Anthony Giddens (1938), "The Constitution of Society. Outline of the Theory of Structuration" (1984), "The Consequences of Modernity" (1990), "Modernity and Self-Identity: Self and Society in the Late Modern Age" (1991), "The Politics of Climate Change" (2009) - ...

Last update : 2023/11/11


"How globalization is reshaping our lives" - Considéré comme l’un des sociologues les plus importants de Grande-Bretagne, et sans doute l'un des plus connus et les plus lus à travers le monde, Anthony Giddens a écrit plus d'une trentaine d'ouvrages sur une large gamme de sujets, mais il est principalement connu pour sa théorie de la "structuration", qui explore les relations entre les individus et les structures sociales, comme la religion et la classe sociale. S'il reconnut en Durkheim le grand initiateur de la sociologie, il le critiquera sévèrement pour sa méthode, pour son contenu politique non avoué et pour son absence de théorisation du pouvoir; et puisera dans Marx de nombreux concepts de base, dont celui de "contradiction" : tout comme les sociétés industrielles n'ont eu de cesse de produire des "contradictions" qui participent intimement à leur constitution, la mondialisation offre à chacun d'entre nous une vie gratifiante tout en nous précipitant dans de si profondes et nouvelles incertitudes que tout semble échapper désormais à toute emprise, voire réflexion.

"People find it hard to give the same level of reality to the future as they do to the present" - Giddens sera de ceux qui soutiennent que la "modernité" (la "modernité tardive", dit-il) a produit un monde devenu incontrôlable et dans lequel politiques et citoyens sont confrontés à des risques planétaires dont la mondialisation est en grande partie responsable. C'est dans ce cadre qu'il a notamment cherché à comprendre, en sociologue, pourquoi tant les gouvernements que les citoyens hésitent tant à prendre des mesures immédiates contre le réchauffement climatique. Son dilemme connu sous le nom de «paradoxe de Giddens», dans son ouvrage "The Politics of Climate Change" (2009), souligne à quel point nous refusons d'admettre que notre mode de vie consumériste contribue aux émissions de gaz carbonique. Tant que les effets du réchauffement climatique ne sont pas immédiatement visibles dans la vie quotidienne, nous ne réagiront pas. Et pourtant, si nous attendons que des catastrophes environnementales se produisent, il sera sans doute trop tard pour agir ..

(Egon Schiele, 1890-1918, Wien Crescent of Houses II (Island Town), 1915, Wien Leopold Museum)


Anthony Giddens (1938)

Giddens est né et a grandi dans le nord de Londres, où son père est employé du métro. Il a étudié la sociologie et la psychologie à l’université de Hull, puis est allé à la London School of Economics et à l’université de Cambridge, où il est devenu professeur de sociologie. En plus d’écrire des centaines de livres et d’articles, il a cofondé la maison d’édition universitaire Polity Press. Depuis son premier livre (Capitalism and Modern Social Theory. An Analysis of the Writings of Marx, Durkheim, and Max Weber, 1971), il a publié différents travaux qui forment une introduction critique à l'œuvre des pères fondateurs de la sociologie, et particulièrement à la pensée de Max Weber (Politics and Sociology in the Thought of Max Weber, 1972) et d'Émile Durkheim (Durkheim on Politics and the State, 1986). Il a aussi publié un manuel de sociologie (Sociology) qui s'est vendu à plus de 600 000 exemplaires depuis sa première édition en 1988. 

Mais Anthony Giddens est surtout l'auteur d'une œuvre novatrice  et son nom reste particulièrement associé à la "théorie de la structuration", qu'il expose d'abord dans "New Rules of Sociological Method. A Positive Critique of Interpretative Sociologies" (1976), puis dans "The Constitution of Society. Outline of the Theory of Structuration" (1984), dont la traduction en 1987 (La Constitution de la société. Éléments de la théorie de la structuration) a marqué l'introduction de son œuvre en France.

Au cours des années 1990, il Il est devenu conseiller du premier ministre britannique Tony Blair et dans son ouvrage, "The Third Way" (1998), exposera ses idées pour un nouveau modèle de politique visant à créer une société plus juste : au lieu de s’appuyer sur les divisions traditionnelles entre la politique de gauche et celle de droite, il a plaidé pour une « troisième voie » – un système politique qui encourage la croissance et la création de richesse, tout en assurant plus de justice sociale et d’égalité des chances.  

Hors cet épisode, controversé, le travail d’Anthony Giddens eut un impact profond et durable sur la sociologie : ses théories sur la structuration, la modernité, la mondialisation, la réflexivité et le risque ont façonné la compréhension des structures sociales, de l’action individuelle et des complexités de la vie moderne. Son influence dépasse largement le cadre universitaire, malgré les universitaires eux-mêmes, pour s’étendre à la politique et au discours public, ce qui fait de lui l’un des sociologues les plus importants de son temps ...


"New Rules of Sociological Method: A Positive Critique of Interpretative Sociologies" (Anthony Giddens, 1976)

Il s’agit d’une nouvelle édition révisée d’un livre qui s’est déjà imposé comme texte de base en théorie sociale. La première partie de l’ouvrage fournit une analyse critique concise de quelques grandes écoles de pensée en philosophie sociale, en accordant une attention particulière à la phénoménologie, à l’ethnométhodologie et à la pensée wittgensteinienne. Giddens se concentre principalement sur les implications de ces différentes perspectives pour un compte rendu de l’action humaine et son intelligibilité. Une « démarche d’action » ne suffira pas à elle seule; dans la vie sociale humaine, l’action et la structure se supposent mutuellement. 

L’auteur poursuit donc son exposé en proposant une série de concepts jugés pertinents pour comprendre la production et la reproduction de la société. Le livre se termine par une brève présentation de quelques « nouvelles règles de la méthode sociologique ». Ce qui représente une exposition achevée des principes de la théorie de la structuration, Cette édition contient également une nouvelle introduction substantielle dans laquelle Giddens répond à certaines des critiques les plus persistantes faites de la version originale et aborde également quelques questions importantes initialement discutées seulement de manière superficielle....


"The Constitution of Society. Outline of the Theory of Structuration" (Anthony Giddens, 1984)

Pour Anthony Giddens, la « constitution de la société » est le produit d'une double structuration, une théorie qui entend combler le fossé entre les niveaux micro et macro d’analyse, et offrir une compréhension plus dynamique du fonctionnement des sociétés. Elle influencera un large éventail d’études sociologiques, de la théorie organisationnelle aux études sur le pouvoir et l’identité.

Le concept central de la théorie de la structuration de Giddens est la « dualité de la structure » (The Duality of Structure) : les structures sociales sont à la fois support et résultat des pratiques qu’elles organisent récursivement. Les structures façonnent les actions individuelles, mais elles sont aussi reproduites ou transformées par ces actions. C'est cette « dualité du structurel » (« la constitution des agents et celle des structures ») qui donne aux systèmes sociaux leur caractère « à la fois contraignant et habilitant » pour les agents sociaux (« la constitution de la vie quotidienne »). Le terme de "Structure" désigne les règles et les ressources dont les individus se servent dans leurs pratiques sociales. Ces structures existent dans les traces de la mémoire et sont instanciées dans les pratiques sociales. "Agency" recouvre la capacité des individus à agir, à faire des choix et à influencer les pratiques sociales. Ces agents ont une "connaissance" et une "capacité", ce qui signifie qu’ils sont conscients des structures dans lesquelles ils opèrent et capables de les modifier. 

Giddens va développer ce concept de "structure" en le décomposant en "règles" et "ressources". Les "Règles" (Rules) constituent les normes ou pratiques qui guident le comportement et sont intégrées dans la vie sociale. Des règles peuvent être à la fois formelles (comme les lois) et informelles (comme les normes sociales). Les "Ressources" (Resources) sont décrits comme des moyens par lesquels le pouvoir est exercé. Ces ressources comprennent à la fois les ressources allouées (ressources matérielles et économiques) et les ressources faisant autorité (contrôle sur les personnes et l’information). Le pouvoir (Power) est donc un élément central de la théorie de Giddens : il est compris comme la capacité d’atteindre des résultats par l’utilisation des ressources. Et dans ce contexte, les individus peuvent tout à fait utiliser leur pouvoir pour transformer des structures même si elles en sont façonnées.

