Democracy - 2020
Démocratie - "Democracy: A User’s Guide" (2020, Joss Sheldon) - "The Spirit of Democracy: The Struggle to Build Free Societies Throughout the World" (Larry Diamond, 2008) - "How Democracies die" (2018, Steven Levitsky, Daniel Ziblatt) - "Tyranny of the minority, why american democracy reached the breaking point" (2023, Steven Levitsky, Daniel Ziblatt) - ...
Last update: 05/05/2023
Aujourd'hui, 2020, mai, la survie de la démocratie semble dépendre de deux facteurs cruciaux, la culture politique de nos sociétés et l' "Institutional forbearance", reprise par certains auteurs, qui montre que l'abus de pouvoir est encore et toujours bien présent au coeur de notre monde.
L'institution démocratique doit évoluer pour contrer l'abus de pouvoir, - pratique d'autant plus pernicieuse dans un contexte d'indifférence politique et d'extrême faiblesse de la réflexion critique de l'ensemble du corps social, toutes générations confondues -, et pour organiser plus systématiquement le consensus dans des sociétés médiatisées parfois profondément fragmentées et inégalitaires par idéologie. L'institutionnel, dans un monde de liberté, ne peut résoudre toutes les problématiques, il y va aussi des comportements : la notion d' "Institutional forbearance" est révélatrice d'une prise de conscience; c'est mettre en avant la norme selon laquelle les politiciens et responsables ayant temporairement acquis pouvoir par délégation du corps électoral, doivent faire preuve de retenue dans l’exercice de leurs pouvoirs juridiques afin de respecter l’esprit de la loi et de protéger la démocratie sous tous ses aspects ("Where norms of forbearance are strong, politicians do not use their institutional prerogatives to the hilt, even if it is technically legal to do so, for such action could imperil the existing system") ....
"La quantité de liberté individuelle qu'un peuple peut conquérir et conserver dépend de son degré de maturité politique" - Le degré de maturité politique est directement tributaire de la classe politique qui structure et alimente les débats, organise le dialogue et entretient le consensus. . Le nombre de démocraties a augmenté de façon spectaculaire dans les années 1980 et 1990, a atteint son maximum autour de 2005 et est resté stable depuis. En ce début du XXIe siècle, domine pourtant le sentiment que la démocratie recule partout dans le monde, et que notamment bien des dirigeants n'ont ni le charisme ni la culture requise pour véritablement et tout simplement assumer la délégation de pouvoir que leur donne, pour un temps, le peuple.
Début XXIe, mai 2024 - France - Dans un monde dans lequel s'est considérablement affaiblie la fameuse démarcation idéologique droite - gauche, le politique n'est plus tant une affaire d'idées que de choix de gouvernances de sujets sociétaux au gré des tensions humaines. Dominent deux figures centrales, ni de droite ni de gauche, qui se sont emparées des clés du pouvoir, l'une est populiste, défend, dit-elle, la personne ordinaire face aux élites et toute médiation entre le peuple et le dirigeant plébiscité, l'autre, technocratique, ne croit qu'aux vertus de l'expertise et de la quantification sociale au service de la performance, de la productivité et des élites économiques. Entre les deux, en France Droite et Gauche se perdent en querelles de personnes, quand les idées viennent à manquer, comment parvenir à exister ?
On peut aisément rapprocher "technocrate" et "utilitariste", l'un et l'autre ne font aucune distinction entre les personnes et ignorent la manière selon laquelle le maximum de bien-être pourrait se répartir entre les individus, pour ne viser qu'à maximiser le bonheur du plus grand nombre, une notion du plus grand nombre qui, en fait, recouvre pudiquement celle des classes sociales les plus favorisées : dans ce schéma, les plus défavorisés sont ainsi souvent mis à contribution ou tout simplement sacrifiés sur l'autel du critère utilitariste du bien-être. La théorie utilitariste est de fait dans le viseur d'un John Rawls (« Des hommes nés dans des positions sociales différentes ont des perspectives de vie différentes, déterminées en partie par le système politique et les circonstances économiques et sociales », Rawls, [1971, 1987) ...
"Democracy: A User’s Guide" (2020, Joss Sheldon)
"Ils" disent que nous vivons dans une démocratie. Nous sommes libres et nous devrions être reconnaissants. Mais à quel point sommes-nous libres? Dans quelle mesure nos soi-disant « démocraties » sont-elles démocratiques?, s'interroge Joss Sheldon, romancier britannique et libre-penseur quelque peu radical (Other Worlds Were Possible, 2023). Est-il suffisant d’élire simplement nos dirigeants et de s’asseoir, impuissants, comme ils gouvernent sur nous comme des dictateurs? À quoi bon choisir nos politiciens, si nous ne pouvons pas contrôler nos médias, nos policiers ou nos soldats? Si nous devons suivre aveuglément les ordres de nos enseignants et de nos patrons, à l’école et sur le lieu de travail, n’est-il pas un peu naïf de croire que nous sommes les maîtres de nos propres destinées? Et si nos ressources sont contrôlées par une minuscule cabale de ploutocrates, de banquiers et d’entreprises, pouvons-nous honnêtement dire que nos économies sont gérées pour nous? Les choses ne pourraient-elles pas être un peu plus démocratiques? Notre auteur répond en affirmant que oui, au travers d'exemples concrets extraits de notre vaste monde, oui, la démocratie n’a pas un doux rêve mais bien une réalité quotidienne et nous avons tous les outils nécessaires pour nous gouverner nous-mêmes....
"The Spirit of Democracy: The Struggle to Build Free Societies Throughout the World" (Larry Diamond, 2008)
" While the overall number of democracies more or less stabilized after 1995, the birth of more than ninety democracies in this period represents the greatest transformation of the way states are governed in the history of the world. By the mid-1990s, it had become clear to me, as it had to many of my colleagues involved in the global struggle for democracy, that if some three-fifths of the world's states (many of them poor and non-Western) could become democracies, there was no intrinsic reason why the rest of the world could not do so as well. But if this transformation is to be completed, we have to identify the historical and structural obstacles to democracy around the world and the conditions not only for getting to democracy but for sustaining it and making it work. That, in essence, is what this book aims to do. To begin, it is useful to recall what the world looked like in the mid-1970s and why the prospect of a democratic world seemed, so recently in historical time, such an illusion..."
