Romantism - William Wordsworth (1770-1850), " The Prelude and Other Poetry" - Samuel Taylor Coleridge (1772-1834), "Lyrical Ballads" (1798), "The Rime of the ancient mariner"  (1797-1798), "The Prelude" (1799) - ......

Last update 12/18/2016


Les "Lyrical Ballads" qui inaugurent le romantisme anglais en début du XIXE siècle, est l'oeuvre de deux personnalités fort différentes. William Wordsworth (1770-1850) est un introverti imaginatif, Samuel Taylor Coleridge (1772-1834), un visionnaire pessimiste doté d'une imagination extrovertie, puissante, mais tous deux éprouvant la même difficulté à achever ou à stabiliser leur créativité et le langage que porte leur liberté. Il est vrai que ce qu'ils entendent affirmer, c'est le triomphe de l'originalité créatrice et de la libre expression de la vie émotive et fantastique, le retour à cette "extase confuse" - extase de l'enfance, selon l'Ode sur les pressentiments de l'immortalité - devant le mystère du monde. Afin de rendre sensible ce mystère, Wordsworth se proposait de transfigurer la réalité quotidienne par un langage approprié et significatif, tandis que Coleridge visait à rendre réels et tangibles des acteurs et des événements surnaturels, - en ce sens, "The Rime of the Ancient Mariner" (1797-1798) représente sans doute la plus haute perfection qu'ait atteint le romantisme. Contre les conventions, contre l'Eglise ou la Société établie, contre l'intellectualisme abstrait de la "diction poétique",  Wordsworth inaugure un langage formé de termes simples mais particulièrement suggestifs, tandis que Coleridge redonne à la langue toute sa force d'évocation, par un savant usage des archaïsmes, rendant au vers sa puissance d'hallucination grâce à l'allitération et aux répétitions de sonorités. Que l'on pense aux "Lines composed a few miles above Tintem Abbey"  ou à "The Reverie of Poor Susan" de Wordsworth. Mais cette élan créatif ne va pas sans hésitation, "Les Ballades lyriques" comptent trois éditions, la première édition parut en 1798, la seconde, comportant de nombreuses modifications, en 1800, et la troisième, à nouveau remaniée, en 1802. Et l'addition la plus remarquable apportée à la deuxième édition est constituée par la Préface de Wordsworth, où est présentée "une défense systématique de la théorie qui a présidé à la composition des poèmes". Doutes de Wordsworth que l'on retrouvera plus encore dans son poème épique semi-autobiographique, "The Prelude", publié en 1799, revu en 1805 et publié dans sa nouvelle version en 1850.... 


William Wordsworth (1770-1850)
Né dans le Cumbria (Cockermouth), dans un environnement familial déjà livré à la poésie, Wordsworth entretient très tôt une grande intimité avec la Nature (le fameux Lake District où séviront les "Lake Poets"), objet de toutes ses préoccupations les plus affectives, fait ses études à Cambridge, découvre Rousseau, gagne la France révolutionnaire, fait la connaissance d'Annette Vallon, dont il aura une fille, et en revient fortement marqué par les dérives radicales de la Terreur. En 1795, il rencontre Coleridge et de leur amitié naissent "The Lyrical Ballads" (1798), le premier véritable manifeste du romantisme anglais.

La mort de sa mère, après celle de son père en 1783, a dispersé sa famille, et c'est à Grasmere qu'il s'installe en 1799 avec sa soeur Dorothy, après avoir parcouru l'Allemagne, comme tant d'artistes britanniques, avec cette même Dorothy et Coleridge (1798). En 1802, il épouse Mary Hutchinson et occupe un emploi de "préposé au timbre" de Westmoreland tout en continuant d'écrire : "The Prelude", "Tintern Abbey", "Ode, Intimations of Immortality", "The Excursion", "The Daffodils"...

