HUNGARY (Central Europe)
La Hongrie, deux fois plus étendue que la Slovaquie (presque 100 000 kilomètres carrés, soit un sixième de la France actuelle) et deux fois plus peuplée, est au contraire de celle-ci l'un des États les plus anciens de l'Europe centre-orientale. Continentale, pays de plaine, peu favorisé par sa géographie, située à l'est de l'Autriche, dans un espace entouré par les Carpates (un espace qu'elle partage avec la Slovaquie, la Transylvanie roumaine, le nord de la Serbie, de la Croatie et de la Slovénie), elle fut réduite en 1920 (Traité de Trianon) à un tiers de son territoire d'autrefois, les conséquences se font encore sentir aujourd'hui. Et la diaspora hongroise (Magyar diaspora) est un phénomène significatif, avec une présence mondiale estimée à 5 à 6 millions de personnes, soit près de la moitié de la population actuelle; environ 2,5 millions de Hongrois ethniques vivent dans des pays institués voisins, comme la Roumanie, la Slovaquie, la Serbie, ou l'Ukraine (mais la langue hongroise reste un marqueur fort d'identité dans ces communautés historiques); et depuis son entrée dans l’Union européenne en 2004, de nombreux Hongrois ont émigré vers d'autres pays de l'UE (Allemagne, Autriche, Royaume-Uni) en quête de meilleures opportunités économiques.
Il n'y eut pas d'autre révolution pour les Hongrois que celle de 1956, une révolution violemment réprimée, qui conduisit à une émigration massive d’environ 200 000 personnes, notamment vers l’Occident, une révolution qui, dans la conscience nationale, symbolisa les débuts de la rupture « mentale » avec le communisme...
Budapest, sur les deux rives du Danube (Buda d'un côté, Pest de l'autre), était avec Vienne et Prague l'une des trois capitales impériales. Mieux située que les deux autres au coude du Danube, elle reste la ville dominante de l'Europe centrale. Indépendante depuis 1918, mais rapetissée (il existe des minorités hongroises en Serbie et dans les montagnes de Transylvanie, en Roumanie), elle s'allia à l'Allemagne hitlérienne par dépit d'avoir perdu son rang. Elle a expié cette erreur par ses révoltes contre les Soviets (celle de 1956 fut sanglante). La Hongrie est une immense et riche plaine agricole (la Puszta). Singulier et fier (les Hongrois sont, dit-on, les Castillans de l'Europe centrale), le peuple parle le magyar, langue ouralo-altaïque proche du finlandais.
Parmi les lieux réputés incontournables de la Hongrie, citons,
- Budapest, la perle du Danube, la capitale hongroise et le cœur culturel et historique du pays, divisée par le Danube en deux parties : Buda et Pest. Côté Pest, la Basilique Saint-Étienne , où est conservée la main momifiée de Saint-Étienne, et la rue Andrássy, classée à l'UNESCO, et menant à la place des Héros. Budapest est aussi célèbre pour ses bains thermaux.
- Ses lacs et paysages naturels, le lac Balaton (la "mer hongroise", e plus grand lac d'Europe centrale), les gorges de Bükk et Aggtelek, inscrites au patrimoine mondial de l'UNESCO.
- Ses villes historiques, Debrecen (la deuxième plus grande ville de Hongrie), Eger, ville baroque avec un château historique, Pécs et sa nécropole paléochrétienne (UNESCO), sa mosquée de Pacha Qasim et la cathédrale Saint-Pierre; Szentendre, réputée pour ses galeries d'art, ses musées et son architecture méditerranéenne; Esztergom, sa basilique, le berceau du christianisme hongrois; Visegrád, et ses vues spectaculaires sur la courbe du Danube.
Il existe un "génie hongrois" qui se traduit par un apport d'importance de la Hongrie - à la science, la philosophie, les arts, et la pensée politique -, mais que sa taille démographique et géographique ne peut expliquer. On pense à ces scientifiques hongrois exilés au XXᵉ siècle, dont plusieurs ont révolutionné la physique, la chimie, et les mathématiques (Eugene Wigner (prix Nobel de physique, 1963), John von Neumann, pionnier de l’informatique moderne et des théories des jeux, Edward Teller, "père de la bombe H"), à d'importantes figures du marxisme occidental, comme György Lukács, dont l'œuvre sur l'aliénation et la réification a influencé des générations de penseurs critiques; Karl Polanyi, économiste et anthropologue, auteur de "La Grande Transformation", analysant les effets sociaux de l'économie de marché; Ágnes Heller (figure de l'École de Budapest), connue pour ses travaux sur la philosophie morale et politique.