(Structuration and Social Practices) - Les pratiques sociales sont les activités récurrentes qui constituent la vie sociale. La vie sociale est pour Giddens un processus continu où les structures sont constamment reproduites par la répétition des pratiques sociales. Ce processus, appelé "structuration", implique la production et la reproduction continues des systèmes sociaux. Et ces "systèmes sociaux" sont autant de modèles de relations sociales qui se reproduisent dans le temps et l’espace. Les systèmes sociaux émergent et dépendent des pratiques et d'une certaine "routinisation" de celles-ci. 

Giddens souligne une fois de plus l’importance du temps et de l’espace dans la structuration (Time and Space in Social Life). Les pratiques sociales sont en effet toujours situées dans des contextes temporels et spatiaux spécifiques, qui influencent la façon dont les structures sont maintenues ou modifiées. Le concept de "distanciation temps-espace" (time-space distanciation) est introduit, en référence à la façon dont les interactions sociales sont étirées dans le temps et l’espace dans les sociétés modernes, permettant des formes de plus en plus complexes d’organisation sociale.

(The Reflexive Monitoring of Action) - C'est ici que Giddens introduit l’idée que les individus surveillent en permanence leurs actions et le contexte dans lequel elles se produisent. Ce "suivi réflexif" est crucial pour comprendre comment les pratiques sociales sont reproduites et comment les individus naviguent dans les règles et les ressources mises à leur disposition.

Et si ces actions ont souvent des conséquences imprévues, qui peuvent conduire à des changements dans les structures sociales. Giddens fait remarquer que même si les individus ne peuvent pas toujours prévoir les résultats de leurs actions, ces résultats peuvent tout de même contribuer à la transformation des systèmes sociaux (The Unintended Consequences of Action).

Enfin, "The Ontology of Social Life" permet à Giddens d'explore les questions philosophiques plus profondes sur la nature de la réalité sociale. Il soutient ainsi que la réalité sociale n’est pas une donnée mais qu’elle est constamment "construite et reconstruite par des pratiques sociales". Cette approche ontologique conteste donc les traditions positivistes et interprétatives de la sociologie....


"The Consequences of Modernity" (Anthony Giddens, 1990)

Dans "Les Conséquences de la modernité", Giddens conteste les définitions classiques de la modernité, celle-ci n'est pas simplement une extension des traditions passées mais une rupture radicale avec elles. Cette modernité est foncièrement marquée par de nouveaux modes d’organisation sociale, de pensée et d’interaction qui ont fondamentalement modifié l’expérience humaine. (The Nature of Modernity) Giddens définit la modernité en fonction de quatre dimensions institutionnelles clés, contradictoires : "Capitalisme" (Capitalism), - le développement de la production industrielle et l’accumulation du capital -, "Industrialisme" (Industrialism), - la transformation de la nature et du travail humain, fortement dépendant des machines et de la technologie -, "Surveillance" (Surveillance), - l’émergence d’organisations bureaucratiques qui surveillent et contrôlent les populations -, "Puissance militaire" (Military Power), - concentration du pouvoir entre les mains de l’État, notamment par le biais d’une force militaire organisée. Et ces dimensions ont créé un réseau mondial d’interactions de plus en plus abstraites et déconnectées des contextes locaux. - (Trust and Risk in Modernity) : cette confiance dans la modernité n'existe tant pas en chacun de nous qu'au niveau de ces systèmes abstraits que sont marchés financiers, systèmes technologiques et savoir-faire (expert knowledge). Or cette confiance est incontournable parce que la vie moderne de nos jours se conjugue en seuils de risque élevés, découlant du caractère imprévisible et souvent incontrôlable de ces systèmes. La notion de "risque" (risk) devient ainsi centrale pour comprendre les dynamiques de la "modernité".

- (Disembedding Mechanisms) Et l’une des caractéristiques centrales de la modernité est le "désenclavement" (disembedding) des relations sociales. Les interactions sont de plus en plus éloignées des contextes dits "face-to-face" et et médiatisées par des jetons (tokrns)symboliques (comme la monnaie) et des systèmes experts. Cela conduit à une distanciation des relations sociales par rapport aux contextes locaux, permettant la mondialisation de la vie sociale.

- (Reflexivity) Giddens introduit le concept de "réflexivité" comme une caractéristique déterminante de la modernité. C'est ainsi que dans une "société réflexive", les individus et les institutions surveillent et ajustent continuellement leur comportement en fonction des nouvelles informations, ce qui conduit à une réévaluation constante des pratiques sociales et à une prise de conscience accrue de la nature fondamentalement construite de la réalité sociale.

La modernité a aussi fondamentalement modifié l’expérience du temps et de l’espace. Les sociétés traditionnelles se caractérisaient par un lien fort avec le lieu et une expérience cyclique du temps. La modernité a introduit un sens plus abstrait et linéaire du temps et de l’espace, permettant une plus grande flexibilité mais aussi contribuant à un sentiment de dislocation et d’aliénation. Et Giddens d'explique comment la modernité est devenue un phénomène mondial, avec ses institutions et ses pratiques qui se répandent dans le monde entier. Cela a conduit à une modernité "mondialisée" (The Globalization of Modernity) où les cultures locales sont de plus en plus influencées par des processus globaux, conduisant à l’homogénéisation et à de nouvelles formes de diversité culturelle.

L'ouvrage se termine par une discussion sur les conséquences de la modernité, opportunités et dangers. Si la modernité a engendré des niveaux de richesse, de technologie et de connaissances sans précédent, elle a aussi entraîné une dégradation de l’environnement, des inégalités sociales et une insécurité existentielle. Giddens souligne la nécessité d’adopter une approche plus réfléchie et responsable pour gérer ces conséquences...


"Modernity and Self-Identity: Self and Society in the Late Modern Age" ( Anthony Giddens, 1991)

La réflexivité et le Soi, un "Modernité réfléchie" - Giddens a introduit le concept de "réflexivité" en sociologie, se référant à la façon dont les individus dans les sociétés modernes réfléchissent et modifient continuellement leur comportement en réponse aux contextes sociaux changeants. Ce concept a été au centre de la compréhension des transformations de l’identité personnelle, des rôles sociaux et de la vie quotidienne dans les sociétés contemporaines, en particulier dans le contexte de la modernité tardive....

Pour Gidden, la modernité se distingue de toutes les formes d’ordre social précédentes par son dynamisme, sa profonde dépréciation des habitudes et coutumes traditionnelles et son impact global. Elle modifie aussi radicalement la nature générale de la vie quotidienne et les aspects les plus personnels de l’activité humaine. En fait, l’une des caractéristiques les plus distinctives de la modernité est l’interconnexion croissante entre les influences globalisantes et les capacités personnelles des sujets, d'où la nécessité, pour l'auteur, de se livrer à une analyse de la nature de cette interconnexion et d'élaborer le vocabulaire conceptuel qui pourrait la soutenir. Un tel sujet pourrait contribuer à une refonte de la nature de la modernité et, a minima,  à celle d'une analyse sociologique en devenir ...

 

L'ouvrage se concentre donc sur le moi (the self ) et l’émergence de ces nouveaux mécanismes d’identité façonnés par les institutions de la modernité (the emergence of new mechanisms of self-identity that are shaped by–yet also shape–the institutions of modernity). 

L’auteur soutient que le moi n’est pas une entité passive, déterminée par des influences extérieures. En forgeant leur identité (self-identities), peu importe le niveau local de leurs contextes d’action, les individus contribuent et favorisent directement des influences sociales qui sont globales dans leurs conséquences et implications. L’auteur esquisse les contours de ce qu’il appelle la « haute modernité » (high modernity) – le monde d’aujourd’hui (the world of our day) – et considère ses ramifications pour le soi et l’identité du soi (the self and self-identity). Dans ce contexte, il analyse le sens que prennent pour le soi des concepts tels que la confiance (trust), le destin (fate), le risque (risk) et la sécurité (security) et poursuit en examinant ce qu'il nomme "the sequestration of experience", le processus par lequel la "haute modernité" sépare la vie sociale quotidienne d’une variété d’expériences et de vastes questions de moralité. L’auteur démontre comment le vide de sens personnel (personal meaninglessness) – le sentiment que la vie n’a rien à offrir – devient un problème psychique fondamental dans des circonstances de haute modernité. Le livre se termine par une discussion sur la « politique de vie » (life politics), une politique d’auto-actualisation qui fonctionne à la fois au niveau individuel et collectif.