(William Shuter, Portrait of William Wordsworth, 1798)


I Wandered Lonely As A Cloud by William Wordsworth

I wandered lonely as a cloud
That floats on high o'er vales and hills,
When all at once I saw a crowd,
A host, of golden daffodils;
Beside the lake, beneath the trees,
Fluttering and dancing in the breeze.
Continuous as the stars that shine
And twinkle on the milky way,
They stretched in never-ending line
Along the margin of a bay:
Ten thousand saw I at a glance,
Tossing their heads in sprightly dance.
The waves beside them danced, but they
Out-did the sparkling leaves in glee;
A poet could not be but gay,
In such a jocund company!
I gazed—and gazed—but little thought
What wealth the show to me had brought:
For oft, when on my couch I lie
In vacant or in pensive mood,
They flash upon that inward eye
Which is the bliss of solitude;
And then my heart with pleasure fills,
And dances with the daffodils.

LES NARCISSES

J'errais comme un nuage solitaire
Qui flotte au loin sur les monts et les prés,
Quand tout à coup je vis luire sur terre
Un bataillon de narcisses dorés.
Au bord d'un lac où la vague se brise
Ils frissonnaient et dansaient à la brise.
Gomme l'oeil voit se fondre dans les cieux

Les astres d'or, fleurs de la Voie lactée,

Les fleurs du lac en ligne illimitée

Brillaient au bord des flots capricieux.

Et je voyais, courbant leurs tiges lisses,

Danser au vent des milliers de narcisses.
Les flots joyeux, moins joyeux que les fleurs,

Les flots dansaient avec un air de fête.

Je regardais : pouvais-je, moi poète,

Rester morose avec ces gais danseurs?

Et j'emportai dans mon âme ravie,

Sans le savoir, un trésor pour la vie.
Triste ou sentant la tristesse venir,

Combien de fois, l'esprit rêveur ou sombre,

J'ai vu depuis danser les fleurs sans nombre

Avec les yeux charmés du souvenir!

Aussitôt plein de nouvelles délices

Mon coeur joyeux danse avec les narcisses.



 

Wordsworth mène une vie des plus simples, loin d'incarner la posture de l'héroïsme romantique, tout en persévérant à cultiver dans son imagination cette propension à rassembler et assagir tous les tumultes de ses émotions: "ses tempes étaient marquées par une tension austère et lassée de la pensée, et ses yeux par une flamme (comme s'il voyait dans les objets quelque chose de plus que leur apparence extérieure) ; il avait un front haut, tendu et étroit, un nez aquilin, des joues creusées par la force de la volonté et des sensations.." (William Hazlitt). Son génie de la rétrospection (Charles Du Bos) ne sera reconnu que très tardivement mais reste encore et toujours un sujet bien peu exploré : il est en effet de ceux qui ont toujours mis en évidence l'adaptabilité et l'évolutivité constante de notre personnalité et la notion de "la création de soi par soi", au plus près d'une union quasi mystique avec la Nature. Mais pour l'entendre, il fallut attendre que le monde se détourne enfin quelque peu de Byron ..

(Portrait of William Wordsworth - Benjamin Robert Haydon - National Portrait Gallery - London)


"The Prelude or, Growth of a Poet's Mind, An Autobiographical Poem"

(William Wordsworth ,1798)
William Wordsworth travailla toute sa vie à l'écriture du "Prélude", œuvre autobiographique de huit mille vers, œuvre maîtresse du romantisme anglais qui ne fut publié qu'à sa mort, en 1850. Dans un langage simple, Wordsworth parle à l'imaginaire et aux émotions du lecteur, évoque tant ses expériences formatrices que le rôle crucial, quasi charnel, joué par la nature dans le développement de son imagination. Prélude tient à la fois du journal intime et du récit de cette émergence de la conscience de soi qui permet en retour de se livrer à la composition de son oeuvre : le thème toujours de la production de soi par soi dont l'écriture est le reflet. La Critique, encouragée par Wordsworth, a souvent rattaché "Prélude" au "Paradis perdu" de Milton, comme la première "épopée de l'intériorité". C'est qu'en effet cette exploration du moi est indissociable de la "quête de son passé", c'est bien par les interactions du passé et du présent que jaillit la reviviscence des émotions et des sentiments.

"Our birth is but a sleep and a forgetting :
The Soul that rises with us, our life's Star,
 Hath had elsewhere its setting,
And cometh from afar
Not in entire forgetfulness,
And not in utter nakedness,
But trailing clouds of glory do we oome
From God, who is our home :
Heaven lies about us in our infancy
I Shades of the prison-house begin to close
Upon the growing Boy,

But He beholds the light, and vvhence it flows,
He sees it in his joy;

The Youth, who daily farther from the east
Must travel, still is Nature's Priest,
And by the vision splendid
Is on his way attended ;

At length the Man perceives it die away,

And fade into the light of common day...

