Le Caravage (1573-1610), "La Diseuse de bonne aventure" (1594), "Bacchus" (v. 1598), "Judith et Holopherne" (1599), "La Vocation de saint Matthieu" (1599-1600), "La Crucifixion de saint Pierre", "La Conversion de saint Paul" (1600-1601), "L'Incrédulité de saint Thomas" (1601-1602), "La Madone des pèlerins" (1603-1606), "La Mort de la Vierge" (1605-1606), "Décollation de saint Jean-Baptiste" (1608), "La Résurrection de Lazare" (1609) - ...

Last update 10/10/2023


"... Ses personnages ne sont jamais peints au grand jour, mais placés dans l'atmosphère brun sombre d'une pièce fermée, où une haute lumière verticale illumine les parties importantes du corps et laisse le reste dans l'ombre. Ce contraste frappant entre clarté et obscurité donne toute sa force à l'oeuvre", écrit en 1672 Giovanni Pietro Bellori, l'un des premiers biographe du Caravage : le clair-obscur fige l'action dramatique et guide le regard vers l'essentiel. Non seulement celui-ci révolutionne la peinture en ce tout début du XVIIe siècle par l'emploi du "ténébrisme" (« tenebrosi »), mais introduit le quotidien dans le sacré (scènes de taverne, joueurs de luth, diseuses de bonne aventure) et représente des personnages qui imposent leur poids de chair et de sang dans des tableaux qui font école (naturalisme de la représentation, figures grandeur nature). La violence anime la peinture du Caravage, et on a pu noter la véritable fascination de l'artiste pour la décapitation (Judith et Holopherne, 1599) : mais c'est peut-être le peintre baroque espagnol et tenant du ténébrisme, qui s'installe à Naples en 1616, José de Ribera (1591-1652), qui exprimera alors une violence des corps d'un réalisme alors inégalé ,"Tityos" (1632, musée du Prado, Madrid), "Martyre de saint Philippe (1639, musée du Prado, Madrid), "Le Supplice de Marsyas" (1637, musée de Capodimonte, Naples) ...

(1595, Caravage soutenant un "Saint François d’Assise en extase" ..)

 

 

Le "Caravagisme", constitué par l'oeuvre du peintre Michelangelo Merisi, natif du village de Caravaggio, en Lombardie, apparaît ainsi vers 1600, remplace par une expression simple et réaliste les artifices du Maniérisme et va s'étendre en Italie ( Rome, Naples, Gènes) pour se diffuser en Europe grâce aux peintres étrangers qui résident à Rome entre 1600 et 1630. Le mouvement s'étendra vers 1632 (date de la mort de Valentin de Boulogne), mais se prolongera à Naples jusqu'à la fin du siècle et nombre d'artistes auront encore une période caravagesque (L. Giordano). L'italienne Artemisia Gentileschi (1593-1656), la plus célèbre peintre femme de son temps, ou le Français Georges de La Tour (1593-1652), figurent parmi les grands héritiers du peintre. Oubliée, l'oeuvre de Le Caravage fut redécouverte dans les années 1930 par Roberto Longhi, qui consacra au "grand créateur de formes simples" un ouvrage en 1952 (Caravaggio) ...

 

Le caravagisme, dont on retiendra le plus souvent la leçon du clair-obscur au dépens de la modernité de son art, se développe simultanément au "classicisme" et au "baroque". La révolution artistique du Caravage est contemporaine de l'art de Carrache ...

 


Le Caravage (1573-1610)

Né en 1573 à Milan, puis fuyant la peste, s'installant à Caravaggio, Michelangelo Merisi, dit « Le Caravage », vient à Rome vers l'âge de 15 ans, luttant contre la misère et une santé précaire. Moins de 10 ans plus tard, on parle de lui comme celeberissimo pittore, protégé par des mécènes illustres et puissants. Mais son tempérament colérique et violent lui vaut aussi des démêlés avec la police : querelles, rixes, affaires de mœurs, fuite vers Naples, Malte, la Sicile. Il meurt de la malaria en 1610, sur le chemin du retour à Rome ...

("Portrait of Caravaggio", by Ottavio Leoni. A Roman barber named Luca described the painter just as he appears here, a stocky young man, with a thin  black beard, thick eyebrows and black eyes . . . dressed all in black ...")