La Hongrie a produit des écrivains et poètes majeurs, tels que Imre Kertész, prix Nobel de littérature 2002, pour son œuvre explorant les traumatismes de l'Holocauste (Être sans destin) ou Sándor Márai, célèbre pour ses réflexions sur l’exil et la société hongroise (Les Braises); Magda Szabó, romancière renommée pour des œuvres comme "La Porte", qui examine les relations humaines complexes. Franz Liszt et Béla Bartók ont porté la musique hongroise sur la scène internationale tandis que Zoltán Kodály a développé sa célèbre méthode pour l'éducation musicale, largement adoptée dans le monde. En arts visuels, Victor Vasarely, le père de l'op-art (art optique), a influencé l'art contemporain avec ses illusions visuelles; László Moholy-Nagy, artiste et photographe, fut une figure clé du Bauhaus au XXᵉ siècle.
On cite parmi les principaux éléments qui définissent cette spécificité, son héritage historique et son contexte culturel (de multiples cultures, notamment autrichienne, ottomane, slovaque et roumaine), Budapest, un centre intellectuel majeur sous l''Empire austro-hongrois (1867-1918). Mais on évoque aussi une combinaison de traditions éducatives solides, d’un passé complexe stimulant la réflexion identitaire, et d’une ouverture au monde malgré ses défis historiques...
La littérature hongroise du XXe siècle reflète les bouleversements historiques majeurs que connaît le pays, la dislocation de l'Empire austro-hongrois (1918), les régimes autoritaires, la Seconde Guerre mondiale, la période communiste, et les transformations post-communistes. Ses écrivains vont, de même que dans les autres pays de l'Europe centrale, combiner tradition littéraire forte (lyrisme, introspection) et courants internationaux (modernisme, existentialisme, surréalisme, réalisme magique), qui de nos jours, n'ont plus d'existence, ressentie.
Fin XXe siècle, nous verrons Péter Nádas s’inscrit encore dans une tradition littéraire hongroise influencée par des écrivains tels que Sándor Márai (Les Braises), pour l’exploration des conflits moraux et de la mémoire, Imre Kertész (Être sans destin, prix Nobel), pour sa réflexion sur les traumatismes historiques, Dezső Kosztolányi (Anna la douce), pour son attention aux subtilités psychologiques des personnages ...
Le poète Endre Ady (1877-1919) est l’une des figures majeures du modernisme hongrois (Blood and Gold, Vér és arany, 1907). - Dezső Kosztolányi (1885–1936) interroge les dilemmes intérieurs, les désirs humains et la fragilité de la vie quotidienne dans "Édes Anna" (Anna la Douce), 1926) "Skylark" (Pacsirta), 1924. - Miklós Radnóti (1909–1944), un destin dramatique marqué par sa mort dans un camp de travail nazi et des poèmes écrits en captivité, témoignant de la souffrance humaine et de l’espoir, vain (Avance, condamné à mort !, 1936). - Gyula Illyés (1902–1983), poète et écrivain engagé, "Puszták népe" (1936) est une œuvre emblématique sur la vie rurale...
László Németh (1901–1975), figure essentielle du réalisme psychologique en Hongrie, est connu pour ses romans psychologiques qui analysent avec profondeur les conflits moraux, les dilemmes personnels et les tensions sociales : "Iszony" (L'Horreur, ou Une Possédée, trad. Gallimard, 1947) relate l'histoire d'une femme enfermée dans un mariage qui lui fait horreur, et nous découvrons à travers son point de vue, toute la complexité de ses émotions et les raisons de son rejet du monde conjugal. Dans "Égető Eszter" (Eszter la Dévorante, 1956), il dépeint la vie d'Eszter, une femme prise entre ses ambitions personnelles et les attentes de sa famille. Dans "Az én népem" (Mon peuple, 1935), Németh réfléchit sur la société hongroise, ses forces et ses faiblesses. Dans "Gyász" (Deuil, 1935), c'est une femme confrontée à la perte de son mari et à l'effondrement de ses illusions sur la vie qu'il nous livre. Le rôle des femmes dans la société traditionnelle hongroise et leur lutte pour l'émancipation est, ainsi que nous le voyons, un de ses motifs récurrents ...
