspiré en partie par la jeunesse de l’auteur. Cornelius Suttree, un homme éduqué ayant rejeté sa vie bourgeoise pour devenir pêcheur de poissons-chats dans les eaux polluées de la rivière Tennessee, nous entraîne dans sa vie parmi les exclus, clochards, prostituées, criminels et déments, une vie misérable et libre. Suttree survit en pêchant et en vendant ses prises, tout en buvant abondamment et fréquente des personnages hauts en couleur, Harrogate, un jeune délinquant naïf et fantasque, qui fait exploser des melons avec de la dynamite, Gene Harrogate, dit "le roi des ordures", qui rêve de fortunes impossibles, J-Bone, son ami ivrogne et philosophe de taverne. Et entretient une relation complexe avec une prostituée, Wanda, qui ente d'échapper à son sort, mais reste piégée.

La descente aux enfers constitue la 2e partie du livre. Suttree est emprisonné pour ivresse publique et doit faire face à la mort de son enfant illégitime. Il erre dans Knoxville, survivant entre bagarres, beuveries et rencontres absurdes. Jusqu'à ce qu'une inondation dévaste les taudis, symbolisant un déluge biblique qui nettoie (sans purifier) le monde.

La dernière partie semble proposer une tentative de rédemption. Après une grave maladie (typhoïde), Suttree quitte Knoxville, comme s’il fuyait sa propre damnation. Part-il vers une nouvelle vie, ou ne peut-il échapper à son destin? 

À sa sortie, l'accueil fut mitigé, trop long, trop brut, mais le livre reste l'un de ses chefs-d’œuvre les plus personnels.


"Blood Meridian" (1985, Méridien de sang)

Considéré comme son chef-d'œuvre, ce roman historique et métaphysique suit la "Gang de Glanton", des chasseurs de scalps au XIXe siècle, une réflexion sur la violence comme essence de l’humanité, avec le Juge Holden, personnage démoniaque et fascinant, incarnation du mal pur, dans une prose quasi biblique, avec des paysages désertiques magnifiés...

En 1847, au lendemain de la guerre entre le Mexique et les Etats-Unis, une bande de mercenaires payés au scalp traquent les Apaches pour le compte de l'Etat mexicain de Chihuahua. Parmi eux, un jeune garçon de quatorze ans, dit le Gamin. Cette compagnie de tueurs et de pillards a pour chef le capitaine Glanton, guerrier courageux, rusé et cruel. Elle inclut aussi un prêtre défroqué, bon nombre de hors-la-loi illettrés et le juge Holden, géant glabre et surhumain, au savoir encyclopédique, dont les monologues délirants tranchent avec le laconisme des dialogues entre les autres personnages, et dont la stature métaphysique le rapproche du capitaine Achab de "Moby Dick". Cette bande de guerriers irréductibles sillonnant I'océan du désert, ainsi décrite dans toute sa dimension quasi biblique, par l'auteur : "des créatures surgies de la roche brute et lâchées sans nom et rivées à leurs propres mirages pour s'en aller rapaces et damnées et muettes rôder comme les gorgones errant dans les brutales solitudes du Gondwana en un temps d'avant la nomenclature où chacun était tout."

Après avoir exécuté d'innombrables massacres, sans égard pour le sexe ni l'âge, ces cavaliers de I'Apocalypse seront à leur tour décimés par des Indiens yumas. Les rescapés atteindront enfin la "mer occidentale" (le Pacifique) et, une vingtaine d'années plus tard, le gamin retrouvera le juge dans un bordel texan lors d'une apothéose dérisoire et sublime.

La violence des scènes de tuerie, la cruauté des supplices infligés, la multiplicité et la diversité des massacres témoignent d`un monde où personne, hormis peut-être le juge, n'échapper à une monstruosité inhumaine, qui est aussi celle de l'univers minéral sillonné par la bande des tueurs : « Dans la démocratie optique de ces paysages, écrit l'auteur, toute préférence devient un caprice. et un homme et un rocher acquièrent des liens de parenté insoupçonnés". Pour ces hommes entraînés vers leur "méridien de sang" par l`attraction irrésistible du mal, donner la mort devient bientôt la seule raison de vivre et c'est avec un style épique, dont le réalisme cru se teinte parfois de métaphysique, que McCarthy décrit leur odyssée dramatique et malfaisante. (Trad. Gallimard, 1988).

 

Le Prologue (Ouverture) - La naissance d'un monde sauvage...

"See the child. He is pale and thin, he wears a thin and ragged linen shirt. He stokes the scullery fire. Outside lie dark turned fields with rags of snow and darker woods beyond that harbor yet a few last wolves. His folk are known for hewers of wood and drawers of water but in truth his father has been a schoolmaster. He lies in drink, he quotes from poets whose names are now lost. The boy crouches by the fire and watches him.

 Night of your birth. Thirty-three. The Leonids they were called. God how the stars did fall. I looked for blackness, holes in the heavens. The Dipper stove. The mother dead these fourteen years did incubate in her own bosom the creature who would carry her off . The father never speaks her name, the child does not know it. He has a sister in this world that he will not see again. He watches, pale and unwashed. He can neither read nor write and in him broods already a taste for mindless violence. All history present in that visage, the child the father of the man.