Notre naissance n'est que sommeil et qu'oubli.
Cette âme qui se lève en nous comme une étoile
Avait d'abord brillé dans un azur sans voile
Près duquel notre ciel est brumeux et pâli.
C'est avec l'obscure mémoire
De son éclat oriental,
C'est traînant après soi des nuages de gloire
Qu'elle nous vient du Dieu natal.
Le ciel nous environne à notre heure première ;
Pour l'Enfant grandissant l'ombre de la prison
Se projette sur la lumière,
Mais il s'ébat si près du divin horizon
Qu'il reflète dans sa prunelle
La source de flamme éternelle.
Le Jeune homme qui doit s'écarter du levant
Et chaque jour marcher vers l'ombre plus avant
Sent pâlir la céleste voûte,
Mais la splendide vision
Illumine de loin sa route ;
Enfin l'Homme la voit, jusqu'au dernier rayon,
Dans la terne lueur du jour s'effacer toute...



"Lyrical Ballads"

(William Wordsworth , Samuel Taylor Coleridge, Ballades lyriques, 1798, 1800)
Wordsworth écrivit la plupart des poèmes de l'édition de 1798, Coleridge, privilégiant une inspiration plus "surnaturelle", y intégrant l'une de ses œuvres les plus célèbres, "The Rime of the Ancient Mariner" (le Dit du vieux marin): cette ballade, qui eut une immense résonance dans la littérature, met en scène un vieux marin, seul rescapé d'un naufrage, exilé de la communauté humaine pour le meurtre d'un albatros, source de la malédiction qui provoqua la mort de l'équipage. La mer devient un tombeau et du fond de son absolue solitude, dans une vision hallucinée, le vieux marin s'accroche une dernière fois à un jeune interlocuteur qu'il croise et retient à la porte d'une Noce, au seuil du monde des hommes : "I fear thee, ancient Mariner ! / I fear thy skinny hand !  / And thou art long, and lank, and brown, / As is the ribbed sea-sand. / I fear thee and thy glittering eye, / And thy skinny hand, so brown. / - Fear not, fear not, thou Wedding-Guest ! / This body dropt not down..."

Débute l'évocation d'un voyage surnaturel et terrifiant ("this soul hath been alone on a wide wide sea") au cours duquel interviennent deux personnages surnaturels, la Mort et la Vie-dans-la-Mort qui jouent aux dés le sort de l'équipage; et cette évocation a le don de plonger le vieux marin dans cette source de tourments, mais aussi de vie et de création qu'est l'esprit humain, et donc de connaître des rémissions passagères à son inéluctable déchéance : "Sur ce, le marin à l'œil brillant et à la barbe blanchie par l'âge partit. Le garçon de noce s'éloigna à son tour de la porte du marié. Il s'en alla comme un homme étourdi et qui a perdu le sens. Le lendemain, il se leva plus triste, mais plus sage... "

 

"..The fair breeze blew, the white foam flew,
The furrow followed free :
We were the first that ever burst
Into that silent sea.
Down dropt the breeze, the sails dropt down,
'Twas sad as sad could be ;
And we did speak only to break
The silence of the sea !
AU in a hot and copper sky,
The bloody Sun, at noon,
Right up above the mast did stand,
No bigger than the Moon.
Day after day, day after day,
We stuck, nor breath nor motion ;
As idle as a painted ship
Upon a painted océan.
Water, water, every where,
And ail the boards did shrink ;
Water, water, every where,
Nor any drop to drink.
The very deep did rot : O Christ !
That ever this should be !
Yea, slimy things did crawl with legs
Upon the slimy sea.
About, about, in réel and rout
The death-fires danced at night ;
The water, like a witch's oils,
Burnt green, and blue and white.
And some in dreams assured were
Of the spirit that plagued us so :
Nine fathom deep he had followed us
From the land of mist and snow.
And every tongue, through utter drought,
Was withered at the root ;
We could not speak, no more than if
We had been choked with soot.
Ah ! well a-day ! what evil looks
Had I from old and young !
Instead of the cross, the Albatross
About my neck was hung..."