 

C'est à la tradition lombarde, traversée par une profonde intention de montrer les choses sous un aspect vraisemblable, que Le Caravage se confronte durant sa formation dans l'atelier de Simone Peterzano. De 1591-1592 à 1606, le Caravage travaille à Rome : mais la "nature" reste son seul maître. Et si sa vie turbulente le mène en prison, son langage pictural est élaboré très tôt : dès l'âge de vingt ans il va puiser son inspiration dans le profond de la vie du peuple qu'il côtoie. Il s'oppose au maniérisme romain et son talent novateur conquiert de célèbres commanditaires dont le marquis Giustiniani ou le cardinal Del Monte, qui le loge quand il quitte l'atelier du Cavalier d`Arpin, peintre maniériste. Ses premières œuvres connues datent d'environ 1591. Elles mettent en scène une iconographie et un naturalisme totalement nouveaux, "le Petit Bacchus malade" (1592-1594, Rome, Borghèse), "le Concert de jeunes gens" (New York, M.M.), et annoncent un chef-d'œuvre, "Bacchus" (v. 1592-1595, Florence, Offices), portrait probable de son ami sicilien et peintre, Mario Minniti, et prétexte à mettre en scène pléthore de fruits et vin, traités comme tels. Bacchus est ainsi représenté en jeune garçon romain et non pas en dieu de la mythologie. Le peintre adopte des cadrages à mi-corps et les personnages sont vus en gros plan afin de rapprocher le sujet du spectateur. À ces mêmes dates, il conçoit le "Garçon a la corbeille" (v. 1592-1595, Rome, Borghèse), et un très singulier  "Garçon mordu par un lézard" (London national Gallery et Fondation Roberto Longhi, Florence), des autoportraits ? ...

 

1593-1596 - "Sick Bacchus", c. 1593, Galleria Borghese, Rome - "Boy Peeling a Fruit", c. 1593, Fondazione di Studi di Storia dell'Arte Roberto Longhi, Florence - "Boy with a Basket of Fruit", c. 1593, Galleria Borghese, Rome - "Boy Bitten by a Lizard", c. 1594, National Gallery, London - "The Musicians", 1595-1596, Metropolitan Museum of Art, Manhattan - "St. Francis in Ecstasy", c. 1595, Wadsworth Atheneum, Hartford  - "Lute Player", c. 1596, Hermitage, St Petersburg  - "Bacchus", c. 1596, The Uffizi, Florence - "The Cardsharps", c. 1596, Kimbell Art Museum, Fort Worth -  ...

 

Aux tableaux de chevalet de petit format sur la vie quotidienne vont succéder de grands tableaux pour les églises, montrant de pieux vieillards, des soldats, des bohémiens, des courtisans et de jeunes voyous, présentés grandeur nature, à mi-corps ou en pied. Le Caravage a sans doute vu les œuvres du Brescian Giovanni Savoldo (1480-1548), peintre lombard qui oppose des zones d'ombres et des masses lumineuses, d'Antonio Campi (Crémone, 1523-1587), qui prône la réalité et le naturel, du Corrège (1489-1534) et de ses éclairages nocturnes, du Génois Luca Cambiaso (1527-1585) et du Siennois Dominico Beccafumi (1484-1551) au luminisme original. Il connaît aussi le Vénitien Lorenzo Lotto (1480-1556) et son chromatisme froid et clair, Giorgione (1477-1510) et son célèbre "Orage", le Tintoret (1518-1594), peintre des ombres immenses, le maniériste Jacopo Bassano (1510-1592) et ses « nocturnes » ...

1596-1598 - "The Fortune Teller", 1596-1597, Musee du Louvre, Paris - "Rest on Flight to Egypt", 1596-1597, Galleria Doria-Pamphili, Roma - "Magdalene", 1596-1597, Galleria Doria-Pamphili, Roma - "The Fortune Teller", 1596, Musei Capitolini, Roma - "Basket of Fruit", c. 1597, Pinacoteca Ambrosiana, Milan - "St. Catherine of Alexandria", c. 1598, Thyssen-Bornemisza Museum, Madrid - "Martha and Mary Magdalene", c. 1598, Detroit Institute of Art, Detroit - ..