Alors que le nombre global de démocraties s’est plus ou moins stabilisé après 1995, la naissance de plus de quatre-vingt-dix démocraties au cours de cette période représente la plus grande transformation de la façon dont les États sont gouvernés dans l’histoire du monde. Au milieu des années 1990, il était devenu clair pour moi, comme c’était le cas pour beaucoup de mes collègues impliqués dans la lutte mondiale pour la démocratie, que si les trois cinquièmes des États du monde (dont beaucoup sont pauvres et non occidentaux) pouvaient devenir des démocraties, il n’y avait aucune raison intrinsèque pour laquelle le reste du monde ne pourrait pas le faire aussi bien. Mais si cette transformation doit être achevée, nous devons identifier les obstacles historiques et structurels à la démocratie dans le monde et les conditions non seulement pour atteindre la démocratie, mais pour la maintenir et la faire fonctionner. C’est essentiellement ce que ce livre vise à faire. Pour commencer, il est utile de rappeler à quoi ressemblait le monde au milieu des années 1970 et pourquoi la perspective d’un monde démocratique semblait, si récemment dans le temps historique, une telle illusion..."
En 1974, près des trois quarts des pays étaient des dictatures; aujourd’hui, 2008, plus de la moitié sont des démocraties. Pourtant, les efforts récents pour promouvoir la démocratie ont échoué, et l’un des plus éminents experts de la démocratie aux États-Unis trace les perspectives d’avenir de la liberté dans le monde après l’Irak et l’approfondissement de l’autoritarisme...
"As this book is written, the democratic boom has given way to recession. Its start, I argue, may be traced to the 1999 military coup in Pakistan, which symbolized the failure of many of the new democracies to perform decently in delivering development, social peace, and good governance. Since then, there have been setbacks to democracy in highly influential states such as Russia, Venezuela, Nigeria, and Thailand, and democracy is seriously deteriorating in other big, important countries like the Philippines and Bangladesh. China's rapidly rising power has heightened the authoritarian trend, giving many autocracies around the world a new strategic sponsor and apologist, eager for their natural resources and markets. The bold campaign by President George W. Bush to transform the Middle East by first overthrowing Saddam Hussein and transforming Iraq from dictatorship to democracy has backfired badly, leaving that country in chaos. With Islamists gaining political and frequently electoral ground throughout the region, even the Bush administration has pulled back from its own democracy agenda, and Arab democrats feel betrayed. Around the world, a backlash has gathered against international democracy promotion efforts, led by Russia and China, and such regional petropowers as Iran and Venezuela. Many observers see in this downturn the natural limits of democratic possibilities (...)
As I show in this book, thereremains considerable underlying momentum and potential for democratic progress in the world. Increasingly, democratic values and aspirations are becoming universal—even in the supposedly unfriendly Middle East and Muslim world more broadly. And these global democratic norms are reflected in regional and international institutions and agreements as never before. If we look at the causes of democratic expansion in the world, both domestic and international, we see that the factors that gave rise to the democratic boom are still very much alive. The central challenges are whether the new democracies can deliver what their peoples expect in terms of development and decent, lawful governance, and whether the rich, established democracies can summon the will and wisdom to refashion and sustain their efforts to promote democracy..."
"Alors ce livre vient à être écrit, le boom démocratique a laissé place à la récession. Selon moi, son origine remonte au coup d’État militaire de 1999 au Pakistan, qui a symbolisé l’échec de bon nombre des nouvelles démocraties à assurer décemment le développement, la paix sociale et la bonne gouvernance. Depuis, il y a eu des revers à la démocratie dans des États très influents comme la Russie, le Venezuela, le Nigeria et la Thaïlande, et la démocratie se détériore sérieusement dans d’autres grands pays importants comme les Philippines et le Bangladesh. La montée en puissance rapide de la Chine a accentué la tendance autoritaire, donnant à de nombreuses autocraties du monde entier un nouveau sponsor stratégique et un apologiste, avides de leurs ressources naturelles et de leurs marchés. La campagne audacieuse du président George W. Bush visant à transformer le Moyen-Orient en renversant d’abord Saddam Hussein et en transformant l’Irak de la dictature à la démocratie s’est soldée par un échec retentissant, laissant ce pays dans le chaos. Alors que les islamistes gagnent du terrain politique et fréquemment électoral dans toute la région, même l’administration Bush s’est retirée de son propre programme démocratique, et les démocrates arabes se sentent trahis. Partout dans le monde, les efforts internationaux de promotion de la démocratie, menés par la Russie et la Chine, et des puissances pétrolifères régionales comme l’Iran et le Venezuela, ont suscité une réaction négative. De nombreux observateurs voient dans ce ralentissement les limites naturelles des possibilités démocratiques. (...)
Comme je le montre dans ce livre, la dynamique sous-jacente et le potentiel de progrès démocratique dans le monde restent considérables. Les valeurs et les aspirations démocratiques deviennent de plus en plus universelles, même au Moyen-Orient et dans le monde musulman en général. Et ces normes démocratiques mondiales se reflètent dans les institutions et accords régionaux et internationaux comme jamais auparavant. Si nous examinons les causes de l’expansion démocratique dans le monde, tant à l’échelle nationale qu’internationale, nous constatons que les facteurs qui ont donné lieu à l’essor démocratique sont encore très vivants. Les principaux défis sont de savoir si les nouvelles démocraties peuvent fournir ce que leurs peuples attendent en termes de développement et de gouvernance décente et légale, et si les démocraties riches et établies peuvent mobiliser la volonté et la sagesse pour refaçonner et soutenir leurs efforts pour promouvoir la démocratie.."
Ainsi Larry Diamond, examinant comment et pourquoi la démocratie progresse, entend démontrer ici que le désir de démocratie est profond, même dans les pays les plus pauvres, et que des régimes apparemment réfractaires à toute évolution comme l’Iran et la Chine pourraient devenir des démocraties en une génération. Il analyse également les causes de la « récession démocratique » dans les États critiques, y compris l’oligarchie infestée de crimes en Russie et le populisme armé du Venezuela.
"The second part of this book looks at the challenges of democratic development and consolidation in each of the regions where democracy has yet to take deep root: Latin America, postcommunist Europe, Asia, Africa, and the Middle East. These chapters show wide variation in democratic progress and prospects, but also the urgent need to combat corruption and strengthen the ability of states to provide a rule of law and an enabling environment for economic growth. Yet, where there are threats to democracy, there are also opportunities. Even countries like Iran and China, which now seem so immune to the global democratic trend, stand a very good chance of becoming democratic in the next two to three decades. And if China can democratize, why not the entire world?
La deuxième partie de ce livre examine les défis du développement démocratique et de la consolidation dans chacune des régions où la démocratie n’a pas encore pris racine : l’Amérique latine, l’Europe postcommuniste, l’Asie, l’Afrique et le Moyen-Orient. Ces chapitres montrent de grandes variations dans les progrès et les perspectives démocratiques, mais aussi la nécessité urgente de lutter contre la corruption et de renforcer la capacité des États à fournir un état de droit et un environnement favorable à la croissance économique. Pourtant, là où la démocratie est menacée, il y a aussi des possibilités. Même des pays comme l’Iran et la Chine, qui semblent maintenant à l’abri de la tendance démocratique mondiale, ont de très bonnes chances de devenir démocratiques au cours des deux à trois prochaines décennies. Et si la Chine peut se démocratiser, pourquoi pas le monde entier ?