"Le bon vent soufflait, la blanche écume volait,
et le navire formait un long sillage derrière
lui. Nous étions les premiers qui eussent
navigué dans cette mer silencieuse.
Soudain la brise tomba, les voiles tombèrent
avec elle. Alors notre état fut aussi triste que
possible. Nous ne parlions que pour rompre le
silence de la mer.
Dans un ciel chaud et tout d'airain, le soleil
apparaissait comme ensanglanté, et planait, à
l'heure de midi, juste au-dessus des mâts, pas
plus grand que la lune.
Durant bien des jours nous demeurâmes là,
sans brise ni mouvement, tels qu'un vaisseau
peint sur une mer peinte.
L'eau, l'eau était partout, et toutes les planches
du bord se resserraient. L'eau, l'eau était
partout, et nous n'avions pas une goutte d'eau
à boire.
La mer se putréfia, ô Christ ! qui jamais
l'aurait cru ? Des choses visqueuses
serpentaient sur une mer visqueuse.
Autour de nous, en cercle et en troupe,
dansaient à la nuit, des feux de mort. L'eau,
comme une huile de sorcière, était verte,
bleue et blanche.
Quelques-uns de nous eurent, en songe,
connaissance certaine de l'esprit qui nous
tourmentait ainsi.

A neuf brasses au-dessous de la mer, il nous avait suivis depuis la région de brouillard et de neige.
Chacune de nos langues, dévorée d'une soif
extrême, était séchée jusqu'à la racine.

Nous ne pouvions parler non plus que si l'on nous
eût bouché le gosier avec de la suie.
Ah !... hélas ! quels méchants regards me
lançaient jeunes et vieux ! A la place de la
croix, l'albatros était pendu à mon cou..."



"Tintern Abbey", dans le comté gallois de Monmouthshire, sur la rive de la Wye, non loin du Gloucestershire, est un lieu emblématique du romantisme anglais : il inspira le fameux poème du même nom de William Wordsworth, et bien des peintres comme  J. M. W. Turner, en 1798 et 1828..

Five years have past; five summers, with the length    
Of five long winters! and again I hear    
These waters, rolling from their mountain-springs    
With a sweet inland murmur.*—Once again    
Do I behold these steep and lofty cliffs,    
Which on a wild secluded scene impress    
Thoughts of more deep seclusion; and connect    
The landscape with the quiet of the sky.    
The day is come when I again repose    
Here, under this dark sycamore, and view    
These plots of cottage-ground, these orchard-tufts,    
Which, at this season, with their unripe fruits,    
Among the woods and copses lose themselves,    
Nor, with their green and simple hue, disturb    
The wild green landscape. Once again I see    
These hedge-rows, hardly hedge-rows, little lines    
Of sportive wood run wild; these pastoral farms,    
Green to the very door; and wreathes of smoke    
Sent up, in silence, from among the trees,    
With some uncertain notice, as might seem,    
Of vagrant dwellers in the houseless woods,    
Or of some hermit's cave, where by his fire    
The hermit sits alone.

   Though absent long,    
These forms of beauty have not been to me,    
As is a landscape to a blind man's eye:    
But oft, in lonely rooms, and mid the din    
Of towns and cities, I have owed to them,    
In hours of weariness, sensations sweet,    
Felt in the blood, and felt along the heart,    
And passing even into my purer mind    
With tranquil restoration:—feelings too    
Of unremembered pleasure; such, perhaps,    
As may have had no trivial influence    
On that best portion of a good man's life;    
His little, nameless, unremembered acts    
Of kindness and of love. Nor less, I trust,    
To them I may have owed another gift,    
Of aspect more sublime; that blessed mood,    
In which the burthen of the mystery,    
In which the heavy and the weary weight    
Of all this unintelligible world    
Is lighten'd:—that serene and blessed mood,    
In which the affections gently lead us on,    
Until, the breath of this corporeal frame,    
And even the motion of our human blood    
Almost suspended, we are laid asleep    
In body, and become a living soul:    
While with an eye made quiet by the power    
Of harmony, and the deep power of joy,    
We see into the life of things.