 

Les personnages des scènes profanes, religieuses ou mythologiques sont élevés au même rang, traités dans l'instant présent avec la même vérité, qu'il s'agisse de "la Diseuse de bonne aventure" (1594, Paris, Louvre), - en arrière-plan, la lumière du jour -, du "Joueur de luth" (1594, Moscou, Ermitage), du "Repos pendant la fuite en Égypte" (1594-1596, Rome, Doria Pamphill), - seul paysage de l'artiste, avec ses effets de lumière subtils découpant des surfaces sombres sur un fond clair - (un ange adolescent à peine drapé entre Marie et Joseph, une composition "empruntée" peut-être à Annibale Carracci), du "Sacrifice d'Isaac" (1594-1596, Florence, Offices) ou de "Judith" (1595-1596, Rome, coll. Coppi) ...

 

Le poétique "Narcisse" (1594-1596, Rome, G.N.), "Sainte Catherine" (1595-1596, Lugano, T.B.), représentée sous les traits de Fillide Melandroni (que l'on retrouvera dans nombre de tableaux), l'émouvante "Madeleine" (1595-1596, Rome, Doria Pamphili), une "Madeleine pénitente" qui, au paroxysme de son repentir, a arraché or et bijoux pour les jeter au sol; "Saint jean-Baptiste" (1597-1598, id.); ou encore la somptueuse "Corbeille de fruits" (1596, Milan), - la première nature morte de l'histoire de la peinture traitée pour elle-même -, sont de la même veine. Sa connaissance du classicisme ne fait aucun doute dans la "Cène à Emmaüs" (1596-1598, Londres, N .G.), un Christ ressuscité qui révèle son identité à deux apôtres qui ne l'avaient reconnu, l'aubergiste est debout, les personnages surpris en plein milieu de gestes amples. Il peint la "Tête de Méduse" (1596-1598, Florence, Offices), - oeuvre offerte par le cardinal Dl Monte au Grand-Duc Ferdinand de Médicis -, et "Amor Victorious" (1598-1599, Berlin), l'une des confrontations les plus provocantes avec le spectateur tant la sexualité d'Eros , un jeune adolescent qui prend plaisir à sa séance de pose et qui pour l'occasion se pare d'ailes, est réaliste ....

 

1598 - 1600 - "Judith Beheading Holofernes", c. 1598, Galleria Nazionale d'Arte Antica, Roma - "Portrait of a Courtesan", c. 1598, Formerly Kaiser-Friedrich-Museum, Berlin - "Taking of Christ", c. 1598, National Gallery of Ireland, Dublin - "Head of Medusa", 1598-1599,The Uffizi, Florence - "Narcissus", 1598-1599, Galleria Nazionale d'Arte Antica, Roma - "Portrait of Maffeo Barberini", 1599, Private collection, Florence - "St John the Baptist (Youth with Ram)", 1602, Pinacoteca Capitolina, Rome - ...


"Judith et Holopherne" (1599, Rome, palais Barberini) - C'est pour le banquier Ottavio Costa que Le Caravage reprend le thème biblique de Judith et Holopherne. Chef assyrien assiégeant la ville juive de Bethulie, Holopherne voulut abuser des charmes de Judith mais fut surpris dans son sommeil par la jeune fille qui le décapita. Et sa tête fut immédiatement recueillie par la vieille servante de Judith, afin de galvaniser le peuple juif et de le conduire à la victoire. Le style est parfaitement réaliste tant dans les détails que dans les traits des visages et le choix des vêtements et des objets. L'instant représenté est le moment de l'action le plus spectaculaire (et le plus fugace), le sang gicle du cou d'Holopherne et les trois protagonistes semblent figé pour l'éternité ...

 


1599-1600 - Contarelli Chapel, San Luigi dei Francesi, Rome - "The Calling of St. Matthew", "The Martyrdom of St. Matthew" - "The Inspiration of Saint Matthew" (1602) - ...

