PAYSAGES - EAST ASIA - JAPAN - EastAsia - Japan - Île de Honshū, la plus grande île et cœur du Japon , Chūbu (Nagoya, Niigata, Kanazawa), Kansai / Kinki (Osaka), Kyoto, Kobe, Nara), Tōhoku (Sendai, Aomori, Akita) - Île de Hokkaidō, la grande île du nord (Sapporo) - Île de Kyūshū, berceau de la civilisation japonaise (Fukuoka, Kumamoto, Nagasaki, Kagoshima) - Île de Shikoku, la plus petite des quatre grandes îles (Takamatsu, Tokushima,Matsuyama, Kōchi) - Îles de l’archipel Nansei, Okinawa et les îles du sud (Naha) - ...


Inazō Nitobe, "Bushidō: The Soul of Japan", Inazō Nitobe  (1899) - Okakura Kakuzō, "Le Livre du thé" (The Book of Tea, 1906) - Natsume Sōseki, "Kokoro" (1914) - Kenji Miyazawa, "Ginga Tetsudō no Yoru" (La Nuit du train de la Voie lactée, Night of the Milky Way Railway, 1927) - Jun'ichirō Tanizaki , "Tade kuu mushi" (Some Prefer Nettles, Le Goût des orties, 1928-1929) - Eiji Yoshikawa, "La Pierre et le Sabre" (Musashi, 1935-1939) - Shinobu Orikuchi, "Shisha no Sho" (Le Livre des morts, The book of the dead, 1943) - Yasunari Kawabata, "Yukiguni" (Pays de neige, Snow Country, 1948) - Seichō Matsumoto, "Ten to Sen" (Points and Lines, 1958) - Akiyuki Nosaka, "Hotaru no Haka" (Grave of the Fireflies, La tombe des lucioles, 1967) - Ayako Miura (1922-1999), "Hyōten" (Freezing Point, Point de congélation, 1964) - Masuji Ibuse, "Black Rain" (Kuroi Ame, 1965) - Shun Medoruma, "Droplets" (Suiteki, 1997) - Keigo Higashino, "Journey Under the Midnight Sun" (Byakuyakō, 1999), The Devotion of Suspect X" (2005) - Murakami Ryū,  "Almost Transparent Blue" (1976), "Kyōseichū" (Parasites, 2000) - Mieko Kawakami, "Chichi to Ran" (Breasts and Eggs, 2008, 2019) - Yōko Ogawa, "The Housekeeper and the Professor " (Hakase no Aishita Sūshiki, 2003) - Naoki Hyakuta, "Eien no Zero (Zéro éternel, 2006) - ..


Le Japon est composé de quatre îles principales et plusieurs îles secondaires, et 8 grandes régions (chihō), qui jouent un rôle géographique et culturel important, bien que leur fonction administrative soit limitée. Ces régions ne sont pas des entités administratives officielles mais sont couramment utilisées pour diviser le pays en grandes zones géographiques.  Le Japon est divisé en 47 préfectures, qui sont des divisions administratives officielles, mais ces préfectures sont souvent regroupées en huit grandes régions ... 

- Honshū est l’île principale, où se trouvent Tokyo, Kyoto et Osaka.

- Hokkaidō est la grande île du Nord, une île froide et peu peuplée, connue pour ses paysages naturels, ses stations de ski et ses villes thermales.

- Kyūshū est située au sud du Japon et a un climat plus chaud.

- Shikoku est la plus petite des quatre grandes îles.

- Les Îles de l’archipel Nansei (Okinawa et les îles du sud) s’étendent entre Kyūshū et Taïwan.


Hokkaidō (北海道) 

Deuxième plus grande île du Japon (22 % de la superficie totale) et région la plus septentrionale du pays font de Hokkaidō une région distincte du reste du pays. Elle est connue pour ses paysages naturels (environ 70 % de l’île est composée de zones naturelles, avec des parcs nationaux comme le parc national Daisetsuzan, le plus grand du Japon), ses hivers rigoureux, ses stations de ski, le mont Asahi, son point culminant à 2 291 mètres, et sa capitale, Sapporo, qui concentre une grande partie de la population et de l’activité économique. Démographie : 5,2 millions d'habitants, soit moins de 5 % de la population nationale. Minoritaires, les Aïnous, les premiers habitants de Hokkaidō, y luttent pour préserver leur culture (animisme) face à la modernisation.

Hokkaidō est le grenier agricole du Japon, produisant une grande partie du lait, du fromage, des pommes de terre, du blé et des légumes du pays. Les eaux riches en poissons et fruits de mer (saumon, crabe, oursins) font de Hokkaidō une des principales régions de pêche du Japon.

Le tourisme est l'une des principales industries de Hokkaidō, attirant des visiteurs pour ses stations de ski (Niseko, Furano), ses festivals (Festival de la neige de Sapporo) et sa nature intacte. Hokkaidō bénéficie souvent de subventions et de politiques spéciales pour encourager son développement économique en raison de son éloignement et de ses conditions climatiques. 


Ayako Miura (1922-1999), écrivaine japonaise originaire d’Asahikawa, sur l’île de Hokkaidō, a grandi dans un environnement marqué par les paysages rigoureux et magnifiques de Hokkaidō, une influence majeure sur son écriture. Elle s’est tournée vers le christianisme après avoir traversé des épreuves personnelles, notamment des problèmes de santé graves, et cette foi a imprégné ses œuvres. Son roman "Hyōten" (Freezing Point, Point de congélation) a remporté en 1964  le prestigieux prix du magazine japonais Asahi Shimbun, ce qui a lancé sa carrière littéraire. Un roman qui débute par une tragédie la mort de la fille biologique de Keikichi, tuée par une femme qui voulait se venger de lui. Rongé par le chagrin, Keikichi décide d’adopter la fille de cette meurtrière, Natsue, et de l’élever comme sa propre fille.Natsue grandit sans connaître la vérité sur son passé, mais des tensions surgissent alors que des secrets sont dévoilés, mettant à l’épreuve la capacité de pardon et la moralité des personnages.

"Shiokari Pass" (1968) est inspiré de la vie réelle de Nagano Masao, un employé de chemin de fer chrétien, dont l'acte héroïque de sacrifice a marqué l'histoire, et les paysages (un col montagneux à Hokkaidō) jouent un rôle symbolique, représentant à la fois les défis de la vie et la beauté transcendante de la création. L’œuvre a été adaptée en film en 1977, renforçant sa popularité au Japon...


Katsuichi Honda (1932), journaliste et écrivain, est connu pour ses reportages audacieux, ses enquêtes approfondies, et ses écrits controversés, notamment sur les crimes de guerre japonais, les droits humains, et les conflits internationaux. Honda a travaillé principalement pour le Asahi Shimbun, l’un des principaux quotidiens japonais. Ses enquêtes et écrits ont souvent cherché à exposer des vérités difficiles, même si elles mettaient en cause le Japon et son histoire. Il est ainsi célèbre pour ses articles et son livre "The Nanjing Massacre: A Japanese Journalist Confronts Japan's National Shame" (Nankin e no Michi, 1971), dans lequel il explore en détail le massacre de Nankin (1937-1938), au cours duquel des soldats japonais ont tué des centaines de milliers de civils chinois. Un travail controversé au Japon, suscitant des critiques nationalistes tout en sensibilisant le public à cet événement historique. Honda a de même couvert des guerres, des conflits et des crises humanitaires à travers le monde, notamment au Vietnam (Betonamu e no Michi, 1972), au Cambodge, et au Moyen-Orient. Il s’est intéressé aux souffrances des populations locales, souvent ignorées par les grandes puissances ou les médias dominants. Ainsi a-t-il écrit sur les discriminations subies par les minorités ethniques et les populations marginalisées, notamment les Aïnous au Japon et d'autres communautés autochtones.

 "Harukor: An Ainu Woman’s Tale" est l’un des ouvrages marquants de Katsuichi Honda, publié en 1993 : le livre s’inspire d’une figure fictive nommée Harukor, une femme Aïnou, à travers laquelle Honda raconte la vie quotidienne et les traditions des Aïnous. L'auteur vise à sensibiliser le public à la richesse de la culture aïnoue, tout en critiquant la façon dont ce peuple a été ignoré par l’histoire officielle du Japon.  La population aïnoue est estimée à environ 20 000 à 25 000 personnes, principalement à Hokkaidō, et descend probablement des populations préhistoriques du Japon, comme les Jōmons, qui habitaient l’archipel bien avant l’arrivée des Yamato. À partir de l’ère Meiji (1868-1912), le gouvernement japonais a colonisé Hokkaidō, imposant une assimilation culturelle aux Aïnous. Ceux-ci croient que la nature est habitée par des esprits (kamuy), comme ceux des animaux, des plantes et des phénomènes naturels.

Le rituel de l’ours (iyomante) est l’un de leurs rites les plus célèbres, une divinité descendue sur Terre, et le rituel consiste à libérer son esprit pour qu’il retourne au royaume divin....


Tōhoku (東北) 

Située au nord de l'île principale, Honshū, la région de Tōhoku (littéralement "Nord-Est") est réputée pour ses montagnes (la chaîne Ōu, qui traverse la région du nord au sud), ses sources chaudes, ses côtes découpées et son agriculture traditionnelle.

Ses préfectures : Aomori, Iwate, Miyagi, Akita, Yamagata, Fukushima. Malgré son éloignement des centres urbains majeurs comme Tokyo, Tōhoku joue un rôle important dans l’identité culturelle et l’économie agricole du Japon. Démographie : 8,8 millions d'habitants (2023), soit environ 7 % de la population japonaise, une faible densité de population comparée aux régions urbaines comme Kantō.

Tōhoku est surnommé le "grenier du Japon" pour sa production de riz, en particulier le riz de haute qualité (koshihikari), ses cultures de fruits (pommes d’Aomori, cerises de Yamagata) et sa production de saké, grâce à l’eau pure et au climat froid. Son tourisme est largement centré sur la nature (lac Towada et gorge d’Oirase, le Mont Zao, la Péninsule de Sanriku), les sources chaudes (onsen, Ginzan Onsen (Yamagata) est l'un des plus pittoresques du Japon), et les festivals traditionnels (Nebuta Matsuri ). 

La région a été gravement touchée par le séisme et le tsunami de mars 2011, entraînant des destructions massives, notamment dans la préfecture de Fukushima. Cela a également influencé la perception et le développement économique de la région.

On y trouve un mélange de shintoïsme et de bouddhisme (Chūson-ji (Iwate), temple bouddhiste célèbre pour son pavillon en or), comme dans le reste du Japon, mais aussi la présence de sanctuaires shintoïstes célèbres comme le sanctuaire Osorezan à Aomori, souvent considéré comme une "porte vers l’au-delà" (one of the gateways to the afterlife) ...

La "porte de l'au-delà" dans la région de Tōhoku est souvent associée au mont Osore (Osorezan signifie littéralement "montagne de la peur" ou "montagne de la terreur"), situé dans la préfecture d’Aomori. Le mont Osore est un volcan actif entouré de paysages désolés 

(l’impermanence (mujo), la désolation du paysage reflète l’idée bouddhiste que la vie est éphémère) et de sources chaudes sulfurées (purification), ses rivières, ses rochers volcaniques et son lac turquoise (le lac Usori) évoquent les descriptions bouddhistes des enfers et du paradis. Selon les légendes, le mont Osore serait l’endroit où les âmes des défunts se rassemblent avant de passer dans l’autre monde. Les rituels au mont Osore sont souvent centrés sur la communication avec les morts, facilitée par des prêtresses appelées itako, qui sont des médiums aveugles, des chamanes traditionnelles qui communiquent avec les esprits des morts, une pratique profondément enracinée dans le folklore de Tōhoku. Lors des festivals, notamment le Festival de la réincarnation (Itako Taisai), elles servent d’intermédiaires pour transmettre les messages des défunts à leurs proches vivants.


"Ginga Tetsudō no Yoru" (La Nuit du train de la Voie lactée, Night of the Milky Way Railway), Kenji Miyazawa (1927).

Kenji Miyazawa (1896-1933), écrivain du nord du Japon (Tohoku), né à Hanamaki, dans la préfecture d'Iwate, une région rurale et montagneuse, homme de science et de littérature, est devenu, bien après sa disparition à 37 ans, une icône de la littérature japonaise. Dans "Train de nuit dans la Voie lactée", un conte philosophique, un garçon nommé Giovanni embarque sur un train magique qui voyage à travers la Voie lactée, accompagné de son ami Campanella, découvre le sens du sacrifice, de l’amour et de la mort. "Gauche le violoncelliste" (Serohiki no Gōshu, 1934, posthume) est une allégorie sur la persévérance, l’art et l’inspiration : Gauche, un jeune musicien maladroit, apprend l’harmonie et la sensibilité à travers la nature et les animaux, et devient un grand violoncelliste en écoutant les leçons de la nature. "Matasaburō le vent" (Kaze no Matasaburō, 1924) est un chef d'oeuvre fantastique qui voit un étrange  garçon étrange arriver dans un village, et les enfants penser qu’il est un esprit du vent : il incarne la nature et son mystère, oscillant entre réalité et légende. Son esthétique mélange science, spiritualité et enfance, influençant des auteurs comme Haruki Murakami et Hayao Miyazaki (Mon voisin Totoro). Ses œuvres ont été adaptées en films, en mangas et en animations. Des nouvelles traduites en français, "Les Fruits Du Gingko" qui mêle le monde des hommes et celui des animaux ou des esprits. Dans la nouvelle "The Restaurant of Many Orders" (1924), les chasseurs deviennent des proies : deux jeunes chasseurs particulièrement arrogants entrent dans une forêt mystérieuse et découvrent un restaurant luxueux mais étrange,"Wildcat House", dans lequel ils entrent fatigués et affamés; le restaurant semble vide, si ce n'est de nombreuses pancartes leur donnant des consignes particulièrement étranges et qu'ils vont suivre jusqu'à se rendre compte que ...


