PAYSAGES - EAST ASIA - JAPAN - introduction ...
Composé de plus de 6 852 îles (seules 421 sont habitées en permanence), le Japon est situé sur la ceinture de feu du Pacifique, avec de nombreux volcans actifs, dont le mont Fuji, emblème national. Le Japon inscrit son archipel dans un grand arc de terres émergées qui semble enserrer l'Asie, avec une cordillère qui constitue l'arête du pays, qui s'allonge du nord au sud. De part et d'autre de celle-ci, on peut distinguer le Tokaido, le "Japon de l'endroit", par opposition à la façade ouverte sur la mer du Japon, plus sauvage, baptisée le "Japon de l'envers".
Depuis l'île principale (Honshu) jusqu'à l'île du sud (Kyushu), le rivage Pacifique forme une urbanisation presque continue, desservie par un train à grande vitesse, le Shinkansen, avec les trois villes principales que sont Tokyo, Nagoya et Osaka (plusieurs millions d'habitants chacune). Les quatre îles de l'archipel sont reliées par des ponts ou des tunnels. Dans la plus au nord de ces îles, Hokkaido, il neige abondamment l'hiver. Dans les îles méridionales, Shikoku et Kyushu, le climat est quasi méditerranéen. Partout où elle a été préservée, la nature est harmonieuse. Par ailleurs, les Japonais ont su conservé des villes anciennes, par exemple le centre ville de Kyoto, avec temples, jardins zen et palais. ...
Pendant plus de deux siècles (1639-1853), le Japon a volontairement limité ses contacts avec le monde extérieur, ce qui lui a permis de développer une culture autonome et préservée. Civilisé par la Chine il y a des millénaires, le Japon a su créer une culture originale. Une civilisation médiévale, ce que ne connut par la Chine, avec ses samouraïs, et une tradition militaire inconnue de l'empire du Milieu. Civilisation féodale non adoucie par le christianisme, auquel le Japon a été et est toujours rebelle. En dépit de sa situation géographique, que d'aucun peut rapprocher de celle de la Grande-Bretagne, - deux archipels situés aux extrémités opposées de l'Eurasie -, le Japon ne fut pas, pendant très longtemps, un pays maritime, mais plutôt un monde fermé sur lui-même jusqu'à ce que surgisse la flotte américaine du commodore Peary (1853). Shogun et samouraïs durent se retirer tandis que l'empereur Mutsu-Hito proclamait en 1868 l'ère "Meiji" (littéralement, despotisme éclairé). Le Japon se mit à l'école de l'Occident et rattrapa son retard technique en une génération; il annexa Taïwan, puis la Corée, et, en progressant vers l'ouest, se heurta aux Russes. En 1905, à Tsouhima, la grande flotte de Nicolas II, venue de la Baltique en faisant le tour de l'Afrique, fut envoyée par le fond par la flotte japonaise.
Après la Première Guerre mondiale, l'expansion japonaise se poursuivit en Extrême-Orient et le pays s'allia à Allemagne. En 1941, la flotte américaine du Pacifique fut semblablement coulée à Pearl Harbor, mais les États-Unis étaient les Etats-Unis. En 1945, ce furent Hiroshima et Nagasaki (la seule ville chrétienne de l'archipel). Le Japon capitula, mais exigea toutefois de garder son empereur, ce que les Américains lui accordèrent. Hiro-Hito a régné jusqu'en 1989 et son fils Aki-Hito lui a succédé à la tête d'une monarchie devenue constitutionnelle.
Battu militairement, dévasté, le Japon repris sa marche, soutenu un effort américain considérable (1945-1952) dirigé par le général Douglas MacArthur et visant à transformer le Japon en une nation démocratique, pacifique et prospère: sans doute l'un des projets de reconstruction les plus réussis de l'histoire moderne. La transition vers une démocratie parlementaire s'est avérée durable. Après l'occupation (1952), le Japon a connu un "miracle économique", devenant une puissance industrielle mondiale dans les années 1960 et abandonnant à la Russie l'île de Sakhaline dont il occupait le sud.
Le Japon est aujourd'hui la deuxième ou troisième puissance économique, financière et industrielle de la planète, bien avant la Chine, malgré ses 375 000 kilomètres carrés et ses 126 millions d'habitants. Dans les années 1970 et 1980, sa population était décrite comme quasi homogène et possédant une classe moyenne large (90 % des Japonais s'identifiaient alors à cette catégorie) avec un très faible niveau d’inégalité par rapport à d'autres grandes économies ("Japan’s New Middle Class: The Salary Man and His Family in a Tokyo Suburb", Ezra F. Vogel, 1963). Cependant, depuis les années 1980, les inégalités économiques se sont accrues, mais la perception des inégalités au Japon reste relativement faible.
L'archipel a certes ses faiblesses. Coupés des villages, urbanisés et américanisés, les Japonais ont le vague à l'âme et font très peu d'enfants, la population vieillit (environ 29 % de la population japonaise a 65 ans ou plus (2023), ce qui est l'une des proportions les plus élevées au monde, et a l'une des espérances de vie les plus longues au monde) et même décroît (la population pourrait chuter à environ 100 millions, selon certaines estimations en 2050). Moins de 3 % de la population totale est étrangère, ce qui est très faible par rapport à d'autres pays industrialisés. Par ailleurs, ce pays, dépourvu de pétrole, dépend pour ses approvisionnements d'un monde extérieur de plus en plus mal contrôlé par les ex-vainqueurs américains (le Japon importe une grande partie de son énergie, notamment depuis la réduction de l’énergie nucléaire après la catastrophe de Fukushima en 2011).Il a un besoin vital d'exporter ses produits manufacturés. L'enthousiasme pour la modernité avait résisté à Hiroshima, il semble diminuer à présent ..