Diamond n'hésite pas à montrer combien l’arrogance et l’absence de cohérence ont pu éroder les aspirations de l’Amérique à promouvoir la démocratie. Pour relancer cette aspiration toujours présente à la démocratie, il appelle à un soutien vigoureux de la bonne gouvernance, en l'occurrence la primauté du droit, la sécurité, la protection des droits individuels et la prospérité économique partagée .. et des organisations civiques libres. Ce n’est qu’alors que l’esprit de démocratie sera acquis ...
"In the end, I maintain, it is the policies and the collective will of the established democracies that could make the crucial difference. The last three decades have unleashed unprecedented hopes and expectations for democratic development, even quite remarkably in poor countries. Now, democracy is really the only broadly legitimate form of government in the world. The enemies of democracy—such as the global jihadist movement of radical Islam—can win only if democrats defeat themselves through arrogance, intransigence, ineptitude, and greed. History has seen no shortage of those features of human nature, which have played a large role in previous breakdowns of democracy. But human progress follows from the capacity to learn from and transcend our failings. The underlying dynamics of global economic and political development, and the broad trends in world culture and institutions, remain quite favorable to democracy in the long run. Shrewd and visionary policies emanating from the established democracies—led, but in a far more collegial fashion, by the United States—could reignite and sustain global democratic momentum. Then the horizon of the long run might draw considerably nearer to the point where, some few decades hence, the whole world could capture the spirit of democracy.
En fin de compte, je maintiens que ce sont les politiques et la volonté collective des démocraties établies qui pourraient faire la différence cruciale. Les trois dernières décennies ont suscité des espoirs et des attentes sans précédent en matière de développement démocratique, même dans les pays pauvres. Maintenant, LA DEMOCRATIE EST VRAIMENT LA SEULE FORME DE GOUVERNEMENT LARGEMENT LEGITIME DANS LE MONDE. Les ennemis de la démocratie, comme le mouvement djihadiste mondial de l’islam radical, ne peuvent gagner que si les démocrates se battent par arrogance, intransigeance, ineptie et cupidité. L’histoire n’a pas manqué de ces caractéristiques de la nature humaine, qui ont joué un rôle important dans les précédentes ruptures de la démocratie. Mais le progrès humain découle de la capacité d’apprendre et de transcender nos défauts. La dynamique sous-jacente du développement économique et politique mondial, et les grandes tendances de la culture et des institutions mondiales, restent très favorables à la démocratie à long terme. Des politiques avisées et visionnaires émanant des démocraties établies — dirigées, mais de façon beaucoup plus collégiale, par les États-Unis — pourraient raviver et maintenir l’élan démocratique mondial. Ensuite, l’horizon du long terme pourrait se rapprocher considérablement au point où, quelques décennies plus tard, le monde entier pourrait capturer l’esprit de la démocratie...."
Larry Diamond (1951), professeur de sociologie et de sciences politiques à l'université Stanford et doyen de la Hoover Institution, co-rédacteur du Journal of Democracy, se fit connaître en 2005 avec l’un des premiers livres à analyser de manière critique l’engagement de l’Amérique en Irak après la guerre (Squandered Victory: The American Occupation and the Bungled Effort to Bring Democracy to Iraq). Depuis il a édité ou co-édité une cinquantaine de livres sur le développement démocratique dans le monde ("Democratization and Authoritarianism in the Arab World" (2014), "Will China Democratize?" (2013), "Liberation Technology: Social Media and the Struggle for Democracy", 2012) et participe directement à l'élaboration de vastes études comparatives sur le phénomène démocratique dans le monde, ainsi au travers de la série en quatre volumes "Democracy in Developing Countries" (1988-1989), écrite avec Juan J. Linz and Seymour Martin Lipset ("Democracy in Developing Countries: Asia", 2023, "Democracy in Developing Countries: Latin America", 2023) ...
"How Democracies die" (2018, Steven Levitsky, Daniel Ziblatt) montre à quel point désormais les citoyens cessent de s'impliquer dans le système politique. Logiquement ce constat aboutit à un deuxième constat développé dans "Tyranny of the minority" (Why American Democracy reached the breaking point, 2023, Steven Levitsky, Daniel Ziblatt) : le pouvoir croissant des minorités, mais plus encore, et c'est le troisième et la plus pernicieuse des conclusions : la dérive autoritaire des démocraties occidentales ...
Dans le premier ouvrage, à l'occasion, factuelle, de l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis (2016), les politologues de l’Université Harvard s'interrogent sur ce qu'ils considèrent comme un recul de la démocratie, diagnostic nourri par un constat, le comportement de dirigeants élus conduits progressivement à subvertir le processus démocratique pour augmenter leur pouvoir ...
NdLD - La fragilité de la démocratie apparaît en effet dans toute sa réalité quand, malgré les garde-fous institutionnels, les droits de l'opposition sont systématiquement contournés, par accumulation des pouvoirs, manipulation des médias, adoption sans réelle concertation ou recherche de consensus de programmes politiques le plus souvent non majoritairement soutenus dans le pays. Nous sommes désormais entrés dans une stratégie de consommation du pouvoir plus nocive parce que plus difficile à conceptualiser et à dénoncer : il ne s'agit plus de menaces directement lisibles affectant la stabilité de la démocratie et de son esprit, - inégalités socio-économiques, ségrégation de toutes sortes, atteintes directes aux libertés individuelles -, mais, profitant d'une complicité par indifférence, donner libre cours, sans restriction de soi-même, au pouvoir que l'on détient. C'est un risque qui peut affecter la politique américaine, mais qui déjà est parfaitement visible en France depuis les deux élections successives du président Macron. Dans les autres pays européens, on se méfie de l'homme providentiel, aucun ne cultive le présidentialisme à la française, aux pouvoirs exhorbitants, et contrebalance systématiquement une centralisation excessive par des institutions régionales fortes et proches du citoyen. Sagesse des nations, compte tenu de la déficience généralisée des personnalités qui courent aux responsabiltés politiques. Il est d'évidence que nos démocraties, incontournables, doivent évoluer, encourager la recherche du consensus et contrebalancer les abus de pouvoir indéniables, que renforcent, notamment en France, la faiblesse critique des médias ...
"Saving Democracy - Writing this book has reminded us that American democracy is not as exceptional as we sometimes believe. There’s nothing in our Constitution or our culture to immunize us against democratic breakdown. We have experienced political catastrophe before, when regional and partisan enmities so divided the nation that it collapsed into civil war. Our constitutional system recovered, and Republican and Democratic leaders developed new norms and practices that would undergird more than a century of political stability. But that stability came at the price of racial exclusion and authoritarian single-party rule in the South. It was only after 1965 that the United States fully democratized. And, paradoxically, that very process began a fundamental realignment of the American electorate that has once again left our parties deeply polarized. This polarization, deeper than at any time since the end of Reconstruction, has triggered the epidemic of norm breaking that now challenges our democracy.