 At fourteen he runs away. He will not see again the freezing kitchenhouse in the predawn dark. The firewood, the washpots. He wanders west as far as Memphis, a solitary migrant upon that flat and pastoral landscape. Blacks in the fields, lank and stooped, their fingers spiderlike among the bolls of cotton. A shadowed agony in  the garden. Against the sun’s declining figures moving in the slower dusk across a paper skyline. A lone dark husbandman pursuing mule and harrow down the rainblown bottomland toward night..."

 

« Voyez l’enfant. Il est pâle et maigre, vêtu d’une chemise de lin mince et en lambeaux. Il attise le feu de l’office. Dehors s’étendent des champs sombres labourés, parsemés de lambeaux de neige, et plus loin, des bois plus sombres encore où rôdent quelques derniers loups. Les siens passent pour des coupeurs de bois et des puiseurs d’eau, mais en vérité, son père fut instituteur. Il gît ivre, citant des poètes dont les noms sont désormais oubliés. L’enfant accroupi près du feu l’observe. Nuit de ta naissance. Trente-trois. On les appelait les Léonides. Mon Dieu, comme les étoiles tombaient. Je cherchais du noir, des trous dans le ciel. La Grande Ourse défoncée. La mère morte depuis quatorze ans avait couvé dans son propre sein la créature qui l’emporterait. Le père ne prononce jamais son nom, l’enfant l’ignore. Il a une sœur en ce monde qu’il ne reverra plus. Il observe, pâle et crasseux. Il ne sait ni lire ni écrire, et déjà en lui couve un goût pour la violence gratuite. Toute l’histoire est inscrite sur ce visage, l’enfant père de l’homme. À quatorze ans, il s’enfuit. Il ne reverra plus la cuisine glacée dans l’obscurité avant l’aube. Le bois à brûler, les cuvettes. Il erre vers l’ouest jusqu’à Memphis, migrant solitaire sur cette plaine pastorale. Des Noirs dans les champs, longilignes et courbés, leurs doigts arachnéens parmi les capsules de coton. Une agonie ombragée dans le jardin. Contre le déclin du soleil, des silhouettes progressant dans le crépuscule lent à travers un horizon de papier. Un laboureur solitaire et sombre poussant mule et herse vers les terres inondées, en route pour la nuit. » ..

 

On a certain night a Maltese boatswain shoots him in the back with a small pistol. Swinging to deal with the man he is shot again just below the heart. The man flees and he leans against the bar with the blood running out of his shirt. The others look away. After a while he sits in the floor.

He lies in a cot in the room upstairs for two weeks while the tavernkeeper’s wife attends him. She brings his meals, she carries  out his slops. A hardlooking woman with a wiry body like a man’s.  By the time he is mended he has no money to pay her and he leaves in the night and sleeps on the riverbank until he can find a boat that will take him on. The boat is going to Texas.

Only now is the child finally divested of all that he has been. His origins are become remote as is his destiny and not again in all the world’s turning will there be terrains so wild and barbarous to try whether the stuff of creation may be shaped to man’s will or whether his own heart is not another kind of clay. The passengers are a diffident lot. They cage their eyes and no man asks anotherwhat it is that brings him here. He sleeps on the deck, a pilgrim among others. He watches the dim shore rise and fall. Gray seabirds gawking. Flights of pelicans coastwise above the gray swells.

They disembark aboard a lighter, settlers with their chattels, all  studying the low coastline, the thin bight of sand and scrub pine swimming in the haze.

 He walks through the narrow streets of the port. The air smells of salt and newsawn lumber. At night whores call to him from the dark like souls in want. A week and he is on the move again, a few dollars in his purse that he’s earned, walking the sand roads of the southern night alone, his hands balled in the cotton pockets of his cheap coat. Earthen causeways across the marshland. Egrets in their rookeries white as candles among the moss. The wind has a raw edge to it and leaves lope by the roadside and skelter on in the night fields. He moves north through small settlements and farms,  working for day wages and found. He sees a parricide hanged in a crossroads hamlet and the man’s friends run forward and pull his legs and he hangs dead from his rope while urine darkens his trousers..."

 

« Une nuit, un maître d’équipage maltais lui tire dans le dos avec un petit pistolet. Alors qu’il se retourne pour faire face à l’homme, il est touché une seconde fois, juste sous le cœur. L’homme s’enfuit, et il reste adossé au bar, le sang ruisselant de sa chemise. Les autres détournent le regard. Au bout d’un moment, il s’assied par terre.

Il reste alité deux semaines dans une chambre à l’étage, soigné par la femme du tavernier. Elle lui apporte ses repas, vide ses pots de chambre. Une femme au visage dur, au corps noueux comme celui d’un homme. Quand il est rétabli, il n’a plus d’argent pour la payer. Il part dans la nuit et dort sur la berge jusqu’à ce qu’il trouve un bateau qui l’embarque. Le bateau se dirige vers le Texas.

Ce n’est qu’à présent que l’enfant est enfin dépouillé de tout ce qu’il fut. Ses origines sont devenues lointaines, comme son destin, et jamais plus, dans tout le vaste monde, il ne rencontrera de terres assez sauvages et barbares pour éprouver si la matière de la création peut être pliée à la volonté de l’homme, ou si son cœur n’est pas fait d’une autre argile. Les passagers sont d’un naturel méfiant. Ils baissent les yeux, et nul ne demande à l’autre ce qui l’amène ici. Il dort sur le pont, pèlerin parmi d’autres. Il observe la côte indistincte monter et descendre. Des oiseaux de mer gris, hébétés. Des vols de pélicans longeant la côte au-dessus des lames grises. Ils débarquent sur une allège, colons avec leurs biens, scrutant tous la côte basse, l’étroite bande de sable et de pins rabougris qui nagent dans la brume.