Le Japon a connu une croissance significative du tourisme international ces dernières années. En 2024, le pays a accueilli un nombre record de 36,9 millions de visiteurs étrangers, surpassant le précédent record de 31,9 millions établi en 2019 (7 millions de Sud-Coréens, 4,2 de Taïwanais, 2,4 millions de Chinois, 2,1 venant de Hong Kong, 2 millions des Etats-Unis). Concernant le tourisme intérieur, une étude de 2021 estimait que 40 millions de Japonais avaient voyagé à l'intérieur du pays pour des séjours d'une nuit ou plus durant l'été. Quelles sont les destinations emblématiques, à vrai dire toujours les mêmes, Tokyo et ses quartiers emblématiques (Shibuya, Asakusa), Kyoto, le Mont Fuji, Hiroshima, Osaka, et Nara, qui abrite le grand Bouddha du temple Tōdai-ji. Et en juin 2024, le nombre de voyageurs japonais à l'étranger a atteint 930 000, soit environ 60 % du niveau de juin 2019.
Le terme "Cool Japan" est apparu dans un article de Douglas McGray intitulé "Japan’s Gross National Cool", publié en 2002 dans la revue Foreign Policy. L'article mettait en lumière la manière dont la culture japonaise, notamment à travers le manga, l’anime, la mode et les jeux vidéo, s'était imposée comme "soft power" dans le monde. Le gouvernement japonais en a fait une stratégie culturelle et économique pour promouvoir la culture populaire et traditionnelle du Japon sur la scène internationale ....
Une nation de grands lecteurs pour une littérature qui peut revendiquer des origines extrêmement anciennes, datant de plus de 1 300 ans : et bien qu’elle ne domine pas en volume de traductions, l'influence de la littérature japonaise dépasse les frontières de l'écrit, imprégnant les arts et les philosophies mondiales. "Mono no aware", la beauté éphémère des choses, "Wabi-sabi", l’appréciation de la simplicité et de l’imperfection, une esthétique d'inspiration unique au monde ...
Le Japon a un taux d’alphabétisation proche de 100 %, ce qui contribue à une culture de la lecture profonde et les Japonais figurent parmi les plus grands consommateurs de livres au monde. Les Japonais sont comparables aux Allemands ou aux Nordiques en termes d’achat de livres par habitant. Les grandes chaînes comme Kinokuniya et Tsutaya sont des institutions majeures. Le Japon possède l'un des taux de lecture de journaux les plus élevés au monde, bien que cette tendance ait diminué avec l'avènement du numérique. Environ 1 milliard de livres et 600 millions de mangas sont publiés chaque année, une demande massive qui stimule la création littéraire, avec de nombreux écrivains, illustrateurs et scénaristes. Le marché américain, en termes de volume global, est comparable à celui du Japon.
Cependant, les auteurs américains se concentrent davantage sur les romans traditionnels, la non-fiction, et la littérature commerciale, tandis que le Japon excelle dans des formats comme le manga et les light novels ..
"Le Dit du Genji" (The Tale of Genji) – Murasaki Shikibu
Considéré comme le premier roman de l’histoire mondiale, ce chef-d’œuvre offre un aperçu de la cour impériale de Heian. Écrit au XIe siècle, ce portrait exquis de la vie courtoise du Japon médiéval est largement célébré comme le premier roman au monde. Genji, le Prince Brillant, est le fils d’un empereur. C’est un personnage passionné dont la nature tempétueuse, les circonstances familiales, les liaisons amoureuses, les alliances et les fortunes politiques changeantes forment le cœur de cette magnifique épopée. La traduction de Royall Tyler est détaillée, poétique et superbement fidèle à l’original japonais tout en permettant au lecteur moderne de l’apprécier comme un trésor contemporain. Complétée par des notes détaillées, des glossaires, des listes de personnages et des chronologies pour aider le lecteur à naviguer dans le récit multigénérationnel, une édition complète ...
"Essais dans l’oisiveté", "Essays in Idleness" (Tsurezuregusa), Yoshida Kenkō
Un recueil de réflexions philosophiques du XIVᵉ siècle sur la beauté éphémère et la nature humaine. Yoshida Kenkō (vers 1283 – vers 1350) est un érudit et poète de la cour, devenu moine bouddhiste après avoir abandonné ses fonctions officielles. Il appartient à la tradition du "reclus" (inja), ces intellectuels qui se retirent du monde pour méditer sur la vie : "Kamo no Chōmei avant lui" (Notes de ma cabane de moine). Son œuvre majeure, "Les Notes de Chevet" (Tsurezuregusa), rédigées vers 1330-1332 aborde en 243 courts essais divers sujets tels que la beauté éphémère des choses (wabi-sabi) l’impermanence de la vie (mujō), la critique des comportements humains, notamment des élites de l’époque, l’éloge de la solitude et de la contemplation, et des conseils sur l’étiquette, l’amitié et la vie intellectuelle. Si l’on bâtit un palais, on le veut parfait, nous dit-il. Pourtant, une demeure inachevée a plus de charme. Une structure finie, symétrique, ne laisse place à aucun rêve. C’est lorsque le toit n’est pas encore posé, que l’on voit le bois brut et que l’on imagine ce qui reste à venir, que l’esprit trouve sa plus grande satisfaction...
"Japan: A Short Cultural History", G.B. Sansom (1943)
George Bailey Sansom (1883-1965), diplomate britannique et l’un des historiens les plus influents du Japon au XXᵉ siècle: il a joué en son temps un rôle clé dans la compréhension occidentale de l’histoire et de la culture japonaises à une époque où le Japon était encore peu étudié en Occident. Après la Seconde Guerre mondiale, il est devenu professeur à l’université Columbia (New York) et a écrit plusieurs ouvrages de référence qui ont structuré toute la compréhension occidentale du Japon, quand bien même depuis les années 1980, les historiens japonais et occidentaux ont nuancé ses analyses avec de nouvelles recherches.
Sa lecture reste incontournable : "A History of Japan" (3 volumes, 1958-1963), l’un des premiers ouvrages détaillés en anglais sur l’histoire du Japon; "The Western World and Japan" (1950), analyse des relations entre le Japon et l’Occident, de la première rencontre avec les Portugais au XVIᵉ siècle jusqu’au XXᵉ siècle. Comment le Japon a réagi aux influences occidentales et s’est modernisé.