L'écriture de ce livre nous a rappelé que la démocratie américaine n'est pas aussi exceptionnelle que nous le croyons parfois. RIEN DANS NOTRE CONSTITUTION OU DANS NOTRE CULTURE NE NOUS IMMUNISE CONTRE L'EFFONDREMENT DE LA DEMOCRATIE. Nous avons déjà connu des catastrophes politiques, lorsque les inimitiés régionales et partisanes divisaient tellement la nation qu'elle s'est effondrée dans une guerre civile. Notre système constitutionnel s'est rétabli et les dirigeants républicains et démocrates ont élaboré de nouvelles normes et pratiques qui allaient sous-tendre plus d'un siècle de stabilité politique. Mais cette stabilité s'est faite au prix de l'exclusion raciale et d'un régime autoritaire de parti unique dans le Sud. Ce n'est qu'après 1965 que les États-Unis se sont pleinement démocratisés. Et, paradoxalement, ce même processus a amorcé un réalignement fondamental de l'électorat américain qui a de nouveau profondément polarisé nos partis. Cette polarisation, plus profonde que jamais depuis la fin de la Reconstruction, a déclenché l'épidémie de non-respect des normes qui menace aujourd'hui notre démocratie.
There is a mounting perception that democracy is in retreat all over the world. Venezuela. Thailand. Turkey. Hungary. Poland. Larry Diamond, perhaps the foremost authority on democracy worldwide, believes we have entered a period of democratic recession. Might America’s current crisis be part of a global wave of backsliding? We are skeptical. Prior to Donald Trump’s election, claims about a global democratic recession were exaggerated. The number of democracies rose dramatically in the 1980s and 1990s, peaked around the year 2005, and has remained steady ever since. Backsliders make headlines and capture our attention, but for every Hungary, Turkey, and Venezuela there is a Colombia, Sri Lanka, or Tunisia—countries that have grown more democratic over the last decade.
The vast majority of the world’s democracies—from Argentina, Brazil, Chile, and Peru to Greece, Spain, the Czech Republic, and Romania to Ghana, India, South Korea, and South Africa—remain intact. And although European democracies face many problems, from weak
economies to EU skepticism to anti-immigrant backlash, there is little evidence in any of them of the kind of fundamental erosion of norms we have seen in the United States.
LE SENTIMENT QUE LA DEMOCRATIE RECULE PARTOUT DANS LE MONDE est de plus en plus répandu. Venezuela. Thaïlande. La Turquie. Hongrie. Pologne. Larry Diamond, peut-être la plus grande autorité en matière de démocratie dans le monde, estime que nous sommes entrés dans une période de récession démocratique. La crise actuelle de l'Amérique pourrait-elle faire partie d'une vague mondiale de recul ? Nous sommes sceptiques. Avant l'élection de Donald Trump, les affirmations relatives à une récession démocratique mondiale ont été exagérées. Le nombre de démocraties a augmenté de façon spectaculaire dans les années 1980 et 1990, a atteint son maximum autour de 2005 et est resté stable depuis. Les rétrogrades font les gros titres et attirent notre attention, mais pour chaque Hongrie, Turquie ou Venezuela, il y a une Colombie, un Sri Lanka ou une Tunisie - des pays qui se sont démocratisés au cours de la dernière décennie.
La grande majorité des démocraties du monde - de l'Argentine, du Brésil, du Chili et du Pérou à la Grèce, l'Espagne, la République tchèque et la Roumanie, en passant par le Ghana, l'Inde, la Corée du Sud et l'Afrique du Sud - restent intactes. Et bien que les démocraties européennes soient confrontées à de nombreux problèmes, allant de la faiblesse des économies au scepticisme de l'UE en passant par la réaction anti-immigrés, il n'y a guère de signes dans aucune d'entre elles du type d'érosion fondamentale des normes que nous avons observée aux États-Unis.
But Trump’s rise may itself pose a challenge to global democracy. Between the fall of the Berlin Wall and the Obama presidency, U.S. governments maintained a broadly prodemocratic foreign policy. There were numerous exceptions: Wherever America’s strategic interests were at stake, as in China, Russia, and the Middle East, democracy disappeared from the agenda. But in much of Africa, Asia, Eastern Europe, and Latin America, U.S. governments used diplomatic pressure, economic assistance, and other foreign policy tools to oppose authoritarianism and press for democratization during the post–Cold War era. The 1990–2015 period was easily the most democratic quarter century in world history— partly because Western powers broadly supported democracy. That may now be changing. Under Donald Trump, the United States appears to be abandoning its role as democracy promoter for the first time since the Cold
War. President Trump’s is the least prodemocratic of any U.S. administration since Nixon’s. Moreover, America is no longer a democratic model.
Mais l'ascension de Trump pourrait elle-même constituer un défi pour la démocratie mondiale. Entre la chute du mur de Berlin et la présidence Obama, les gouvernements américains ont maintenu une politique étrangère largement favorable à la démocratie. Il y a eu de nombreuses exceptions : Partout où les intérêts stratégiques des États-Unis étaient en jeu, comme en Chine, en Russie et au Moyen-Orient, la démocratie a disparu de l'ordre du jour. Mais dans une grande partie de l'Afrique, de l'Asie, de l'Europe de l'Est et de l'Amérique latine, les gouvernements américains ont utilisé la pression diplomatique, l'assistance économique et d'autres outils de politique étrangère pour s'opposer à l'autoritarisme et faire pression en faveur de la démocratisation pendant l'ère de l'après-guerre froide. La période 1990-2015 a été sans conteste le quart de siècle le plus démocratique de l'histoire mondiale, en partie parce que les puissances occidentales ont largement soutenu la démocratie. Cette situation est peut-être en train de changer. Sous Donald Trump, les États-Unis semblent abandonner leur rôle de promoteur de la démocratie pour la première fois depuis la guerre froide. L'administration du président Trump est la moins pro-démocratique de toutes les administrations américaines depuis celle de Nixon. En outre, l'Amérique n'est plus un modèle démocratique.
A country whose president attacks the press, threatens to lock up his rival, and declares that he might not accept election results cannot credibly defend democracy. Both existing and potential autocrats are likely to be emboldened with Trump in the White House. So even if the idea of a global democratic recession was largely a myth before 2016, the Trump presidency—together with the crisis of the EU, the rise of China, and the growing aggressiveness of Russia—could help make it a reality.