"Shisha no Sho" (Le Livre des morts, The book of the dead), Shinobu Orikuchi (1943)

Shinobu Orikuchi (1887-1953), écrivain, poète, ethnologue et linguiste, a exploré les mythes, les rituels et les croyances populaires japonaises sous un angle scientifique et littéraire. Ses travaux ont influencé Kunio Yanagita, l’autre grand nom de l’ethnologie japonaise. Il était également un poète actif dans le mouvement tanka, inspiré par le Man'yōshū, l'une des plus anciennes anthologies de poésie japonaise. S'inspirant de cette dernière, des mythes bouddhiques sur la réincarnation et des croyances shinto sur le voyage des âmes, "Shisha no Sho" propose une vision poétique et métaphysique de la mort et du monde des esprit : nous sommes au VIIIᵉ siècle, durant l’époque de Nara, et entrons dans dans le voyage mystique d’un jeune prince qui traverse un paysage spirituel et rêveur, hanté par des visions de morts et d’âmes errantes. Le prince est perdu entre le monde des vivants et celui des morts, à la recherche d’un sens à son existence. Son approche de la spiritualité et du sacré a marqué des écrivains comme Kenzaburō Ōe et Haruki Murakami, et ses idées ont aussi influencé le cinéma japonais : ses théories sur les "marebito" et le rapport entre vivants et esprits ont inspiré des films comme "Le Voyage de Chihiro" (2001) de Hayao Miyazaki et "Kwaidan" (1965) de Masaki Kobayashi.


Yasuo Uchida (1934-2018) était l'un des auteurs de mystères les plus vendus au Japon, avec plus de 100 millions d'exemplaires écoulés pour plus de 130 romans policiers, souvent basés sur des légendes locales, des traditions et des paysages spécifiques. Parmi ses œuvres les plus célèbres figure "The Togakushi Legend Murders" (Shinano no Koronbo, 1983), qui fait partie de la série "Shinano Columbo". Son personnage emblématique, Mitsuhiko Asami, est un journaliste et détective amateur. Parcourant le Japon, il nous nous permet d'en caractériser les différentes régions. Uchida a souvent choisi Nagano et les montagnes du centre du Japon comme cadre pour ses intrigues, la région est en effet riche en mythes et temples anciens, notamment le sanctuaire de Togakushi. Les montagnes isolées et les villages reculés sont parfaits pour des intrigues mystérieuses. 


Chūbu (中部) 

Située au centre de Honshū, la région de Chūbu (littéralement "partie centrale") combine montagnes spectaculaires et plaines fertiles. Ses préfectures : Niigata, Toyama, Ishikawa, Fukui, Yamanashi, Nagano, Gifu, Shizuoka, Aichi. Elle occupe une position stratégique entre la région de Kantō (Tokyo) à l'est et celle de Kansai (Osaka, Kyoto) à l'ouest.

La région est dominée par les Alpes japonaises (Chūō Alps), qui divisent Chūbu en trois zones principales, Hokuriku (nord), Kōshin’etsu (centre), et Tōkai (sud), et où domine le célèbre mont Fuji (3776 m), le plus haut sommet du Japon. Des côtes bordent la mer du Japon au nord et l’océan Pacifique au sud. Au pied nord du mont Fuji, dans la préfecture de Yamanashi, à une altitude moyenne de 1 000 mètres, les Fuji Five Lakes (Fujigoko), un groupe de cinq lacs  offrent des vues spectaculaires sur le mont Fuji et sont une destination prisée pour les loisirs en plein air et la photographie : le Lac Kawaguchi (Kawaguchi-ko), connu pour ses vues emblématiques du mont Fuji, notamment au printemps pendant la floraison des cerisiers; le lac Yamanaka (Yamanaka-ko);le Lac Sai (Sai-ko), le plus sauvage; le lac Shōji (Shōji-ko), le plus petit;  le lac Motosu (Motosu-ko), apprécié pour ses eaux cristallines et sa profondeur et célèbre pour avoir inspiré l’image du mont Fuji sur les billets de 1 000 yens.

Nagiso et Kiso-Fukushima sont des points de départ populaires pour explorer la région des montagnes de Kiso (Kiso Sanmyaku). Le Mont Kiso Komagatake (2 956 m) est le sommet le plus célèbre des montagnes de Kiso et un site populaire pour les randonnées. Pendant l’époque d’Edo, la vallée de Kiso et ses montagnes étaient une partie essentielle de la route Nakasendō, reliant Kyoto à Edo. 

Démographie : environ 22 millions d’habitants, répartis inégalement en raison du relief montagneux. Les villes comme Nagoya (capitale d'Aichi) et Shizuoka concentrent une grande partie de la population.

Chūbu est l’un des piliers économiques du Japon : centré autour de Nagoya, au cœur de l'industrie automobile japonaise, de nombreuses entreprises de robotique répondent aux besoins d'automatisation des constructeurs automobiles. La présence de géants de l'automobile comme Toyota stimule la demande en solutions robotiques avancées (Aichi). 

Mélange de shintoïsme et de bouddhisme, comme dans le reste du Japon., avec des sanctuaires et temples célèbres, le Sanctuaire de Tōshōgū (Nagano), un site spirituel important dédié à Tokugawa Ieyasu, et le sanctuaire Fujisan Hongū Sengen Taisha (Shizuoka), lieu clé pour le culte du mont Fuji. Les villages de Shirakawa-gō et Gokayama (Gifu et Toyama) sont classés au patrimoine mondial de l’UNESCO pour leurs maisons traditionnelles au toit de chaume (gasshō-zukuri). Le Château de Kanazawa et son jardin Kenroku-en (Ishikawa) ..

Enfin, la région de Chūbu, située au centre du Japon, comprend notamment la préfecture de Shizuoka, qui est la principale région productrice de thé du pays. Shizuoka représente environ 40 % de la production nationale de thé ...


Situé dans la région du Chūbu, au centre du Japon, le Mont Fuji (3 776 mètres, le plus haut sommet du Japon) est associé à un certain nombre de points de vue qui ont fait le tour du monde. Ainsi depuis le lac Kawaguchi, facilement accessible depuis Tokyo, pour son reflet dans l'eau; depuis la ville de Fujiyoshida, avec une pagode rouge en premier plan (Chureito Pagoda); depuis le lac Ashi, en se relaxant dans un onsen en plein air; depuis un Centre Commercial, Gotemba Premium Outlets, qui offre une vue panoramique sur le Mont Fuji tout en faisant du shopping; depuis le Shinkansen, pendant quelques minutes entre les gares de Mishima et Shizuoka. C'est un des sites de randonnée les plus populaires du pays mais si le Mont Fuji est vénéré et admiré, il n’est pas forcément un lieu de visite fréquent pour les Japonais eux-mêmes. Environ 300 000 personnes tentent l’ascension chaque année et la grande majorité des grimpeurs sont des étrangers (on notera malheureusement une forte affluence sur les sentiers, parfois plus de 1 000 personnes sur un même tronçon)...


"Le Livre du thé" (The Book of Tea, 1906), Okakura Kakuzō

Une introduction philosophique à l’importance du thé dans la culture japonaise et une réflexion sur l’esthétique japonaise. Le thé n’est pas en effet seulement une boisson, mais une voie philosophique et spirituelle : il est lié au zen, au taoïsme et au wabi-sabi (l’art de l’imperfection et de l’éphémère). Et la cérémonie du thé, un art total. L’esthétique du thé inclut l’architecture, la peinture, la calligraphie et la disposition des objets, et prône la simplicité, la modestie et l’harmonie avec la nature.

Okakura oppose la quête de richesse et de progrès matériel de l’Occident à la recherche de beauté et d’harmonie en Orient, et dénonce au passage la destruction des traditions asiatiques par la modernisation forcée.

Le "Tao du Thé" , la Voie du Thé, la cérémonie du thé est une forme de méditation et d’introspection qui favorise une connexion avec le moment présent et la nature. La tradition du thé unit l’hôte et l’invité, créant un moment d’échange profond.

En 1906, à Boston au tournant du siècle, ce petit livre ésotérique sur le thé avait été écrit avec l’intention d’être lu à haute voix dans le célèbre salon d’Isabella Gardner, la mondaine la plus notoire de Boston. Okakura Kakuzo était un philosophe japonais, expert en art et conservateur. Peu connu à l’époque, Kakuzo émergera comme un des grands penseurs du début du XXe siècle, un génie perspicace, plein d’esprit et grandement responsable de la transition entre les cultures occidentale et orientale. Okakura avait été formé à l’anglais dès son plus jeune âge et était plus que capable d’exprimer aux occidentaux les nuances du thé et de la cérémonie du thé japonaise. Dans The Book of Tea Classic Edition, il aborde des sujets tels que le zen et le taoïsme, mais aussi les aspects séculaires du thé et de la vie japonaise. Le livre souligne comment le Teaisme a enseigné les japonais beaucoup de choses; plus important encore, la simplicité. Kakuzo soutient que la simplicité induite par le thé a affecté la culture, l’art et l’architecture du Japon. Près d’un siècle plus tard, l’édition classique du livre de thé de Kakuzo est toujours appréciée dans le monde entier ...


Yasunari Kawabata, "Yukiguni" (Pays de neige, Snow Country, 1948)

Le "Pays de neige" qu'évoque Yasunari Kawabata, Prix Nobel de littérature en 1968, désigne la région de Niigata, située sur la côte ouest du Japon, face à la mer du Japon, et les montagnes de la région de Chūbu, particulièrement Echigo-Yuzawa, une zone connue pour ses hivers rigoureux, ses sommets enneigés et ses sources thermales : aujourd’hui une destination touristique qui possède un musée consacré à Yasunari Kawabata. L'Auberge Takahan, où l’écrivain a séjourné, conserve encore des manuscrits et des objets liés au roman. Le Japon est souvent divisé entre le monde urbain (le protagoniste vit à Tokyo) et les provinces reculées : Niigata représente ici une échappatoire, mais aussi un lieu de désillusion, tant la région est isolée par les montagnes, ce qui en fait un endroit à la fois romantique et mélancolique, reflété dans le roman. La geisha Komako représente les traditions anciennes, tandis que Shimamura incarne le Japon moderne, détaché des émotions profondes. À travers la description des onsen, des auberges traditionnelles et du paysage enneigé, Kawabata donne une vision très poétique de la beauté et de l’éphémère, un thème central dans l’esthétique japonaise (mono no aware). Un récit qui publié en feuilleton entre 1935 et 1947 ...


Kansai ou Kinki (関西/近畿) 

Une région considérée comme le cœur historique et culturel du Japon, avec des villes comme Kyoto, Osaka, et Nara, la région de Kansai (littéralement "Ouest de la barrière"), également appelée Kinki ("Région proche de la capitale"), est située dans la partie centrale de l'île de Honshū, à l'ouest de la région de Kantō : une région diversifiée avec des plaines (Osaka, Kyoto), des montagnes (Mont Hiei, Mont Kōya), et des côtes découpées (mer intérieure de Seto, océan Pacifique). Le lac Biwa (Shiga), le plus grand lac du Japon, est une ressource naturelle majeure.

Démographie : environ 22 millions d'habitants, concentrés principalement dans les grandes villes comme Osaka, Kyoto, et Kobe. La région de Kansai est en effet fortement urbanisée, avec un important réseau de transport reliant les principales villes.

Kansai a été un centre économique majeur pendant des siècles, abritant les anciennes capitales impériales (Kyoto, Nara) et le port commercial de Kobe. Osaka est surnommée la "cuisine du Japon" (tenka no daidokoro), en raison de son rôle de plaque tournante du commerce des denrées alimentaires. Osaka et Hyōgo (Kobe) sont des centres industriels, notamment dans les secteurs de la chimie, des textiles, et des équipements électroniques. Kansai est également un leader dans les énergies renouvelables et les technologies environnementales.

Le tourisme est un pilier économique grâce à des destinations célèbres comme Kyoto, Nara, et le mont Kōya.

Kansai, qui fut le centre politique du Japon pendant des siècles, est riche en traditions artistiques, comme le théâtre kabuki et le bunraku (théâtre de marionnettes) et abrite de nombreux sites religieux emblématiques, notamment Kiyomizu-dera et Fushimi Inari Taisha (Kyoto). Globalement, c'est une région centrale pour le développement du shintoïsme et du bouddhisme japonais. Les festivals religieux, comme le Gion Matsuri (Kyoto), attirent des visiteurs du monde entier. Le Mont Kōya est centre spirituel et site de pèlerinage. Ise-Shima (Mie) est connu pour le sanctuaire d’Ise et les paysages côtiers ...


Kobe

Entre mer et montagne, une ville cosmopolite et, dit-on, un mélange de cultures unique au Japon : Kobe, 1M5 d'habitants (3M périphérie incluse) fut l’une des premières villes japonaises ouvertes aux étrangers, ce qui a influencé son architecture, sa cuisine et sa culture. Le quartier de Kitano est célèbre pour ses anciennes résidences de marchands étrangers de style européen et la ville abrite l’un des trois plus grands quartiers chinois du Japon, héritage de son ouverture au commerce international.

Le Musée du Mémorial du Séisme de Kobe rappelle que Kobe a été presque entièrement détruite par un séisme de magnitude 7,3 en 1995, Plus de 6 400 personnes ont perdu la vie, et des milliers de bâtiments ont été endommagés. Kobe est la ville natale de Haruki Murakami, l’un des écrivains japonais contemporains les plus célèbres, et ses romans, comme "Kafka sur le rivage" ou "La Ballade de l’impossible", sont influencés par l’atmosphère cosmopolite de Kobe. Le port de Kobe est un lieu emblématique avec la Kobe Tower et le Harbourland. Le sanctuaire Ikuta est l'un des plus anciens sanctuaires shinto du Japon, et le téléphérique de Rokko et Arima Onsen, une vue spectaculaire et des sources chaudes réputées.


Akiyuki Nosaka (1930-2015) était un artiste japonais aux multiples facettes, connu pour son travail de romancier, chanteur, parolier et homme politique. Ses expériences personnelles de la Seconde Guerre mondiale ont profondément influencé sa création littéraire. Née à Kamakura, au Japon, Nosaka perdra sa famille adoptive lors du bombardement de Kobe en 1945 et sa petite sœur adoptive mourra de malnutrition, un événement qui l'a profondément marqué et inspiré son œuvre la plus célèbre, "Grave of the Fireflies" (La Tombe des Lucioles).  Élu à la Chambre des Conseillers du Japon en 1983, il s’impliquera en politique en défendant des valeurs progressistes et pacifiste,  critiquera le nationalisme japonais et plaidera pour une reconnaissance des crimes de guerre du Japon. Il a su au cours de ses différents écrits évoquer les souffrances des civils japonais pendant la Seconde Guerre mondiale et briser bien des tabous sur la guerre, le sexe et l'hypocrisie sociale dans le Japon moderne. 