Sándor Márai (1900-1989) est une autre figure majeure de la littérature hongroise, une figure dramatique qui naquit dans l'ancien Empire austro-hongrois, fut dès les années 1930 reconnu comme écrivain d'importance, s'exila en 1948 par opposition au régime communiste, et se suicida, en exil, à San Diego, en Californie, en 1989. Il ne sera redécouvert qu'après la chute du rideau de fer. Márai incarne, écrit-on le plus souvent, l’introspection bourgeoise explorant les dilemmes moraux et les relations humaines dans un contexte de déclin social. "Les Braises" (A gyertyák csonkig égnek), 1942, son oeuvre la plus célèbre, est un roman introspectif sur l'amitié, la trahison et le passage du temps : les retrouvailles entre deux vieux amis après 41 ans de séparation, se solde par une histoire de trahison, de jalousie et d’amours perdues. Dans "L’Héritage d’Eszter" (Eszter hagyatéka, 1939), il nous raconte l’histoire de la vie d'Eszter, une femme vieillissante marquée par un amour non partagé et une trahison. "Divorce à Buda" (Válás Budán, 1935) relate la vie d’un médecin impliqué dans un divorce complexe, révélant des secrets et des conflits moraux. Son "Journal intime" (Napló, publié en plusieurs volumes)couvre des décennies et offrent un aperçu sa vie tant intellectuelle qu'émotionnelle et constitue un témoignage précieux sur la Hongrie d’avant et d’après-guerre, ainsi que sur son exil. "Confession d’un bourgeois" (Egy polgár vallomásai, 1934) se veut autobiographie dans le contexte de la société bourgeoise hongroise...
Géza Ottlik (1912–1990) est surtout reconnu pour son roman "Une école à la frontière" (Iskola a határon, 1959), considéré comme l'une des œuvres majeures de la littérature hongroise du XXe siècle, un roman, largement autobiographique, se déroule dans une école militaire à la frontière entre la Hongrie et l'Autriche dans les années 1920...
Magda Szabó (1917–2007) naquit à Debrecen, l’une des grandes villes culturelles et religieuses (calviniste) de la Hongrie : elle a connu la chute de l’Empire austro-hongrois après la Première Guerre mondiale et les régimes totalitaires, notamment l’occupation nazie, puis le régime communiste, qui ont profondément affecté son œuvre et sa vie personnelle (elle a été interdite de publication entre 1949 et 1958 pour des raisons politiques). Sa notoriété prend une ampleur certaine avec un roman, "La Porte" (Az ajtó, 1987), un roman sur la relation complexe entre une femme écrivain (la narratrice) et sa domestique, Emerence, personnage énigmatique au caractère insoumis. Au fil du récit, les tensions et les paradoxes de leur relation révèlent des questions profondes sur la loyauté, le pouvoir, la culpabilité, et l’intimité. "La Porte" fait référence à la porte littérale et symbolique qui sépare le monde intérieur d’Emerence de son environnement extérieur...
"Freskó" (1958, The Fawn) nous plonge dans les profondeurs psychologiques des tensions familiales lors d’un enterrement : les souvenirs et les conflits latents remontent à la surface. "Pilátus" (1963, "Katalin Street" en trad. anglaise) est souvent considéré comme l’un des plus puissants de Szabó pour son évocation de la vie de trois familles voisines à Budapest, marquées par des amitiés, des amours et des trahisons, dans le contexte des bouleversements historiques de la Hongrie (de l’avant-guerre à l’après-guerre) : elle y retrace notamment les cicatrices laissées par l’occupation allemande et soviétique sur plusieurs générations...