"Japan and the Japanese" (1977), Edwin O. Reischauer
Edwin O. Reischauer (1910-1990) fut l’un des plus grands spécialistes du Japon aux États-Unis, combinant une carrière académique et diplomatique (de 1961 à 1966, il est ambassadeur des États-Unis au Japon, sous la présidence de John F. Kennedy) qui a marqué les relations entre le Japon et les États-Unis au XXᵉ siècle. Il naît à Tokyo, dans une famille de missionnaires américains installés au Japon, et son enfance bilingue lui donna une compréhension intime du pays et de sa culture. "Japan: The Story of a Nation" (1970), qui donne un aperçu global de l’histoire du Japon, de ses origines à l’époque contemporaine, fut l’un des livres les plus utilisés dans l’enseignement de l’histoire du Japon aux États-Unis. "The Japanese" (1977), qui analyse la société, la culture et les valeurs japonaises, fut de même l'un des premiers livres à présenter le Japon d’après-guerre sous un angle sociologique et non seulement historique. Contrairement à d’autres historiens occidentaux qui considéraient le Japon comme un rival ou un pays vaincu, Reischauer verra en lui un allié stratégique et contribuera ainsi à aider les Américains à comprendre les subtilités culturelles et politiques du Japon...
Parmi les meilleurs livres sur la reconstruction du Japon après la Seconde Guerre mondiale et l’occupation américaine (1945-1952), "Embracing Defeat: Japan in the Wake of World War II", de John W. Dower (1999), prix Pulitzer et National Book Award, classique de l’histoire moderne du Japon, s’appuie sur des sources japonaises et américaines et sait offrir une vision équilibrée de cette période. "Postwar Japan as History", d'Andrew Gordon (1993), donne une vision globale et académique sur le Japon d’après 1945 jusqu’à la fin du XXᵉ siècle. "The American Occupation of Japan: The Origins of the Cold War in Asia", de Michael Schaller (1985), nous explique comment l’occupation américaine a transformé le Japon en un allié clé des États-Unis face à l’Union soviétique et à la Chine communiste. "After Empire: The Birth of a Multipolar World", de Yoshikazu Sakamoto (1997, en japonais, traduit en anglais), porte le point de vue japonais et met en lumière les réactions et adaptations des Japonais face aux réformes imposées. "Japan's Postwar History", de Gary D. Allinson (1997), est un excellent livre d’introduction pour ceux qui découvrent le sujet.
"In Praise of Shadows " (In’ei Raisan), Jun'ichirō Tanizaki (1933)
Tenu pour un texte fondamental pour comprendre l’esthétique et la philosophie du Japon, "L’éloge de l’ombre", de l'écrivain Jun'ichirō Tanizaki (1886-1965), soutient l’idée que la beauté japonaise repose sur les ombres, les nuances et la subtilité, tandis que l’Occident valorise la lumière, la clarté et le brillant : et de fait tend à uniformiser le monde et à faire disparaître la subtilité des jeux d’ombre et de lumière propres à la culture japonaise. L’essai est une méditation subjective, mêlant souvenirs personnels, observations culturelles et comparaisons avec l’Occident.
Parvenu au seuil de la vieillesse, le romancier, qui jusque-là professait une admiration quelque peu sophistiquée et volontiers provocante pour les techniques littéraires occidentales, s'est rendu compte peu à peu de tout ce qu'il doit au fond à la culture ancienne de son propre pays. Il se livre donc ici à une analyse systématique des principes de
l'esthétique japonaise classique, analyse très personnelle, qui frappe et séduit par ses aperçus originaux et percutants, volontiers paradoxaux, mais presque toujours convaincants. Au fil de son écriture, l'auteur découvre lentement les raisons pour lesquelles lui-même, jusque dans ses œuvres qu'il croyait les plus éloignées de la tradition, a toujours cherché à estomper les angles trop vifs, à jeter une ombre tamisée sur les scènes trop colorées.
Partant de réflexions d'apparence banales sur les difficultés qu'il a éprouvées à marier, dans une maison qu'il vient de faire construire, les éléments du confort moderne (éclairage, chauffage, appareillage sanitaire) aux matériaux et aux proportions de l'architecture nationale, il en vient à rechercher les raisons d'être de certaines dispositions ancestrales. De là il passera à l'examen systématique des accessoires de la vie courante, des matières dont ils sont faits : bois, laques, céramiques, métaux, papiers. Puis il compare l'usage que les Occidentaux ont pu faire des mêmes matières, comparaison dont il retire une première constatation : si l'Occidental recherche le brillant, l'éclat, la netteté, le Japonais (et le Chinois souvent aussi) préfère les reflets adoucis ..
Les maisons japonaises traditionnelles sont construites avec des bois sombres et des toits bas, et créent des intérieurs tamisés où la lumière pénètre doucement. Contrairement aux maisons occidentales modernes, qui privilégient de grandes fenêtres et l’éclairage artificiel, les maisons japonaises jouent sur les ombres et la pénombre pour créer une atmosphère intime et apaisante. Tanizaki loue la beauté des objets patinés par le temps, comme les bols en céramique utilisés dans la cérémonie du thé, des objets faits pour être observés sous une lumière tamisée, révélant leurs imperfections subtiles. Quant aux paravents en papier de riz, ils laissent passer une lumière douce et diffuse, créant des jeux d’ombres subtils. Contrairement aux fenêtres en verre occidentales, qui offrent une lumière directe et crue. Tanizaki nous explique combien les plats japonais prennent une autre dimension lorsqu’ils sont dégustés sous un éclairage tamisé. Des aménagements intérieurs de la maison, des règles traditionnelles, de sa décoration, on en arrive aux habitants, ou plutôt aux habitantes, et l'éloge de l'ombre fait alors place à un développement éblouissant sur l' "esthétique de la femme japonaise". Dans l’ancienne esthétique japonaise, la beauté féminine était mise en valeur par des jeux d’ombre (ex. un teint poudré, des lèvres rouges qui se détachent dans la pénombre). Il critique l’influence occidentale qui impose une beauté artificielle et lumineuse, effaçant la délicatesse de l’ombre.
"Pour tout dire, mon intention en écrivant ceci était de poser la question de savoir si, dans tel ou tel domaine, par exemple dans les lettres ou les arts, il ne subsistait pas quelque moyen de réparer les dégâts. Pour moi, j'aimerais tenter de faire revivre, au moins dans le domaine littéraire, cet univers d'ombre que nous sommes en train de dissiper. J'aimerais élargir l'auvent de cet édifice qu'est mon œuvre littéraire, en obscurcir les murs, plonger dans l'ombre ce qui est trop visible et le dépouiller de tout ornement superflu. Car il est bon, je crois, qu'il reste ne fût-ce qu'une seule maison de ce genre. Et pour voir ce que cela peut donner, eh bien, je m'en vais éteindre ma lampe électrique."