 

La question de la modernité, de son développement passé et des formes institutionnelles actuelles, est réapparue comme un problème sociologique fondamental au tournant du XXIe siècle. Les liens entre la sociologie et l’émergence d’institutions modernes sont reconnus depuis longtemps. Or, nous voyons aujourd’hui non seulement que ces liens sont plus complexes et problématiques qu’on ne le pensait auparavant, mais aussi qu’une réflexion sur la nature de la modernité doit aller de pair avec un remaniement des prémisses fondamentales de l’analyse sociologique ...

Les institutions modernes diffèrent de toutes les formes d’ordre social précédentes par leur dynamisme, la mesure dans laquelle elles portent atteinte aux habitudes et coutumes traditionnelles et leur impact global. Cependant, il ne s’agit pas seulement de transformations extensionnelles : la modernité modifie radicalement la nature de la vie sociale quotidienne et affecte les aspects les plus personnels de notre expérience (modernity radically alters the nature of day-to-day social life and affects the most personal aspects of our experience). La modernité doit être comprise au niveau institutionnel; pourtant les transmutations introduites par les institutions modernes s’entremêlent de manière directe avec la vie individuelle et donc avec le soi. Une des caractéristiques distinctives de la modernité, en fait, est un lien croissant entre les deux « extrêmes » de l’extensionnalité et intentionnalité : mondialisation des influences d’une part et dispositions personnelles d’autre part. (Modernity must be understood on an institutional level; yet the transmutations introduced by modern institutions interlace in a direct way with individual life and therefore with the self. One of the distinctive features of modernity, in fact, is an increasing interconnection between the two ‘extremes’ of extensionality and intentionality: globalising influences on the one hand and personal dispositions on the other).

La modernité doit être comprise au niveau institutionnel, mais les transmutations introduites par les institutions modernes s'entrecroisent de manière directe avec la vie individuelle et donc avec le moi. L'un des traits distinctifs de la modernité est en fait une interconnexion croissante entre les deux « extrêmes » de l'extensionnalité et de l'intentionnalité : les influences globalisantes d'une part et les dispositions personnelles d'autre part, l'intentionnalité : les influences globalisantes d'une part et les dispositions personnelles d'autre part..."

 

"Although its main focus is on the self, this is not primarily a work of psychology. The overriding stress of the book is upon the emergence of new mechanisms of self-identity which are shaped by – yet also shape – the institutions of modernity. The self is not a passive entity, determined by external influences; in forging their self-identities, no matter how local their specific contexts of action, individuals contribute to and directly promote social influences that are global in their consequences and implications. 

Sociology, and the social sciences more widely conceived, are inherent elements of the institutional reflexivity of modernity – a phenomenon fundamental to the discussion in this book. Not just academic studies, but all manner of manuals, guides, therapeutic works and self-help surveys contribute to modernity’s reflexivity. 

On several occasions, therefore, I make fairly extensive reference to social research and practical ‘guides to living’, not as a means of documenting a definite subject-matter, but as symptomatic of social phenomena or trends of development I seek to identify. 

These are not just works ‘about’ social processes, but materials which in some part constitute them. 

 

Bien que son principal objectif soit le moi, ce n’est pas principalement un travail de psychologie. Le livre met l’accent sur l’émergence de nouveaux mécanismes d’identité personnelle qui sont façonnés par – mais aussi façonnés pour – les institutions de la modernité. Le moi n’est pas une entité passive, déterminée par des influences extérieures; en forgeant leurs identités de soi, peu importe la dimension locale de leur contexte d’action spécifique, les individus contribuent et favorisent directement des influences sociales qui sont globales dans leurs conséquences et implications. 

La sociologie, et les sciences sociales plus largement conçues, sont des éléments inhérents à la réflexivité institutionnelle de la modernité – un phénomène fondamental à la discussion dans ce livre. Ce ne sont pas seulement les études académiques, mais aussi toutes sortes de manuels, guides, ouvrages thérapeutiques et enquêtes d’auto-assistance qui contribuent à la réflexivité de la modernité. 

J’ai donc fait à plusieurs reprises référence assez largement à la recherche sociale et aux « guides de vie » pratiques, non pas comme moyen de documenter un sujet défini, mais comme symptomatique des phénomènes sociaux ou des tendances de développement que je cherche à identifier. Il ne s’agit pas seulement d’œuvres sur les processus sociaux, mais aussi de matériaux qui en constituent une partie. 

 

(...) The opening chapter sketches out a framework for the whole of the study. Taking as illustrative a specific piece of social research, it provides an appraisal of key aspects of modernity’s development. Besides its institutional reflexivity, modern social life is 

characterised by profound processes of the reorganisation of time and space, coupled to the expansion of DISEMBEDDING MECHANISMS – mechanisms which prise social relations free from the hold of specific locales, recombining them across wide time-space distances. The reorganisation of time and space, plus the disembedding mechanisms, radicalise and globalise pre-established institutional traits of modernity; and they act to transform the content and nature of day-to-day social life. 

 

(...) Le chapitre d’ouverture esquisse un cadre pour l’ensemble de l’étude. Prenant comme illustration une recherche sociale spécifique, elle fournit une appréciation des aspects clés du développement de la modernité. Outre sa réflexivité institutionnelle, la vie sociale moderne se caractérise par des processus profonds de réorganisation du temps et de l’espace, couplés à l’expansion de mécanismes désengagants – mécanismes qui libèrent les relations sociales de la contrainte de lieux spécifiques, les recombiner sur de larges distances espace-temps. La réorganisation du temps et de l’espace, ainsi que les mécanismes de dé-intégration, radicalisent et mondialisent les traits institutionnels préétablis de la modernité; et ils agissent pour transformer le contenu et nature de la vie sociale quotidienne. 

 

Modernity is a post-traditional order, but not one in which the sureties of tradition and habit have been replaced by the certitude of rational knowledge. Doubt, a pervasive feature of modern critical reason, permeates into everyday life as well as philosophical consciousness, and forms a general existential dimension of the contemporary social world. MODERNITY INSTITUTIONALISES THE PRINCPLE OF RADICAL DOUBT and insists that all knowledge takes the form of hypotheses: claims which may very well be true, but which are in principle always open to revision and may have at some point to be abandoned. Systems of accumulated expertise – which form important disembedding influences – represent multiple sources of authority, frequently internally contested and divergent in their implications. In the settings of what I call ‘high’ or ‘late’ modernity – our present-day world – the self, like the broader institutional contexts in which it exists, has to be reflexively made. Yet this task has to be accomplished amid a puzzling diversity of options and possibilities. 

 

La modernité est un ordre post-traditionnel, mais pas un ordre dans lequel les certitudes de la tradition et de l'habitude ont été remplacées par la certitude de la connaissance rationnelle. Le doute, caractéristique omniprésente de la raison critique moderne, s'infiltre dans la vie quotidienne comme dans la conscience philosophique, et forme une dimension existentielle générale du monde social contemporain. La modernité institutionnalise le principe du doute radical et insiste sur le fait que toute connaissance prend la forme d'hypothèses : des affirmations qui peuvent très bien être vraies, mais qui sont en principe toujours susceptibles d'être révisées et peuvent devoir être abandonnées à un moment ou à un autre. Les systèmes d'expertise accumulée - qui constituent d'importantes influences de décloisonnement - représentent de multiples sources d'autorité, souvent contestées en interne et divergentes dans leurs implications. Dans le cadre de ce que j'appelle la « haute » ou « tardive » modernité - notre monde actuel - le moi, tout comme les contextes institutionnels plus larges dans lesquels il existe, doit être construit de manière réflexive. Pourtant, cette tâche doit être accomplie au milieu d'une diversité déroutante d'options et de possibilités. 