Son premier roman, "The Pornographers" (1963, Erogotoshitachi),  se veut dénonciation de l’hypocrisie sociale autour du sexe et du capitalisme, et critique féroce de la société japonaise des années 1960, où l’après-guerre a vu un essor économique rapide mais une perte de repères moraux. Subu Ogata, le personnage principal, est un petit entrepreneur cynique qui gagne sa vie en produisant et vendant des films pornographiques illégaux, un métier qu'il considère comme comme un "service social" comblant les désirs inavoués des hommes japonais. Il travaille avec une petite équipe et distribue ses films clandestinement dans le Japon d’après-guerre. Ogata est profondément pragmatique et matérialiste, mais il est lui-même sexuellement frustré et mal à l’aise avec les femmes. Il vit chez Haru, une riche veuve, qui est à la fois sa protectrice et sa maîtresse.Haru n’approuve pas son commerce, mais elle tolère ses activités, espérant qu’il l’épouse un jour. Elle souffre par ailleurs d’obsessions étranges et croit que son défunt mari s’est réincarné en carpe dans son bassin, et elle lui parle chaque jour. Pendant ce temps, Ogata veut étendre son entreprise, en passant de la production de films érotiques au commerce de prostituées et de jeunes filles vulnérables et recrute en leur promettant une carrière dans le cinéma. Il commence à filmer des clients avec des prostituées et à faire du chantage à des notables japonais pour augmenter ses profits. Un de ses complices, un étudiant idéaliste, commence à avoir des remords. Les tensions grandissent entre Ogata et Haru et celle-ci commence à soupçonner les activités criminelles d’Ogata et à le surveille de près. La fille de Haru, Keiko, qui admire Ogata, est séduite par lui et se retrouve impliquée dans ses affaires.

La police commence à enquêter sur Ogata. Un de ses employés le trahit, livrant des preuves de ses trafics à la police. Keiko découvre qu’Ogata l’a manipulée, et dans un accès de colère, elle tente de le dénoncer à sa mère. Haru sombre dans la folie, persuadée que son mari défunt l’appelle depuis le bassin des carpes, et se suicide. Ogata sera finalement arrêté affirmant qu’il a seulement fait ce que le Japon moderne exigeait de lui...

 

En 1967,  "Grave of the Fireflies" (Hotaru no Haka), un récit autobiographique qui raconte les luttes de deux frères et sœurs au temps de la guerre au Japon, mais qui révèle un Japon ayant sacrifié ses civils pour une guerre inutile et une société japonaise qui, loin d'être unie dans l’épreuve, ne fut qu’égoïsme et indifférence. Nosaka n’a jamais pardonné à la société japonaise d’avoir laissé mourir sa propre sœur adoptive...

Le roman s’ouvre sur la mort de Seita, le protagoniste, dans une gare bondée de Kobe, en septembre 1945. C’est un enfant vagabond, sale et affamé, que personne ne remarque. Juste avant de mourir, il se remémore les événements qui l’ont conduit à cette situation. Les lucioles volent autour de lui, symbole du souvenir et du cycle de la vie et de la mort.

Seita (14 ans) et Setsuko (4 ans) sont devenus orphelins après un bombardement américain sur Kobe. Leur mère, gravement brûlée, meurt peu après dans un hôpital de fortune, son corps recouvert de bandages. Le père est un officier de la marine, et Seita espère encore qu’il reviendra et l'idéalisera jusqu'u bout. Les deux enfants sont recueillis temporairement par leur tante, mais l’accueil est froid et hostile. La tante les humilie et les accuse d’être un fardeau inutile. Seita décide de s'enfuit, prend sa sœur et part vivre seul dans un abri souterrain abandonné. Les premières semaines sont heureuses, avec des lucioles illuminant leur refuge la nuit. Mais Setsuko commence à souffrir de malnutrition, tandis que Seita tente de la distraire avec des jeux et des histoires. Peu à peu, les conditions empirent, volent de la nourriture, mais sont battus s’ils se font attraper. Les lucioles, espoir éphémère et âmes des morts, notamment celles des enfants abandonnés par la guerre...

La Tragédie: Setsuko souffre de diarrhées et de dysenterie sévère. Seita, désespéré, tente de voler du riz, mais est battu par un fermier. Il apprend que le Japon a capitulé et que son père est probablement mort en mer. Setsuko meurt, Seita crématise sa sœur dans un petit bûcher, puis place ses cendres dans une boîte de bonbons, et devient un vagabond, errant sans but. Le roman se termine là où il avait commencé, avec la mort de Seita dans l’indifférence totale de la société japonaise. Les esprits de Seita et Setsuko apparaissent brièvement, observant le Japon moderne, un pays qui les a oubliés...

Le film que réalisera Isao Takahata, lui-même survivant des bombardements de la Seconde Guerre mondiale, en 1988 est cité comme l’un des films d’animation les plus puissants et émouvants de l’histoire du cinéma. Le roman reste plus brutal et cynique, tandis que le film insiste davantage sur la beauté fragile de l’enfance et la relation fraternelle, et le rôle des lucioles est amplifié ...


Osaka 

La ville d'Osaka (connue sous le nom de Naniwa à l’époque d’Edo) compte plus de 2M7 habitants et, en incluant sa zone métropolitaine, qui englobe des villes voisines telles que Kobe et Kyoto, l'agglomération d'Osaka atteint une population d'environ 19 millions de personnes, ce qui en fait l'une des plus grandes zones urbaines du Japon. 

La troisième plus grande ville du Japon après Tokyo et Yokohama, célébrée comme la "Tenka no daidokoro" (la cuisine de la nation) et et le "cœur commercial de Kansai" (Osaka a toujours été le centre financier et commercial du Japon), un hub industriel, financier et technologique. Elle abrite de grandes entreprises comme Panasonic, Sharp, et des startups innovantes. Contrairement à Tokyo, souvent perçue comme plus formelle, Osaka a une atmosphère décontractée et conviviale. Le dialecte local, le Kansai-ben, est l’une des caractéristiques marquantes, souvent utilisé dans le manzai (comédie en duo). Un sujet favori pour les gravures sur bois fut le mont Tenpo (Tenpozan), une colline de 65 pieds de haut construite par l’homme en 1831.

Parmi ses quartiers emblématiques, Namba, le centre névralgique de la vie nocturne, avec ses bars, restaurants, et karaokés, et le shopping, Umeda, le quartier des affaires d’Osaka, connu pour ses gratte-ciels modernes et ses centres commerciaux comme le Grand Front Osaka, Shinsekai, un quartier rétro et décontracté, célèbre pour sa Tour Tsutenkaku et ses nombreux restaurants de kushikatsu. 

Si Osaka n'est pas particulièrement célèbre pour ses canaux (construits entre la fin du XVIe et la fin du XVIIe siècle, mais ils ne sont pas aussi célèbres que ceux de villes comme Kurashiki (préfecture d’Okayama) ou Otaru (Hokkaidō), elle possède néanmoins des cours d'eau emblématiques tels que le canal de Dōtonbori, situé dans le quartier du même nom, connu pour son ambiance festive, avec des néons lumineux, des panneaux publicitaires célèbres (comme le Glico Running Man), et des restaurants animés alignés le long des rives. 

En terme de tourisme, on évoque le plus souvent le Château d’Osaka (construit en 1583 et l’un des monuments historiques les plus importants du Japon), Sumiyoshi Taisha (l’un des plus anciens sanctuaires shinto du Japon, connu pour son architecture unique). Osaka est aussi le berceau du bunraku (théâtre de marionnettes traditionnel) et Universal Studios Japan (USJ), son parc à thème, attire des millions de visiteurs chaque année.

Les sanctuaires japonais qui portent le nom de "Tenmangu" sont dédiés à l’érudit Sugawara Michizane (845-903),  un poète, érudit, homme politique et lettré du Japon de l’époque de Heian (794-1185), transformé en  « dieu de la connaissance » après sa mort et plusieurs catastrophes qui frappèrent Kyoto. Tous ces temples célèbrent le festival de Tenjin chaque année en juillet. Le plus célèbre d’entre eux se trouve à Osaka, où le festival a pris naissance en 951. Au plus fort du festival de Tenjin, des bateaux remplis de musiciens et de danseurs passent sous le pont de Tenma, qui est bordé de lanternes. Milieu des années 1770, Utagawa Toyoharu, représentation en perspective du festival Tenma Tenjin la nuit à Osaka.


"The Housekeeper and the Professor " (Hakase no Aishita Sūshiki, 2003), Yōko Ogawa 

Yōko Ogawa (1962), originaire d'Okayama, romancière contemporaine de renom, connue pour son style minimaliste, poétique et troublant, traduite en plus de 30 langues, a vu son œuvre la plus célèbre, "La Formule préférée du professeur", adaptée au cinéma en 2006 : une aide-ménagère est embauchée pour s’occuper d’un ancien professeur de mathématiques, dont la mémoire se réinitialise toutes les 80 minutes après un accident. Malgré cette limite, ils nouent une relation unique, profondément humaine, à travers les mathématiques et le baseball. "The Memory Police" (Hisoyaka na Kesshō, Cristallisation secrète, 1994) voit dans un monde dystopique, une île subir des disparitions mystérieuses : les objets, les animaux et même les souvenirs s’effacent progressivement. La narratrice, une écrivaine, tente de préserver ce qu’il reste tout en cachant un homme qui se souvient encore de tout...

"The Diving Pool: Three Novellas" (Daibingu Pūru, 1990, La Piscine) s'ouvre sur une nouvelle dans laquelle une adolescente, solitaire, qui vit dans un foyer d’accueil où ses parents recueillent des enfants orphelins, s’éprend en secret de son frère adoptif, un athlète pratiquant le plongeon : sa jalousie et son isolement la pousseront à des actes cruels, oscillant entre tendresse et violence. Dans "Pregnancy Diary", une femme commence à tenir un journal sur la grossesse de sa sœur, d’une façon obsessionnelle. Elle note chaque détail, observant avec une froideur clinique l’évolution du corps de sa sœur. Peu à peu, elle commet un acte inquiétant, mettant en doute ses intentions...

"L’Annulaire" (Kusuriyubi no hyōhon, 1994) est un conte gothique moderne dans lequel une femme commence à travailler dans un laboratoire spécialisé dans la conservation d’échantillons étranges, où les clients déposent des fragments de leur passé. Peu à peu, l’atmosphère devient inquiétante, et elle se retrouve prise au piège d’un univers oppressant. 

Dans "Parfum de glace" (Kōri no Kuchizuke, 2004), traduit uniquement en français, poétique et mélancolique, avec une atmosphère envoûtante, une jeune femme enquête sur le suicide de son ex-compagnon, obsédé par les odeurs et la glace. 

"Mina's Matchbox" (Mīna no Kōshin, 2006) se déroule en 1972 et nous suivons Tomoko, une jeune fille de douze ans qui quitte Tokyo pour s'installer chez sa tante dans la ville côtière d'Ashiya. Sa tante vit dans une somptueuse demeure avec son mari allemand, sa fille Mina, une cousine asthmatique de treize ans, et sa grand-tante allemande. Une amitié profonde va lier Tomoko et Mina, partageant des moments d'émerveillement et de découverte. Mina est passionnée par les boîtes d'allumettes, collectionnant des spécimens uniques et écrivant des histoires élaborées basées sur les images de leurs couvertures. Des récits qui reflètent souvent une tristesse touchante et laissent entrevoir son monde intérieur. Au fil de l'histoire, Tomoko découvre les complexités et les secrets de la famille, notamment les absences mystérieuses de son oncle et la mélancolie de sa tante. 

Contrairement à Murakami, Yōko Ogawa ne s’aventure pas dans des mondes parallèles, mais flirte avec l’étrangeté du quotidien. Les romans de Ogawa sont traduits en français chez Actes Sud.


Mieko Kawakami, "Chichi to Ran" (Breasts and Eggs, 2008, 2019)

Une écrivaine, chanteuse et poétesse japonaise, née le 29 août 1976 à Osaka, Japon, qui conte la condition féminine (la pression sociale sur les femmes concernant la maternité, le corps et le mariage, "Breasts and Eggs", deux versions), le harcèlement et l’intimidation ("Heaven" (Hevun, 2009) raconte l’histoire d’un adolescent victime de harcèlement scolaire extrême), l’aliénation et la solitude ("All the Lovers in the Night" (Subete Mayonaka no Koibito-tachi, 2011), le mal-être d’une femme introvertie), les inégalités sociales (entre Tokyo et Osaka, entre les classes populaires et l’élite intellectuelle). Haruki Murakami l'a désignée comme son jeune écrivain préféré.

Une première novella (Breasts and Eggs) publiée au Japon sous le même titre portait sur le corps féminin et racontait l'histoire de trois femmes : la narratrice célibataire âgée de trente ans, sa sœur aînée Makiko et la fille de Makiko, Midoriko. Incapable d'accepter son nouveau corps après l'accouchement, Makiko est obsédée par la perspective de se faire opérer pour améliorer sa poitrine. Pendant ce temps, sa fille Midoriko, âgée de douze ans, est paralysée par la peur de la puberté qui s'annonce et se trouve incapable d'exprimer les angoisses vagues, mais accablantes, associées au fait de grandir. La narratrice, qui reste anonyme pendant la majeure partie de l'histoire, se débat avec sa propre identité indéterminée, celle de n'être ni une « fille » ni une « mère ». Se déroulant sur trois jours d'une chaleur étouffante à Tokyo, le livre raconte une sorte de réunion entre deux sœurs et le passage à l'âge adulte de la jeune Midoriko. Dans cette version considérablement élargie, un deuxième chapitre de l'histoire des mêmes femmes s'ouvre sur une autre chaude journée d'été, dix ans plus tard. La narratrice, célibataire et sans enfant, qui s'est réconciliée avec l'idée de ne jamais se marier, ressent néanmoins une angoisse croissante à l'idée de vieillir seule et de ne jamais être mère. Dans des épisodes aussi comiques que révélateurs d'un désir profond, elle demande conseil à d'autres femmes de sa vie - sa mère, sa grand-mère, des amies, ainsi que sa sœur - et ce n'est qu'après de fréquents et dramatiques changements d'avis qu'elle se décide en faveur de l'insémination artificielle. Mais cette décision, dans un pays profondément conservateur où les droits reproductifs des femmes sont constamment menacés, ne peut être mise en œuvre sans drame. Breasts and Eggs aborde les thèmes de la répression des femmes au Japon et de la possibilité d'une libération, de la pauvreté, de la violence domestique et de l'éthique de la procréation. Mêlant comédie et réalisme, il s'agit d'un voyage épique qui affirme la vie et permet de trouver la force et la paix intérieures.