"The Structure of Iki" (Iki no kōzō, 1930), Kuki Shūzō
Kuki Shūzō (1888-1941), philosophe et esthéticien japonais qui joua un rôle important dans l’introduction de la philosophie occidentale au Japon (Kuki voyagea en France, en Allemagne et en Italie, où il étudie sous la direction des plus grands philosophes de son époque entre 1921 et 1929), tout en développant une pensée proprement japonaise sur l’esthétique et la culture. Kuki Shūzō va définir l’ "iki", une notion esthétique japonaise propre à l’époque d’Edo, comme une forme d'attitude spécifique au Japon et que caractérisent,
- la Séduction subtile, incarné par les geishas d’Edo, qui maîtrisaient l’art de suggérer sans jamais être vulgaires,
- la Résignation élégante, une acceptation de l’éphémère et de l’imperfection, proche du wabi-sabi, non pas un bonheur ostentatoire, mais élégance teintée de mélancolie et de détachement.
- l'Équilibre entre raffinement et simplicité, un raffinement discret, qui se manifeste dans la posture, les vêtements, le langage et l’attitude, loin de l’excès et du luxe, comme de la pauvreté volontaire.
"Lost Japan" est le premier livre écrit par un étranger (Alex Kerr, 1993) à remporter le Prix Shincho Gakugei, une récompense littéraire japonaise prestigieuse. Le titre fait référence à la perte progressive des éléments traditionnels du Japon face à l’urbanisation et à la modernisation. Décrivant sa fascination pour la culture traditionnelle japonaise, notamment l’architecture en bois, les arts comme la calligraphie et le théâtre kabuki, ainsi que la beauté naturelle des paysages japonais, l'auteur conte son expérience personnelle en tant qu'étranger immergé dans ces traditions : et déplore la destruction de paysages naturels, de bâtiments historiques, et la standardisation de la culture japonaise.
Quelques années plus tard (2001), Alex Kerr critiquera dans "Dogs and Demons" , la modernisation du Japon et son impact destructeur sur le paysage, la culture et l’économie. Contrairement à l’image idéalisée du Japon ultra-moderne et raffiné, il décrit une réalité marquée par la bureaucratie excessive, le bétonnage des rivières et montagnes, la pollution visuelle et l’endettement public massif. Le titre, nous dit-il, "Dogs and Demons", vient d’une anecdote chinoise : lorsque l’Empereur demandait une peinture de chien, les artistes créaient quelque chose de beau et fidèle. Mais si l’Empereur demandait une peinture de démon, les artistes laissaient libre cours à leur imagination. Kerr applique cette idée au Japon : les Japonais excellent dans la reproduction fidèle des modèles étrangers (les "chiens"), mais échouent souvent à innover ou à résoudre des problèmes systémiques (les "démons"). Destruction environnementale et bétonnage du Japon (60% de ses côtes), construction inutile d’infrastructures, souvent motivée par la corruption et le clientélisme, culture traditionnelle est souvent transformée en produit touristique artificiel ...
"Hidden Japan: An Astonishing World of Thatched Villages, Ancient Shrines and Primeval Forests", Alex Kerr (2023)
Alex Kerr nous conte avec une nostalgie critique le déclin des paysages traditionnels du Japon, son pays d’adoption depuis de nombreuses années. D’abord publié en japonais comme un appel à préserver des trésors culturels menacés tant par le tourisme que par les politiques gouvernementales. Et des voyages effectués entre 2017 et 2019 à travers dix régions méconnues du Japon, telles que la péninsule de Noto, l'île d'Amami-Oshima et les villages de Yazu et Chizu dans la préfecture de Tottori. Il y explore des aspects variés de la culture japonaise, notamment l'architecture traditionnelle, la danse Butoh, la distillation du shochu à partir de fougères tropicales sur l'île d'Aogashima, et la cuisine kaiseki rurale...
"Dans mon livre Dogs and Demons (2001), j'avais prédit que les campagnes japonaises, ravagées par des travaux publics mal planifiés et jonchées de béton et d'enseignes criardes, auraient un effet néfaste sur les voyageurs étrangers, qui seraient repoussés par la laideur de ce qu'ils verraient. J'avais tout faux. Les visiteurs étrangers n'ont pratiquement rien remarqué. C'est parce que les visiteurs du Japon viennent à la recherche de beauté et se concentrent naturellement sur ce qui est beau. Et ils n'ont aucun moyen de savoir à quel point les changements ont été radicaux. Ce n'est pas le cas des Japonais. Nombreux sont ceux qui ressentent la même tristesse que moi face à ce qui a frappé leur pays. Ils sont à la recherche du beau Japon, de plus en plus difficile à trouver, mais dont ils savent qu'il doit encore exister. Ce livre a été écrit pour eux et a été initialement publié en japonais en décembre 2020 sous le titre Nippon junrei [Pèlerinage au Japon]. Après sa parution, plusieurs amis étrangers m'ont demandé s'il pouvait être traduit en anglais..."
Dans "Pure Invention: How Japan Made the Modern World" (2020), Matt Alt est de ceux qui soutiennent que la "culture" populaire japonaise a transformé le monde moderne, que de Hello Kitty aux jeux vidéo, en passant par l’anime et les gadgets électroniques, elle a façonné la culture mondiale et la manière dont nous vivons aujourd’hui. Il ne s’agit pas d’un simple "soft power" (comme les médias américains), mais d’une véritable révolution culturelle discrète qui a modifié la façon dont nous interagissons avec la technologie et le divertissement. Et contrairement aux stéréotypes, le Japon n’est pas seulement un pays qui copie ou améliore des idées étrangères : il est un créateur d’univers culturels et technologiques uniques qui ont conquis le monde.
Quelques exemples de jouets et gadgets, "Hello Kitty" (1974), symbole du "mignon", qui a influencé toute une esthétique mondiale, le Walkman (Sony, 1979), qui révolutionne la manière dont nous consommons la musique, et précurseur de l’iPod et du streaming, les consoles Nintendo (1980s), qui révolutionnent l’industrie vidéoludique.