Samuel Taylor Coleridge (1772-1834)
Né dans le Devonshire rural, treizième et dernier enfant d'un pasteur anglican, marqué par l'absence maternelle, puis la disparition brutale de son père, il s'enthousiasme pour la Révolution française, dont il intériorise l'échec. Son projet de communauté utopique (la "Pantisocraty") ayant avorté, il s'engage dans les dragons, est renvoyé pour folie, épouse sans l'aimer la belle-sœur du poète Southey. Il tente une percée théâtrale (la Chute de Robespierre, 1794), puis journalistique (le Guetteur, 1796) et découvre son "vrai frère" en Wordsworth. Tous deux pansent par la poésie leurs blessures et leur rencontre en 1795 marque la naissance du romantisme anglais : "This Lime-Tree Bower My Prison", "Frost at Midnight" , "The Nightingale" (1797). "Christabel", et "Kubla Khan", prétendue transcription d'un rêve sous l'effet de l'opium, où s'accumulent toutes les métaphores romantiques de la création, ne seront publiés qu'en 1816.

Les liens de Wordsworth et de Coleridge se distendent par la suite, la réflexion littéraire et philosophique l'emporte désormais sur la création poétique. Platonicien, lecteur de Kant et de Fichte, Coleridge prêche une raison organique, unifiante, qui ne soit plus l'intellect desséché des Lumières mais une sorte de vision inspirée et révélatrice du fond des choses : Biographia Literaria (1817), Aides à la réflexion (1825), Constitution de l'Église et de l'État (1830), les Lettres (posthume, 1956-1968) et les Carnets (1957).
(Portrait de Samuel Taylor Coleridge, Peter Van Dyke, 1795)

 

"Christabel" (1797-1800)
Christabel est un poème inachevé du poète anglais Samuel Taylor Coleridge. Écrit en deux parties, la première en 1797, la seconde en 1800, il met en scène la rencontre entre Christabel, la fille vertueuse de Sir Leoline, qui va prier la nuit dans les bois pour son fiancé, et une étrangère, Geraldine, une dame en détresse qu'elle ramène chez elle dans le château de son père. Géraldine prétend être la fille de Lord Roland de Vaux, un ami de Sir Leoline avant que les deux hommes se disputent, et prétend avoir été enlevée. En réalité, Géraldine est une créature surnaturelle qui va exercer sur Christabel une attraction maléfique… 

There she sees a damsel bright,
Drest in a silken robe of white,
That shadowy in the moonlight shone:
The neck that made that white robe wan,
Her stately neck, and arms were bare;
Her blue-veined feet unsandl'd were,
And wildly glittered here and there
The gems entangled in her hair.
I guess, 'twas frightful there to see
A lady so richly clad as she—
Beautiful exceedingly!

Mary mother, save me now!
(Said Christabel) And who art thou?
The lady strange made answer meet,
And her voice was faint and sweet:—
Have pity on my sore distress,
I scarce can speak for weariness:
Stretch forth thy hand, and have no fear!
Said Christabel, How camest thou here?
And the lady, whose voice was faint and sweet,
Did thus pursue her answer meet...


Poème inachevé du poète anglais Samuel Taylor Coleridge, CHRISTABEL, qui, par son sens de l'occulte, par la magie du vers qui acquiert une grande variété grâce au souple jeu des cadences et des sonorités, demeure l'une des plus  parfaites expressions du romantisme ...