"The Devotion of Suspect X" (2005) - Keigo Higashino (1958) est l’un des auteurs qui a renouvelé le polar japonais, un genre dominé par Seichō Matsumoto, en y intégrant une approche scientifique et des intrigues sophistiquées. Il s’éloigne du polar traditionnel centré sur la société (shakai-mono) pour proposer des énigmes mathématiques et logiques, tout en maintenant une critique sociale sous-jacente. Même si ses histoires se déroulent souvent à Tokyo, il y insuffle une analyse sociale qui reflète les contrastes entre différentes régions du Japon, notamment entre le pragmatisme du Kansai (Osaka, Kyoto, Kobe) et l’effervescence de la capitale. Il débuté sa carrière littéraire tout en travaillant comme ingénieur, avant de se consacrer entièrement à l’écriture après avoir remporté le Prix Edogawa Ranpo en 1985 pour "Hōkago" (Après l’école). Higashino est l’un des rares écrivains japonais de polar à être traduit et apprécié à l’international ...

Série "Detective Galileo" (avec le physicien Yukawa Manabu) - "The Devotion of Suspect X" (Yōgisha X no Kenshin, 2005) est l’un de ses romans les plus célèbres. Ishigami, un professeur de mathématiques introverti, protège sa voisine Yasuko en maquillant un meurtre qu’elle a commis pour se défendre. Le détective Kusanagi mène l’enquête, mais il fait appel à son ami, le brillant physicien Yukawa, surnommé "Detective Galileo", qui découvre que la solution repose sur un raisonnement mathématique aussi brillant qu’inattendu. Crime parfait, manipulation intellectuelle, amour et sacrifice - Prix Naoki en 2006, adaptation en film en 2008. - "Salvation of a Saint" (Seijo no Kyūsai, 2008) - Un homme est empoisonné chez lui alors que sa femme était absente à des centaines de kilomètres. Comment a-t-elle pu commettre le crime ? L’enquêteur Kusanagi est convaincu de sa culpabilité, mais c’est encore une fois Yukawa qui perce le mystère grâce à son esprit logique et scientifique. - "A Midsummer’s Equation" (Manatsu no Hōteishiki, 2011) - Yukawa se rend dans une petite ville côtière où un projet industriel est au cœur d’un débat local. Lorsqu’un ancien policier est retrouvé mort, l’affaire semble liée à un secret enfoui depuis des années. Yukawa doit résoudre une affaire où science et émotions s’entremêlent...

Keigo Higashino, Série "Detective Kyoichiro Kaga" -  "Malice" (Akui, 1996) - Un célèbre écrivain est retrouvé assassiné chez lui. Son ami et collègue Osamu Nonoguchi semble être le témoin clé. Mais lorsque le détective Kaga enquête, il se rend compte que l’affaire est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Un jeu psychologique s’engage entre le criminel et l’enquêteur. Crime et manipulation psychologique, jalousie littéraire. - "Newcomer" (Shinzanmono, 2009) - Dans un quartier de Tokyo, une femme est retrouvée assassinée. Kaga, fraîchement transféré dans ce secteur, mène l’enquête en interrogeant les commerçants et habitants, révélant peu à peu les liens cachés entre eux et la victime. Secrets de quartier et puzzle narratif.

Keigo Higashino, "Journey Under the Midnight Sun" (Byakuyakō, 1999) - Après le meurtre mystérieux d’un prêteur sur gages à Osaka, l’inspecteur Sasagaki suit l’évolution de deux enfants liés à l’affaire : Ryoji, un garçon brillant mais troublé, et Yukiho, une fille énigmatique. Leur parcours, sur plusieurs décennies, semble cacher un lourd secret. Thriller psychologique et relation toxique. - "The Miracles of the Namiya General Store" (Namiya Zakkaten no Kiseki, 2012) - Trois jeunes cambrioleurs trouvent refuge dans une vieille boutique abandonnée. Lorsqu’ils découvrent des lettres de personnes en quête de conseils, ils réalisent qu’ils sont liés à une correspondance qui transcende le temps. Voyage dans le temps et rédemption. - "The Name of the Game is a Kidnapping" (Game no Na wa Yūkai, 2002) - Un jeune publicitaire ambitieux, Kazuaki, décide de mettre en scène un faux kidnapping pour manipuler son patron et obtenir une promotion. Mais son plan dérape lorsque la réalité dépasse la fiction. Thriller psychologique, manipulation et ambition. - "Under the Midnight Sun" (Byakuyakō, 1999) - Un meurtre non résolu hante un inspecteur pendant plus de vingt ans, alors que la vie des suspects évolue dans l’ombre. Ce thriller explore les conséquences du crime sur plusieurs générations.

Contrairement aux romans policiers qui ont fait sa renommée, Keigo Higashino offre avec "Naoko" (1998) un roman atypique entre drame et fantastique qui sera adapté par par Yôjirô Takita au cinéma sous le titre "Himitsu", en 2007 : Heisuke Sugita, un homme ordinaire, voit sa vie bouleversée lorsque sa femme, Naoko, et leur fille adolescente, Monami, sont victimes d’un terrible accident de bus. Naoko meurt sur le coup, mais Monami survit miraculeusement. Pourtant, lorsque l’adolescente se réveille, elle affirme être Naoko, sa mère, réincarnée dans le corps de sa propre fille : la femme, qu’il aime profondément, est désormais enfermée dans le corps de leur fille. Comment continuer à vivre ensemble dans ces conditions ? Comment gérer cette relation ambiguë où la frontière entre amour conjugal et amour parental devient floue ?


KYOTO

Kyoto, ancienne capitale impériale du Japon pendant plus de 1 000 ans (794-1868), est souvent considérée comme le berceau de la culture japonaise traditionnelle. Contrairement à de nombreuses autres villes japonaises, la "Capitale des villes" a été largement épargnée par les bombardements pendant la Seconde Guerre mondiale, permettant de préserver son patrimoine culturel exceptionnel. Kyoto est un haut lieu du spiritualisme; du bouddhisme, avec des temples célèbres comme le Kinkaku-ji (Pavillon d’or) et le Ryoan-ji (célèbre pour son jardin zen), du shintoïsme, avec le Fushimi Inari-taisha ..

Un surtourisme massif - Et de fait, Kyoto est l’une des principales destinations touristiques du Japon, attirant des millions de visiteurs chaque année, menacée désormais par le surtourisme ... En 2013, la ville a accueilli environ 51 millions de visiteurs, dont 1,13 million de touristes étrangers, soit une augmentation de 35 % par rapport à l'année précédente; En 2024, le Japon a enregistré un nombre record de 36,8 millions de touristes étrangers, dépassant le précédent record d'environ 32 millions établi en 2019 (a ville de Kyoto compte environ 1 463 723 habitants, ce qui en fait la neuvième ville la plus peuplée du Japon)...

Kyoto abrite plus de 1 600 temples bouddhistes et 400 sanctuaires shintoïstes, dont beaucoup sont classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. Les plus célèbres, Kinkaku-ji (Pavillon d’or), un Temple recouvert de feuilles d’or, entouré d’un jardin harmonieux, ou Kinkaku-ji (Pavillon d’argent), qui incarne le raffinement et la simplicité dans l’architecture zen. Parmi les quartiers historiques de la ville, attirent une foule considérable Gion, célèbre pour ses ruelles bordées de machiya (maisons en bois traditionnelles) et ses geishas, Higashiyama, la Vieille Kyoto et la Ruelle Ninenzaka / Sannenzaka, le quartier historique de Ponto-chō et les berges de la Kamo-gawa qui longe le centre de Kyoto et le long duquel, de mai à septembre, les restaurants installent des terrasses en bois appelées "yuka", la ruelle Ponto-chō, souvent considérée comme l'une des plus romantiques de la ville, bordée de restaurants traditionnels japonais, de maisons de thé et de bars installés dans des bâtiments en bois préservant l'architecture d'époque, le Nishiki Market (le ‘Kyoto’s Kitchen’), plus de 130 minuscules échoppes et restaurants (le paradis des gourmets), et Arashiyama, connu pour sa forêt de bambous (qui lutte contre la dégradation touristique) et ses paysages pittoresques...

"Arashiyama Chikurin", classée "Lieu de Beauté Scénique" par le gouvernement japonais, la forêt de bambous d’Arashiyama est l’un des lieux les plus photographiés de Kyoto, et l'on oublie souvent, au détour d'un selfie, que ce lieu de promenade chargé d’histoire, de spiritualité et d’une ambiance mystique. En entrant dans la forêt d’Arashiyama, on se retrouve plongé dans un tunnel naturel de bambous géants atteignant jusqu’à 20 mètres de haut. Le bruit du vent soufflant à travers les tiges creuses de bambou crée un son apaisant et hypnotique. Un bruit unique a été classé parmi les "100 sons à préserver au Japon" par le ministère de l'Environnement. Le sanctuaire Nonomiya-jinja, situé au cœur de la forêt, était autrefois un lieu où les princesses de la famille impériale pratiquaient des rituels de purification avant de devenir grandes prêtresses au sanctuaire d’Ise.

Le sanctuaire Fushimi Inari Taisha est l’un des sites les plus emblématiques du Japon, le plus visité de Kyoto, et unique au monde grâce à ses milliers de portails torii rouges formant un chemin sacré sur les flancs du mont Inari. Depuis 1300 ans, c'est le sanctuaire principal de tous les sanctuaires Inari au Japon (plus de 30 000), Inari Ōkami étant le dieu shinto du riz, des récoltes, du commerce et de la prospérité. Les renards (kitsune) sont ses messagers, souvent représentés avec une clé de grenier à riz dans la bouche. Le chemin vers le sommet du mont Inari est bordé de plus de 10 000 torii, formant un tunnel sacré. Chaque torii est une donation d’une entreprise ou d’un particulier, en remerciement à Inari pour un vœu exaucé. Les inscriptions sur les torii sont les noms des donateurs, donnant une touche vivante et évolutive au lieu. Le sentier fait environ 4 km jusqu’au sommet (233 m), avec plusieurs petits sanctuaires le long du chemin. Les pèlerins traditionnels montent jusqu’en haut pour obtenir la bénédiction d’Inari.

- Shimogamo-jinja est l'un des sanctuaires les plus anciens de Kyoto (2000 ans), associé au Kamigamo-jinja, et entouré de la forêt sacrée Tadasu no Mori.

- Kiyomizu (Kiyomizu-dera, le Temple des Eaux Pures), fondé en 778, est l’un des plus célèbres temples du Japon. Il a été détruit  à plusieurs reprises et les bâtiments actuels datent du début des années 1630. Construite sur des piliers de 40 pieds de haut en bois zelkova, la véranda du hall principal s’étend au-dessus d’un précipice, offrant une vue magnifique sur la ville qui est rehaussée par les fleurs de cerisier au printemps et les feuilles colorées à l’automne.

- Et le quartier d’Arashiyama, qui se trouve à l’ouest de la ville et est un lieu privilégié de retraite et de tranquillité depuis l’époque Heian (794-1185), est éloigné des rues touristiques du centre de Kyoto. Parsemé de petits temples, de boutiques et de restaurants, c’est aussi un endroit privilégié pour admirer les cerisiers en fleurs au printemps et les feuilles colorées à l’automne...

Gion est considéré comme le cœur de la culture geisha : le quartier s'est développé autour du sanctuaire Yasaka au Moyen Âge, devenant un lieu où les visiteurs pouvaient se divertir dans des maisons de thé et des auberges, des ochaya accueillant les geishas pour des divertissements privés. Gion Shirakawa et Hanamikoji sont des ruelles emblématiques où beaucoup tentent d'apercevoir des geishas et maiko marchant en kimono.  Dans son autobiographie, "Geisha of Gion" (ou "Geisha, a Life", 2002), Mineko Iwasaki a raconté sa vie en tant que geisha, partageant des détails sur sa formation, ses sacrifices, et ses expériences dans ce monde si particulier, et déconstruit bien des idées reçues en insistant sur leur rôle d’artistes et non d’accompagnatrices. Mineko Iwasaki fut l'une des sources principales de Arthur Golden pour son roman "Memoirs of a Geisha" (1997), mais a contesté la manière dont il a représenté les geishas et la culture de Gion. Dans "Women of the Pleasure Quarters: The Secret History of the Geisha", Lesley Downer offrira une vision plus large d'une tradition ici mystérieuse et élitiste. 


The Gion Festival parade crosses Shijo Bridge on the Kamo River. On the left is the Great Sanjo Bridge; on the right is Gojo Bridge. 1859, Utagawa Sadahide, Cool Evening at Shijogawara during the Gion Festival in the Imperial Capital.


Dans le quartier de Higashiyama, dans la partie est de Kyoto, le Chemin de la Philosophie (Tetsugaku no Michi) l’une des promenades les plus célèbres de Kyoto, celui qu'empruntait Nishida Kitarō (1870-1945), l’un des plus grands philosophes japonais et fondateur de l’École de Kyoto : son œuvre majeure, "L'Enquête sur le Bien" (Zen no Kenkyū, 1911), a introduit la philosophie occidentale (Kant, Hegel) au Japon tout en intégrant des concepts bouddhistes du Zen. Bordé de cerisiers et de petits temples, il s’étend sur environ 2 km, reliant le temple Ginkaku-ji (Pavillon d’Argent) au sanctuaire Nanzen-ji,un temple Zen, via Honen-in, Otoyo-jinja, l'un des rares sanctuaires dédiés aux rongeurs, Eikan-dō Zenrin-ji, le Temple de l’Éveil, et sa statue de Bouddha "regardant en arrière"...

Kyoto est aussi le berceau de nombreuses formes d’art traditionnelles japonaises, telles que la cérémonie du thé (chanoyu), l’ikebana (arrangement floral), et la calligraphie, toutes inspirées par une culture raffinée, ou miyabi (élégance), qui se distingue par un profond souci de l'esthétique, une recherche de la perfection dans les arts, et un attachement aux traditions spirituelles et saisonnières. Les pavillons de thé, comme ceux du temple Kodaiji, reflètent cette esthétique épurée ...