Puis les jeux vidéo et l'ère numérique, avec Nintendo et Sega (années 1980-1990), l'exportation massive des jeux vidéo japonais qui dominent l’industrie; Pokémon (1996), exemple d’un phénomène culturel global, unissant des générations autour d’un univers japonais; Second Life et le monde virtuel, un Japon qui anticipé l’ère des "avatars" bien avant Facebook ou le métavers.
Enfin, les animes et mangas, Astro Boy (1963), premier anime marquant, qui influence l’animation mondiale (Pixar, Marvel); Akira (1988), Evangelion (1995), Ghost in the Shell (1995), des œuvres qui vont inspirer Hollywood et la science-fiction contemporaine (Matrix, Inception, Westworld). Et la consommation "otaku", la "customisation de l’identité", un Japon qui anticipe, là encore, le passage d’une culture de masse homogène à une culture ultra-personnalisée, où chacun peut se plonger dans des sous-cultures très spécifiques (anime, jeux, idol culture).
Et les Japonais poursuivent leur évolution en étant les premiers à expérimenter des relations homme-machine sur un plan émotionnel avec les assistants virtuels et les "waifus numériques" (ex : Vocaloid, IA comme Alexa) ...
L'auteur tente de nous expliquer pourquoi et comment le Japon a-t-il pu incarner cette véritable révolution "culturelle" qui s'est si rapidement imposée dans le monde entier, à commencer par l'Occident.
Après la Seconde Guerre mondiale, le Japon a subi une occupation américaine qui lui a imposé un modèle économique et culturel. Face à cette crise identitaire, le pays s'est réinventé en trouvant de nouveaux moyens d’expression et en transformant la technologie en objets du quotidien. Contrairement aux États-Unis, qui dominent par le "hard power" (militaire, économique), le Japon a d'emblée utilisé le "soft power", en exportant ses idées et ses concepts culturels. Et son rapport différent à la technologie, plus émotionnel et fusionnel, se retrouve dans des œuvres comme "Ghost in the Shell" ou "Evangelion", qui interrogent la relation homme-machine.
Dès les années 1980, le Japon avait compris que le XXIe siècle serait centré sur la culture du divertissement et du numérique. Matt Alt nous montre combien le Japon a toujours eu un coup d’avance, inventant des objets et des concepts qui sont devenus la norme mondiale (ex : emoji, streaming, avatars numériques). Pendant le « miracle économique » des années 1970 et 1980, le Japon s’appuyait sur la technologie supérieure de Sony et de Toyota tandis que l’Occident luttait pour rattraper son retard. Puis, l'effondrement boursier catastrophique de 1990 a inauguré ce que les Japonais appellent leurs « décennies perdues ».
La fin de l’expansion économique aurait dû plonger le Japon dans la régression, mais Matt Alt soutient que c’est précisément à ce moment-là que les choses sont devenues intéressantes – lorsque le Japon a de nouveau pris un peu d’avance sur nous. Le Japon s’est enrichi après la Seconde Guerre mondiale en vendant au monde ce dont il avait besoin, sous forme de meilleures voitures, d’appareils électroménagers et de microprocesseurs. Et elle a su de même conquérir les cœurs par une culture pop très créative qui a répondu à la vie moderne de nouvelles façons, une révolution de gadgets s'abattait sur le monde, transformant le Japon en une grande fabrique à fantasmes, et nous transformant aussi au fur et à mesure que nous les consommions : le karaoké fait de chacun une star, emoji a réécrit les règles de la communication, les mondes-jeux virtuels nous ont offert des échappées de la réalité et de nouvelles perspectives.
Matt Alt nous propose ainsi une lecture originale de l’histoire moderne, montrant que le Japon a façonné l’ère numérique bien avant la Silicon Valley, et que l’influence japonaise ne se limite pas aux mangas et animes, mais touche aussi la technologie, la musique, la mode et le divertissement en général. Certains trouveront que le livre minimise le rôle de la culture américaine dans la mondialisation, en attribuant trop de pouvoir au Japon...
"A Brief History of Japan: Samurai, Shogun and Zen: The Extraordinary Story of the Land of the Rising Sun", Jonathan Clements (2017)
Révélé pour la première fois aux Occidentaux dans les chroniques de Marco Polo, le Japon était une terre lointaine légendaire défendue par une terrible tempête kamikaze et gouvernée par un souverain divin. Ultime étape de la route de la soie et extrémité la plus éloignée du monde connu, une source fertile d’inspiration pour les artistes européens et un symbole durable de l’Orient mystérieux. Elle est devenue une puissance de l’industrie mondiale, un nœud de la culture populaire et un signe, peut-être, avant-coureur du déclin post-industriel. Jonathan Clements, spécialiste prolifique de l’histoire et de la culture de l’Asie de l’Est maîtrisant le mandarin et le japonais, sait mêler les styles documentaire et narratif pour relier le passé, le présent et le futur du Japon, et révéler un pays de paradoxes : une nation moderne imprégnée de traditions anciennes; une démocratie avec un empereur à la tête de l’État; une société sécurisée construite sur plus d'une centaine de volcans et reposant sur la zone sismique la plus active du monde; un pays au rythme rapide, urbain et technologiquement avancé dont le territoire est constitué principalement de montagnes et de forêts....
"Japan: A Short History", Mikiso Hane (2013)
En 1998, le Japon était le huitième pays le plus peuplé du monde. Plus de 126,4 millions de personnes sont entassées sur une superficie équivalente à celle de l'État du Montana. Les îles qui constituent la nation sont montagneuses et seulement un peu plus de treize pour cent des terres sont arables. Bien que le pays soit pauvre en ressources naturelles, il est le deuxième pays industriel le plus productif au monde. Jusqu'au dix-neuvième siècle, le pays était une nation insulaire pratiquement isolée du reste du monde, bien qu'il ait historiquement entretenu des liens culturels étroits avec la Corée et la Chine. Sa vie politique, sociale et économique a été modelée essentiellement par des facteurs et des développements internes.... Une synthèse accessible qui couvre l’histoire japonaise de manière concise et bien documentée. Pour une analyse approfondie faut-il compléter avec des ouvrages plus spécialisés, "A Modern History of Japan" d’Andrew Gordon ou "The Making of Modern Japan" de Marius B. Jansen ...