Un pays dont le président attaque la presse, menace d'enfermer son rival et déclare qu'il pourrait ne pas accepter les résultats des élections ne peut pas défendre la démocratie de manière crédible. LES AUTOCRATES EXISTANTS ET POTENTIELS SONT SUSCEPTIBLES DE S'ENHARDIR avec Trump à la Maison Blanche. Ainsi, même si l'idée d'une récession démocratique mondiale était largement un mythe avant 2016, la présidence de Trump - avec la crise de l'UE, la montée en puissance de la Chine et l'agressivité croissante de la Russie - pourrait contribuer à en faire une réalité.
Turning back to our own country, we see three possible futures for a postTrump America. The first, and most optimistic, is a swift democratic recovery. In this scenario, President Trump fails politically: He either loses public support and is not reelected or, more dramatically, is impeached or forced to resign. The implosion of Trump’s presidency and the triumph of the anti-Trump resistance energize the Democrats, who then sweep back into power and reverse Trump’s most egregious policies. If President Trump were to fail badly enough, public disgust could even motivate reforms that improve the quality of our democracy, as occurred in the
aftermath of Richard Nixon’s resignation in 1974. Republican leaders, having paid a heavy price for their association with Trump, might end their flirtation with extremist politics. In this future, America’s reputation in the world would be quickly restored. The Trump interlude would be taught in schools, recounted in films, and recited in historical works as an era of tragic mistakes where catastrophe was avoided and American democracy saved.
Pour en revenir à notre propre pays, NOUS VOYONS TROIS AVENIRS POSSIBLES POUR L'AMERIQUE DE L'APRES-TRUMP. Le premier, et le plus optimiste, est un redressement démocratique rapide. Dans ce scénario, le président Trump échoue politiquement : Il perd le soutien du public et n'est pas réélu ou, plus dramatiquement, il est destitué ou contraint de démissionner. L'implosion de la présidence de Trump et le triomphe de la résistance anti-Trump dynamisent les démocrates, qui reviennent au pouvoir et annulent les politiques les plus graves de Trump. Si le président Trump échoue suffisamment, le dégoût du public pourrait même motiver des réformes qui améliorent la qualité de notre démocratie, comme cela s'est produit à la suite de la démission de Richard Nixon en 1974. Les dirigeants républicains, ayant payé un lourd tribut pour leur association avec Trump, pourraient mettre fin à leur flirt avec les politiques extrémistes. Dans ce futur, la réputation de l'Amérique dans le monde serait rapidement restaurée. La parenthèse Trump serait enseignée dans les écoles, racontée dans les films et récitée dans les ouvrages historiques comme une ère d'erreurs tragiques où la catastrophe a été évitée et la démocratie américaine sauvée.
This is certainly the future many of us hope for. But it is unlikely. Recall that the assault on long-standing democratic norms—and the underlying polarization driving it—began well before Donald Trump ascended to the White House. The soft guardrails of American democracy have been weakening for decades; simply removing President Trump will not miraculously restore them. Although Trump’s presidency may ultimately be seen as a momentary aberration with only modest footprints on our institutions, ending it may not be enough to restore a healthy democracy. A second, much darker future is one in which President Trump and the Republicans continue to win with a white nationalist appeal. Under this scenario, a pro-Trump GOP would retain the presidency, both houses of Congress, and the vast majority of statehouses, and it would eventually gain a solid majority in the Supreme Court. It would then use the techniques of constitutional hardball to manufacture durable white electoral majorities. This could be done through a combination of largescale deportation, immigration restrictions, the purging of voter rolls, and the adoption of strict voter ID laws. Measures to reengineer the electorate would likely be accompanied by elimination of the filibuster and other rules that protect Senate minorities, so that Republicans could impose their agenda even with narrow majorities. These measures may appear extreme, but every one of them has been at least contemplated by the Trump administration.
C'est certainement l'avenir que beaucoup d'entre nous espèrent. Mais il est peu probable. Rappelons que l'assaut contre les normes démocratiques de longue date - et la polarisation sous-jacente qui en est le moteur - a commencé bien avant que Donald Trump n'accède à la Maison-Blanche. LES GARDE-FOUS DE LA DEMOCRATIE AMERICAINE S'AFFAIBLISSENT DEPUIS DES DECENNIES ; il ne suffira pas de destituer le président Trump pour les rétablir miraculeusement. Bien que la présidence de Trump puisse finalement être considérée comme une aberration momentanée n'ayant laissé que des empreintes modestes sur nos institutions, y mettre fin pourrait ne pas suffire à restaurer une démocratie saine. Un deuxième avenir, beaucoup plus sombre, est celui dans lequel le président Trump et les Républicains continuent de gagner grâce à l'attrait du nationalisme blanc. Dans ce scénario, un GOP pro-Trump conserverait la présidence, les deux chambres du Congrès et la grande majorité des sièges des États, et il finirait par obtenir une solide majorité à la Cour suprême. Il utiliserait alors les techniques du hardball constitutionnel pour fabriquer des majorités électorales blanches durables. Cela pourrait se faire par une combinaison d'expulsions à grande échelle, de restrictions à l'immigration, d'épuration des listes électorales et d'adoption de lois strictes sur l'identification des électeurs. Les mesures visant à remodeler l'électorat s'accompagneraient probablement de l'élimination de l'obstruction et d'autres règles protégeant les minorités au Sénat, afin que les républicains puissent imposer leur programme même avec des majorités étroites. Ces mesures peuvent sembler extrêmes, mais chacune d'entre elles a été au moins envisagée par l'administration Trump.
(...) This grim scenario highlights a central lesson of this book: When American democracy has worked, it has relied upon two norms that we often take for granted—mutual tolerance and institutional forbearance. Treating rivals as legitimate contenders for power and underutilizing one’s institutional prerogatives in the spirit of fair play are not written into the American Constitution. Yet without them, our constitutional checks and balances will not operate as we expect them to. When French thinker Baron de Montesquieu pioneered the notion of separation of powers in his 1748 work The Spirit of the Laws, he worried little about what we today call norms. Montesquieu believed the hard architecture of political institutions might be enough to constrain overreaching power—that constitutional design was not unlike an engineering problem, a challenge of crafting institutions so that ambition could be used to counteract ambition, even when political leaders were flawed. Many of our founders believed this, as well.
Ce sombre scénario met en lumière une leçon centrale de ce livre : LORSQUE LA DEMOCRATIE AMERICAINE A FONCTIONNE, ELLE S'EST APPUYEE SUR DEUX NORMES QUE NOUS TENONS SUVENT POUR ACQUISES : LA TOLERANCE MUTUELLE (mutual tolerance ) ET L'INDULGENCE INSTITUTIONNELLE (institutional forbearance). Traiter les rivaux comme des prétendants légitimes au pouvoir et sous-utiliser ses prérogatives institutionnelles dans un esprit de fair-play ne sont pas inscrits dans la Constitution américaine. Pourtant, sans elles, nos freins et contrepoids constitutionnels ne fonctionneront pas comme nous l'attendons. Lorsque le penseur français Baron de Montesquieu a ouvert la voie à la notion de séparation des pouvoirs dans son ouvrage de 1748 L'esprit des lois, il ne s'est guère préoccupé de ce que nous appelons aujourd'hui les normes. Montesquieu pensait que l'architecture solide des institutions politiques pouvait suffire à limiter les POUVOIRS EXCESSIFS - que la conception constitutionnelle n'était pas sans rappeler un problème d'ingénierie, un défi consistant à créer des institutions de manière à ce que l'ambition puisse être utilisée pour contrecarrer l'ambition, même lorsque les dirigeants politiques sont défectueux. Nombre de nos fondateurs étaient également de cet avis.