"Abigaïl" (1970) est le récit d’une jeune fille de 14 ans, Gina Vitay, qui, dans la Hongrie de la Seconde Guerre mondiale(sous emprise nazie), a été envoyée par son père dans un pensionnat religieux strict pour la protéger des bouleversements de l’époque. Gina y découvre la statue d'Abigaïl dans le jardin de l’école, une figure mystérieuse à laquelle les élèves confient leurs secrets et demandent conseil, et dont l'identité sert de fil conducteur à l'intrigue. Deux romans pleinement reconnus tant en Hongrie qu'au niveau international et la statue d’Abigaïl est devenue un élément emblématique de la culture populaire hongroise. "Régimódi történet" (1977) est considéré comme l’un des chefs-d’œuvre de Szabó en Hongrie : centré sur le rôle des femmes, c'est une vaste fresque familiale qui évoque les relations intergénérationnelles dans une famille hongroise traditionnelle. En 2002, elle écrira "Für Elise", un roman semi-autobiographique qui conte l’enfance de Magda Szabó, avec ses joies et ses désillusions, dans le contexte d’une société hongroise en pleine transformation.
Imre Kertész (1929–2016) est le seul écrivain hongrois à avoir reçu le Prix Nobel de Littérature (2002). "Sorstalanság" (Être sans destin, 1975) est un récit semi-autobiographique sur un adolescent hongrois déporté à Auschwitz, puis à Buchenwald, et survivant de l'Holocauste ; ce dernier, plus qu’un événement historique, est pour Kertész une métaphore de la condition humaine moderne. Un roman considéré comme l’un des récits les plus novateurs sur l’Holocauste, parce qu'il refuse tout pathos pour privilégier une narration froide et clinique. Il ira jusqu'à montrer que survivre à l’Holocauste ne confère pas un sens particulier à l’existence, mais renforce plutôt son absurdité... Dans "A kudarc" (Le Refus, 1988), il interroge l'écrivain qu'il est devenu confronté à la difficulté de poursuivre son œuvre après avoir écrit un livre sur son expérience de l’Holocauste. "Kaddis a meg nem született gyermekért" (Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas, 1990) est un monologue particulièrement sombre dans lequel un homme refuse d’avoir un enfant parce qu'il ne veut pas le condamner à vivre dans un monde marqué par l’Holocauste. "Felszámolás" (Liquidation, 2003) sonde le suicide d’un écrivain survivant de l’Holocauste, par le biais de ses amis qui tentent de comprendre sa décision en explorant ses œuvres. "Gályanapló" (Journal de galère, 1992) est un mélange de mémoires, de réflexions philosophiques et d’analyses littéraires, et le "Dossier K" (Le Dossier K, 2006), une autobiographie sous la forme d’un dialogue introspectif....
Péter Nádas (1942) est considéré comme l'un des plus grands écrivains contemporains, tant par la profondeur de ses analyses psychologiques et sociales, que par la complexité de ses structures narratives. Il naquit à Budapest, en pleine Seconde Guerre mondiale, dans une Hongrie sous occupation nazie : orphelin dès l’âge de 16 ans, son père, un communiste convaincu, se suicida après une disgrâce politique. Et lui-même grandit ainsi sous un régime communiste imposé par l’Union soviétique. La censure, la surveillance de l’État, et les dilemmes moraux sont donc des thèmes profondément vécus...
"Le Livre des mémoires" (Emlékiratok könyve, 1986) est un roman monumental, souvent considéré comme son chef-d'œuvre, qui explore la mémoire et l'identité à travers des récits entrelacés. Le narrateur principal est un écrivain hongrois exilé en Europe occidentale, qui se remémore sa jeunesse, ses amours homosexuelles, ses relations complexes avec sa famille et sa quête identitaire; inséré dans le récit principal, un manuscrit fictif vient mettre en scène un fonctionnaire allemand sous le nazisme, permettant une évocation parallèle des thèmes du pouvoir, de la culpabilité et de l'aliénation. Une voix féminine, aussi brève que mystérieuse intervient ici et là, apportant une perspective poétique et fragmentaire qui éclaire les thèmes centraux. Le récit quant à lui navigue entre passé et présent, réalité et fiction, mémoire personnelle et mémoire collective. On peut affirmer que le texte met non seulement en lumière les dilemmes moraux et les stratégies de survie dans un monde marqué par la surveillance, la censure et la trahison, mais que la mémoire ici mise en oeuvre traverse tout à la fois l’esprit que le corps. On peut deviner que le livre, qui ne fut pas sans controverses : comme dans le livre suivant, l'auteur nous la sexualité de manière explicite et intime, met en évidence le rôle du désir dans la construction de l’identité, et ses descriptions du corps humain (parfois crues) reflètent sa volonté d’intégrer les sensations corporelles dans la narration; la sexualité devient ainsi un mode d’exploration des relations humaines et des tensions historiques...