 

In circumstances of uncertainty and multiple choice, the notions of TRUST and RISK have particular application. Trust, I argue, is a crucial generic phenomenon of personality development as well as having distinctive and specific relevance to a world of disembedding mechanisms and abstract systems. In its generic manifestations, trust is directly linked to achieving an early sense of ontological security. Trust established between an infant and its caretakers provides an ‘inoculation’ which screens off potential threats and dangers that even the most mundane activities of day-to-day life contain. Trust in this sense is basic to a ‘protective cocoon’ which stands guard over the self in its dealings with everyday reality. It ‘brackets out’ potential occurrences which, were the individual seriously to contemplate them, would produce a paralysis of the will, or feelings of engulfment. In its more specific guise, trust is a medium of interaction with the abstract systems which both empty day-to-day life of its traditional content and set up globalising influences. Trust here generates that ‘leap into faith’ which practical engagement demands. 

 

Dans des circonstances d'incertitude et de choix multiples, les notions de confiance et de risque ont une application particulière. La confiance, selon moi, est un phénomène générique crucial du développement de la personnalité, tout en ayant une pertinence distincte et spécifique dans un monde de mécanismes de désincarnation et de systèmes abstraits. Dans ses manifestations génériques, la confiance est directement liée à l'obtention d'un sentiment précoce de sécurité ontologique. La confiance établie entre un nourrisson et les personnes qui s'occupent de lui constitue un « vaccin » qui écarte les menaces et les dangers potentiels que même les activités les plus banales de la vie quotidienne recèlent. Dans ce sens, la confiance est à la base d'un « cocon protecteur » qui protège le moi dans ses rapports avec la réalité quotidienne. Elle met entre parenthèses les événements potentiels qui, si l'individu les envisageait sérieusement, produiraient une paralysie de la volonté ou un sentiment d'engloutissement. Sous une forme plus spécifique, la confiance est un moyen d'interaction avec les systèmes abstraits qui vident la vie quotidienne de son contenu traditionnel et créent des influences globalisantes. La confiance génère ici ce « saut dans la foi » qu'exige l'engagement pratique. 

 

MODERNITY IS A RISK CULTURE. I do not mean by this that social life is inherently more risky than it used to be; for most people in the developed societies that is not the case. Rather, the concept of risk becomes fundamental to the way both lay actors and technical specialists organise the social world. Under conditions of modernity, the future is continually drawn into the present by means of the reflexive organisation of knowledge environments. 

 

La modernité est une culture du risque. Je ne veux pas dire par là que la vie sociale est intrinsèquement plus risquée qu'elle ne l'était auparavant ; pour la plupart des gens dans les sociétés développées, ce n'est pas le cas. C'est plutôt que le concept de risque devient fondamental dans la manière dont les acteurs profanes et les spécialistes techniques organisent le monde social. Dans les conditions de la modernité, l'avenir est continuellement intégré au présent par le biais de l'organisation réflexive des environnements de connaissance. 

 

A territory, as it were, is carved out and colonised. Yet such colonisation by its very nature cannot be complete: thinking in terms of risk is vital to assessing how far projects are likely to diverge from their anticipated outcomes. Risk assessment invites precision, and even quantification, but by its nature is imperfect. Given the mobile character of modern institutions, coupled to the mutable and frequently controversial nature of abstract systems, most forms of risk assessment, in fact, contain numerous imponderables. 

Modernity reduces the overall riskiness of certain areas and modes of life, yet at the same time introduces new risk parameters largely or completely unknown to previous eras. These parameters include high-consequence risks: risks deriving from the globalised character of the social systems of modernity. 

 

Un territoire, pour ainsi dire, est découpé et colonisé. Mais cette colonisation, de par sa nature même, ne peut être complète : il est essentiel de penser en termes de risque pour évaluer dans quelle mesure les projets sont susceptibles de diverger des résultats escomptés. L’évaluation des risques invite à la précision, voire à la quantification, mais par sa nature elle est imparfaite. Compte tenu du caractère mobile des institutions modernes, couplé à la nature mutable et souvent controversée des systèmes abstraits, la plupart des formes d’évaluation des risques contiennent en fait de nombreux impondérables. 

La modernité réduit le risque global de certains secteurs et modes de vie, mais introduit en même temps de nouveaux paramètres de risque largement ou complètement inconnus des époques précédentes. Ces paramètres comportent des risques de conséquences élevées : risques découlant du caractère mondialisé des systèmes sociaux de la modernité. 

 

The late modern world – the world of what I term HIGH MODERNITY– is apocalyptic, not because it is inevitably heading towards calamity, but because it introduces risks which previous generations have not had to face. However much there is progress towards international negotiation and control of armaments, so long as nuclear weapons remain, or even the knowledge necessary to build them, and so long as science and technology continue to be involved with the creation of novel weaponry, the risk of massively destructive warfare will persist. Now that nature, as a phenomenon external to social life, has in a certain sense come to an ‘end’ – as a result of its domination by human beings – the risks of ecological catastrophe form an inevitable part of our horizon of day-to-day life. Other high-consequence risks, such as the collapse of global economic mechanisms, or the rise of totalitarian superstates, are an equally unavoidable part of our contemporary experience. 

 

Le monde de la fin de l’ère moderne – le monde de ce que j’appelle la haute modernité – est apocalyptique, non pas parce qu’il s’oriente inévitablement vers la catastrophe, mais parce qu’il présente des risques auxquels les générations précédentes n’ont pas eu à faire face. Quels que soient les progrès réalisés vers la négociation et le contrôle internationaux des armements, tant qu’il reste des armes nucléaires ou même les connaissances nécessaires pour les construire, et aussi longtemps que la science et la technologie continuent à participer à la création d’armes nouvelles, le risque de guerre massive et destructrice persistera. Maintenant que la nature, en tant que phénomène extérieur à la vie sociale, est en quelque sorte arrivée à une « fin » – par suite de sa domination par les êtres humains – les risques de catastrophe écologique font partie intégrante de notre horizon quotidien. D’autres risques à conséquences importantes, tels que l’effondrement des mécanismes économiques mondiaux ou la montée de super-États totalitaires, sont tout aussi inévitables dans notre expérience contemporaine. 

 

In high modernity, the INFLUENCE OF DISTANT HAPPENINGS ON PROXIMATE EVENTS, and on intimacies of the self, becomes more and more commonplace. The media, printed and electronic, obviously play a central role in this respect. Mediated experience, since the first experience of writing, has long influenced both self-identity and the basic organisation of social relations. With the development of mass communication, particularly electronic communication, the interpenetration of self-development and social systems, up to and including global systems, becomes ever more pronounced. The ‘world’ in which we now live is in some profound respects thus quite distinct from that inhabited by human beings in previous periods of history. It is in many ways a single world, having a unitary framework of experience (for instance, in respect of basic axes of time and space), yet at the same time one which creates new forms of fragmentation and dispersal. A universe of social activity in which electronic media have a central and constitutive role, nevertheless, is not one of ‘hyperreality’, in Baudrillard’s sense. Such an idea confuses the pervasive impact of mediated experience with the internal referentiality of the social systems of modernity – the fact that these systems become largely autonomous and determined by their own constitutive influences. 

 

Dans la haute modernité, l'influence d'événements lointains sur des événements proches, et sur l'intimité du moi, devient de plus en plus courante. Les médias, imprimés et électroniques, jouent évidemment un rôle central à cet égard. L'expérience médiatisée, depuis la première expérience de l'écriture, a longtemps influencé à la fois l'identité de soi et l'organisation de base des relations sociales. Avec le développement de la communication de masse, en particulier de la communication électronique, l'interpénétration du développement personnel et des systèmes sociaux, jusqu'aux systèmes mondiaux, devient de plus en plus prononcée. Le « monde » dans lequel nous vivons aujourd'hui est donc, à certains égards, profondément différent de celui dans lequel les êtres humains ont vécu au cours des périodes précédentes de l'histoire. Il s'agit à bien des égards d'un monde unique, doté d'un cadre d'expérience unitaire (par exemple, en ce qui concerne les axes fondamentaux du temps et de l'espace), mais qui crée en même temps de nouvelles formes de fragmentation et de dispersion. Un univers d'activité sociale dans lequel les médias électroniques jouent un rôle central et constitutif n'est cependant pas un univers d'« hyperréalité », au sens de Baudrillard. Une telle idée confond l'impact omniprésent de l'expérience médiatisée avec la référentialité interne des systèmes sociaux de la modernité - le fait que ces systèmes deviennent largement autonomes et déterminés par leurs propres influences constitutives. 