History quickly revealed that the founders were mistaken. Without innovations such as political parties and their accompanying norms, the Constitution they so carefully constructed in Philadelphia would not have survived. Institutions were more than just formal rules; they encompassed the shared understandings of appropriate behavior that overlay them. The genius of the first generation of America’s political leaders was not that they created foolproof institutions, but that, in addition to designing very good institutions, they—gradually and with difficulty—established a set of shared beliefs and practices that helped make those institutions work.
L'histoire a rapidement révélé que les fondateurs s'étaient trompés. Sans des innovations telles que les partis politiques et les normes qui les accompagnent, la Constitution qu'ils ont si soigneusement élaborée à Philadelphie n'aurait pas survécu. Les institutions étaient plus que de simples règles formelles ; elles englobaient les interprétations communes des comportements appropriés qui les recouvraient. Le génie de la première génération de dirigeants politiques américains n'est pas d'avoir créé des institutions infaillibles, mais d'avoir, en plus de concevoir de très bonnes institutions, établi progressivement et difficilement un ensemble de croyances et de pratiques partagées qui ont contribué au bon fonctionnement de ces institutions.
The strength of the American political system, it has often been said, rests on what Swedish Nobel Prize–winning economist Gunnar Myrdal called the American Creed: the principles of individual freedom and egalitarianism. Written into our founding documents and repeated in classrooms, speeches, and editorial pages, freedom and equality are selfjustifying values. But they are not self-executing. Mutual toleration and institutional forbearance are procedural principles—they tell politicians how to behave, beyond the bounds of law, to make our institutions function. We should regard these procedural values as also sitting at the center of the American Creed—for without them, our democracy would not work.
On a souvent dit que la force du système politique américain reposait sur ce que l'économiste suédois Gunnar Myrdal, lauréat du prix Nobel, a appelé le credo américain : les principes de la liberté individuelle et de l'égalitarisme. Inscrits dans nos documents fondateurs et répétés dans les salles de classe, les discours et les pages éditoriales, la liberté et l'égalité sont des valeurs qui se justifient d'elles-mêmes. Mais elles ne s'appliquent pas d'elles-mêmes. La tolérance mutuelle et l'indulgence institutionnelle sont des principes procéduraux : ils indiquent aux hommes politiques comment se comporter, au-delà des limites de la loi, pour que nos institutions fonctionnent. Nous devrions considérer ces valeurs procédurales comme étant également au centre du credo américain, car SANS ELLES, NOTRE DEMOCRATIE NE FONCTIONNERAIT PAS.
(...)
(NdLD) LA "VIE" DEMOCRATIQUE, des mouvements de protestations aux constructions de coalitions, tout concourt à une plus grande prise de conscience de e que peut être, de ce que doit être une culture politique dans laquelle chaque citoyen doit désormais s'engager ...
"Protest should be viewed in a similar way. Public protest is a basic right and an important activity in any democracy, but its aim should be the defense of rights and institutions, rather than their disruption. In an important study of the effects of black protest in the l960s, political scientist Omar Wasow found that black-led nonviolent protest fortified the national civil rights agenda in Washington and broadened public support for that agenda. By contrast, violent protest led to a decline in white support and may have tipped the 1968 election from Humphrey to Nixon. We should learn from our own history. Anti-Trump forces should build a broad prodemocratic coalition. Contemporary coalition building is often a coming-together of like-minded groups: Progressive synagogues, mosques, Catholic parishes, and Presbyterian churches may form an interfaith coalition to combat poverty or racial intolerance, or Latino, faithbased, and civil liberties groups might form a coalition to defend immigrant rights. Coalitions of the like-minded are important, but they are not enough to defend democracy. The most effective coalitions are those that bring together groups with dissimilar—even opposing—views on many issues. They are built not among friends but among adversaries. An effective coalition in defense of American democracy, then, would likely require that progressives forge alliances with business executives, religious (and particularly white evangelical) leaders, and red-state Republicans.
La protestation doit être considérée de la même manière. La protestation publique est un droit fondamental et une activité importante dans toute démocratie, mais son objectif doit être la défense des droits et des institutions, plutôt que leur perturbation. Dans une étude importante sur les effets de la protestation des Noirs dans les années 1960, le politologue Omar Wasow a constaté que la protestation non violente menée par les Noirs a renforcé l'agenda national des droits civiques à Washington et a élargi le soutien du public à cet agenda. En revanche, les protestations violentes ont entraîné une baisse du soutien des Blancs et pourraient avoir fait basculer l'élection de 1968 de Humphrey à Nixon. Nous devrions tirer les leçons de notre propre histoire. Les forces anti-Trump devraient construire une large coalition pro-démocratique. La formation de coalitions contemporaines consiste souvent à réunir des groupes partageant les mêmes idées : Les synagogues progressistes, les mosquées, les paroisses catholiques et les églises presbytériennes peuvent former une coalition interconfessionnelle pour lutter contre la pauvreté ou l'intolérance raciale, ou les groupes latinos, confessionnels et de défense des libertés civiles peuvent former une coalition pour défendre les droits des immigrés. Les coalitions de personnes partageant les mêmes idées sont importantes, mais elles ne suffisent pas à défendre la démocratie. Les coalitions les plus efficaces sont celles qui rassemblent des groupes ayant des points de vue différents, voire opposés, sur de nombreuses questions. Elles se construisent non pas entre amis, mais entre adversaires. Une coalition efficace pour la défense de la démocratie américaine exigerait donc que les progressistes forgent des alliances avec les chefs d'entreprise, les leaders religieux (et en particulier les évangélistes blancs) et les républicains de l'État rouge.
Business leaders may not be natural allies of Democratic activists, but they have good reasons to oppose an unstable and rule-breaking administration. And they can be powerful partners. Think of recent boycott movements aimed at state governments that refused to honor Martin Luther King Jr.’s birthday, continued to fly the Confederate flag, or violated gay or transgender rights. When major businesses join progressive boycotts, they often succeed.