Il arpente les rues étroites du port. L’air sent le sel et le bois fraîchement scié. La nuit, des prostituées l’interpellent depuis l’ombre, comme des âmes en peine. Une semaine plus tard, il repart, quelques dollars en poche gagnés à la sueur de son front, marchant seul sur les chemins de sable des nuits du Sud, les mains enfoncées dans les poches de coton de son manteau bon marché. Des chaussées de terre traversent les marais. Des aigrettes dans leurs colonies, blanches comme des cierges parmi la mousse. Le vent a un tranchant cru, et les feuilles dérivent le long de la route avant de s’éparpiller dans les champs nocturnes. Il progresse vers le nord, à travers de petits villages et des fermes, travaillant pour un salaire journalier et le gîte. Il voit un parricide pendu à un carrefour, et les amis de l’homme se précipitent pour lui tirer les jambes. Il pend mort à sa corde tandis que l’urine fonce son pantalon. » ...

 

L'Entrée en Scène du Juge Holden l'incarnation du mal...

"The kid nodded. An enormous man dressed in an oilcloth slicker had entered the tent and removed his hat. He was bald as a stone and he had no trace of beard and he had no brows to his eyes nor lashes to them. He was close on to seven feet in height and he stood smoking a cigar even in this nomadic house of God and he seemed to have removed his hat only to chase the rain from it for now he put it on again.

The reverend had stopped his sermon altogether. There was no sound in the tent. All watched the man. He adjusted the hat and then pushed his way forward as far as the crateboard pulpit where the reverend stood and there he turned to address the reverend’s congregation. His face was serene and strangely childlike. His hands were small. He held them out.

 Ladies and gentlemen I feel it my duty to inform you that the man holding this revival is an imposter. He holds no papers of divinity from any institution recognized or improvised. He is altogetherdevoid of the least qualification to the office he has usurped and has only committed to memory a few passages from the good book for the purpose of lending to his fraudulent sermons some faint flavor of the piety he despises. In truth, the gentleman standing here before you posing as a minister of the Lord is not only totally illiterate but is also wanted by the law in the states of Tennessee, Kentucky, Mississippi, and Arkansas.

 Oh God, cried the reverend. Lies, lies! He began reading feverishly from his opened bible.

 On a variety of charges the most recent of which involved a girl of eleven years—I said eleven—who had come to him in trust and whom he was surprised in the act of violating while actually clothed in the livery of his God. A moan swept through the crowd. A lady sank to her knees. This is him, cried the reverend, sobbing. This is him. The devil. Here he stands. Let’s hang the turd, called an ugly thug from the gallery to the rear.

 Not three weeks before this he was run out of Fort Smith Arkansas for having congress with a goat. Yes lady, that is what I said. Goat. Why damn my eyes if I wont shoot the son of a bitch, said a man rising at the far side of the tent, and drawing a pistol from his boot he leveled it and red...."

 

L’enfant hocha la tête. Un homme énorme, vêtu d’un imperméable ciré, était entré dans la tente et avait retiré son chapeau. Il était chauve comme une pierre, sans la moindre trace de barbe, sans sourcils ni cils. Il mesurait près de deux mètres et se tenait là, fumant un cigare, même dans cette maison nomade de Dieu, et il semblait n’avoir enlevé son chapeau que pour en chasser la pluie, car il le remit aussitôt.

Le prédicateur avait interrompu son sermon. Un silence régnait sous la tente. Tous les regards étaient braqués sur l’homme. Celui-ci ajusta son chapeau, puis se fraya un chemin jusqu’au pupitre de fortune où se tenait le prédicateur. Là, il se tourna vers l’assemblée. Son visage était serein, étrangement enfantin. Ses mains étaient petites. Il les tendit devant lui.

— Mesdames et messieurs, je considère comme mon devoir de vous informer que l’homme qui dirige ce réveil religieux est un imposteur. Il ne détient aucun diplôme de théologie émanant d’une institution reconnue, ou même improvisée. Il est totalement dépourvu de la moindre qualification pour la fonction qu’il a usurpée et n’a appris par cœur que quelques passages du Livre saint dans le seul but de donner à ses sermons frauduleux une faible apparence de la piété qu’il méprise. En vérité, l’individu qui se tient devant vous, prétendant être un ministre du Seigneur, est non seulement complètement illettré, mais il est aussi recherché par la loi dans les États du Tennessee, du Kentucky, du Mississippi et de l’Arkansas.

— Mon Dieu ! s’écria le prédicateur. Des mensonges, des mensonges ! Il se mit à lire frénétiquement dans sa Bible ouverte.

— Pour une série d’accusations, la plus récente impliquant une fillette de onze ans — oui, j’ai dit onze ans — qui était venue à lui en toute confiance et qu’il a été surpris en train de violer, alors même qu’il portait l’habit de son Dieu. Un gémissement parcourut la foule. Une femme tomba à genoux. — C’est lui, sanglota le prédicateur. C’est lui. Le Diable. Le voici devant nous.

— Pendons cette merde ! lança un voyou hideux depuis le fond de la tente.