"The Chrysanthemum and the Sword", Ruth Benedict (1946)
Une étude classique sur la psychologie sociale japonaise réalisée pendant la Seconde Guerre mondiale et commandée par le gouvernement américain pendant pour comprendre la culture japonaise et anticiper la reconstruction du pays après la guerre. Certaines analyses sont discutées aujourd’hui, mais cela reste une référence. Le livre cherche à expliquer les structures culturelles et psychologiques de la société japonaise, en mettant en avant une dichotomie symbolique entre "le chrysanthème" (kiku), symbole de la beauté, de la tradition, de l'harmonie et du raffinement esthétique (représentant l’Empereur et les arts), et "l’épée" (ken), symbole du militarisme, de l’honneur et du sacrifice (représentant les samouraïs et l’esprit guerrier). L'anthropologue américaine Benedict développe l’idée que ces deux aspects coexistent dans la culture japonaise, créant une société à la fois extrêmement disciplinée et attachée aux valeurs esthétiques et morales. Elle oppose le Japon aux sociétés occidentales, qu’elle considère comme fondées sur une morale de la culpabilité (basée sur un code moral interne et la conscience individuelle). En revanche, le Japon fonctionnerait sur une morale de la honte, où le comportement est régulé par la peur du regard des autres et la pression sociale...
"Japan in 100 Words: From Anime to Zen: Discover the Essential Elements of Japan", Ornella Civardi et Gavin Blair (2021) - "Japan from Anime to Zen: Quick Takes on Culture, Art, History, Food . . . and More", David Watts Barton (2021)
"Japan in 100 Words" propose une exploration concise de la culture japonaise à travers 100 termes emblématiques. Chaque mot sélectionné, qu'il soit familier comme "zen", "kawaii" ou "anime", ou moins connu en Occident, est accompagné d'une explication détaillée et d'illustrations en couleur réalisées par Ayano Otani. Une approche qui permet aux lecteurs de saisir les aspects fondamentaux de la vie et de la culture japonaises. Pour les voyageurs, qu'ils soient réels ou virtuels, "Japan from Anime to Zen" propose des explications concises mais détaillées sur plus de 85 aspects du Japon ancien et moderne. Les sujets abordés vont des geishas aux yakuzas, des haïkus au karaoké, de la déesse du soleil au shogunat, couvrant ainsi 1 500 ans d'histoire et de culture...
"Cool Japan Guide: Fun in the Land of Manga, Lucky Cats and Ramen", Abby Denson (2014)
Un livre illustré qui plonge dans la pop culture japonaise, des mangas aux traditions locales. Voyager au Japon n’a jamais été aussi amusant ! Visitez le pays des anime, mangas, cosplay, sources chaudes et sushis ! Ce guide du Japon, un roman graphique en couleurs, est le premier à explorer la culture japonaise du point de vue d’un dessinateur. Cool Japan Guide vous propose une visite amusante des rues urbaines de Tokyo, des jardins zen paisibles et des sanctuaires shintoïstes de Kyoto. Il vous présente le monde passionnant de la cuisine japonaise, du bento au sushi, et tout ce qui se trouve entre les deux. - la culture otaku (geek) du Japon, avec notamment un marché de mangas à Tokyo où les artistes exposent et vendent leurs œuvres originales. - l’expérience shopping japonaise complète, de combini (pas vos magasins de proximité ordinaires!) à depato (grands magasins avec tout). -les plus grands festivals de manga, anime et cosplay au monde. -beaucoup d’autres endroits intéressants à visiter et de choses à faire – comme des jardins zen, des arts traditionnels japonais et un voyage en train à grande vitesse japonais. Que vous soyez prêt à prendre l’avion pour aller au Japon demain ou que vous soyez intéressé par la culture pop japonaise, Ce livre de voyage amusant et coloré par la célèbre artiste de bandes dessinées et blogueuse culinaire Abby Denson, son mari Matt, son amie Yuuko et sa compagne Kitty Sweet Tooth présentera le Japon d’une manière rès particulière ...
"A Short History of Tokyo (Armchair Traveller)", Jonathan Clements (2020)
Tokyo, qui signifie « la capitale de l’est » en japonais, n’a ce nom et ce statut que depuis 150 ans. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, la ville qui est aujourd’hui Tokyo était une vaste ville de pêcheurs située dans la baie et appelée Edo. Plus tôt, au Moyen Âge, c’était Edojuku, un avant-poste dominant les terres agricoles. Et il y a des milliers d’années, ses vasières et marais abritaient les éléphants, les cerfs et la vie marine. Dans cette histoire compacte, Jonathan Clements retrace l’histoire fascinante de Tokyo depuis les premiers défrichages et les guerres des samouraïs jusqu’au monde hédoniste « flottant » des dernières années du shogunat. Il illumine le Tokyo du XXe siècle avec sa destruction et son redéveloppement, son essor et son déclin sans renoncer aux mille ans d’histoire qui ont conduit à la capitale orientale telle que nous la connaissons. Tokyo est tellement mêlée à l’histoire du Japon qu’il peut être difficile de les séparer, et A Short History of Tokyo raconte l’histoire de la ville elle-même et donne un aperçu de la position de Tokyo au carrefour du pouvoir et des gens qui ont fait de cette ville une ville cruciale pour les événements de tout le pays.
"Japanese Social Organization" (1990), de Takie Sugiyama Lebra, nous décrit une société japonaise construite selon un délicat équilibre délicat entre interdépendance et hiérarchie, harmonie et conformité. Un système qui permet une stabilité sociale remarquable, mais génère également des tensions, notamment dans un Japon contemporain marqué par des transformations sociales rapides.
Takie Sugiyama Lebra (1930–2017) était une anthropologue japonaise renommée, spécialisée dans la société et la culture japonaises. Ses recherches ont principalement portées sur les notions de hiérarchie, d’interdépendance et d’harmonie, bases des relations sociales au Japon. Des concepts tels que "Amae" (dépendance émotionnelle), "Giri" (obligation sociale), "Wa" (harmonie sociale), et une dichotomie entre honne (vraies intentions) et tatemae (façade sociale), sont essentiels pour comprendre les interactions sociales au Japon. "Japanese Patterns of Behavior" (1976) est un classique des comportements sociaux japonais à travers les concepts culturels et psychologiques. "Above the Clouds: Status Culture of the Modern Japanese Nobility" (1995) montre comment des anciennes familles nobles japonaises maintiennent leur statut et leur identité dans le Japon moderne...