"Histoires parallèles" (Párhuzamos történetek, 2005) nous offre une trilogie ambitieuse, parfois comparée à un "Guerre et Paix" du XXIe siècle, tissant au long de ses 1500 pages une multitude d'histoires indépendantes qui se fondent en une seule narration, explorant les relations humaines et les événements historiques. Une traduction en français serait semble-t-il un défi majeur en raison de la complexité de l'œuvre. Au moins peut-on indiquer que le roman se déroule sur une période couvrant près de 50 ans, principalement en Hongrie, mais également en Allemagne, autour de la Seconde Guerre mondiale, de la Guerre froide et du communisme; que ce roman déroule ensemble trois grandes intrigues principales, qui racontent la vie de plusieurs personnages sur des décennies : Hans von Wolkenstein, un homme d’origine allemande lié aux mystères autour du nazisme et de l’après-guerre; Ágost Lippay-Lehr, un personnage hongrois lié aux cercles communistes; Gyöngyvér, une femme hongroise dont la sexualité et les relations complexes fournissent le prisme qui permet de traduire les tensions psychologiques et sociales. Le roman débute avec la découverte du corps d’un homme sur les rives d’un lac à Berlin ...
En 2001, dans "Saját halál" (La Mort propre, 2001), Nádas racontera son expérience d’une mort clinique survenue en 1993, suivie de sa réanimation et de son retour à la vie, avec une réflexion sur la mortalité, le corps et la conscience; il décrira une expérience de "rien" et de lumière, une sorte d’absence absolue, qui contraste avec les représentations classiques de la mort dans les cultures occidentales. La réintégration de la conscience dans son corps sera décrite comme une transition violente mais révélatrice sur ce que signifie être "vivant" ...
Et livrera en 2017, pour ne pas conclure, une autobiographie monumentale, "Világló részletek" (Détails lumineux) ...
La Hongrie fut donc un pays marqué par des traumatismes successifs qui ont nourri sa littérature, l’effondrement de l’Empire austro-hongrois, la Seconde Guerre mondiale, l’occupation nazie, et le communisme sont des thèmes toujours présents à la fin du XXe siècle. László Krasznahorkai et Péter Nádas incarnent une certaine continuité entre cette époque et un XXIe que structure la mondialisation et une profonde internationalisation des thématiques littéraires. Mais là où de nombreux écrivains hongrois, à l'image de Nádas, explorait les effets corrosifs des régimes autoritaires sur les individus, où les écrivains comme les lecteurs cherchaient leur place dans un monde en transition, tiraillés le plus souvent entre des influences occidentales (l’Europe de l’Ouest) et orientales (l’Union soviétique), les générations suivantes n'ont sans doute pas encore découvert les nouveaux territoires de l'imagination qui leur seraient nécessaires pour emboîter le pas de ceux qui les ont précédés.
Aussi ne citerons pour l'heure que les auteurs suivants de ce XXIe à peine débutant, László Krasznahorkai, avec "Tango de Satan" (Sátántangó, 1985) et "Le Baron Wenckheim est de retour" (Báró Wenckheim hazatér, 2016), György Spiró, ("Captivité", Fogság, 2005), Krisztina Tóth ("Pixel", 2011), - un livre qui aborde des thèmes comme le corps, les souvenirs et les blessures émotionnelles -, György Dragomán ("Le Roi blanc" (A fehér király, 2005), - histoire d'un enfant vivant dans un État totalitaire inspiré de la Roumanie de Ceaușescu, où l’absurde et la violence se mêlent au quotidien -, Noémi Szécsi ("Communista Monte Cristo", 2006) ...