Building coalitions that extend beyond our natural allies is difficult. It requires a willingness to set aside, for the moment, issues we care deeply about. If progressives make positions on issues such as abortion rights or single-payer health care a “litmus test” for coalition membership, the chances for building a coalition that includes evangelicals and Republican business executives will be nil. We must lengthen our time horizons, swallow hard, and make tough concessions. This does not mean abandoning the causes that matter to us. It means temporarily overlooking disagreements in order to find common moral ground. A broad opposition coalition would have important benefits. For one, it would strengthen the defenders of democracy by appealing to a much wider sector of American society. Rather than confining anti-Trumpism to progressive blue-state circles, it would extend it to a wider range of America. Such broad involvement is critical to isolating and defeating authoritarian governments.
Les chefs d’entreprise ne sont peut-être pas des alliés naturels des militants démocrates, mais ils ont de bonnes raisons de s’opposer à une administration instable et défaillante. Et ils peuvent être des partenaires puissants. Pensez aux récents mouvements de boycott visant les gouvernements des États qui ont refusé d’honorer Martin Luther King Jr. anniversaire de naissance, continué à arborer le drapeau confédéré ou violé les droits des homosexuels ou des transgenres. Lorsque les grandes entreprises se joignent aux boycotts progressistes, elles réussissent souvent.
Il est difficile de créer des coalitions qui s'étendent au-delà de nos alliés naturels. Il faut être prêt à mettre de côté, pour le moment, les questions qui nous tiennent à cœur. Si les progressistes font de leurs positions sur des questions telles que le droit à l'avortement ou le système de santé à payeur unique un « test décisif » pour l'adhésion à une coalition, les chances de construire une coalition incluant des évangéliques et des cadres d'entreprise républicains seront nulles. Nous devons allonger nos horizons temporels, avaler la pilule et faire des concessions difficiles. Cela ne signifie pas qu'il faille abandonner les causes qui nous tiennent à cœur. Cela signifie qu'il faut temporairement oublier les désaccords afin de trouver un terrain d'entente moral. Une large coalition de l'opposition aurait des avantages importants. Tout d'abord, elle renforcerait les défenseurs de la démocratie en faisant appel à un secteur beaucoup plus large de la société américaine. Plutôt que de confiner l'anti-Trump aux "progressive blue-state circles", elle l'étendrait à une plus grande partie de l'Amérique. Une participation aussi large est essentielle pour isoler et vaincre les gouvernements autoritaires.
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"Thinking about how to resist the Trump administration’s abuses is clearly important. However, the fundamental problem facing American democracy remains extreme partisan division - one fueled not just by policy differences but by deeper sources of resentment, including racial and religious differences. America’s great polarization preceded the Trump presidency, and it is very likely to endure beyond it. Political leaders have two options in the face of extreme polarization. First, they can take society’s divisions as a given but try to counteract them through elite-level cooperation and compromise. This is what Chilean politicians did. As we saw in Chapter 5, intense conflict between the Socialists and the Christian Democrats helped destroy Chilean democracy in 1973. A profound distrust between the two parties persisted for years afterward, trumping their shared revulsion toward Pinochet’s dictatorship.
Réfléchir à la façon de résister aux abus de l’administration Trump est clairement important. Cependant, le problème fondamental auquel est confrontée la démocratie américaine demeure une division partisane extrême - alimentée non seulement par des différences politiques, mais aussi par des sources plus profondes de ressentiment, y compris des différences raciales et religieuses. LA GRANDE POLARISATION DE L'AMERIQUE a précédé la présidence de Trump, et elle est très susceptible de perdurer au-delà. Les dirigeants politiques ont deux options face à l’extrême polarisation. Tout d’abord, ils peuvent prendre les divisions de la société comme une donnée, mais essayer de les contrecarrer par la coopération et le compromis de niveau élite. C’est ce que les politiciens chiliens ont fait. Comme nous l’avons vu au chapitre 5, un conflit intense entre les socialistes et les démocrates-chrétiens a contribué à détruire la démocratie chilienne en 1973. Une profonde méfiance entre les deux partis a persisté pendant des années, l’emportant sur leur répulsion commune envers la dictature de Pinochet.
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"In the darkest days of the Second World War, when America’s very future was at risk, writer E. B. White was asked by the U.S. Federal Government’s Writers’ War Board to write a short response to the question “What is democracy?” His answer was unassuming but inspiring. He wrote: Surely the Board knows what democracy is. It is the line that forms on the right. It is the “don’t” in don’t shove. It is the hole in the stuffed shirt through which the sawdust slowly trickles; it is the dent in the high hat. Democracy is the recurrent suspicion that more than half of the people are right more than half of the time. It is the feeling of privacy in the voting booths, the feeling of communion in the libraries, the feeling of vitality everywhere. Democracy is a letter to the editor. Democracy is the score at the beginning of the ninth. It is an idea which hasn’t been disproved yet, a song the words of which have not gone bad. It’s the mustard on the hot dog and the cream in the rationed coffee. Democracy is a request from a War Board, in the middle of a morning in the middle of a war, wanting to know what democracy is.
Dans les jours les plus sombres de la Seconde Guerre mondiale, alors que l’avenir même de l’Amérique était en danger, l’écrivain E. B. White a été invité par le Writers’ War Board du gouvernement fédéral des États-Unis à répondre brièvement à la question « Qu’est-ce que la démocratie? » Sa réponse était modeste, mais inspirante. Il a écrit : La Commission sait certainement ce qu’est la démocratie. C’est la ligne qui se forme à droite. C’est le trou dans la chemise rembourrée que la sciure de bois traverse lentement; c’est la bosse dans le chapeau haut. La démocratie est le soupçon récurrent que plus de la moitié de la population a raison plus de la moitié du temps. C’est le sentiment d’intimité dans les isoloirs, le sentiment de communion dans les bibliothèques, le sentiment de vitalité partout. La démocratie est une lettre à l’éditeur. La démocratie est le score au début du neuvième. C’est une idée qui n’a pas encore été réfutée, une chanson dont les paroles n’ont pas mal tourné. C’est la moutarde sur le hot-dog et la crème dans le café rationné. La démocratie est une demande d’un conseil de guerre, au milieu d’une matinée au milieu d’une guerre, voulant savoir ce qu’est la démocratie.
"The egalitarianism, civility, sense of freedom, and shared purpose portrayed by E. B. White were the essence of mid-twentieth-century American democracy. Today that vision is under assault. To save our democracy, Americans need to restore the basic norms that once protected it. But we must do more than that. We must extend those norms through the whole of a diverse society. We must make them truly inclusive. America’s democratic norms, at their core, have always been sound. But for much of our history, they were accompanied—indeed, sustained—by racial exclusion. Now those norms must be made to work in an age of racial equality and unprecedented ethnic diversity. Few societies in history have managed to be both multiracial and genuinely democratic. That is our challenge. It is also our opportunity. If we meet it, America will truly be exceptional.