Une nuit, alors qu'elle priait dans un bois pour son fiancé, Christabel, fille de sir Leoline, rencontre une belle dame affligée, et lui offre l'hospitalité dans son château ; la dame, Geraldine, déclare avoir été enlevée de force ; en réalité, il s`agit d'un être surnaturel qui a pris cette forme pour jeter un sort. Au moment où la dame va partager son lit, Christabel découvre soudain la vérité, mais sous l'effet d'un enchantement, est obligée de se taire et ne peut dévoiler à son père le douloureux tourment qu'elle éprouve. Sans doute l'auteur n'avait-il pas lui-même une idée très nette des principes personnifiés par Geraldine; mais il semble certain qu'il ait envisagé la dame mystérieuse sous les traits d'un monstre dans le genre des vampires. Celui-ci serait donc le premier en date des vampires dans l'imagerie littéraire anglaise. L'effet de Geraldine sur Christabel est de transformer cette dernière à son image : dans ses gestes et le son de sa voix, Christabel en arrive à imiter ce qu'il y a de plus sinistre dans la femme couchée près d'elle. Une superstition attribue en effet aux vampires le pouvoir de rendre semblables à eux tous ceux avec qui ils entrent en contact. Certains ont avancé que le tourment de Christabel (dont le nom est significatif) était "rédempteur", c'est-à-dire souffert pour le bien d'autrui (pour le bien du fiancé absent), et que Geraldine n'était pas un être mauvais, mais un esprit chargé de soumettre Christabel à cette épreuve. Ainsi s`expliquerait l`assertion de Coleridge, suivant laquelle ce poème lui aurait été inspiré par "L'Hymne à sainte Thérèse" de Richard Crashaw (1612-1649) : Christabel tenant le rôle du séraphin étincelant de la célèbre vision de sainte Thérèse....

 

My sire is of a noble line,

And my name is Geraldine:

Five warriors seized me yestermorn,

Me, even me, a maid forlorn:

They choked my cries with force and fright,

And tied me on a palfrey white.

The palfrey was as fleet as wind,

And they rode furiously behind.

They spurred amain, their steeds were white:

And once we crossed the shade of night.

As sure as Heaven shall rescue me,

I have no thought what men they be;

Nor do I know how long it is

(For I have lain entranced I wis)

Since one, the tallest of the five,

Took me from the palfrey's back,

A weary woman, scarce alive.

Some muttered words his comrades spoke:

He placed me underneath this oak;

He swore they would return with haste;

Whither they went I cannot tell—

I thought I heard, some minutes past,

Sounds as of a castle bell.

Stretch forth thy hand (thus ended she).

And help a wretched maid to flee.

Then Christabel stretched forth her hand,

And comforted fair Geraldine:

O well, bright dame! may you command

 

The service of Sir Leoline;

 

And gladly our stout chivalry

Will he send forth and friends withal

To guide and guard you safe and free

Home to your noble father's hall.

She rose: and forth with steps they passed

That strove to be, and were not, fast.

Her gracious stars the lady blest,

And thus spake on sweet Christabel:

All our household are at rest,

The hall as silent as the cell;

Sir Leoline is weak in health,

And may not well awakened be,

But we will move as if in stealth,

And I beseech your courtesy,

This night, to share your couch with me.

They crossed the moat, and Christabel

Took the key that fitted well;

A little door she opened straight,

All in the middle of the gate;

The gate that was ironed within and without,

Where an army in battle array had marched out.

The lady sank, belike through pain,

And Christabel with might and main

Lifted her up, a weary weight,

Over the threshold of the gate:

Then the lady rose again,

And moved, as she were not in pain.

 (...) 



Kubla Khan; or, A Vision in a Dream: A Fragment "(1797-1816), une hallucination attribuée à l'opium....

In Xanadu did Kubla Khan
A stately pleasure-dome decree :
Where Alph, the sacred river, ran
Through caverns measureless to man
Down to a sunless sea.
So twice five miles of fertile ground
With walls and towers were girgled round :
And here were gardens bright with sinuous rills,
Where blossomed many an incensebearing tree,
And here were forest ancient as the hills,
Enfolding sunny spots of greenery.
But oh ! that deep romantic chasm wich slanted
Down the green hill athwart a cedarn cover !
A savage place ! as holy and enchanted
As e'er beneath a waning moon was haunted
By woman wailing for her demon-lover !
And from this chasm, with ceaseless turmoil seething,
As if this earth in fast thick pants were breathing,
A mighty fountain momently was forced,
Amid whose swift half-intermitted burst
Huge fragments vaulted like rebounding hail,
Or chaffy grain beneath the thresher's flail :
And 'mid these dancing rocks at once and ever
It flung up momently the sacred river,
Five miles meandering with a mazy motion
Through wood and dale the sacred river ran,
Then reached the caverns measureless to man,
And sank in tumult to a lifeless ocean :
And 'mid this tumult Kubla heard from far
Ancestral voices prophesying war !
The shadow of the dome of pleasure
Floated midway on the waves ;
Where was heard the mingled measure
From the fountain and the caves.
It was a miracle of rare device,
A sunny pleasure-dome with caves of ice !
A damsel with a dulcimer
In a vision once I saw :
It was an Abyssinian maid,
And on her dulcimer she played,
Singing of Mout Abora.
Could I revive within me
Her symphony and song,
To such a deep delight 'twould win me,
That with music loud and long,
I would build that dome in air,
That sunny dome ! those caves of ice !
And all who heard should see them there,
And all should cry, Beware ! Beware !
His flashing eyes, his floating hair !
Weave a circle round him thrice,
And close your eyes with holy dread,
For he on honey-dew hath fed,
And drunk the milk of Paradise.