— Il y a moins de trois semaines, il a été chassé de Fort Smith, Arkansas, pour avoir eu des relations avec une chèvre. Oui, madame, vous m’avez bien entendu. Une chèvre.

— Nom de Dieu, si je ne descends pas ce fils de pute… Un homme se leva à l’autre bout de la tente, sortit un pistolet de sa botte, le braqua et tira...

 

Le Massacre des Apaches, l'horreur sans fard...

".. The captain smiled grimly. We may see a little sport here before the day is out.

 The first of the herd began to swing past them in a pall of yellow dust, rangy slatribbed cattle with horns that grew agoggle and no two alike and small thin mules coalblack that shouldered one another and reared their malletshaped heads above the backs of the others and then more cattle and nally the rst of the herders riding up the outer side and keeping the stock between themselves and the mounted company. Behind them came a herd of several hundred ponies. The sergeant looked for Candelario. He kept backing along the ranks but he could not find him. He nudged his horse through the column and moved up the far side. The lattermost of the drovers were now coming through the dust and the captain was gesturing and shouting. The ponies had begun to veer off from the herd and the drovers were beating their way toward this armed company met with on the plain. Already you could see through the dust on the ponies’ hides the painted chevrons and the hands and rising suns and birds and fish of every device like the shade of old work through sizing on a canvas and now too you could hear above the pounding of the unshod hooves the piping of the quena, flutes made from human bones, and some among the company had begun to saw back on their mounts and some to mill in confusion when up from the offside of those ponies there rose a fabled horde of mounted lancers and archers bearing shields bedight with bits of broken mirrorglass that cast a thousand unpieced suns against the eyes of their enemies. A legion of horribles, hundreds in number, half naked or clad in costumes attic or biblical or wardrobed out of a fevered dream with the skins of animals and silk nery and pieces of uniform still tracked with the blood of prior owners, coats of slaindragoons, frogged and braided cavalry jackets, one in a stovepipe hat and one with an umbrella and one in white stockings and a bloodstained weddingveil and some in headgear of cranefeathers or rawhide helmets that bore the horns of bull or buffalo and one in a pigeontailed coat worn backwards and otherwise naked and one in the armor of a Spanish conquistador, the breastplate and pauldrons deeply dented with old blows of mace or sabre done in another country by men whose very bones were dust and many with their braids spliced up with the hair of other beasts until they trailed upon the ground and their horses’ ears and tails worked with bits of brightly colored cloth and one whose horse’s whole head was painted crimson red and all the horsemen’s faces gaudy and grotesque with daubings like a company of mounted clowns, death hilarious, all howling in a barbarous tongue and riding down upon them like a horde from a hell more horrible yet than the brimstone land of christian reckoning, screeching and yammering and clothed in smoke like those vaporous beings in regions beyond right knowing where the eye wanders and the lip jerks and drools.

 Oh my god, said the sergeant..."

 

Le capitaine sourit d’un air sinistre. « Nous allons peut-être avoir un peu de spectacle avant la fin de la journée. »

Les premiers de la harde commencèrent à défiler devant eux dans un nuage de poussière jaune — du bétail efflanqué, aux côtes saillantes, avec des cornes difformes, toutes différentes, et de petits mules noirs comme du charbon qui se bousculaient, dressant par moments leurs têtes en forme de maillet au-dessus des autres. Puis vinrent encore des bêtes, et enfin les premiers gardiens, chevauchant en bordure pour maintenir le troupeau entre eux et la compagnie à cheval. Derrière eux arrivait un herd de plusieurs centaines de poneys. Le sergent chercha Candelario du regard. Il parcourut les rangs en reculant, mais ne le trouva pas. Poussant son cheval à travers la colonne, il remonta sur le côté opposé.

Les derniers gardiens émergeaient maintenant de la poussière, tandis que le capitaine gesticulait et hurlait. Les poneys commençaient à s’écarter du groupe, et les gardes frappaient leurs montures pour se diriger vers cette troupe armée rencontrée en pleine plaine. Déjà, à travers la poussière collée aux flancs des poneys, on distinguait les chevrons peints, les mains, les soleils levant, les oiseaux et les poissons, motifs variés comme l’esquisse d’une vieille œuvre sous un apprêt de toile. Et maintenant, par-dessus le martèlement des sabots nus, on entendait le sifflement des quenas, ces flûtes taillées dans des os humains.

Certains hommes de la troupe commençaient à tirer sur leurs rênes, d’autres tournaient en rond, désorientés, quand, surgissant de l’autre côté des poneys, se dressa une horde légendaire de lanciers et d’archers montés, brandissant des boucliers ornés de tessons de miroir qui renvoyaient mille éclats de soleil dans les yeux de leurs ennemis. Une légion de horribles, des centaines, à moitié nus ou vêtus d’atours sortis d’un grenier, d’un récit biblique ou d’un cauchemar fiévreux — peaux de bêtes, soieries fanées, lambeaux d’uniformes encore maculés du sang de leurs précédents propriétaires : manteaux de dragons tués, vestes de cavalerie à brandebourgs, l’un coiffé d’un haut-de-forme, un autre armé d’un parapluie, un autre en bas blancs et voile de mariée taché de sang, certains parés de plumets de grue ou de casques en cuir brut surmontés de cornes de taureau ou de bison, l’un portant une redingote à queue-de-pie à l’envers et rien d’autre, un autre cuirassé comme un conquistador espagnol, la plastron et les épaulières cabossés par des coups de masse ou de sabre assenés jadis, dans un autre pays, par des hommes dont les os n’étaient plus que poussière.