 

In the post-traditional order of modernity, and against the backdrop of new forms of mediated experience, SELF-INDENTITY BECOMES A REFLEXIVELY ORGANISED ENDEAVOUR. The reflexive project of the self, which consists in the sustaining of coherent, yet continuously revised, biographical narratives, takes place in the context of multiple choice as filtered through abstract systems. In modern social life, the notion of lifestyle takes on a particular significance. The more tradition loses its hold, and the more daily life is reconstituted in terms of the dialectical interplay of the local and the global, the more individuals are forced to negotiate lifestyle choices among a diversity of options. 

Of course, there are standardising influences too – most notably, in the form of commodification, since capitalistic production and distribution form core components of modernity’s institutions. Yet because of the ‘openness’ of social life today, the pluralisation of contexts of action and the diversity of ‘authorities’, lifestyle choice is increasingly important in the constitution of self-identity and daily activity. Reflexively organised life-planning, which normally presumes consideration of risks as filtered through contact with expert knowledge, becomes a central feature of the structuring of self-identity. 

 

Dans l'ordre post-traditionnel de la modernité, et avec en toile de fond de nouvelles formes d'expérience médiatisée, l'identité de soi devient un effort organisé de manière réflexive. Le projet réflexif du moi, qui consiste à soutenir des récits biographiques cohérents, mais continuellement révisés, s'inscrit dans le contexte de choix multiples filtrés par des systèmes abstraits. Dans la vie sociale moderne, la notion de style de vie prend une signification particulière. Plus la tradition perd de son emprise et plus la vie quotidienne est reconstituée en termes d'interaction dialectique entre le local et le global, plus les individus sont contraints de négocier des choix de style de vie parmi une diversité d'options. 

Bien sûr, il y a aussi des influences normalisatrices, notamment sous la forme de la marchandisation, puisque la production et la distribution capitalistes sont au cœur des institutions de la modernité. Cependant, en raison de l'« ouverture » de la vie sociale aujourd'hui, de la pluralisation des contextes d'action et de la diversité des « autorités », le choix du mode de vie joue un rôle de plus en plus important dans la constitution de l'identité de soi et de l'activité quotidienne. L'organisation réflexive de la planification de la vie, qui suppose normalement la prise en compte des risques filtrés par le contact avec des experts, devient un élément central de la structuration de l'identité de soi. 

 

A possible misunderstanding about lifestyle as it interconnects with life-planning should be cleared up right at the beginning. Partly because the term has been taken up in advertising and other sources promoting commodified consumption, one might imagine that ‘lifestyle’ refers only to the pursuits of the more affluent groups or classes. The poor are more or less completely excluded from the possibility of making lifestyle choices. In some substantial part this is true. Issues of class and inequality, within states and on a world-wide level, closely mesh with the arguments of this book, although I do not try to document those inequalities here. Indeed, class divisions and other fundamental lines of inequality, such as those connected with gender or ethnicity, can be partly defined in terms of differential access to forms of selfactualisation and empowerment discussed in what follows. 

 

Il convient d'emblée de dissiper un éventuel malentendu sur le mode de vie et son lien avec la planification de la vie. En partie parce que le terme a été repris dans la publicité et d'autres sources promouvant la consommation marchande, on pourrait penser que le « style de vie » ne concerne que les activités des groupes ou des classes les plus aisés. Les pauvres sont plus ou moins complètement exclus de la possibilité de faire des choix de style de vie. C'est en grande partie vrai. Les questions de classe et d'inégalité, au sein des États et au niveau mondial, sont étroitement liées aux arguments de ce livre, bien que je n'essaie pas de documenter ces inégalités ici. En effet, les divisions de classe et d'autres lignes fondamentales d'inégalité, telles que celles liées au genre ou à l'ethnicité, peuvent être partiellement définies en termes d'accès différentiel aux formes d'auto-actualisation et d'autonomisation discutées dans ce qui suit. 

 

Modernity, one should not forget, PRODUCES DIFFERENCE, exclusion and marginalisation. Holding out the possibility of emancipation, modern institutions at the same time create mechanisms of suppression, rather than actualisation, of self. Yet it would be a major error to suppose that the phenomena analysed in the book are confined in their impact to those in more privileged material circumstances. ‘Lifestyle’ refers also to decisions taken and courses of action followed under conditions of severe material constraint; such lifestyle patterns may sometimes also involve the more or less deliberate rejection of more widely diffused forms of behaviour and consumption. 

 

La modernité, il ne faut pas l'oublier, produit de la différence, de l'exclusion et de la marginalisation. En faisant miroiter la possibilité d'une émancipation, les institutions modernes créent en même temps des mécanismes de suppression, plutôt que d'actualisation, du soi. Cependant, ce serait une erreur majeure de supposer que les phénomènes analysés dans ce livre n'ont d'impact que sur les personnes bénéficiant d'une situation matérielle plus privilégiée. Le terme « mode de vie » désigne également les décisions prises et les lignes de conduite suivies dans des conditions de contrainte matérielle sévère ; ces modes de vie peuvent parfois impliquer le rejet plus ou moins délibéré de formes de comportement et de consommation plus largement répandues. 

 

At one pole of the interaction between the local and the global stands what I call the ‘TRANSFORMATION OF INTIMACY’. Intimacy has its own reflexivity and its own forms of internally referential order. Of key importance here is the emergence of the ‘pure relationship’ as prototypical of the new spheres of personal life. A pure relationship is one in which external criteria have become dissolved: the relationship exists solely for whatever rewards that relationship as such can deliver. In the context of the pure relationship, trust can be mobilised only by a process of mutual disclosure. Trust, in other words, can by definition no longer be anchored in criteria outside the relationship itself – such as criteria of kinship, social duty or traditional obligation. Like self-identity, with which it is closely intertwined, the pure relationship has to be reflexively controlled over the long term, against the backdrop of external transitions and transformations. 

 

À un pôle de l'interaction entre le local et le global se trouve ce que j'appelle la « transformation de l'intimité ». L'intimité possède sa propre réflexivité et ses propres formes d'ordre référentiel interne. L'émergence de la « relation pure » en tant que prototype des nouvelles sphères de la vie personnelle est d'une importance capitale à cet égard. Une relation pure est une relation dans laquelle les critères externes ont été dissous : la relation n'existe que pour les récompenses qu'elle peut apporter en tant que telle. Dans le contexte de la relation pure, la confiance ne peut être mobilisée que par un processus de divulgation mutuelle. En d'autres termes, la confiance, par définition, ne peut plus être ancrée dans des critères extérieurs à la relation elle-même - tels que des critères de parenté, de devoir social ou d'obligation traditionnelle. Comme l'identité propre, à laquelle elle est étroitement liée, la relation pure doit faire l'objet d'une maîtrise réflexive sur le long terme, dans un contexte de transitions et de transformations extérieures. 

 

Pure relationships presuppose ‘commitment’, which is a particular species of trust. Commitment in turn has to be understood as a phenomenon of the internally referential system: it is a commitment to the relationship as such, as well as to the other person or persons involved. The demand for intimacy is integral to the pure relationship, as a result of the mechanisms of trust which it presumes. It is hence a mistake to see the contemporary ‘search for intimacy’, as many social commentators have done, only as a negative reaction to a wider, more impersonal social universe. Absorption within pure relationships certainly may often be a mode of defence against an enveloping outside world: but such relationships are thoroughly permeated by mediated influences coming from large-scale social systems, and usually actively organise those influences within the sphere of such relationships. In general, whether in personal life or in broader social milieux, processes of reappropriation and empowerment intertwine with expropriation and loss. 