Et Kyoto tente de continuer à célébrer la nature à travers des événements saisonniers tels que la floraison des cerisiers (Miyako Odori) au printemps (hanami) et les feuilles rouges de l’automne (momiji). Ici le bouddhisme zen et le shintoïsme sont profondément enracinés et les pratiques spirituelles et les rituels intégrés dans l’art et l’architecture. Les concepts de mono no aware (pathos des choses) et yūgen (mystère et profondeur) imprègnent chacune des œuvres que l'on côtoie ici...

Kyoto deviendra-t-elle simple ville de passage pour touristes et sans population active ...


Pour Yasunari Kawabata, Kyoto était bien plus qu’une simple ville, mais le symbole de la richesse spirituelle et culturelle du Japon en son entier, un monde à part, une mémoire sculptée dans la pierre et le silence, un miroir où le Japon se regarde à travers les âges. Les choses évoluent, l’atmosphère authentique de Kyoto est en danger ... Dans "Kyoto" (1962), il célébrait la ville en tant que gardienne des traditions et des valeurs esthétiques japonaises,  une ville où les saisons n’étaient pas seulement vécues mais célébrées : Kawabata évoquera le passage du temps à travers les paysages de Kyoto, notamment les cerisiers en fleurs à Heian-jingū, les érables du temple Kiyomizu et les forêts de bambous d’Arashiyama. Kyoto incarnait la quintessence de l’esthétique japonaise, où l’art et la nature s’entrelacent harmonieusement. Kawabata décrivat les maisons de machiya, les temples, les jardins zen et les l’ombre des générations passées s’étendait sur les pavés, et le silence des temples parle autant que les mots... Une ville ressentie comme un sanctuaire vivant, résistant aux changements du monde moderne. À travers le personnage de Chieko, qui découvre qu’elle est une enfant adoptée, Kawabata établissait alors un parallèle entre l’identité incertaine de l’héroïne et l’évolution de Kyoto...


Un autre auteur japonais majeur qui a écrit sur Kyoto est Jun'ichirō Tanizaki (1886-1965), connu pour son exploration de la tradition japonaise, des relations humaines complexes, et de l'esthétique raffinée du Japon. Il a évoqué Kyoto dans "L’Éloge de l’ombre",  (In'ei Raisan, 1933-34, In Praise of Shadows), - Le temple Kōdai-ji, avec ses paravents dorés à peine visibles dans la faible lueur des lampes à huile, illustre cette beauté subtile et mystérieuse qu’il affectionne -, "La Mère du Général Shigemoto" (Shigemoto no Haha, 1949-1950, Captain Shigemoto’s Mother), "Le Pont flottant des songes" (Yume no Ukihashi, 1959, The Bridge of Dreams), - un Kyoto nostalgique, où le narrateur évoque ses souvenirs d’enfance et de famille, les saisons, des paysages et des rituels culturels. Dans "La Clef" (1956, Kiagi), Kyoto n'est pas représenté mais le cadre idéal du raffinement des arts traditionnels, de la sensualité et du secret. Tanizaki décrit les geishas de Gion, les kimonos en soie finement tissée, et la perfection des rituels du thé comme des arts subtils où chaque geste est un poème visuel. Il s’intéresse aussi au corps féminin dans ses rapports avec la tradition japonaise, souvent mystifié dans la lumière tamisée des maisons de Kyoto. Dans "Le Pont flottant des songes", une femme mûre et sophistiquée vit une relation amoureuse dans une Kyoto où chaque ruelle évoque un passé envoûtant et mystérieux.

Mais si Tanizaki, qui a quitté Tokyo pour s’installer définitivement dans le Kansai après le Grand Séisme de 1923, considérait Kyoto comme l’un des derniers bastions de la culture japonaise traditionnelle (tandis que Tokyo s’occidentalisait à une vitesse affolante, Kyoto demeurait un refuge pour ceux qui cherchent encore la beauté d’antan), il observait pourtant non sans tristesse que même Kyoto était gagnée par la modernité et perdait peu à peu son atmosphère d’antan. Dans "La Mère du Général Shigemoto", Tanizaki recréera un Kyoto féodal où l’élégance des dames de cour contraste avec la brutalité de l’Histoire..


Le centre emblématique du shintoïsme au Japon est le sanctuaire d'Ise (Ise Jingu) situé dans la préfecture de Mie, dans la région de Kansai. Ce sanctuaire est considéré comme le lieu le plus sacré du shintoïsme et occupe une place centrale dans cette tradition spirituelle indigène. Le sanctuaire principal (Naikū) est consacré à Amaterasu Ōmikami, la déesse du Soleil, la divinité suprême du shintoïsme, et l’ancêtre mythologique de la lignée impériale japonaise selon les récits du Kojiki (Chronique des faits anciens) et du Nihon Shoki (Chroniques du Japon). L'architecture du sanctuaire d'Ise suit le style Shinmei-zukuri, caractérisé par des structures en bois simples et élégantes. Ce style incarne les principes shintoïstes de simplicité, pureté et respect de la nature. Tous les 20 ans, le sanctuaire est reconstruit dans un rituel appelé Shikinen Sengū, une tradition qui se perpétue depuis environ 1 300 ans...

Le sanctuaire d'Ise est en réalité un complexe composé de deux parties principales, Naikū (Sanctuaire intérieur), dédié à Amaterasu, et Gekū (Sanctuaire extérieur), dédié à Toyouke Ōmikami, la divinité de l’agriculture, des récoltes, et de l’industrie. Ces deux sanctuaires sont entourés de forêts denses et de rivières sacrées, renforçant le lien entre les pratiques shintoïstes et la nature. Le sanctuaire accueille des millions de pèlerins chaque année (plus de 8 millions de visiteurs par an, ce qui en fait l’un des sanctuaires les plus visités du Japon), notamment lors des festivals annuels comme le Kannamesai (offrande des nouvelles récoltes): mais seuls certains membres de la famille impériale et les prêtres shintoïstes ont accès aux parties les plus sacrées du sanctuaire (on ne peut voir que les toits du sanctuaire au loin, ce qui renforce son mystère et son aura sacrée).

Futamigaura d’Ise abrite les célèbres Meoto Iwa (Rochers Mariés) associés au sanctuaire d’Ise-jingū. Mais il est moins couru que celui d'Itoshima, en Fukuoka, à 500km (sur la côte nord-ouest de l’île de Kyushu), plus prisé par les photographes et touristes, entre autres pour son coucher de soleil ...


"Shinto, Japan’s Spiritual Roots", de Stuart D.B. Picken est une introduction approfondie au shintoïsme, ses fondements historiques, culturels et philosophiques, ainsi que son influence sur la société japonaise contemporaine. Le shintoïsme n’est pas une religion codifiée avec des textes sacrés stricts, mais une collection de croyances et de pratiques issues des traditions animistes et de la vénération de la nature au Japon. Il s’est développé à travers des rituels agricoles, des cultes ancestraux, et la vénération des kami (esprits ou divinités). L’ouvrage décrit comment le shinto a cohabité avec le bouddhisme, notamment pendant l’ère Heian (794–1185), où ces deux traditions se sont influencées mutuellement. L’introduction du bouddhisme a enrichi les pratiques shinto tout en contribuant à leur formalisation.

Les kami sont des entités divines ou spirituelles associées à des phénomènes naturels, des lieux, ou des ancêtres déifiés. Ces esprits incarnent l’harmonie entre les humains et la nature, un thème central du shintoïsme, et les sanctuaires (jinja) sont des lieux sacrés où les kami résident. Le shinto met l’accent sur la pureté (harae), qui est une condition nécessaire pour entrer en contact avec les kami. Des rituels de purification sont pratiqués dans les sanctuaires. Le shinto est profondément intégré dans les traditions et la culture japonaises, influençant des aspects comme les arts, l’architecture, et les relations sociales.

 

Motoori Norinaga (1730–1801), érudit et poète de l’époque Edo, connu pour son étude des classiques japonais comme le Kojiki (Chronique des faits anciens), fut un des principaux théoriciens du shintoïsme classique : il a défendu le concept de mono no aware (la sensibilité aux choses), une idée qui souligne l'appréciation émotionnelle de la beauté éphémère de la vie.

 

 

Le shintoïsme a profondément influencé de nombreux écrivains japonais, notamment à travers les thèmes de la nature, de la spiritualité, de l'harmonie et de la pureté. On pense à Yasunari Kawabata (1899–1972)et à ses descriptions poétiques des paysages évoquant une sensibilité shintoïste, notamment dans des œuvres comme "Pays de neige" (Yukiguni) et "Le Maître de go" (Meijin). Bien que catholique, Shūsaku Endō (1923-1996) a intégré dans ses récits des éléments de la spiritualité japonaise, y compris des réflexions sur la nature et les interactions humaines en harmonie avec l’environnement, des thèmes liés au shintoïsme ("Chinmoku"). Et bien que controversé, Yukio Mishima (1925–1970) a été influencé par les idéaux shintoïstes de pureté, de sacrifice et de connexion à la tradition japonaise (Le Pavillon d’or, Kinkakuji) ...


"Zen and Japanese Culture" (1970), D.T. Suzuki, a contribué à populariser le zen en dehors du Japon, en le rendant accessible à un public occidental, nous expliquant comment le zen, avec son approche de la simplicité, de l'intuition, et de la méditation, a influencé divers aspects de la culture japonaise. Le zen n'est pas seulement une pratique spirituelle, mais une force motrice dans la formation de l'esthétique et des valeurs culturelles du Japon, et des principes zen, tels que le détachement, l'acceptation de l'éphémère (wabi-sabi), et l'importance du moment présent, imprègnent la vie quotidienne. Le concept de mushin (esprit vide), une condition mentale de fluidité et de réceptivité, est de même essentielle dans des disciplines comme les arts martiaux ou la calligraphie...

 

Pratiquer la méditation Zen (Zazen)?

Les jardins secs Zen, appelés "karesansui", et qui incarnent les principes d’harmonie et de simplicité du Zen, sont nombreux dans la région de Kyoto... Ryoan-ji est le plus célèbre, avec un agencement minimaliste de rochers et de gravier, Daitoku-ji, un complexe de temples comprenant plusieurs jardins Zen, chacun unique par sa conception et son symbolisme, et Zuihō-in, un sous-temple du Daitoku-ji, moins connu mais dont le jardin Zen est exceptionnel ...

Pour qui ne recherche pas une immersion totale dans la vie monastique Zen (bien que lié au bouddhisme ésotérique Shingon, plusieurs temples du mont Kōya offrent des séjours avec des pratiques Zen). Reste la cérémonie du thé, influencée par le Zen ((Chanoyu), une pratique artistique et spirituelle qui enseigne l’attention, l’harmonie et la simplicité. Ou la visite de temples emblématiques, Kennin-ji, le plus ancien temple Zen de Kyoto, Nanzen-ji, Tōfuku-ji, son immense jardin sec et ses vues spectaculaires ...


Nara, à égale distance d'Osaka et de Kyoto (30 à 40km), est considérée comme l'un des lieux les plus historiques et spirituels du Japon pour être le berceau du bouddhisme japonais (sous le règne de l'empereur Shōmu).

Capitale du Japon de 710 à 784, une période qui a vu en effet l’établissement du bouddhisme et, par conséquent, beaucoup des temples les plus anciens et les plus importants du pays sont situés ici. Mais la ville est au sud de Kyoto et n’était pas sur les grandes routes de l’époque d’Edo : ce n’était donc pas alors une destination de voyage populaire ..

Le temple Tōdai-ji abrite le célèbre Daibutsu (Grand Bouddha), une statue en bronze de 15 mètres représentant Vairocana, le Bouddha cosmique. Le temple lui-même est une merveille architecturale, avec la plus grande structure en bois du monde. On y trouve de même, Kōfuku-ji, un temple avec une pagode à cinq étages, un symbole de Nara, et Hōryū-ji, le plus ancien temple bouddhiste en bois encore debout au monde. Le parc de Nara abrite des centaines de daims (shika) qui errent librement. Ces animaux sont considérés comme des messagers divins dans la tradition shintoïste.

Nara compte plusieurs sites inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO, regroupés sous le titre "Les monuments historiques de l'ancienne Nara", dont le sanctuaire shinto Kasuga-taisha, célèbre pour ses milliers de lanternes en pierre et en bronze, et la Forêt Kasugayama, une forêt ancienne, sanctuaire naturel associé à Kasuga-taisha...


Wakayama, située dans la région du Kansai sur l'île de Honshu, est un lieu unique au Japon, célèbre pour son patrimoine spirituel, un berceau du bouddhisme ésotérique ...

A environ 70 km au sud d’Osaka (120 km au sud de Kyoto, 550 km de Tokyo), la ville de Wakayama est connue pour son Château, construit en 1585 sur une colline, par Toyotomi Hideyoshi, puis reconstruit après la Seconde Guerre mondiale (l’un des plus beaux châteaux du Kansai, avec moins de touristes que Himeji ou Osaka), Kimii-dera, un temple bouddhiste vieux de plus de 1 200 ans (un des 33 temples sacrés du pèlerinage de Kannon dans le Kansai), dont il faut gravir les 231 marches atteindre une vue extraordinaire sur la baie de Wakayama. Accessible en ferry depuis le port de Wakayama, Tomogashima, une île abandonnée aux ruines mystérieuses.

A environ 2h de Wakayama, sur le Mont Kōya, le complexe monastique bouddhiste de Kōyasan. Le Mont Kōya, (considéré comme une "terre pure" dans le bouddhisme ésotérique Shingon (mais accessible depuis Osaka) est l’un des centres spirituels les plus importants du Japon, avec plus de 100 temples et Okunoin, le plus grand cimetière du pays, avec plus de 200 000 tombes reposant dans une atmosphère mystique entourée de cèdres. Avec Okunoin, le temple de Kongōbu-ji est le deuxième pôle spirituel majeur de Kōyasan : c'est le temple principal et le siège de l'école bouddhiste Shingon (Shingon-shū), fondée par Kūkai (Kōbō Daishi) en 816. Son jardin de pierres (Banryūtei) et ses peintures traditionnelles (Fusuma-e) en font un chef-d'œuvre culturel et spirituel. De nombreux temples de Kōyasan accueillent des visiteurs pour une immersion spirituelle (shukubō).  