En Xanadou, lui, Koubla Khan,
S'édifia un fastueux palais :
A l'endroit où l'Alphée, la rivière sacrée, se lançait,
Par des abîmes insondables à l'homme,
Vers une mer sans soleil.
Deux fois cinq miles de terres fertiles
Furent ainsi enclos de tours et de murailles :
Et c'étaient des jardins irisés de capricieux ruisseaux,
Où s'épanouissait l'arbre porteur d'encens ;
Et s'étaient des forêts aussi âgées que les collines,
Qui encerclaient dans la verdure les taches du soleil.
Voyez ! ce romantique et profond gouffre, ouvert
Au flanc de la verte colline, sous l'ombrage des cèdres
Lieu d'un charme sauvage ! et plus enchanté
Qui jamais sous la lune déclinante fût hanté
Par femme lamentant pour le démon qu'elle aime !
Et de ce gouffre, avec un bouillonnant tumulte,
Comme si la terre haletait lourdement,
Une puissante fontaine par instant jaillissait :
Et, parmi la ruée du flot intermittent,
D'énormes blocs sautaient comme la grêle bondissante
Ou comme le grain sec sous le fléau à blé :
Et, parmi l'éternel fracas des rocs dansants,
Par instant jaillissait la rivière sacrée.
Décrivant sur cinq miles de fantastiques méandres
A travers bois et vallon la rivière sacrée se lançait,
Puis gagnait les abîme insondables à l'homme,
Et se précipitait en tumulte vers l'océan sans vie :
Et, parmi ce tumulte, Koubla entendit au loin
Des voix ancestrales prophétisant la guerre !
L'ombre du palais de plaisance
Flottait à mi-chemin sur les vagues ;
Là où l'on entendait les rumeurs confondues
De la fontaine et des abîme.
C'était un miracle d'un rare dessein,
Ce palais de plaisance ensoleillé sur l'abîme glacé !
La Demoiselle au Tympanon
Dans une vision m'apparut :
C'était une fille d'Abyssinie,
Et sur mon Tympanon elle jouait,
En chantant le mont Abora.
Si je pouvais revivre en moi
Sa symphonie et sa chanson,
Je serais ravi en des délices si profondes,
Qu'avec musique grave et longue,
Je bâtirais ce palais dans l'air :
Ce palais de soleil ! ces abîmes de glace !
Et tous ceux qui entendraient les verraient là,
Et tous crieraient : Arrière ! arrière !
Ses yeux étincelants, ses cheveux flottants !
Tissez un cercle autour de lui trois fois ;
Fermez vos yeux frappés d'une terreur sacrée :
Il s'est nourri de miellée ;
Il a bu le lait de Paradis.


... et "The Pains of Sleep" (1803) tente d'évoquer les tourments de l'addiction ....

Ere on my bed my limbs I lay,
It hath not been my use to pray
With moving lips or bended knees;
But silently, by slow degrees,
My spirit I to Love compose,
In humble trust mine eye-lids close,
With reverential resignation
No wish conceived, no thought exprest,
Only a sense of supplication;
A sense o'er all my soul imprest
That I am weak, yet not unblest,
Since in me, round me, every where
Eternal strength and Wisdom are.

But yester-night I prayed aloud
In anguish and in agony,
Up-starting from the fiendish crowd
Of shapes and thoughts that tortured me:
A lurid light, a trampling throng,
Sense of intolerable wrong,
And whom I scorned, those only strong!
Thirst of revenge, the powerless will
Still baffled, and yet burning still!
Desire with loathing strangely mixed
On wild or hateful objects fixed.
Fantastic passions! maddening brawl!
And shame and terror over all!