Beaucoup avaient tressé leurs nattes avec des crins d’autres bêtes, si longues qu’elles traînaient sur le sol ; les oreilles et queues de leurs chevaux étaient entrelacées de rubans aux couleurs vives. L’un d’eux montait un cheval dont toute la tête était peinte en rouge sang. Tous ces cavaliers arboraient des visages bariolés et grotesques, comme une troupe de clowns à cheval — la Mort en goguette — hurlant dans une langue barbare et chargeant telle une horde issue d’un enfer pire encore que le royaume de soufre des chrétiens, criant, glapissant, enveloppés de fumée comme ces êtres vaporeux des contrées au-delà de toute raison, où l’œil erre égaré et la lèvre tremble, bavant.

« Mon Dieu… » murmura le sergent...


"All the Pretty Horses" (1992, De si jolis chevaux)

Premier tome de la "Trilogie des Confins", plus accessible, racontant l’initiation tragique du jeune John Grady Cole dont la quête se heurte à la corruption et à la brutalité du Mexique moderne.

Texas, 1949. John Grady Cole, 16 ans, voit le ranch familial vendu après la mort de son grand-père. Refusant la modernisation de l’Amérique, il part pour le Mexique avec son ami Lacey Rawlins, en quête d’une vie de cowboy libre. John Grady et Rawlins chevauchent vers le sud, traversant le Rio Grande et rencontrent Jimmy Blevins, un adolescent arrogant et mystérieux, qui les suit malgré leurs réticences. Blevins perd son cheval dans un orage et vole un autre cheval, ce qui déclenche une poursuite avec des rurales (policiers mexicains).

Le ranch idyllique et l’amour interdit structurent la seconde partie. John Grady et Rawlins trouvent du travail au hacienda de La Purísima, où John Grady impressionne par ses talents équestres. Il tombe amoureux d’Alejandra, la fille riche et rebelle du propriétaire, Don Héctor. 

Leur liaison secrète est découverte. Le capataz (régisseur) les dénonce, et les deux Américains sont arrêtés.

Emprisonnés à Saltillo, ils retrouvent Blevins, capturé après avoir tué un homme. Blevins est exécuté sommairement. John Grady tue un assassin en prison avant d’être libéré grâce à l’intervention mystérieuse d’une dueña (probablement la tante d’Alejandra).

La vengeance et le retour : John Grady revient à La Purísima pour récupérer son cheval et affronte le capataz. Alejandra le rejoint, mais refuse de fuir avec lui, choisissant son devoir familial. Seul, blessé et désillusionné, John Grady rentre au Texas, où un shérif lui dit : "Le monde qui t’attend n’est pas celui que tu as quitté." Le dernier souffle du mythe du cowboy?

Prix National Book Award 1992 (malgré des critiques sur la fin abrupte) et adaptation cinématographique (2000) par Billy Bob Thornton, avec Matt Damon (un film qui décevra)


"The Crossing" (1994, Le Grand Passage)

Deuxième volet de la Trilogie des Confins, "The Crossing" conte l'histoire de Billy Parham, un adolescent du Nouveau-Mexique dans les années 1930-1940, à travers trois voyages tragiques au Mexique, une série d’échecs et de rencontres tragiques, soulignant l’absurdité de la condition humaine.

Premier voyage : La louve, un des animaux les plus poignants de la littérature (la louve regarde Billy avec une "sagesse ancienne"). Billy capture une louve qui tuait le bétail familial. Au lieu de la tuer, il décide de la ramener au Mexique, croyant lui rendre sa liberté. La louve est d’abord docile, puis fugue, est blessée, et finit capturée par des Mexicains qui la font combattre contre des chiens. Billy devra l’achever pour abréger ses souffrances. Il rentre chez lui, marqué à jamais.

Deuxième voyage : De retour au ranch, Billy découvre ses parents assassinés par des voleurs de chevaux. Avec son frère cadet Boyd, il traverse à nouveau la frontière pour venger leur mort. 

Ils récupèrent les chevaux, mais Boyd est grièvement blessé. Boyd disparaît après avoir rencontré une jeune Mexicaine. Billy le cherche désespérément, mais ne retrouve que sa tombe, devenue un lieu de culte local.

Troisième voyage : une quête impossible - Des années plus tard, Billy retourne au Mexique pour ramener les restes de Boyd aux États-Unis. Il erre dans un pays ravagé par la pauvreté et la violence, croisant des figures mystérieuses (un prêtre défroqué, un vieux révolutionnaire). Les os de Boyd sont volés (la scène où des saltimbanques volent les os de Boyd résume l’absurdité cruelle du destin). Billy rentre bredouille, seul, dans un monde qui n’a plus de place pour lui. Un thème majeur, la fatalité. Ni vengeance, ni rédemption ...


"Cities of the Plain" (1998, Des villes dans la plaine)

La confrontation entre cowboys et monde moderne se solde par une fin sanglante, comme si la violence était le seul langage universel. "Cities of the Plain" renvoie à Sodome et Gomorrhe (Genèse) – société corrompue vouée à la destruction.