A 90 km de Wakayama, Shirahama est l’une des plus belles plages du Japon, avec un sable blanc importé d’Australie. 

A 200 km de Wakayama, la ville côtière, Nanki-Katsuura célèbre pour ses bains thermaux en extérieur avec vue sur l’océan et son port de pêche, l’un des plus importants du Japon pour le thon rouge (maguro). C'est un point d’entrée vers le pèlerinage de Kumano Kodō, le sanctuaire principal où tous les pèlerins convergent et qui abritait autrefois le plus grand torii du Japon (Oyunohara, 34 m de haut). Le Kumano Kodō est un réseau de routes de pèlerinage sacrées reliant Kōyasan et les Trois Grands Sanctuaires de Kumano (Kumano Sanzan), Kumano Hongū Taisha (le centre du pèlerinage, entouré de forêt mystique), Kumano Nachi Taisha (célèbre pour sa cascade de Nachi (Nachi no Taki, 133 m), la plus haute du Japon), et Kumano Hayatama Taisha (un sanctuaire shinto majeur surplombant la rivière Kumano-gawa). C’est l’un des deux seuls chemins de pèlerinage au monde inscrits au Patrimoine Mondial de l’UNESCO avec le Chemin de Compostelle...


Chūgoku (中国) 

Située dans la partie occidentale de Honshū, entre la région de Kansai à l’est et l’île de Shikoku au sud, la région de Chūgoku (littéralement "Région centrale") est connue pour Hiroshima, Miyajima, et ses paysages côtiers. La région est divisée en deux sous-régions principales, San'in, la zone nord, le long de la mer du Japon, caractérisée par ses montagnes et ses côtes sauvages; et San'yō, la zone sud, le long de la mer intérieure de Seto, plus fertile et urbanisée. La chaîne Chūgoku traverse la région, séparant San'in et San'yō.

Démographie : environ 7,6 millions d’habitants, concentrés principalement dans les villes comme Hiroshima et Okayama. Les zones rurales, particulièrement dans Shimane et Tottori, connaissent un vieillissement rapide de la population et une dépopulation marquée. Hiroshima est un centre industriel majeur, avec des industries comme la construction navale, l’automobile (Mazda) et la chimie. Okayama et Yamaguchi contribuent également à l’industrie chimique et pétrochimique grâce à leur proximité avec les ports. La mer intérieure de Seto est une source importante de fruits de mer, notamment les huîtres, qui sont une spécialité d’Hiroshima...

 

La région abrite deux sanctuaires célèbres : 

le sanctuaire Itsukushima (Itsukushima-jinja), célèbre pour son torii flottant rouge sur l’île de Miyajima, entouré par la mer intérieure de Seto, est l'un des sites les plus photographiés du Japon. Il remonte au VIe siècle et a été reconstruit sous sa forme actuelle au XIIe siècle par Taira no Kiyomori, un puissant chef de clan. Il est dédié à trois déesses shintoïstes : Ichikishimahime, Tagorihime, et Tagitsuhime, qui sont associées à la mer, à la navigation, et à la protection. L’île entière étant considérée comme sacrée, le sanctuaire a été construit sur pilotis pour éviter de "profaner" la terre.

le sanctuaire Izumo Taisha (Shimane) est l'un des sanctuaires shinto les plus anciens et les plus vénérés du Japon. La région est fortement marquée par le shintoïsme et le bouddhisme, avec des pratiques locales qui intègrent des croyances animistes.

 

Hiroshima est un symbole mondial de la paix, ayant été la première ville ciblée par une bombe atomique en 1945 : on y visite le Parc du Mémorial de la Paix, le Dôme de la bombe atomique (UNESCO). Des œuvres, allant du roman au manga, en passant par les essais et les témoignages, offrent une vision complète du drame d’Hiroshima ("Hiroshima", Nathaniel Harris, 2004).

 

"Black Rain" (Kuroi Ame, 1965), de  Masuji Ibuse, est un des romans les plus célèbres sur Hiroshima, mêlant fiction et témoignages réels. Il conte l’histoire d’une femme, Yasuko, qui, à travers des extraits de journal et des témoignages, relate la catastrophe d’Hiroshima et les conséquences de la pluie noire radioactive sur les survivants. L’ouvrage est une critique implicite des autorités japonaises et américaines, et un témoignage poignant du traumatisme nucléaire. Adapté en film en 1989 par Shohei Imamura.

Masuji Ibuse (1898-1993) s'est lancé sur les traces de Natsume Sōseki dans les années 1920 avec des nouvelles, émerge dans dans les années 1930 avec des récits touchant la vie rurale japonaise et la guerre, et cultive un réalisme poétique et ironique avec "Sanshōuo" (1929, La Salamandre), une nouvelle sur une salamandre enfermé dans un tunnel, symbolisant l’isolement humain, "Honjitsu Kyūshin" (1930, Consultation Suspendue Aujourd’hui), une satire sur la médecine et l’arrogance de l’autorité, "Shigure no Kankō" (1937, Tourisme sous la Pluie),  la vie à la campagne avec un humour doux-amer...

 

"Hiroshima Notes" (Hiroshima Nōto, 1965), de Kenzaburō Ōe, le Prix Nobel de littérature (1994) nous livre une réflexion personnelle et journalistique après sa visite d’Hiroshima dans les années 1960, la mémoire des survivants (hibakusha), les questions éthiques liées à la bombe atomique et l’hypocrisie des gouvernements dans la gestion des conséquences sanitaires.

 

"Barefoot Gen" (Hadashi no Gen), de Keiji Nakazawa (1973-1985), publié en 1973-1985 (version anglaise en 1978), une série de manga autobiographiques suit l’histoire de Gen Nakaoka, un garçon de six ans qui survit à la bombe d’Hiroshima et tente de reconstruire sa vie dans un Japon d’après-guerre marqué par la souffrance et la pauvreté. Nakazawa, lui-même survivant, y dépeint avec un réalisme brutal les effets immédiats et à long terme de la bombe. Un des mangas les plus puissants sur Hiroshima, reconnu à l’international. Il a été interdit dans certaines écoles japonaises en raison de ses critiques envers l’armée et l’empereur.

 

"The Bells of Nagasaki" (Nagasaki no Kane), de Takashi Nagai, publié en 1949 (version anglaise en 1951) : centré sur Nagasaki, ce livre est souvent mis en parallèle avec Hiroshima, car Takashi Nagai, médecin survivant du bombardement, témoigne de la souffrance des victimes de la bombe et de la résilience humaine. Son ouvrage est une réflexion entre médecine, foi et reconstruction.

 

 

"Children of Hiroshima" (Genbaku no Ko), Arata Osada (1951), une compilation d'enfants survivants, une vision poignante du traumatisme infantile et de la difficulté de la reconstruction après un événement d'une telle tragédie...

"Summer Flowers" (Natsu no Hana), de Tamiki Hara (1947), l’un des premiers récits littéraires sur Hiroshima et un texte fondamental pour comprendre l’expérience intérieure des hibakusha. C'est le roman semi-autobiographique d’un survivant du bombardement, le texte décrit les jours précédant et suivant la destruction de Hiroshima, dans un style poétique mais terriblement réaliste. Hara, marqué à vie par cette tragédie, s’est suicidé en 1951.

 

 

"Horses, Horses, in the End the Light Remains Pure" (Uma-tachi yo, Soredemo Hikari wa Muku) de Fuminori Nakamura (2011), dans lequel l'écrivain japonais de renom, retourne à Hiroshima à travers une exploration personnelle et existentielle du traumatisme nucléaire et de l’ombre qu’il projette sur les générations actuelles.


Okayama (Chūgoku), la Ville du Soleil", pour son climat, une ville historique, connue pour son château noir et le jardin Korakuen, l’un des trois plus beaux jardins du Japon (contrairement aux jardins de Kyoto conçus pour la méditation, Kōraku-en a été créé pour la promenade et la détente).

Point stratégique entre Kyoto, Hiroshima et Shikoku, accessible en Shinkansen, Okayama joue un rôle dans rôle dans la légende de Momotarō (l’Enfant Pêche), un des contes les plus célèbres du Japon : un jour, alors qu’elle faisait la lessive dans une rivière, la vieille femme voit une énorme pêche flotter vers elle. Elle la ramène à la maison, et lorsqu’ils l’ouvrent... un bébé en sort ! Elle et son vieux mari, qui étaient sans enfant, le nomment Momotarō. En grandissant, il devient fort et courageux, mais apprenant que des que des démons (Oni) pillent les villages et terrorisent la population depuis l'île d’Onigashima (l’Île aux Démons), il décide de les combattre en chemin, rencontre trois animaux, un chien (Inu), un singe (Saru), un faisan (Kiji). Il leur donne des kibi-dango (gâteaux de millet, spécialité d’Okayama) en échange de leur aide. Ils triomphent, incarnant la bravoure contre un ennemi supérieur ...


Shikoku (四国) 

La région de Shikoku (littéralement "Quatre provinces") est la plus petite des quatre îles principales du Japon. Située au sud de l’île de Honshū et à l’est de Kyūshū, elle se distingue par ses paysages naturels, son importance religieuse et ses traditions profondément ancrées. Relativement isolée et moins urbanisée que d'autres régions, Shikoku offre un mélange de modernité discrète et de patrimoine culturel. Ses préfectures : Kagawa, Tokushima, Ehime, Kōchi. Dominée par des montagnes, notamment la chaîne Shikoku, avec le mont Ishizuchi (1 982 m), le plus haut sommet de l’île. Des plaines côtières entourent les villes principales, et la région est bordée par la mer intérieure de Seto au nord et l’océan Pacifique au sud.

Démographie : environ 3,7 millions d'habitants, soit environ 3 % de la population japonaise. Faible densité et population vieillissante, particulièrement dans les zones rurales et montagneuses. La plupart des habitants vivent dans les principales villes côtières, comme Matsuyama (Ehime), Takamatsu (Kagawa), et Kōchi (Kōchi). Shikoku est une région agricole importante, produisant des agrumes (notamment les mandarines d’Ehime), des légumes, et du riz. Kagawa est célèbre pour ses olives, tandis que Kōchi est réputée pour son gingembre... 

Takamatsu est la ville la plus peuplée de l’île (devant Matsuyama, Tokushima et Kōchi), environ 400 000 habitants, le port principal reliant Shikoku au reste du Japon (liaisons avec Honshū via le Grand Pont de Seto et des ferries vers Naoshima et les îles de la mer intérieure de Seto), et connu pour son jardin Ritsurin Kōen, un Jardin paysager d’inspiration zen, vieux de 400 ans. Son château est l’un des trois seuls du Japon construits au bord de la mer (avec Imabari et Nakatsu). À 1h de Takamatsu, 1 368 marches à gravir pour atteindre le sanctuaire Kotohira-gū, au sommet du Mont Zōzu, et dédié aux marins et aux voyageurs.

Shikoku est célèbre pour son pèlerinage (Shikoku Henro), une route circulaire reliant 88 temples bouddhistes associés à Kūkai (Kōbō Daishi), le fondateur du bouddhisme Shingon. Ce pèlerinage attire des milliers de pèlerins chaque année, qu’ils soient religieux ou simplement en quête spirituelle ...  

... et Naoshima, accessible en ferry depuis Takamatsu, une petite île japonaise connue pour ses musées d’art contemporain (Benesse House Museum, Chichu Art Museum), ses installations artistiques en plein air (Citrouille jaune de Yayoi Kusama), et son cadre naturel. Elle est située dans la mer intérieure de Seto, au sud de l’île principale de Honshū, entre les préfectures de Okayama et Kagawa.


Natsume Sōseki(1867-1916), "Kokoro" (1914)

Natsume Sōseki(1867-1916) est l’un des écrivains les plus influents de la littérature japonaise moderne, souvent considéré comme le père du roman japonais contemporain. Il a vécu la transition du Japon féodal à la modernité de l’ère Meiji (ce qui marque profondément son œuvre), et fut influencé tant par la culture japonaise classique (haïkus, poésie chinoise) que par la littérature occidentale (Shakespeare, Dickens, les naturalistes français), en un mot, un intellectuel formé en Occident. Il étudie l’anglais et la littérature occidentale à l’Université impériale de Tokyo, part en Angleterre en 1900, un séjour est difficile, marqué par la solitude et qui va renforcer son regard critique sur la modernité et l’occidentalisation du Japon. Il commence sa carrière en publiant des romans satiriques et humoristiques, comme "Je suis un chat" (Wagahai wa Neko de Aru, 1905), - à travers le regard de celui-ci, Sōseki critique les intellectuels de l’ère Meiji, l’occidentalisation et l’hypocrisie sociale (un chef-d’œuvre d’humour et de finesse psychologique) -, et "Botchan" (1906), un roman d’apprentissage : un jeune homme impulsif mais honnête, Botchan, devient enseignant dans une petite ville conservatrice de l’île de Shikoku, et va se heurter à l’hypocrisie et aux intrigues des adultes, mais restera fidèle à ses principes (un des romans les plus populaires du Japon). Il évolue ensuite vers des œuvres plus introspectives et philosophiques, comme "Kokoro" (1914), - un chef-d’œuvre psychologique, influencé par Dostoïevski et la littérature européenne, un jeune étudiant et un vieil intellectuel mystérieux, que l’étudiant appelle Sensei (Maître), hanté par un secret de son passé -, et "Le Pauvre Cœur des Hommes". Sōseki introduira dans le roman japonais des techniques narratives et psychologiques influencées par le roman occidental...


Kyūshū (九州) 

La région de Kyūshū (littéralement "Neuf provinces") est située au sud-ouest de l’archipel japonais. C’est la troisième plus grande île principale du Japon et un point d’entrée historique des influences étrangères vers l'Asie, ce qui en fait une région riche en diversité culturelle et historique. Kyūshū est également connue pour ses paysages volcaniques (le mont Aso (Kumamoto), l’un des plus grands volcans actifs du monde), ses sources chaudes, et son rôle économique important.

L’archipel Satsunan (Kagoshima) comprend plusieurs îles subtropicales, comme Yakushima, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Climat subtropical humide, avec des hivers doux et des étés chauds et humides, les typhons peuvent frapper la région, surtout en fin d’été.  