La société japonaise, nous dit-elle, est fortement structurée autour de relations hiérarchiques, que ce soit dans la famille, au travail ou dans les communautés. La hiérarchie n'est pas perçue comme oppressive mais comme un moyen d'assurer l'ordre et la stabilité sociale. Le concept de amae (dépendance émotionnelle) gère l'interdépendance entre individus et décrit un sentiment de confort et de sécurité dans les relations où chacun joue un rôle attendu. Les individus se définissent en grande partie par leur appartenance à des groupes, qu'ils soient familiaux, professionnels ou communautaires et le groupisme (shūdan ishiki) valorise la coopération et l'harmonie collective au détriment de l'individualisme.
Les relations japonaises sont souvent décrites comme "contextuelles", c'est-à-dire qu'elles sont influencées par la situation sociale et les rôles des participants. Le concept de tatemae (façade sociale) et honne (vraie intention) illustre cette dichotomie. La famille japonaise traditionnelle (ie) est une unité patrilinéaire centrée sur la continuité générationnelle. Le chef de famille, souvent l’aîné masculin, détient l’autorité. Les rôles familiaux sont bien définis : les hommes comme soutiens financiers et les femmes comme responsables du foyer et de l’éducation des enfants. Dans cette continuité, les entreprises japonaises fonctionnent comme des micro-sociétés où la loyauté et l’engagement envers l’employeur sont valorisés. Les relations de travail reposent sur un système de séniorité et sur des obligations réciproques entre employeurs et employés. C'est très fondamentalement que la société japonaise préfère éviter les conflits ouverts. Et les mécanismes de résolution incluent la médiation, les compromis et l'accent sur l'harmonie (wa)....
Dans "Japan: The Paradox of Harmony" (2014), Keiko Hirata et Mark Warschauer seront plus nuancés quant au fameux concept d'harmonie : à la suite d’une défaite écrasante lors de la Seconde Guerre mondiale, le Japon s’est certes relevé pour devenir un modèle de modernité et de succès, et depuis des décennies le premier géant économique d’Asie. Pourtant, elle demeure une nation paralysée par des rôles sexistes rigides, des politiques protectionnistes et un système d’entreprise défensif et inflexible qui a contribué à la stagnation politique et économique. La cohésion sociale unique qui a permis au Japon de faire face à l’adversité et de se développer rapidement a également encouragé l’isolationnisme, engendré une bureaucratie arrogante et inflexible, et empêché le pays de s’attaquer aux problèmes difficiles. Sa culture du travail acharné – en fait, de la surmenage – est légendaire, mais une population en déclin et des restrictions sur les possibilités menacent l’avenir de la nation ...
"A Beginner’s Guide to Japanese Haiku: Major Works by Japan’s Best-Loved Poets – From Basho and Issa to Ryokan and Santoka, with Works by Six Women Poets", William Scott Wilson (2023).
Compilé et commenté par l'auteur et traducteur William Scott Wilson, le livre présente 26 poètes et 550 haïkus, traduits en anglais, un voyage à travers les œuvres des grands poètes japonais du XVe siècle à nos jours, dont Basho, Shiki, Buson et Issa (les « Quatre grands »), ainsi que d’autres artistes connus du genre comme Ryokan, Kikaku et Chora. Wilson donne ses propres nouvelles interprétations de poèmes qui sont déjà connus comme des classiques, et partage également un certain nombre de poètes qui se trouvent rarement dans la traduction anglaise, tels que six poètes féminines dont Chiyojo et Hisajo, ainsi que la romancière Natsume Soseki, qui, à l’insu de beaucoup, a également écrit des haïkus.Le livre est divisé en sections, chacune commençant par une introduction de 2-4 pages pour chaque poète, suivie d’une sélection de ses haïkus, en écriture japonaise et traduction anglaise.
Matsuyama, sur l'île de Shikoku, qui possède l'un des plus beaux châteaux du Japon (construit en 1603, il est l’un des douze châteaux originaux du Japon) est considérée comme la "capitale du haïku": elle est en effet le berceau de Masaoka Shiki (1867-1902), un réformateur majeur du haïku moderne. Matsuyama célèbre cette tradition avec des boîtes à haïku disséminées dans la ville, y compris dans les tramways, au château de Matsuyama et près du Dōgo Onsen, l'une des plus anciennes sources chaudes du Japon. Les visiteurs sont encouragés à composer et à déposer leurs propres haïkus, contribuant ainsi à perpétuer cette tradition poétique. A Tokyo, le Musée Bashô, situé dans l'arrondissement de Kōtō, est dédié à Matsuo Bashô (1644-1694), l'un des maîtres du haïku. Celui-ci l’a élevé au rang d’art indépendant, combinant observation de la naturen, wabi-sabi (esthétisme de la simplicité et de l’impermanence) et spiritualité zen. "Furu ike ya" (Vieille mare) / "Kawazu tobikomu" (Saut de grenouille) / Mizu no oto (Bruit de l’eau), un instant de vie fugace. Mélange de haïku et de prose (haibun), "Oku no Hosomichi" (La Sente étroite du bout du monde, 1689) est un journal poétique dans lequel le poète nomade raconte son périple de 2 400 km à travers le Japon du Nord...
"Ryōma ga Yuku", Ryōtarō Shiba
Ryōtarō Shiba (1923-1996), spécialisé dans le roman historique, a profondément influencé la manière dont les Japonais perçoivent leur propre histoire. Ses romans dépeignent les grandes figures historiques du Japon sous un angle nuancé et accessible, loin des clichés héroïques. "Ryōma ga Yuku" (1962-1966) retrace la vie de Sakamoto Ryōma, un samouraï réformiste du XIXᵉ siècle, qui a joué un rôle clé dans la chute du shogunat Tokugawa et la modernisation du Japon. "Saka no Ue no Kumo" (1969-1972) suit trois figures clés de l’ère Meiji, dont le général Akiyama Yoshifuru, qui ont contribué à transformer le Japon en une puissance moderne. Il met particulièrement en lumière la guerre russo-japonaise (1904-1905) et son impact sur la montée du Japon sur la scène mondiale. "Kūkai no Fūkei" (1975), biographie romancée de Kūkai, le moine bouddhiste fondateur du bouddhisme Shingon au IXᵉ siècle, est considéré comme l’un des meilleurs romans sur la spiritualité japonaise.