"De là étant allé plus loin, Jésus vit un homme assis, et qui s'appelait Matthieu. Il lui dit: Suis-moi. Cet homme se leva, et le suivit" (Evangile selon st Matthieu).... - A Rome, deux tableaux sur la "Vie de saint Matthieu" vont marquer un tournant dans l'oeuvre du Caravage. Les oeuvres sont monumentales. Dans la chapelle Contarelli de l'église Saint-Louis-des-Français, deux tableaux se font face, "La Vocation de saint Matthieu" et "Le Martyre de saint Matthieu", commandés en juillet 1599 (Caravage a vingt-huit ans) et dévoilés en juillet 1600 : deux toiles qui eurent un extraordinaire impact sur nombre d'artistes et sont très différentes l'une de l'autre ("La Vocation" compte peu de personnage, son intrigue est sereine, "Le Martyr" est d'une grande violence) et alimentèrent bien des interprétations (Caravage s'y est représenté fuyant la scène du crime).

Des oeuvres qui révolutionnent non seulement le rôle de la lumière dans la peinture mais saisissent l'événement à un instant clé, donnant ainsi aux personnages une plasticité nouvelle. La lumière a figé les gestes et l'action dramatique, ce qui lui permet d'exposer tous les détails dans une implacable vérité picturale ..

 


Cerasi Chapel (1600-01) - "The Crucifixion of Saint Peter", 1600, Rome - "The Conversion of St. Paul", 1600, Odescalchi Balbi Collection, Rome - "David", 1600, Museo del Prado, Madrid - "The Conversion on the Way to Damascus", 1600, Cerasi Chapel, Santa Maria del Popolo, Rome - ..

"La Crucifixion de saint Pierre" et la "Conversion de saint Paul" (1600-1601, Rome) traduisent parfaitement l'immédiateté de l'action. Représentant les saints comme de simples gens du peuple, il peindra dans sa période de maturité des sujets religieux comme des scènes de genre (la Vocation de saint Matthieu), sans souci des conventions de I'époque, ni Dieu, ni ciel ...


1600-1603 - "David and Goliath", c. 1600, Museo del Prado, Madrid - "Portrait of the Poet Giambattista Marino", 1600-01, Private collection - "The Sacrifice of Isaac", 1601-1602, The Uffizi, Florence - "The Incredulity of Saint Thomas", 1601-1602, Sanssouci, Germany - "The Supper at Emmaus", 1601-1602, National Gallery, London  - "Amor Victorious", 1602-03, Staatliche Museen, Berlin - ...

 


 

"L'incrédulité de Saint Thomas" (1601-1602, Postdam) est l'une des oeuvres les plus admirées de Caravage tout au long du XVIIe siècle : le Christ y démontre à Thomas qu'il est vraiment ressuscité, s'empare du poignet de l'apôtre et le force à enfoncer son doigt dans la plaie au côté qu'il reçue lors de la Crucifixion. Les deux autres disciples cherchent aussi à voir, entraînant le spectateur dans une extraordinaire composition...

 


"L'Arrestation du Christ" (1602), commanditée par un des principaux mécènes du peintre (avec Giustiniani et Del Monte), Ciriaco Mattei, montre comment Caravage, comme dans "L'incrédulité de saint Thomas", peut dans certaine mesure utilise le tableau de collection pour innover en matière d'art religieux. Le Christ fait ici preuve d'une passivité active, délibérément jointes les mains sont tournées vers le bas alors que les doigts gantés du soldat en armure se tendent vers sa gorge : et tout à droite du tableau, se tient un homme ne portant ni casque ni armure et qui tente d'observer, avec sa lampe, ce qui se passe entre le Christ et Judas, il s'agit bien d'un autoportrait ...


1603-1606 - "The Entombment", 1602-1603, Vatican Museum: Pinacoteca, Roma - "The Crowning with Thorns", 1602-1603, Banca Popolare di Vicenza, Vicenza - "St John the Baptist", 1603-04, Galleria Nazionale d'Arte Antica, Rome - "St John the Baptist", c. 1604, Nelson-Atkins Museum of Art, Kansas City - "Madonna di Loreto", 1603-05, Sant'Agostino, Rome - "St. Jerome", 1605-1606, Monastery de Montserrat - "St. Jerome", c. 1606, Galleria Borghese Rome - "The Death of the Virgin", 1606, Musée du Louvre, Paris - ...

 


1606-1607 - "Ecce Homo", c. 1606, Galleria di Palazzo Bianco, Genoa - "Supper at Emmaus", 1606, Pinacoteca di Brera, Milano - "Madonna dei Palafrenieri", 1606, Galleria Borghese, Rome - "St Francis in Meditation", c. 1606, Galleria Nazionale d'Arte Antica, Rome - "St Francis in Meditation", c. 1606, Museo Civico "Ala Ponzone", Cremona - "David with the Head of Goliath", 1606-07, Kunsthistorisches Museum, Vienna - ...