 

Les relations pures présupposent un « engagement », qui est une forme particulière de confiance. L'engagement doit à son tour être compris comme un phénomène du système référentiel interne : il s'agit d'un engagement envers la relation en tant que telle, ainsi qu'envers l'autre ou les autres personnes impliquées. L'exigence d'intimité fait partie intégrante de la relation pure, en raison des mécanismes de confiance qu'elle suppose. C'est donc une erreur de ne voir dans la « recherche d'intimité » contemporaine, comme l'ont fait de nombreux commentateurs sociaux, qu'une réaction négative à un univers social plus large et plus impersonnel. L'absorption dans des relations pures peut certainement être un mode de défense contre un monde extérieur enveloppant : mais ces relations sont complètement imprégnées d'influences médiatisées provenant de systèmes sociaux à grande échelle, et organisent généralement activement ces influences dans la sphère de ces relations. En général, que ce soit dans la vie personnelle ou dans des milieux sociaux plus larges, les processus de réappropriation et d'autonomisation se mêlent à l'expropriation et à la perte. 

 

In such processes many different connections between individual experience and abstract systems can be found. ‘Reskilling’ – the reacquisition of knowledge and skills – whether in respect of intimacies of personal life or wider social involvements, is a pervasive reaction to the expropriating effects of abstract systems. It is situationally variable, and also tends to respond to specific requirements of context. Individuals are likely to reskill themselves in greater depth where consequential transitions in their lives are concerned or fateful decisions are to be made. Reskilling, however, is always partial and liable to be affected by the ‘revisable’ nature of expert knowledge and by internal dissensions between experts. Attitudes of trust, as well as more pragmatic acceptance, scepticism, rejection and withdrawal, uneasily coexist in the social space linking individual activities and expert systems. Lay attitudes towards science, technology and other esoteric forms of expertise, in the age of high modernity, tend to express the same mixed attitudes of reverence and reserve, approval and disquiet, enthusiasm and antipathy, which philosophers and social analysts (themselves experts of sorts) express in their writings. 

 

Dans ces processus, on peut trouver de nombreux liens différents entre l'expérience individuelle et les systèmes abstraits. Le « reskilling » - la réacquisition de connaissances et de compétences - qu'il s'agisse de l'intimité de la vie personnelle ou d'engagements sociaux plus larges, est une réaction omniprésente aux effets d'expropriation des systèmes abstraits. Elle varie en fonction de la situation et tend également à répondre aux exigences spécifiques du contexte. Les individus sont susceptibles de se recycler de manière plus approfondie lorsqu'il s'agit de transitions importantes dans leur vie ou de décisions fatidiques à prendre. Toutefois, le recyclage est toujours partiel et susceptible d'être affecté par la nature « révisable » des connaissances des experts et par les dissensions internes entre les experts. Les attitudes de confiance, ainsi que l'acceptation plus pragmatique, le scepticisme, le rejet et le retrait, coexistent difficilement dans l'espace social reliant les activités individuelles et les systèmes d'experts. Les attitudes des profanes à l'égard de la science, de la technologie et d'autres formes ésotériques d'expertise, à l'ère de la haute modernité, tendent à exprimer les mêmes attitudes mixtes de révérence et de réserve, d'approbation et d'inquiétude, d'enthousiasme et d'antipathie, que les philosophes et les analystes sociaux (eux-mêmes experts d'une certaine manière) expriment dans leurs écrits. 

 

The reflexivity of the self, in conjunction with the influence of abstract systems, pervasively affects the body as well as psychic processes. The body is less and less an extrinsic ‘given’, functioning outside the internally referential systems of modernity, but becomes itself reflexively mobilized. What might appear as a wholesale movement towards the narcissistic cultivation of bodily appearance is in fact an expression of a concern lying much deeper actively to ‘construct’ and control the body. Here there is an integral connection between bodily development and lifestyle – manifest, for example, in the pursuit of specific bodily regimes. 

 

La réflexivité du soi, associée à l'influence des systèmes abstraits, affecte le corps et les processus psychiques de manière omniprésente. Le corps est de moins en moins un « donné » extrinsèque, fonctionnant en dehors des systèmes référentiels internes de la modernité, mais devient lui-même mobilisé de manière réflexive. Ce qui pourrait apparaître comme un mouvement général vers la culture narcissique de l'apparence corporelle est en fait l'expression d'un souci beaucoup plus profond de « construire » et de contrôler activement le corps. Il existe ici un lien intégral entre le développement corporel et le mode de vie, qui se manifeste, par exemple, dans la poursuite de régimes corporels spécifiques. 

 

Yet much more wide-ranging factors are important, too, as a reflection of the socialising of biological mechanisms and processes. In the spheres of biological reproduction, genetic engineering and medical interventions of many sorts, the body is becoming a phenomenon of choices and options. These do not affect the individual alone: there are close connections between personal aspects of bodily development and global factors. Reproductive technologies and genetic engineering, for example, are parts of more general processes of the transmutation of nature into a field of human action. 

 

Cependant, des facteurs beaucoup plus vastes sont également importants, car ils reflètent la socialisation des mécanismes et processus biologiques. Dans les domaines de la reproduction biologique, du génie génétique et des interventions médicales de toutes sortes, le corps devient un phénomène de choix et d'options. Ceux-ci n'affectent pas seulement l'individu : il existe des liens étroits entre les aspects personnels du développement corporel et les facteurs globaux. Les technologies de reproduction et le génie génétique, par exemple, font partie de processus plus généraux de transmutation de la nature en un champ d'action humain. 

 

Science, technology and expertise more generally play a fundamental role in which I call the SEQUESTRATION OF EXPERIENCE. The notion that modernity is associated with an instrumental relation to nature, and the idea that a scientific outlook excludes questions of ethics or morality, are familiar enough. However, I seek to reframe these issues in terms of an institutional account of the late modern order, developed in terms of internal referentiality. 

The overall thrust of modern institutions is to create settings of action ordered in terms of modernity’s own dynamics and severed from ‘external criteria’ – factors external to the social systems of modernity. Although there are numerous exceptions and countertrends, day-to-day social life tends to become separated from ‘original’ nature and from a variety of experiences bearing on existential questions and dilemmas. The mad, the criminal and the seriously ill are physically sequestered from the normal population, while ‘eroticism’ is replaced by ‘sexuality’ – which then moves behind the scenes to become hidden away. The sequestration of experience means that, for many people, direct contact with events and situations which link the individual lifespan to broad issues of morality and finitude are rare and fleeting. 

 

La science, la technologie et l'expertise en général jouent un rôle fondamental dans ce que j'appelle la "séquestration de l'expérience". L'idée que la modernité est associée à une relation instrumentale avec la nature, et l'idée qu'une perspective scientifique exclut les questions d'éthique ou de moralité, sont assez familières. Cependant, je cherche à recadrer ces questions dans le cadre d'un récit institutionnel de l'ordre moderne tardif, développé en termes de référentialité interne. 

L'objectif général des institutions modernes est de créer des cadres d'action ordonnés en fonction de la dynamique propre à la modernité et coupés des « critères externes » - des facteurs extérieurs aux systèmes sociaux de la modernité. Bien qu'il y ait de nombreuses exceptions et contre-tendances, la vie sociale quotidienne tend à se séparer de la nature « originelle » et d'une variété d'expériences portant sur des questions et des dilemmes existentiels. Les fous, les criminels et les malades graves sont physiquement séquestrés de la population normale, tandis que l'« érotisme » est remplacé par la « sexualité » - qui se déplace ensuite dans les coulisses pour être cachée. La "séquestration de l'expérience" signifie que, pour de nombreuses personnes, le contact direct avec les événements et les situations qui relient la vie individuelle aux grandes questions de moralité et de finitude est rare et fugace. 

 

This situation has not come about, as Freud thought, because of the increasing psychological repression of guilt demanded by the complexities of modern social life. Rather, what occurs is an institutional repression, in which – I shall claim – mechanisms of between identity, shame and the reflexive project of the self bring into being. 