Démographie : environ 13 millions d’habitants, concentrés principalement dans les grandes villes comme Fukuoka, Kumamoto, et Kagoshima. Fukuoka, la plus grande ville de Kyūshū, est un centre urbain dynamique avec une infrastructure moderne, un centre industriel et commercial majeur, avec des industries technologiques et automobiles (Toyota, Nissan). Fukuoka abrite l’Université de Kyūshū, l’une des plus anciennes et prestigieuses institutions du Japon, avec un fort accent sur la recherche scientifique et technologique. Kagoshima est le lieu de naissance de Saigō Takamori, une figure clé de la Restauration Meiji.

 

Parmi ses sanctuaires et temples célèbres, le sanctuaire Dazaifu Tenman-gū (Fukuoka), dédié à Sugawara no Michizane, le dieu de l’éducation; le sanctuaire Udo-jingū (Miyazaki), situé sur une falaise au bord de la mer, dédié à des divinités liées à la fertilité. Nagasaki est un centre historique du christianisme au Japon, avec des églises et des sites liés aux "chrétiens cachés" pendant les persécutions (les "Villages cachés chrétiens de Nagasaki").

 

Futamigaura d'Itoshima, à environ 30 km à l’ouest de Fukuoka, est tout aussi célèbre pour ses deux rochers sacrés, "Meoto Iwa" (les Rochers Mariés), qui émergent de la mer et sont reliés par une corde de paille sacrée appelée shimenawa. Ces rochers symbolisent l’union sacrée dans la spiritualité shintoïste, souvent associée aux dieux créateurs du Japon, Izanagi et Izanami. Ce lieu est un site populaire pour les couples et les cérémonies de mariage. Et contrairement à d’autres sites japonais célèbres pour leurs vues sur le soleil levant, Futamigaura est réputé pour ses couchers de soleil exceptionnels sur la mer de Genkai, encadrés par les rochers sacrés. Le sanctuaire Sakurai Futamigaura situé à proximité est associé aux rochers sacrés et accueille des rituels annuels ...

Kyūshū a été un point d’entrée clé pour les influences étrangères, notamment la Chine, la Corée et plus tard l’Occident, via Nagasaki. Fukuoka, le centre économique, culturel et démographique de Kyushu, est historiquement et géographiquement un point stratégique entre le Japon et la Corée du Sud : la ville portuaire de Busan, en Corée du Sud, est à environ 200km et 3 heures de ferry de Fukuoka. De nombreuses industries sud-coréennes, notamment dans l’électronique et l’automobile (Hyundai, Samsung, LG), entretiennent des liens avec les industries japonaises de Kyushu. Et Fukuoka est l'une des destinations japonaises les plus prisées par les touristes sud-coréens en raison de sa proximité ...

 

 Parmi les sites touristiques, on cite le Mont Aso (Kumamoto), l’un des volcans les plus impressionnants et actifs du Japon; Yakushima (Kagoshima), des forêts anciennes, inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO; les Gorges de Takachiho (Miyazaki), des paysages spectaculaires avec des cascades et une importance mythologique; des sources chaudes (onsen), Beppu Onsen (Ōita), l'une des villes thermales les plus célèbres du Japon, Ibusuki Onsen (Kagoshima), célèbre pour ses bains de sable chaud; le Château de Kumamoto, l’un des châteaux les plus impressionnants du Japon. Et Nagasaki, le parc de la paix et musée de la bombe atomique, ainsi que le quartier historique de Dejima.


Seichō Matsumoto, "Ten to Sen" (Points and Lines, 1958) 

Seichō Matsumoto (1909–1992) est l’un des auteurs de romans policiers les plus célèbres et influents du Japon.

Il est né à Fukuoka, sur l'île de Kyūshū, et cette région joue un rôle important dans ses œuvres, en contraste avec le Japon urbain de Tokyo ou d’Osaka. Son style se distingue par une approche réaliste, s’éloignant des intrigues policières traditionnelles centrées sur des détectives, pour se concentrer sur les motivations humaines sur fond de critiques sociales (inégalités sociales, corruption, dilemmes moraux dans Japon d'après-guerre en mutation) : on l'a souvent rapproché de Georges Simenon. 

"Ten to Sen" (Points and Lines, 1958) est l'un de ses romans les plus célèbres (et sans doute l’un des premiers romans policiers japonais basés sur des indices logiques et des faits concrets), une enquête sur un meurtre maquillé en suicide dans le cadre d’une affaire de corruption gouvernementale. L’histoire se déroule principalement à Hakata (Fukuoka) et dans des gares côtières, et l’enquête, basée sur des trajets ferroviaires minutieusement étudiés. - Dans "Kuroi Jukai" (The Black Sea of Trees, 1960), un homme disparaît mystérieusement dans la forêt d’Aokigahara, connue pour être dense et difficile d’accès. -  "Inspector Imanishi Investigates" (Suna no Utsuwa, 1961) - Met en lumière les discriminations envers les minorités japonaises et les fractures sociales. L’inspecteur Imanishi enquête sur le meurtre d’un homme retrouvé mort près des voies ferrées. Son enquête l’emmène de Tokyo vers  plusieurs régions du Japon, révélant un passé tragique et des conflits sociaux profonds. Adapté en film et en série TV, c’est l’un de ses romans les plus connus à l’international. 

Mais l'un des romans les plus traduits de Matsumoto reste "Tokyo Express" (Tōkyō Kidan, 1958) : un meurtre maquillé en suicide est découvert à Tokyo. L’enquête repose sur des indices ferroviaires, démontrant que le crime a été minutieusement orchestré. - "Pro Bono" (Zero no Shōten, 1959) met en scène une femme qui cherche son mari disparu peu après leur mariage, et découvre des secrets enfouis dans une petite ville.

L'influence de Matsumoto se retrouve dans le cinéma policier japonais moderne, avec des réalisateurs comme Akira Kurosawa (pour Les Salauds dorment en paix, 1960).


Murakami Ryū,  "Almost Transparent Blue" (1976)

Murakami Ryū (1952) s'est imposé par ses romans noirs, violents et dérangeants, subversifs, qui explorent les bas-fonds de la société japonaise (ll est souvent comparé à Bret Easton Ellis (American Psycho) et Chuck Palahniuk (Fight Club) pour son univers trash et nihiliste). Il est natif de Sasebo (Nagasaki), une ville portuaire cosmopolite marquée par la présence militaire américaine après la Seconde Guerre mondiale (la culture américaine est présente dans ses livres), et l'un de ses rares romans directement autobiographiques, raconte son adolescence à Sasebo en 1969 ("69", 1987). Mais ses romans sont souvent situés à Tokyo ou dans des environnements urbains anonymes, reflétant la modernité et l’aliénation de la société japonaise, sa critique la culture consumériste, du vide existentiel et de l’aliénation des jeunes japonais est sans concession...

"Kagirinaku Tōmei ni Chikai Burū" ( Almost Transparent Blue, 1976) est son premier roman choc sur la jeunesse japonaise des années 70, entre drogue, sexe et musique rock : il a remporté le Prix Akutagawa en 1976 et a marqué une rupture dans la littérature japonaise. 

"Koin Rokkā Beibīzu" (Coin Locker Babies, 1980), toujours aussi sombre et violent, s'attaque à la société japonaise moderne à travers l’abandon, la marginalisation et la destruction psychologique. Il s’inspire en effet d’un phénomène réel des années 1970 où des bébés abandonnés étaient retrouvés dans des consignes automatiques (coin lockers) des gares japonaises. Kiku et Hashi sont deux garçons abandonnés dans des consignes automatiques à la naissance, retrouvés miraculeusement vivants et adoptés par une famille à Kobe. Autant Kiku est fort, athlétique et silencieux, autant Hashi est plus fragile, excentrique et rêveur.

Dès l’enfance, ils développent un lien intense et obsessionnel, marqué par leur passé commun de bébés abandonnés. Adolescents, ils sont envoyés dans un orphelinat dont la rigueur va accentuer leur comportement, Hashi découvre qu'il a un talent pour la musique, mais ne parvient pas à s'affirmer socialement tandis que Kiku en vient à nourrir une véritable haine à l'encontre la société. Le roman bascule lorsque, après une altercation, Kiku attaque leur mère adoptive et s’enfuit avec Hashi vers Toxitown, un quartier fictif sordide de Tokyo, rempli de toxicomanes, de criminels et de prostituées. Au sortir de ce chaos, Hashi sera interné et Kiku se lance dans un projet de destruction totale ...

 

"Topāzu" (1988), réalisé cinématographiquementpar Ryū Murakami lui-même sous le titre de  "Tokyo Decadence" en 1992, avec en mention un avertissement pour un public non averti. Tous deux nous plonge dans le monde des soaplands (bains érotiques japonais) et du commerce du sexe. Ai, une jeune femme introvertie travaillant comme prostituée spécialisée dans le BDSM à Tokyo, est engagée par divers clients, dont des hommes d'affaires et des membres de la yakuza, pour satisfaire leurs fantasmes les plus sombres. Parallèlement à son travail, Ai nourrit une obsession pour un ancien amant, un artiste marié, qu'elle espère retrouver. Aux limites de la soumission et de la domination, les aspects les plus sombres du désir humain et l'extrême solitude dans cette métropole tentaculaire qu'est Tokyo...

 

"Piasshingu" (Piercing, 1994) s'inspire de Bret Easton Ellis, tant de l’ultraviolence psychologique que du style clinique et détaché : les bourreaux peuvent-ils être à leur tour des victimes? Kawashima Masayuki, un homme ordinaire (en apparence),  marié et père d’un nouveau-né, lutte contre une pulsion incontrôlable, l’envie de planter un pic à glace dans le corps de son propre bébé. Chaque nuit, il se tient au-dessus du berceau, un pic à glace à la main, avant de se reprendre et d’aller se calmer en prenant des notes sur ses pensées obsessionnelles. Son passé semble marqué par un traumatisme infantile : enfant, il a été brutalisé et enfermé dans un placard par sa mère. Aussi, pour réprimer ses pulsions violentes, il décide d’attaquer une femme inconnue à la place de son bébé et planifie un meurtre parfait : louer un hôtel, engager une prostituée, la torturer et la tuer avec méthode.  

Il choisit ainsi Chiaki, une call-girl de Tokyo, pour être sa victime, une jeune femme par ailleurs instable et suicidaire, qui s’automutile avec des objets tranchants. Elle-même porte un lourd traumatisme, victime d’abus dans son enfance, elle oscille entre dissociation et tendances destructrices. Quand elle arrive dans la chambre d’hôtel, elle ressent  immédiatement une atmosphère étrange chez Kawashima. Et de fait la situation se renverse : la conclusion sera brutale et ambiguë, laissant en suspens le sort de Kawashima...

 

"In za Misosūpu" (In the Miso Soup, 1997)

Le côté sombre du tourisme sexuel, où les étrangers viennent "consommer" le Japon sans le comprendre, le cliché de l’Occidental perdu dans Tokyo, mais qui devient ici rapidement menace, un monstre qui expose les failles de la société japonaise; et le Japon moderne, soumis aux règles, évitant le conflit, mais incapable d'arrêter la spirale de la violence.

Kenji, 20 ans, est un jeune Japonais qui travaille comme guide pour étrangers dans le Tokyo nocturne. Son travail consiste à accompagner des touristes dans les quartiers chauds de la ville, leur montrant bars, clubs d’hôtesses, peep-shows et love hotels. Il est habitué à voir le pire de la capitale, mais il ne s’attend pas à ce qui va suivre… En effet, il rencontre Frank, un touriste américain mystérieux, un Américain d’une quarantaine d’années qui veut explorer les plaisirs interdits de Tokyo. Dès leur première rencontre, Frank semble étrange, décalé, mal à l’aise avec la culture japonaise. Kenji doute de son identité : Frank prétend être en voyage d’affaires, mais ses histoires sont contradictoires et troublantes. Le comportement de Frank devient de plus en plus inquiétant, oscillant entre gentillesse et violence latente : et réalise peu à peu que Frank est un psychopathe, un prédateur qui cache une folie meurtrière sous une apparence normale. Le suspense monte jusqu’à une scène extrêmement violente où Frank laisse libre cours à sa sauvagerie, commettant un carnage sanglant dans un club. Kenji, traumatisé, comprend que Frank voit la société japonaise comme une coquille vide, une ville déshumanisée où il peut jouer avec la peur et la mort. La police intervient, mais l’horreur a déjà eu lieu… et Kenji doit maintenant vivre avec ce qu’il a vu...

 

"Ōdishon" (Audition,1997)

Aoyama, un veuf de 42 ans, sept ans après la mort de sa femme Ryoko, envisage de se remarier. Encouragé par son fils Shige et son ami Yoshikawa, il décide d'organiser une fausse audition pour un film fictif afin de rencontrer des femmes potentielles. Parmi les candidates, Yamasaki Asami, une ancienne ballerine de 24 ans, attire particulièrement son attention par sa beauté et sa grâce. Malgré les avertissements de Yoshikawa concernant des incohérences dans le passé d'Asami, Aoyama s'engage dans une relation avec elle. Cependant, au fil du temps, il découvre qu'Asami dissimule un passé plus que sombre et traumatisant, mais, avant qu'il ne puisse agir, il est drogué et endormi : à son réveil, il se retrouve immobilisé et libré aux tortures d'Asami. Le roman se termine sur une note ambiguë, laissant le sort final d'Aoyama incertain. Ce roman a été adapté en film par Takashi Miike en 1999 avec Ryō Ishibashi et Eihi Shiina.

 

"Kyōseichū" (Parasites, 2000) 

Kazuya Iwaki, 20 ans, vit enfermé dans la chambre de son appartement à Tokyo depuis trois ans, totalement coupé du monde. Il est un hikikomori, un jeune reclus refusant tout contact social et dépendant entièrement de sa mère. Il ne travaille pas, ne sort jamais, et passe ses journées à regarder des films pornos et à jouer aux jeux vidéo. Sa mère l’entretient financièrement, lui prépare ses repas et répond à tous ses besoins sans poser de questions.

Elle est ultra-protectrice, au point de favoriser son enfermement plutôt que de le pousser à affronter le monde extérieur. Puis une rencontre qui bouleverse son isolement. Un jour, Kazuya rencontre un autre hikikomori, qui le pousse à explorer une communauté clandestine de jeunes reclus. Cette société souterraine, composée de jeunes vivant en marge du monde "réel", dépend totalement de leurs parents. Ces "parasites" ne cherchent pas à travailler ou à s’intégrer, mais à profiter du système et à vampiriser leurs familles.