 

On a vu Le Caravage plus classique dans la "Mise au Tombeau" (1602-1604, Rome, Pinac. Vaticane) ou plus naturaliste dans "La Madone des pèlerins" (1605-1605, Rome, Eglise S. Agostino), ou "la Madone de Lorette" - ici il oppose la grâce et la beauté de la Vierge à la pauvreté et à la rusticité des paysans au visage usé, la simplification des mains des paysans et la symbolique du bâton mué en "bâton de lumière" -, ou "La Madone au serpent", dite "des palefreniers" (1605, Rome, Borghèse). Si les tableaux de Caravage peuvent alors choquer par leurs innovations, il reçoit avec ce dernier tableau une commande prestigieuse, la Confrérie des Palefreniers, une oeuvre destinée à l'église la plus sainte de la chrétienté, la basilique Saint-Pierre de Rome. Sous le regard de sainte Anne, la mère de la Vierge Marie, Jésus, enfant, tente d'écraser un serpent, symbole de l'hérésie luthérienne. La nudité de l'enfant, le décolleté de la Vierge ont peut-être participé à la décision de retirer le tableau de son emplacement ...

 


Et si ses représentations de "Saint Jérôme" (1605-1606, id), Jérôme de Stridon, le saint traducteur de la Bible en latin, tout occupé à l'étude et à l'écriture de son texte -,  sont bien accueillis, "La Mort de la Vierge" (1605-1606, Paris, Louvre) va choquer par le réalisme d'un cadavre, celui d'une simple femme du peuple, les chevilles dénudées, saisie dans la mort, une mort qui semble bien réelle, ce qui choquera encore plus, mais pourtant sans que sa dimension spirituelle en soit altérée ...

 


En 1606, après un meurtre (à la suite d'une partie de balle qui s'est transformée en bataille rangée, Caravage a provoqué en duel Ranuccio Tomassoni et l'a tué), Carvage doit se cacher, sans doute dans le palais romain de la marquise de Caravaggio, Costanza Sforza Colonna, qui l'a toujours protégé, puis doit s`enfuir a Naples. Il y travaille fébrilement à de nombreuses œuvres qui sont aujourd'hui en partie perdues. Il y peint la monumentale "Vierge du Rosaire" (1607, Vienne, K.M.), particulièrement admirée par Peter Paul Rubens, "Les Sept Oeuvres de miséricorde" (Naples, église de la Miséricorde), scène de désespoir, de douleur et de mort, exprimant le microcosme d'un peintre confronté à la brutalité de l’existence elle-même; une "Flagellation du Christ" dont le corps apparaît singulièrement préservée des coups de ses bourreaux, et un "Saint Jean Baptiste" qui semble exprimer l’état d’esprit sombre du Caravage durant ses dernières années à Rome. Et "Le Crucifiement de saint André", de la même époque, aborde quant à lui un thème inhabituel en peinture, la mort d'un saint ...

1607 - "The Seven Acts of Mercy", c. 1607, Pio Monte della Misericordia, Naples - "The Crucifixion of St Andrew", c. 1607, Museum of Art, Cleveland - "Flagellation", c. 1607, Museo Nazionale di Capodimonte, Naples - "Christ at the Column", c. 1607, Musée des Beaux-Arts, Rouen - "Salome with the Head of St John the Baptist", 1609-10, National Gallery, London - "Madonna del Rosario", c. 1607, Kunsthistorisches Museum, Vienna - "St Jerome", c. 1607, Museum of St John, La Valletta - "Portrait of Alof de Wignacourt with His Page", c. 1608, Musée du Louvre, Paris - "Portrait of a Maltese Knight", 1608, Galleria Palatina (Palazzo Pitti), Florence - "Beheading of Saint John the Baptist", 1608, Saint John's Co-Cathedral, La Valletta - ...