L’égalitarisme, la civilité, le sens de la liberté et le but commun décrits par E. B. White étaient l’essence de la démocratie américaine du milieu du XXe siècle. Aujourd’hui, cette vision est menacée. Pour sauver notre démocratie, les Américains doivent rétablir les normes de base qui la protégeaient autrefois. Mais nous devons faire plus que cela. Nous devons ETENDRE CES NORMES A L'ENSEMBLE DUNE SOCIETE DIVERSIFIEE. Nous devons les rendre vraiment inclusives. Les normes démocratiques américaines, au fond, ont toujours été saines. Mais pendant une grande partie de notre histoire, ils ont été accompagnés — en fait, soutenus — par l’exclusion raciale. Maintenant, ces normes doivent être mises en œuvre dans une ère d’égalité raciale et de diversité ethnique sans précédent. Peu de sociétés dans l’histoire ont réussi à être à la fois multiraciales et véritablement démocratiques. C’est notre défi. C’est aussi notre chance. Si nous la rencontrons, l’Amérique sera vraiment exceptionnelle."
"Tyranny of the minority, why american democracy reached the breaking point" (2023, Steven Levitsky, Daniel Ziblatt)
“The United States, once a democratic pioneer and model for other nations, has now become a democratic laggard.” - C'est à un véritable appel à réformer les institutions politiques de la démocratie américaine, jugées désuètes, que se livrent les auteurs à succès du New York Times, "How Democracies Die". Cette démocratie américaine vit une expérience d'ampleur sans précédent peut-être, et que d'autres pays, notamment européens, sont sur le point de connaître, une démocratie multiraciale et multicommunautaire qui, par réaction, populaire, médiatique, politique, sociale, a déclenché une riposte autoritaire qui menace les fondements mêmes du système politique. Le livre se veut constat, mais entend interpréter ce constat et proposer d'interagir.
Nos professeurs de Harvard s’appuient ainsi sur un grand nombre d’exemples historiques, de la France des années 1930 à la Thaïlande d’aujourd’hui, pour nous expliquer pourquoi et comment des partis politiques en viennent à se retourner contre la démocratie, usant de tous les procédés possibles et attaquant le système de l’intérieur en jouant avec des Constitutions pour leur grande part si vulnérables.
"The tyranny of the majority" - Les rédacteurs de la Constitution américaine craignaient que la grande menace pour la démocratie ne soit « la tyrannie de la majorité » : ainsi furent conçus pour anticiper un système judiciaire indépendant et la Déclaration des droits. Certes ces innovations constitutionnelles sont essentielles à la préservation de la démocratie, mais subsistent encore des scories institutionnelles non seulement désuètes mais qui peuvent s'avérer désormais conséquentes : le système du collège électoral permet au candidat qui reçoit moins de votes de remporter la présidence, le Sénat des États-Unis est surreprésenté dans les États moins peuplés, et l’obstruction systématique exige une majorité qualifiée de 60 voix pour adopter une loi, et de fait les majorités ne peuvent ainsi le plus souvent ne pas obtenir le pouvoir, et, si elles l'obtiennent, ne pas pouvoir tout simplement, gouverner.
"The minority rule" - Et c'est ainsi que le catalyseur pernicieux de la gouvernance minoritaire peut permettre à des minorités partisanes de constamment contrecarrer et même de régner sur des majorités populaires indifférentes ou minées par des divisions. La plupart des démocraties modernes - de l’Allemagne et de la Suède à l’Argentine et à la Nouvelle-Zélande - ont éliminé des institutions désuètes comme les chambres hautes surchargées d'élites, les élections indirectes et le mandat à vie des juges. Mais pour l'heure, nos auteurs rappelle que l'Amérique a su se reconstruire après la guerre civile et pendant l’ère progressiste, et qu'il convient d'agir pour ne pas disparaître en tant que démocratie ...
"Governing majorities undermined democracy in twenty-first-century Venezuela and Hungary and are threatening to do so in Israel. But the American political system has always reliably checked the power of majorities. What ails American democracy today is closer to the opposite problem: Electoral majorities often cannot win power, and when they win, they often cannot govern. The more imminent threat facing us today, then, is minority rule. By steering the republic so sharply away from the Scylla of majority tyranny, America’s founders left it vulnerable to the Charybdis of minority rule..." (Les majorités au pouvoir ont sapé la démocratie dans le Venezuela et la Hongrie du XXIe siècle et menacent de le faire en Israël. Mais le système politique américain a toujours réussi à contrôler le pouvoir des majorités. Ce qui affecte la démocratie américaine aujourd'hui est plus proche du problème inverse : les majorités électorales ne peuvent souvent pas gagner le pouvoir, et lorsqu'elles le gagnent, elles ne peuvent souvent pas gouverner. La menace la plus imminente à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui est donc le pouvoir des minorités. En éloignant si nettement la république du Scylla de la tyrannie de la majorité, les fondateurs de l'Amérique l'ont laissée vulnérable au Charybde du pouvoir des minorités) ...
La France est-elle une démocratie ? La plupart des gens pensent que la réponse est simple : "Oui". Après tout, la France connaît des élections libres et équitables. Cependant, une société véritablement démocratique ne se limite pas aux seules élections, écrit Simon Baptist de l'Economist Intelligence Unit. La France est une démocratie, mais pas une démocratie à part entière, selon la sixième édition de l'indice de démocratie de The Economist Intelligence Unit, qui vient de paraître. Plus exactement, c'est une "démocratie imparfaite"...
L'indice de démocratie de l'Economist Intelligence Unit montre que des élections libres et équitables et les libertés civiles sont des conditions nécessaires à la démocratie, mais qu'il est peu probable qu'elles soient suffisantes pour une démocratie complète et consolidée si elles ne sont pas accompagnées d'un gouvernement transparent et au moins minimalement efficace, d'une participation politique suffisante et d'une culture politique démocratique de soutien.
Ainsi, la France se situe dans le peloton de tête des démocraties en ce qui concerne le processus électoral, les libertés civiles et la participation politique - qui se réfère à des éléments tels que le taux de participation aux élections, le nombre de femmes parlementaires et la préparation à la participation à des manifestations légales. Mais elle déçoit par ses résultats relativement médiocres en termes de fonctionnement du gouvernement et de culture politique. Partout en Europe, si ce n'est en France, le présidentialisme a été éliminé et le régionalisme largement répandu. Dans un pays comme la Norvège, classée première, ou l'Australie, classée sixième, le corps législatif est l'organe de décision suprême. Le parlement français, en revanche, est l'un des plus faibles d'Europe. Comme le président dispose d'un pouvoir énorme, il est difficile pour le corps législatif de façonner la législation et de demander des comptes au gouvernement.
Le président est lui aussi élu, mais le risque est plus grand qu'un décideur unique prenne des mesures contraires aux souhaits des citoyens qu'un corps législatif composé de centaines d'élus, qui dispose de ses propres freins et contrepoids...