"Bushidō: The Soul of Japan", Inazō Nitobe (1899)
Né dans une famille de samouraïs de la région de Morioka, dans le nord du Japon et grandissant dans un Japon en pleine transformation, après la fin du shogunat Tokugawa et l’entrée dans l’ère Meiji (1868), Inazō Nitobe (1862-1933), intellectuel, éducateur, économiste et diplomate japonais, se fit connaître pour son rôle dans la diffusion de la culture japonaise en Occident et pour son ouvrage "Bushidō : L’âme du Japon", qui a introduit le concept du bushidō (voie du guerrier). Lorsqu’il était aux États-Unis, Nitobe se rendra compte que les Occidentaux comprennent mal la culture japonaise. Aussi entend-il leur montrer que le Japon a ses propres traditions morales et philosophiques, comparables au christianisme et à la chevalerie occidentale et écrit un livre, directement en anglais, destiné aux lecteurs étrangers.
Le bushidō est une éthique morale qui guide les Japonais, influençant non seulement les samouraïs mais aussi l’ensemble de la société japonaise. Ses piliers? La droiture (honnêteté et justice), le courage (de la loyauté envers une cause juste), la bienveillance (la générosité et l'humanité), le respect (politesse et étiquette), l’honnêteté et la sincérité (ne jamais mentir), l’honneur (la fierté de maintenir une réputation irréprochable), le devoir et la loyauté (fidélité absolue envers son seigneur ou son engagement moral). Au Japon, l’ouvrage fut perçu comme ayant trop occidentalisé le concept du bushidō, alors que l'Occident se surprit à penser enfin comprendre la mentalité japonaise...
La région de Kansai (Kyoto, Nara, Osaka) est le berceau des traditions samouraïs et du bushidō, une tradition qui irradie dans nombre de régions. Kyoto fut en effet la capitale impériale pendant plus de 1 000 ans (794-1868) et a vu naître de nombreuses écoles de bushidō. Nara et Osaka ont également été des centres politiques et militaires cruciaux. Parmi les sites emblématiques, le Château de Nijo (Kyoto, ancienne résidence du shogun Tokugawa), Ryoanji et Nanzenji, deux temples liés à la philosophie zen des samouraïs ...
Eiji Yoshikawa est l’un des écrivains japonais les plus célèbres du XXᵉ siècle, connu pour ses romans historiques inspirés des figures légendaires du Japon. "La Pierre et le Sabre" (Musashi, 1935-1939), l’un des romans les plus célèbres du Japon et traduit en plusieurs langues, raconte Miyamoto Musashi, le plus grand samouraï du Japon, depuis son adolescence de guerrier impulsif jusqu’à sa transformation en maître de l’épée et de la philosophie du bushidō, Il retrace ses duels légendaires, ses rencontres avec des figures historiques et sa quête spirituelle. Il a inspiré des films, mangas et jeux vidéo (Vagabond, Sekiro). -
"Taiko" (1941-1957) conte la vie de Toyotomi Hideyoshi, le stratège qui a unifié le Japon après l’ère des guerres civiles (Sengoku), son ascension, de simple soldat à seigneur tout-puissant, face à ses rivaux, Oda Nobunaga et Tokugawa Ieyasu. Considéré comme un chef-d’œuvre qui montre la politique, la guerre et la psychologie des grands dirigeants japonais, et donne une vision complète de la période Sengoku, un moment clé de l’histoire du Japon.
"Shin Heike Monogatari" (1950-1957) procède à une réécriture du Heike Monogatari, qui raconte la chute du clan Taira face aux Minamoto au XIIᵉ siècle, au centre de l'histoire, Taira no Kiyomori, un personnage puissant et ambigu : un classique de la littérature japonaise revisité qui met en lumière les tensions entre samouraïs, aristocrates et bouddhisme à cette époque.
Dans la région de Kantō (Tokyo, Kamakura), l’ère des shoguns et la domination des Tokugawa est plus spécifiquement à évoquer. Tokyo (anciennement Edo) fut la capitale du shogunat Tokugawa (1603-1868), et Kamakura, le centre du premier shogunat japonais (1192-1333). Les sites emblématiques : le Château d’Edo (Tokyo), siège du pouvoir des Tokugawa, le sanctuaire Tsurugaoka Hachiman-gū (Kamakura), sanctuaire shintoïste lié aux samouraïs Minamoto, et Engaku-ji et Kenchō-ji (Kamakura), deux temples zen influents pour la pensée samouraï.
La région de Tōhoku (Aizu-Wakamatsu, Sendai) correspond à celle du dernier bastion des samouraïs. Aizu-Wakamatsu est célèbre pour son rôle dans la dernière résistance des samouraïs lors de la guerre de Boshin (1868-1869). Sendai était le fief du clan Date, l’un des plus puissants clans samouraïs du Japon (Château de Tsuruga (Aizu-Wakamatsu), la forteresse du clan Aizu, Byakkotai Memorial (Aizu-Wakamatsu), qui commémore le suicide par loyauté de jeunes samouraïs, Zuihoden Mausoleum (Sendai),le tombeau de Date Masamune, un des daimyōs les plus célèbres du Japon)
Dans la région de Chūgoku (Hiroshima, Okayama, Hagi), on pénètrera dans les fiefs du clan Mōri, puissant seigneur de guerre, avec mes châteaux de Hiroshima et de Hagi.
Dans le Kyūshū (Kumamoto, Kagoshima), la terre des derniers samouraïs rebelles, Kagoshima était le fief du clan Satsuma, l’un des plus influents du Japon féodal.
C’est ici qu’a eu lieu la révolte de Satsuma (1877) menée par Saigō Takamori, souvent considéré comme "le dernier samouraï" (le mausolée de Saigō Takamori (Kagoshima), tombe du légendaire "dernier samouraï"...
"A Brief History of the Samurai" (2010), de Jonathan Clements, est un des meilleurs livres d’introduction sur les samouraïs pour le grand public. ..