Fin 1607, Le Caravage est à Malte, siège d'un ordre hospitalier et militaire fondé à Jérusalem au temps des Croisades, où il peint "Alof de Wignacourt" (Paris, Louvre), grand maître de l'ordre de Malte. "La Décollation de saint Jean-Baptiste" (1608, La Valette, Cathédrale st Jean), la plus monumentale des toiles peintes par Caravage, et "La Flagellation" (v 1607, Naples, S. Domenico Maggiore), toutes deux austères et tragiques, annoncent la sobriété de ses dernières toiles. "La Décollation" décrit explicitement les diverses étapes d'une décapitation sous le regard d'un certain nombre de spectateurs -observateurs et le sang qui s'écoule de la gorge de Jean-Baptiste trace le nom du peintre ...


1608-1610 - "Sleeping Cupid", 1608, Galleria Palatina (Palazzo Pitti), Florence - "Burial of St Lucy", 1608,  Bellomo Museum, Syracuse - "The Raising of Lazarus", 1608-09, Museo Regionale, Messina - "The Annunciation", 1608-09, Musée des Beaux-Arts, Nancy - "Adoration of the Shepherds", 1609, Museo Regionale, Messina - "Nativity with St Francis and St Lawrence", 1609, Formerly in Oratorio di San Lorenzo, Palermo - "Salome with the Head of the Baptist", c. 1609, Palacio Real, Madrid - "St John the Baptist", 1610, Galleria Borghese, Rome - "The Denial of St Peter", c. 1610, Metropolitan Museum of Art, New York - "The Martyrdom of St Ursula", 1610, Banca Commerciale Italiana, Naples - ...

Le Caravage a été emprisonné au Castel Sant’Angelo, Vittoriosa, Malte, pour une infraction que nous ignorons, mais a réussi à s’échapper le 6 octobre et a rapidement trouvé son chemin vers Syracuse, où il a rencontré un vieil ami de son temps romain, Mario Minniti. Présent en Sicile courant 1608 (Syracuse, Messine, Palerme) et tentant toujours d'échapper à ses juges, le Caravage peint dans l'urgence. La sobriété de la composition et des teintes s'accroît, ses dernières toiles monumentales s'exposent tragiques, sobres et austères  : en témoignent "l'Enterrement de sainte Lucie" (1608, Syracuse, église S. Lucia), un visage dont la douceur est peinte en  contraste avec les mouvements des fossoyeurs, des colosses dont la puissance menace d’effacer son image en quelques secondes; "La Résurrection de Lazare", restauré avec difficulté, ici, comme dans le précédent tableau, un groupe d'individus emportés dans un élan d'intense émotion, la lumière est métaphore de la puissance de l'esprit;  "L'Adoration des Bergers" (1609, Messine, Musée national), une mise en scène de gens simples dans un intérieur sombre, la "Nativité" (1609, Palerme, église S. Lorenzo), la seule œuvre connue associée au bref séjour du Caravage à Palerme ...

 

A la fin de l'été 1609, Caravage est de retour à Naples, une violente altercation le laisse pour mort, le visage lacéré. Mais il a toujours, semble-t-il soif de peindre, "Le Reniement de Pierre" montre que même les plus vertueux ne sont pas à l'abri du mal, le visage de Pierre semble se tordre sous le mensonge. Il peint aussi l'un de ses dernières oeuvres, un "David tenant la tête de Goliath" pour convaincre Scipion Borghèse de demander à son oncle, le pape Paul V, le pardon : Goliath est un autoportrait, l'effet de réel ne pouvait que combler le cardinal Borghèse. Dans "Le Martyre de sainte Ursule" (1610), le détail de l'homme se tenant derrière la sainte est aussi un autoportrait, mais l'oeuvre est en elle-même d'une densité émotionnelle inégale : le tableau saisit l'instant où, un homme (le roi des Huns) ayant tiré avec son arc à bout portant, la flèche vient transpercer le corps de la sainte; surprise, elle regarde sa blessure qui lui sera fatale. C'est véritablement "une peinture en train de prendre forme, aussi bien sous le pinceau du peintre que sous le regard du spectateur" ...

 


L'horizon s'éclaircit, le pardon du peintre semble imminent, il s'embarque pour Rome : il est pourtant arrêté à peine débarqué (a-t-il été arrêté par erreur à sa descente de bateau, puis relâché ? ) et, en 1610, meurt de la malaria. On retrouve son cadavre sur une plage à Porto Ercole. Le Caravage avait trente neuf ans ...