Le dernier volet de la "Trilogie des Confins" réunit John Grady Cole (héros de "All the Pretty Horses") et Billy Parham (protagoniste de "The Crossing") dans le ranch d’Alamogordo, Nouveau-Mexique, en 1952. Le monde des cowboys touche à sa fin, menacé par l’expansion militaire (le ranch est voisin de White Sands, base de missiles).

C'est d'abord la rencontre avec Magdalena : John Grady tombe amoureux de Magdalena, une jeune prostituée mexicaine du bordel de La Casita. Elle est "propriété" d’Eduardo, un proxénète violent qui la vend à des officiers américains. Billy, plus âgé et sceptique, tente de dissuader John Grady de la sauver, prévoyant le désastre.

John Grady, obsédé, propose à Magdalena de l’épouser et de la faire passer aux États-Unis. Il demande de l’aide à un vieux vaquero mexicain, Tiburcio, qui accepte moyennant argent. Tiburcio les dénonce à Eduardo. Magdalena est assassinée, égorgée dans le désert.

Puis la vengeance et la chute : John Grady affronte Eduardo dans un duel au couteau et le tue, mais est mortellement blessé. Il meurt dans les bras de Billy, qui l’enterre près du ranch.

Épilogue (50 ans plus tard) : Billy, devenu un clochard, rencontre un mystérieux vagabond qui lui raconte un rêve sur la fin du monde. Le Mexique n’est plus un refuge, mais un lieu de perdition (prostitution, violence) et l’Amérique moderne n’offre plus de place aux héros ...


"No Country For Old Men" (2005) 

Roman policier métaphysique adapté par les Coen, une réflexion sur le mal (incarné par Anton Chigurh, tueur psychopathe) et l’impuissance face à un monde de plus en plus violent.

L’histoire se déroule dans le Texas des années 1980. Llewelyn Moss, un chasseur ordinaire, découvre par hasard les restes d’un échange de drogue qui a mal tourné : des cadavres, de l’héroïne et un sac contenant 2,4 millions de dollars. Moss prend l’argent, déclenchant une poursuite impitoyable. Le tueur psychopathe Anton Chigurh, engagé pour récupérer l’argent, traque Moss avec une détermination meurtrière, utilisant ses propres règles morales (dont un toss de pièce pour décider du sort de ses victimes). Pendant ce temps, le shérif vieillissant Ed Tom Bell tente de comprendre cette violence grandissante, qu’il juge incompréhensible pour un homme de sa génération. La traque devient de plus en plus sanglante, jusqu’à une fin brutale et ouverte, laissant Bell méditer sur la nature du mal et sur un monde qui n’est plus fait pour des hommes comme lui. Le succès de livre comme du film tiennent à leur réalisme cru, à leurs dialogues percutants et à leur absence de happy end...

 

Le monologue introspectif du shérif Ed Tom Bell ..

" I dont know that law enforcement benefits all that much from new technology. Tools that comes into our hands comes into theirs too. Not that you can go back. Or that you’d even want to. We used to have them old Motorola two way radios. We’ve had the high-band now for several years. Some things aint changed. Common sense aint changed. I’ll tell my deputies sometimes to just follow the breadcrumbs. I still like the old Colts. .44-40. If that wont stop him you’d better throw the thing down and take off runnin. I like the old Winchester model 97. I like it that it’s got a hammer. I dont like havin to hunt the safety on a gun. Of course some things is worse. That cruiser of mine is seven years old. It’s got the 454 in it. You cant get that engine no more. I drove one of the new ones. It wouldnt outrun a fatman. I told the man I thought I’d stick with what I had. That aint always a good policy. But it aint always a bad one neither.  This other thing I dont know. People will ask me about it ever so often. I cant say as I would rule it out altogether. It aint somethin I would like to have to see again. To witness. The ones that really ought to be on death row will never make it. I believe that. You remember certain things about a thing like that. People didnt know what to wear. There was one or two come dressed in black, which I suppose was all right. Some of the men come just in their shirtsleeves and that kindly bothered me. I aint sure I could tell you why.  Still they seemed to know what to do and that surprised me. Most of em I know had never been to a execution before. When it was over they pulled this curtain around the gaschamber with him in there settin slumped over and people just got up and filed out. Like out of church or somethin. It just seemed peculiar. Well it was peculiar. I’d have to say it was probably the most unusual day I ever spent."

 

"Je ne sais pas si les nouvelles technologies profitent tant que ça à la police. Les outils qui tombent entre nos mains finissent aussi entre les leurs. Non qu’on puisse revenir en arrière. Ou même qu’on en ait envie. Avant, on avait ces vieilles radios Motorola. Maintenant, on est passés au haut débit depuis des années. Certaines choses n’ont pas changé. Le bon sens n’a pas changé. Je dis parfois à mes adjoints de suivre simplement les miettes de pain. Je reste fidèle aux vieux Colts en .44-40. Si ça ne l’arrête pas, autant jeter l’arme et prendre vos jambes à votre cou. J’aime bien le vieux Winchester modèle 97. J’aime qu’il ait un chien. Je n’aime pas chercher la sûreté sur un flingue. Bien sûr, certaines choses ont empiré. Ma voiture de patrouille a sept ans. Elle a un 454. On ne trouve plus ce moteur. J’ai essayé un des nouveaux modèles. Il ne distancerait pas un obèse. J’ai dit au type que je préférais garder la mienne. Ce n’est pas toujours une bonne politique. Mais pas toujours mauvaise non plus.