PERSONAL MEANINGLESSNESS – the feeling that life has nothing worthwhile to offer – becomes a fundamental psychic problem in circumstances of late modernity. We should understand this phenomenon in terms of a repression of moral questions which day-to-day life poses, but which are denied answers. ‘Existential isolation’ is not so much a separation of individuals from others as a separation from the moral resources necessary to live a full and satisfying existence. The reflexive project of the self generates programmes of actualisation and mastery. But as long as these possibilities are understood largely as a matter of the extension of the control systems of modernity to the self, they lack moral meaning. ‘Authenticity’ becomes both a pre-eminent value and a framework for self-actualisation, but represents a morally stunted process. 

 

Cette situation n'est pas due, comme le pensait Freud, à la répression psychologique croissante de la culpabilité exigée par les complexités de la vie sociale moderne. Il s'agit plutôt d'une répression institutionnelle, dans laquelle - je l'affirme - les mécanismes de l'identité, de la honte et du projet réflexif du moi voient le jour. 

L'absence de sens personnel - le sentiment que la vie n'a rien de valable à offrir - devient un problème psychique fondamental dans les circonstances de la modernité tardive. Nous devrions comprendre ce phénomène en termes de refoulement des questions morales que la vie quotidienne pose, mais auxquelles on refuse de répondre. L'« isolement existentiel » n'est pas tant une séparation des individus d'avec les autres qu'une séparation des ressources morales nécessaires pour vivre une existence pleine et satisfaisante. Le projet réflexif du moi génère des programmes d'actualisation et de maîtrise. Mais tant que ces possibilités sont comprises essentiellement comme l'extension des systèmes de contrôle de la modernité au soi, elles manquent de sens moral. L'« authenticité » devient à la fois une valeur prééminente et un cadre pour l'accomplissement de soi, mais elle représente un processus moralement particulièrement étroit.  

 

Yet the repression of existential questions is by no means complete and in high modernity, where systems of instrumental control have become more nakedly exposed than ever before and their negative consequences more apparent, many forms of counter-reaction appear. It becomes more and more apparent that lifestyle choices, within the settings of local–global interrelations, raise MORAL ISSUES which cannot simply be pushed to one side. Such issues call for forms of political engagement which the new social movements both presage and serve to help initiate. ‘Life politics’ – concerned with human self-actualisation, both on the level of the individual and collectively – emerges from the shadow which ‘emancipatory politics’ has cast. 

 

Cependant, la répression des questions existentielles est loin d'être totale et, dans la haute modernité, où les systèmes de contrôle instrumental sont devenus plus visibles que jamais et leurs conséquences négatives plus apparentes, de nombreuses formes de contre-réaction apparaissent. Il devient de plus en plus évident que les choix de mode de vie, dans le cadre des interrelations locales et mondiales, soulèvent des questions morales qui ne peuvent être simplement mises de côté. Ces questions appellent des formes d'engagement politique que les nouveaux mouvements sociaux annoncent et contribuent à initier. La « politique de la vie », qui se préoccupe de l'épanouissement humain, tant au niveau individuel que collectif, émerge de l'ombre que la « politique d'émancipation » a jetée. 

 

Emancipation, the general imperative of progressivist Enlightenment, is in its various guises the condition for the emergence of a life-political programme. In a world still riven by divisions and marked by forms of oppression both old and new, emancipatory politics does not decline in importance. Yet these pre-existing political endeavours become joined by novel forms of lifepolitical concern. In the concluding sections of the book I outline the main parameters of the life-political agenda. It is an agenda which demands an encounter with specific moral dilemmas, and forces us to raise existential issues which modernity has institutionally excluded. 

 

L'émancipation, impératif général des Lumières progressistes, est, sous ses diverses formes, la condition de l'émergence d'un programme politique de vie. Dans un monde toujours divisé et marqué par des formes d'oppression anciennes et nouvelles, la politique émancipatrice ne perd pas de son importance. Cependant, ces efforts politiques préexistants sont rejoints par de nouvelles formes d'intérêt pour la politique de la vie. Dans les dernières sections de l'ouvrage, j'expose les principaux paramètres de l'agenda de la politique de la vie. Il s'agit d'un programme qui exige une rencontre avec des dilemmes moraux spécifiques et qui nous oblige à soulever des questions existentielles que la modernité a institutionnellement exclues...." (Préface)


"The Politics of Climate Change" (2009, Anthony Giddens)

"The Politics of Climate Change" entend aborder les défis complexes et multiformes posés par le changement climatique, en particulier les dimensions politiques et sociales de la gestion de cette crise mondiale. Giddens explore ainsi les difficultés à élaborer des politiques et stratégies efficaces pour atténuer le changement climatique et offre des perspectives sur la façon dont les institutions politiques et les sociétés peuvent éventuellement réagir. Sait-on que le grand "smog" de 1952, le pire épisode de pollution que connût Londres et qui fit plus de 4000 morts, est à l'origine de la fameuse "Clean Air Act", loi antipollution votée en 1956, et que quarante années plus tard, le protocole de Kyoto de 1997 prévoit enfin une réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés... La gestion du changement climatique anthropique (par l'être humain) est sans doute le plus grand défi auquel semble confronter l'humanité. Giddens montre à quel point, dans ce domaine notamment, la "non-prise en compte du futur" (future discounting) est devenu un comportement totalement normalisé : on est mobilisé pour des problèmes immédiats, mais on choisit d'ignorer les menaces futures, on préfère une gratification immédiate, si petit soit-elle, qu'un espoir de gratification si grand soit-il... . Giddens introduit ainsi le concept du "paradoxe de Giddens", qui affirme que les dangers posés par le changement climatique n'étant pas immédiatement visibles dans la vie quotidienne, ce citoyens ou politiciens sont peu enclins à prendre des mesures fortes et proactives : et lorsque les conséquences du changement climatique deviennent évidentes, il est peut-être trop tard pour les prévenir...

 

(Introduction) "This is a book about nightmares, catastrophes – and dreams. It is also about the everyday, the routines that give our lives continuity and substance. It is about the warming of our planet – a phenomenon which, if it proceedsunchecked, constitutes an existential threat to our civilization. The changes we are wreaking on the world’s climate will produce increasingly extreme and erratic weather, subject large areas of the globe to drought and eventually make them uninhabitable. Rising ocean levels will have the same effect upon low-lying coastal zones. The book is a prolonged enquiry into a single question. Why do most people, most of the time, act as though a threat of such magnitude can be ignored? 

 

Ce livre traite des cauchemars, des catastrophes et des rêves. C’est aussi le quotidien, les routines qui donnent à nos vies continuité et substance. Il s’agit du réchauffement de notre planète – un phénomène qui, s’il est mal contrôlé, constitue une menace existentielle pour notre civilisation. Les changements que nous provoquons dans le climat mondial vont produire des conditions météorologiques de plus en plus extrêmes et erratiques, soumettant de grandes régions du globe à la sécheresse et les rendant finalement inhabitables. La hausse du niveau des océans aura le même effet sur les zones côtières basses. Le livre est une enquête prolongée sur une seule question. Pourquoi la plupart des gens, la plupart du temps, agissent-ils comme si une menace d’une telle ampleur pouvait être ignorée? 

 

Almost everyone across the world must have heard the phrases ‘climate change’ and ‘global warming’ and know at least a bit about what they mean. The two terms can be used interchangeably. They refer to the fact that the greenhouse gas emissions produced by modern industry are causing the earth’s climate to warm up, with potentially devastating consequences for the future. Yet the vast majority of people are doing very little, if anything at all, to alter their daily habits, even though those habits are the source of the dangers in store for us. It is not as if climate change is creeping up on us unawares. On the contrary, large numbers of books have been written about it and its likely consequences. Serious worries about the warming of the earth’s climate were expressed for a quarter of a century or more without making much of an impact. Within the past few years the issue has jumped to the forefront of discussion and debate, not just in this or that country, but across the world.

 

Presque tout le monde dans le monde doit avoir entendu les expressions « changement climatique » et « réchauffement planétaire » et en connaître au moins un peu la signification. Les deux termes peuvent être utilisés de façon interchangeable. Ils font référence au fait que les émissions de gaz à effet de serre produites par l’industrie moderne sont en train de réchauffer le climat de la terre, avec des conséquences potentiellement dévastatrices pour l’avenir. Pourtant, la grande majorité des gens ne font que très peu, voire rien, pour modifier leurs habitudes quotidiennes, alors même que ces habitudes sont à l’origine des dangers qui nous guettent. Ce n’est pas comme si le changement climatique nous frappait de façon inattendue. Au contraire, de nombreux livres ont été écrits à ce sujet et ses conséquences probables. De sérieuses inquiétudes quant au réchauffement du climat terrestre ont été exprimées pendant un quart de siècle ou plus sans grand impact. Au cours des dernières années, la question a fait l’objet de discussions et de débats non seulement dans tel ou tel pays, mais aussi à travers le monde.