Ils développent des stratégies psychologiques et économiques pour maintenir leur dépendance et éviter la pression sociale du Japon moderne. C'est alors l'escalade vers le malaise et la folie. Le roman nos livre les pensées tordues et les mécanismes psychologiques de Kazuya et de son entourage. Peu à peu, son isolement tourne à l’horreur, entre perte de repères, crise identitaire et dérive paranoïaque. Jusqu’à quel point peut-on refuser le monde extérieur sans sombrer dans la folie ?

Kyōseichū est l’un des premiers romans à explorer en profondeur le phénomène des hikikomori, ces jeunes reclus qui refusent la pression sociale et économique. Et Murakami critique une société japonaise qui impose des normes strictes et pousse certains jeunes à s’effacer complètement du monde....


Naoki Hyakuta, "Eien no Zero (Zéro éternel, 2006)

Le sacrifice, la guerre et la mémoire. Naoki Hyakuta (1956), natif d'Osaka, est un écrivain, producteur de télévision et homme politique japonais. Il est notamment connu pour ses positions politiques nationalistes et ses prises de position controversées concernant l'histoire du Japon (il a nié le massacre de Nankin et critiquer les procès de Tokyo après la Seconde Guerre mondiale). Hyakuta a acquis une notoriété significative avec son roman "Eien no Zero" qui raconte l'histoire d'un pilote kamikaze pendant la Seconde Guerre mondiale, un best-seller au Japon qui a été adapté en film en 2013 par Takashi Yamazaki. Abordant le destin des pilotes kamikazes, non pas sous un prisme héroïque, mais à travers une vision critique et nuancée, le roman pose des questions sur le sens du sacrifice, le patriotisme et la transmission de la mémoire historique.

Kentarō Saeki, un jeune homme sans but précis dans la vie, découvre que son grand-père biologique était un pilote de la Marine impériale japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale. Avec sa sœur Keiko, il décide d’enquêter sur cet homme, Kyūzō Miyabe, dont leur famille n’a jamais parlé. Leur grand-père adoptif (Tadashi Saeki), un ancien soldat, déteste Kyūzō et refuse de parler de lui, ce qui attise la curiosité de Kentarō. Ils commencent à rencontrer d’anciens soldats et pilotes ayant connu leur grand-père, mais les témoignages sont contradictoires. Miyabe pilotait un Mitsubishi A6M "Zero", l’un des avions les plus redoutés du début de la guerre. Il maîtrisait l’art du combat aérien, mais préférait éviter les batailles inutiles pour protéger ses hommes. Il semble avoir été obsédé par une chose, survivre à la guerre pour revoir sa famille, et, ontrairement aux pilotes endoctrinés par la propagande, n’adhérait pas à l’idée de mourir pour l’Empereur tout en critiquant le système militaire japonais.

Lorsque la guerre tourne au désastre pour le Japon et qu'il voit ses camarades mourir un à un, envoyés à la mort par des officiers fanatiques, Miyabe tente de s’opposer au fanatisme du commandement japonais,. Mais lorsque la fin de la guerre approche, que les missions kamikazes deviennent obligatoires, Miyabe acceptera finalement une mission suicide, non pas par conviction patriotique, mais parce qu'il sait que la guerre est perdue et qu’il veut mourir en paix. Les kamikazes n’étaient pas des héros, mais des victimes d’un système impitoyable ...

Le Musée de la Paix de Chiran pour les pilotes kamikazes, situé à Minamikyūshū, dans la préfecture de Kagoshima, est dédié aux 1 036 jeunes hommes qui ont sacrifié leur vie en tant que pilotes kamikazes. À Tokyo, le sanctuaire Yasukuni honore les âmes des soldats japonais morts au combat, y compris les kamikazes....


Okinawa (沖縄) 

Située à l'extrême sud-ouest du Japon, la région d’Okinawa est un archipel subtropical composé de 160 îles (49 habitées), entre Kyūshū et Taïwan, au cœur de la mer de Chine orientale. Elle fait partie de l’archipel des Ryūkyū et possède une histoire, une culture et un environnement distincts du reste du Japon. Okinawa est souvent célébrée pour sa beauté naturelle, ses traditions uniques et sa qualité de vie souvent jugée exceptionnelle. 

Sa capitale, Naha, est située sur l’île principale, Okinawa Hontō : l'avenue Kokusai-dōri, sa rue commerçante emblématique, et l'Aquarium Churaum, l’un des plus grands aquariums du monde, connu pour ses requins-baleines et ses immenses bassins.

 

Les îles sont principalement coralliennes, avec des plages de sable blanc, des récifs coralliens, et des forêts subtropicales. Les Îles Yaeyama sont de véritables paradis tropicaux. L'Île d’Ishigaki est connue pour la plage de Kabira Bay et ses magnifiques coraux, l'Île de Taketomi a su préserver ses maisons ryūkyūennes aux toits de tuiles rouges, et l'île d'Iriomote est montagneuses, couvertes de jungles denses. Une région au climat subtropical souvent frappée par des typhons en été et en automne. Un Japon bien différent, avec une culture et une histoire très spécifiques ...

 

Okinawa faisait partie du royaume indépendant des Ryūkyū jusqu’à son annexion par le Japon en 1879. Après la Seconde Guerre mondiale, Okinawa fut occupée par les États-Unis jusqu’en 1972, lorsqu’elle fut restituée au Japon. Les bases militaires américaines occupent environ 15 % de la superficie de l’île principale, un sujet de tensions sociales et politiques.

 

La majorité de ses 1,4 million d’habitants (2023) d'habitants vit sur l’île principale (Okinawa Hontō). Les autres îles, comme Miyako et Yaeyama, ont une faible densité de population. Ses traditions incluent une musique unique jouée au sanshin (instrument à trois cordes), des danses folkloriques, et une langue locale, l’okinawaïen, en déclin face au japonais standard.

 

Okinawa est mondialement connue pour son taux élevé de centenaires, souvent attribué à un régime alimentaire équilibré, une vie active, et des liens sociaux forts. Les concepts d'« ikigai » (raison de vivre) et de « moai » (réseau social de soutien) jouent un rôle essentiel dans le bien-être des habitants. Nombre d'ouvrages se sont emparés du sujet : "Okinawa Program : How the Worlds Longest-Lived People Achieve Everlasting Health" (Bradley J. Willcox, D. Craig Willcox et Makoto Suzuki) ...

 

Le tourisme est le principal moteur économique d'Okinawa. Parmi les sites touristiques et naturels, citons les plages et récifs coralliens tels que Kabira Bay (Ishigaki) et  Emerald Beach (Motobu), la forêt subtropicale d’Iriomote , les grotte de Gyokusendo, le Château de Shuri (Naha), reconstruit après sa destruction pendant la Seconde Guerre mondiale, symbole du patrimoine des Ryūkyū., Seifa Utaki, lieu sacré lié à la fondation du royaume, Peace Memorial Park, consacré aux victimes de la bataille d’Okinawa (1945) ... 

Mais l'afflux massif de touristes exerce une pression significative sur l'environnement, les infrastructures locales et la qualité de vie des résidents. Ainsi l'île d'Iriomote, reconnue pour sa biodiversité unique et classée au patrimoine mondial de l'UNESCO, a accueilli jusqu'à 400 000 visiteurs par an avant la pandémie, malgré une population résidente d'environ 2 500 personnes. Cette sur-fréquentation a menacé des espèces endémiques, comme le chat d'Iriomote, et a perturbé les écosystèmes locaux. Pour y remédier, les autorités ont instauré en avril 2023 une limite quotidienne de 1 200 visiteurs et annuelle de 330 000, avec des restrictions supplémentaires dans les zones les plus sensibles ...

 

- "Southern Exposure: Modern Japanese Literature from Okinawa", édité par Michael Molasky et Steve Rabson, est la première anthologie de la littérature okinawaïenne traduite en anglais. Publiée en 2000, elle offre un panorama de la production littéraire d'Okinawa, incluant de la poésie et de la prose du XXe siècle. Parmi les contributions notables, on trouve "Turtleback Tombs" de Oshiro Tatsuhiro, qui décrit une famille se réfugiant dans leur tombe ancestrale pendant le bombardement américain, et "Droplets" de Medoruma Shun, qui traite des séquelles psychologiques de la guerre sur les survivants ...

 

Shun Medoruma (1960), militant actif contre les bases militaires américaines à Okinawa, très critique à l'encontre des médias japonais, qu’il accuse de minimiser la voix des insulaires, reçut le Prix Akutagawa pour "Droplets" (Suiteki, 1997, Gouttes d'eau), un texte emblématique de la littérature d’Okinawa: le protagoniste, Tokushō, un ancien soldat d’Okinawa qui vit une existence modeste et silencieuse, est hanté par les souvenirs de la guerre, notamment par un camarade mort sous ses yeux et par les horreurs qu’il a subies et commises. Un jour, Tokushō se retrouve mystérieusement alité, incapable de parler ni de bouger. Son corps commence alors à produire des gouttes d’eau inexpliquées, qui coulent de son pied et semblent posséder un pouvoir étrange. Ces "gouttelettes" attirent l’attention de sa femme et des voisins, notamment Ushi, une vieille femme qui pense que ces gouttes ont des vertus mystiques et pourraient guérir certaines afflictions. Pendant ce temps, Tokushō, bien que paralysé, est submergé par des visions intenses de la guerre, revivant les événements tragiques qu’il a vécus. Le corps en situation de rémanence traumatique ...  

 

- "Bloody Okinawa: The Last Great Battle of World War II", Joseph Wheelan (2020), Un récit de la dernière grande bataille de la Seconde Guerre mondiale – la plus grande, la plus sanglante et la plus sauvagement menée campagne de la guerre du Pacifique – la dernière en son genre. Le dimanche de Pâques, 1er avril 1945, plus de 184000 soldats américains ont commencé à débarquer sur le seul sol japonais. À seulement 350 milles du Japon continental, Okinawa devait servir de base avancée pour l’invasion japonaise à l’automne 1945. Près de 140 000 soldats japonais et auxiliaires se sont battus avec ténacité suicidaire sur des collines et crêtes fortifiées creusées. Sous le feu constant et dans la pluie et la boue, les Américains ont battu les défenseurs avec l’artillerie, le bombardement aérien, le tir naval, et chaque outil d’infanterie. Des vagues de kamikazes japonais et d’avions de guerre conventionnels ont coulé 36 navires de guerre, endommagé 368 autres et tué près de 5000 marins américains. Lorsque le combat s’est terminé après 82 jours, plus de 125 000 soldats ennemis ont été tués, ainsi que 7 500 soldats américains. Tragiquement, plus de 100.000 civils d’Okinawa ont péri alors qu’ils étaient pris entre les armées. La campagne brutale a convaincu les dirigeants américains de lâcher la bombe atomique au lieu d’envahir le Japon. En utilisant des récits de combattants américains et de sources japonaises, l’auteur Joseph Wheelan donne une dimension humaine à ce sanglant tournant du monde ...

 

"Kioku no Mori no Naka de" (In the Woods of Memory), de Shun Medoruma, publié en 2017, évoque les séquelles de l’occupation américaine à Okinawa, à travers un crime de guerre et ses répercussions sur plusieurs générations. L’histoire se déroule à Okinawa en 1945, après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’occupation américaine avait transformé l’île en base militaire stratégique, entraînant de nombreuses tensions entre les soldats américains et la population locale. Et les crimes de guerre, notamment les violences sexuelles commises par des soldats américains, restaient alors un sujet tabou au Japon. Le récit couvre deux incidents, - le premier, dramatique, l’agression sexuelle de Sayoko, 17 ans, par quatre soldats américains (un crime dont elle ne parlera jamais ouvertement), le second, la tentative de vengeance de son ami Seiji (témoin de l’agression, tente de défendre Sayoko mais est violemment battu par les soldats) -, rapportés de neuf points de vue, japonais et américain, de 1945 à nos jours, révèlant toute la complexité des événements. Les habitants du village, terrorisés, resteront silencieux, par peur des représailles de l’armée américaine et l’administration américaine étouffera l’affaire, aucun des soldats ne sera puni. Sayoko sera considérée comme une paria dans son propre village et ne se mariera jamais. 

Les éditions Zulma ont traduit, entre autres, un recueil de six nouvelles, "L’âme de Kotaro contemplait la mer" (Mabuigumi, 1999) et "Les pleurs du vent".

 

Eiki Matayoshi (1944-2019), originaire de Ginowan, une ville d’Okinawa marquée par la présence militaire américaine, ses romans offrent une critique subtile de l’assimilation culturelle imposée par le Japon tout en évoquant la mythologie et la spiritualité des îles Ryūkyū à travers le réalisme magique. Il est le premier écrivain d’Okinawa à recevoir le Prix Akutagawa (1995). "Kahō wa umi kara" ("Fortunes by the Sea") est inclus dans l'anthologie "Southern Exposure: Modern Japanese Literature from Okinawa"

"Butōkai" (1995, Le Bal), Un homme vivant dans un petit village isolé d’Okinawa organise un bal extravagant qui devient peu à peu un événement surnaturel et chaotique : le bal comme métaphore des transformations culturelles que subit l'île. 

 "The Pig’s Retribution" (Butaya shinjū, 1996) se veut allégorie du passé colonial d’Okinawa et de son rapport ambivalent avec la modernité et le Japon continental. L’histoire tourne autour d’un fermier d’Okinawa qui élève des porcs dans un cadre rural typique de l’île. Un jour, par des circonstances tragico-burlesques, il tue accidentellement son cochon préféré, un animal qu’il élevait avec un soin presque obsessionnel. Peu de temps après, il est hanté par l’esprit du cochon mort, qui revient sous une forme surnaturelle pour se venger.

"Jinkotsu Tenjikan" (2002), traduit en français sous le titre "Histoire d'un squelette" (éditions Philippe Picquier), raconte l'histoire d'un homme qui découvre un squelette humain et décide de l'exposer dans un musée improvisé. Cette exposition attire l'attention des habitants et des médias, soulevant des questions sur la mémoire, la mort et le respect des ancêtres. De la commercialisation de la culture, de la sacralité de la mort et des tensions entre tradition et modernité à Okinawa.