Cette autre affaire, je ne sais pas. Les gens me posent des questions de temps en temps. Je ne dirais pas que je l’exclus complètement. Mais ce n’est pas quelque chose que j’aimerais revoir. Être témoin, je veux dire. Ceux qui méritent vraiment le couloir de la mort n’y atterriront jamais. J’en suis convaincu. On se souvient de détails, dans ces cas-là. Les gens ne savaient pas comment s’habiller. Un ou deux sont venus en noir, ce qui était sans doute approprié. D’autres en simples chemises, et ça m’a un peu troublé. Je ne saurais dire pourquoi. Pourtant, ils semblaient savoir comment se tenir, et ça m’a surpris. La plupart n’avaient jamais assisté à une exécution. Quand ce fut fini, ils ont tiré un rideau autour de la chambre à gaz, avec le type affaissé à l’intérieur, et les gens se sont levés et sont sortis. Comme à la sortie de l’église. Ça semblait bizarre. Enfin, c’était bizarre. Je crois que c’était le jour le plus étrange de ma vie."

 

"Quite a few people didnt believe in it. Even them that worked on the row. You’d be surprised. Some of em I think had at one time. You see somebody ever day sometimes for years and then one day you walk that man down the hallway and put him to death. Well. That’ll take some of the cackle out of just about anybody. I dont care who it is. And of course some of them boys was not very bright. Chaplain Pickett told me about one he ministered to and he ate his last meal and he’d ordered this dessert, ever what it was. And it come time to go and Pickett he asked him didnt he want his dessert and the old boy told him he was savin it for when he come back. I dont know what to say about that. Pickett didnt neither.

 I never had to kill nobody and I am very glad of that fact. Some of the old time sheriffs wouldnt even carry a firearm. A lot of folks find that hard to believe but it’s a fact. Jim Scarborough never carried one. That’s the younger Jim. Gaston Boykins wouldnt wear one. Up in Comanche County. I always liked to hear about the old timers. Never missed a chance to do so. The old time concern that the sheriffs had for their people is been watered down some. You cant help but feel it. Nigger Hoskins over in Bastrop County knowed everbody’s phone number in the whole county by heart. It’s a odd thing when you come to think about it. The opportunities for abuse are just about everwhere. There’s no requirements in the Texas State Constitution for bein a sheriff. Not a one. There is no such thing as a county law. You think about a job where you have pretty much the same authority as God and there is no requirements put upon you and you are charged with preservin nonexistent laws and you tell me if that’s peculiar or not. Because I say that it is. Does it work? Yes. Ninety percent of the time. It takes very little to govern good people. Very little. And bad people cant be governed at all. Or if they could I never heard of it."

 

"Pas mal de gens n'y croyaient pas. Même ceux qui travaillaient dans le couloir de la mort. Ça vous étonnerait. Certains, je pense, y avaient cru à une époque. Vous voyez un homme tous les jours, parfois pendant des années, et puis un jour vous le descendez dans le couloir et vous l'exécutez. Eh bien. Ça calme les ardeurs de n'importe qui. Peu importe qui c'est. Et bien sûr, certains de ces types n'étaient pas très malins. Le chapelain Pickett m'a raconté l'un d'eux à qui il avait porté assistance. Le type avait mangé son dernier repas et avait commandé un dessert, peu importe lequel. Quand est venu l'heure, Pickett lui a demandé s'il ne voulait pas son dessert, et le bonhomme lui a répondu qu'il le gardait pour quand il reviendrait. Je sais pas quoi dire à ça. Pickett non plus.

Moi, j'ai jamais eu à tuer personne, et je m'en félicite. Certains shérifs d'autrefois ne portaient même pas d'arme. Beaucoup de gens ont du mal à le croire, mais c'est un fait. Jim Scarborough n'en portait jamais. Le jeune Jim. Gaston Boykins refusait d'en porter. Là-haut, dans le comté de Comanche. J'aimais toujours entendre parler des anciens. Je ne ratais jamais une occasion. La sollicitude qu'avaient les shérifs d'autrefois pour leurs administrés s'est un peu diluée. Vous le sentez forcément. Nigger Hoskins, dans le comté de Bastrop, connaissait tous les numéros de téléphone du comté par cœur. C'est étrange, quand on y pense. Les possibilités d'abus sont partout. La Constitution du Texas n'exige rien pour être shérif. Rien du tout. Il n'existe pas de loi locale. Réfléchissez à un boulot où vous avez à peu près la même autorité que Dieu, sans aucune exigence, où vous êtes chargé de faire respecter des lois qui n'existent pas, et dites-moi si c'est pas bizarre. Parce que moi, je dis que si. Est-ce que ça marche ? Oui. Quatre-vingt-dix pour cent du temps. Il faut très peu pour gouverner les gens biens. Très peu. Et les mauvais, on ne peut pas les gouverner. Ou alors, j'en ai jamais entendu parler." ...