 

Yet, as collective humanity, we are only just beginning to take the steps needed to respond to the threats that we and succeeding generations are confronting. Global warming is a problem unlike any other, however, both because of its scale and because it is mainly about the future. Many have said that to cope with it we will need to mobilize on a level comparable to fighting a war; but in this case there are no enemies to identify and confront. We are dealing with dangers that seem abstract and elusive, however potentially devastating they may be.

No matter how much we are told about the threats, it is hard to face up to them, because they feel somehow unreal – and, in the meantime, there is a life to be lived, with all its pleasures and pressures. The politics of climate change has to cope with what I call Giddens’s paradox – a theme that appears throughout this text. It states that, since the dangers posed by global warming aren’t tangible, immediate or visible in the course of day-to-day life, many will sit on their hands and do nothing of a concrete nature about them. Yet waiting until such dangers become visible and acute – in the shape of catastrophes that are irrefutably the result of climate change – before being stirred to serious action will be too late. For we know of no way of getting the greenhouse gases out again once they are there and most will be in the atmosphere for centuries.

 

 Pourtant, en tant qu’humanité collective, nous commençons seulement à prendre les mesures nécessaires pour répondre aux menaces qui pèsent sur nous et sur les générations futures. Le réchauffement climatique est un problème unique, à la fois par son ampleur et parce qu’il concerne principalement l’avenir. Beaucoup ont dit que pour faire face à cela, nous devrons mobiliser à un niveau comparable à la guerre; mais dans ce cas il n’y a pas d’ennemis à identifier et à confronter. Nous sommes confrontés à des dangers qui semblent abstraits et insaisissables, aussi dévastateurs qu’ils puissent être.

Peu importe combien on nous parle des menaces, il est difficile de les affronter, parce qu’elles semblent irréelles – et, en attendant, il y a une vie à vivre, avec tous ses plaisirs et ses pressions. La politique du changement climatique doit faire face à ce que j’appelle le paradoxe de Giddens – un thème qui apparaît tout au long de ce texte. Il indique que, puisque les dangers posés par le réchauffement climatique ne sont pas tangibles, immédiats ou visibles dans la vie quotidienne, beaucoup se tiendront sur leurs mains et ne feront rien de concret à leur sujet. Il est cependant trop tard pour attendre que ces dangers deviennent visibles et aigus – sous la forme de catastrophes irréfutables résultant du changement climatique – avant d’agir sérieusement. Car nous savons qu’il n’y a aucun moyen de faire sortir les gaz à effet de serre une fois qu’ils seront là et la plupart d’entre eux seront dans l’atmosphère pendant des siècles..."

(...)

 

(Political Inertia and Climate Change) - Giddens discute donc des raisons de l’inertie politique entourant le changement climatique, y compris les cycles électoraux à court terme, l’influence des intérêts particuliers et le manque de sensibilisation ou d’inquiétude du public. Premier constats, les cadres politiques existants sont souvent mal équipés pour faire face aux défis à long terme comme le changement climatique. Et le sociologue de souligner le rôle essentiel que jouent les gouvernements dans la lutte contre les changements climatiques. (The Role of Governments) - Ce sont les gouvernements qui doivent prendre l’initiative de créer et d’appliquer des politiques qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre, favorisent les énergies renouvelables et encouragent les pratiques durables. Giddens préconise la création d’un "État vert" (Green State), où les préoccupations environnementales sont intégrées dans tous les aspects de la politique gouvernementale. Cela comprend non seulement la réglementation environnementale, mais aussi la planification économique, la politique énergétique et les considérations de justice sociale. 

Giddens souligne l’importance de l’innovation technologique pour lutter contre le changement climatique et estime que les gouvernements devraient soutenir activement la recherche et le développement dans le domaine des technologies vertes et que l’innovation devrait être stimulée par les efforts du secteur public comme du secteur privé. L’ouvrage explore de même les défis que pose la réalisation de la coopération internationale sur le changement climatique, et souligne que, si le changement climatique est un problème mondial, les réponses sont souvent fragmentées et motivées par des intérêts nationaux. Il appelle ainsi à des accords et institutions internationaux plus forts pour coordonner les efforts mondiaux. Les dimensions économiques des changements climatiques sont aussi abordées, y compris les coûts de l’action par rapport à l’inaction. Giddens critique les approches fondées sur le marché qui dominent la pensée actuelle, arguant qu’elles ne tiennent pas compte de tous les coûts sociaux et environnementaux des changements climatiques.

(Adaptation and Mitigation) - Giddens discute de la nécessité de mise en oeuvre de deux approches, elles sont nécessaires et doivent être appliquées simultanément : s'adapter (s’adapter aux impacts du changement climatique) et atténuer (réduire les causes du changement climatique).  

(Public Engagement and Social Change) - Enfin, Giddens souligne la nécessité d’une plus grande participation du public à la lutte contre les changements climatiques. Cette action contre les changements climatiques doit s’inscrire dans un changement social plus large, où les individus et les communautés jouent un rôle actif pour conduire les politiques et les changements de comportement...


Will Atkinson, "Class, Individualization and Late Modernity : In Search of the Reflexive Worker" (2010)

Le livre du sociologue britannique Will Atkinson, "Class, Individualization and Late Modernity : In Search of the Reflexive Worker" examine de façon critique l’idée que la société contemporaine aurait dépassé les divisions de classe pour entrer dans une ère d’individualisation. La notion de "classe" demeure une force sociale fondamentale. Dans "Beyond Bourdieu : From Genetic Structuralism to Relational Phenomenology", Atkinson tentera de développer les idées de Bourdieu, en les incorporant dans une compréhension sociologique plus large qui tient compte des nouvelles réalités empiriques. Mais il conteste de même les théories des sociologues comme Ulrich Beck et Anthony Giddens, qui soutiennent que dans la modernité tardive, les individus sont moins liés par les structures sociales traditionnelles telles que la classe, et plus par les choix personnels et les risques.

 

Atkinson soutient que le concept d’individualisation, qui suggère que les individus façonnent de plus en plus leur vie par des choix personnels indépendants des contraintes de classe, est contestable. La notion de "classe" reste pour lui un déterminant important des chances de vie, influençant les opportunités, les comportements et le futur des individus.

(Persistence of Class Structures) - Des recherches empiriques conduisirent Atkinson à démontrer que la classe continue de jouer un rôle central dans le façonnement de la vie des gens, en particulier dans des domaines comme l’éducation, l’emploi et les choix de mode de vie.  - (Reflexivity and Class) Examinant l’idée de la notion de "réflexivité" — la capacité des individus à réfléchir et à façonner leur propre vie — en affirmant que la réflexivité elle-même est conditionnée par la classe, ilsoutient que la capacité de réflexion n’est pas répartie également entre les classes sociales, et que celles des classes supérieures sont mieux placées pour l’exercer en raison de leur meilleur accès aux ressources et aux possibilités de connaissances de toutes sortes. (Bourdieu's Influence) - Le livre s’appuie fortement sur les concepts d’ "habitus", de "capital" et de "champ" de Pierre Bourdieu pour soutenir que la classe est profondément ancrée dans les pratiques sociales et continue à structurer la vie des gens. Atkinson utilise le cadre de Bourdieu pour contrer les revendications d’individualisation, montrant comment le capital culturel et social est crucial dans le maintien des distinctions de classe.

Atkinson appuie ses arguments sur des données empiriques, montrant comment la classe influence divers aspects de la vie dans la "modernité tardive", y compris le travail, l’éducation et la consommation. Son analyse révèle que, malgré la rhétorique de l’individualisation, la classe reste une force puissante dans la formation des identités et des expériences de chacun d'entre nous ....