L'adaptation réalisée par Joel et Ethan Coen (2007), avec Javier Bardem (Anton Chigurh), Josh Brolin (Llewelyn Moss) et Tommy Lee Jones (Sheriff Ed Tom Bell), fut acclamé comme un chef-d’œuvre (4 Oscars dont Meilleur Film et Meilleur Réalisateur). Les Coen ont gardé presque mot pour mot les dialogues et la structure du livre. L'interprétation glaçante du tueur psychopathe par Javier Bardem est devenue iconique (Oscar du Meilleur Second Rôle). On a pu écrire qe le thème central (l’inéluctabilité du chaos, la futilité de la loi face au mal) est mieux exploité dans le film que dans le livre grâce au jeu de Tommy Lee Jones (monologues introspectifs). La photographie (Roger Deakins) et l’absence de musique renforcent le réalisme brutal du roman. Et parmi les scènes mémorables, 

- La Scène du "Pile ou Face" (Javier Bardem chez le tenancier de station-service) dans laquelle Chigurh joue avec la vie d’un homme ordinaire sur un simple jeu de hasard, 

- La poursuite dans le Désert (Llewelyn traqué par Chigurh), avec le plan où Moss se cache derrière un rocher, haletant, tandis que Chigurh avance lentement avec son compresseur d’air ..

- Le rêve du shérif Bell, la dernière scène ...


"The Road" (2006, La Route)

 Un roman post-apocalyptique, couronné par le Pulitzer,  une fable sobre et déchirante sur l’amour paternel dans un monde en cendres. Un père et son fils traversent seuls l’Amérique brûlée. Rien ne bouge dans le paysage ravagé, sauf la cendre au vent. Il fait assez froid pour casser des pierres et quand la neige tombe, elle est grise. Le ciel est sombre. Leur destination est la côte, mais ils ne savent pas ce qui les attend. Ils n’ont rien, juste un pistolet pour se défendre contre les bandes sans loi qui rôdent sur la route et les vêtements qu’ils portent ..

 

McCarthy utilise une prose dépouillée, sans chapitres numérotés ni dialogues traditionnels, renforçant l’atmosphère aride et brutale. - Le Réveil dans un Monde Dévasté - Un homme et son fils errent sur une route, survivant dans un environnement glacial et hostile. Ils poussent un caddie contenant leurs maigres possessions et se cachent constamment des bandes de cannibales. - La Quête de Nourriture et de Refuge - Ils fouillent des maisons abandonnées à la recherche de nourriture, mais trouvent souvent des scènes horribles (cadavres, traces de cannibalisme). Le père a une toux persistante, signe qu'il est gravement malade. - Les Souvenirs du Passé - L'homme a des flashbacks de sa vie avant la catastrophe, évoquant sa femme (qui s'est suicidée par désespoir). Ces souvenirs contrastent avec l'horreur actuelle. - La Rencontre avec un Vieil Homme - Ils croisent un vieillard nommé Ely, qui leur parle brièvement. L’enfant, compatissant, veut l’aider, mais le père reste méfiant. - La Découverte d’un Bunker - Ils trouvent un abri souterrain rempli de provisions, ce qui leur offre un répit temporaire. Mais le père, paranoïaque, refuse de s’attarder. - Les Menaces des Cannibales - Ils échappent de justesse à une bande de pillards, dont certains gardent des prisonniers mutilés pour être mangés. - La Maison de l’Horreur - Dans une maison, ils découvrent des humains séquestrés dans une cave, destinés à être dévorés. Ils fuient, horrifiés. - Le Père Blessé - Le père est atteint par une flèche lors d’une attaque. Bien que blessé, il réussit à tuer son agresseur. - Vers la Côte - Ils atteignent enfin l’océan, mais celui-ci est tout aussi mort et gris que le reste du monde. Le père s’affaiblit. - La Mort du Père

Gravement malade, le père meurt en faisant promettre à son fils de continuer à "porter le feu" (symbole d’humanité et d’espoir). - La Rencontre avec la Nouvelle Famille - Seul, l’enfant est approché par un homme armé qui semble bienveillant. Après une brève hésitation, l’enfant accepte de le suivre, laissant entrevoir un possible futur meilleur...

 

"... They walked out to the road and stood. There were tracks in the snow. A wagon. Some sort of wheeled vehicle. Something with rubber tires by the narrow treadmarks. Bootprints between the wheels. Someone had passed in the dark going south. In the early dawn at latest. Running the road in the night. He stood thinking about that. He walked the tracks carefully. They’d

 passed within fifty feet of the fire and had not even slowed to look. He stood looking back up the road. The boy watched him.

 We need to get out of the road.

 Why, Papa?

 Someone’s coming.

 Is it bad guys?

 Yes. I’m afraid so.

 They could be good guys. Couldnt they?

 He didnt answer. He looked at the sky out of old habit but there was nothing to see.

 What are we going to do, Papa?

 Let’s go.

 Can we go back to the fire?

 No. Come on. We probably dont have much time.

 I’m really hungry.

 I know.

 What are we going to do?

 We have to hole up. Get off the road.

 Will they see our tracks?

 Yes.

 What can we do about it?

 I dont know.

 Will they know what we are?

 What?

 If they see our tracks. Will they know what we are?

 He looked back at their great round tracks in the snow.

 They’ll figure it out, he said.

 Then he stopped...."

 

L’adaptation cinématographique réalisée par John Hillcoat (2009), avec Viggo Mortensen (le père), Kodi Smit-McPhee (le fils) et Charlize Theron (la mère, dans des flashbacks), est restée très fidèle dans l’ensemble : mais si le film réussit à capturer l’essence désespérée de l’œuvre, il ne peut égaler la puissance minimaliste de l’écriture de McCarthy...