PAYSAGES - LE MAGHREB ...

Contrées d'Afrique du Nord, les pays du Maghreb (al-Djazirat al-Maghrib, "là où le soleil se couche..")  que sont le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, la Lybie et la Mauritanie correspondent à la partie occidentale du monde arabe ("the Arab West"), comprise entre la Méditerranée, le désert de Libye, le Sahara occidental et l'océan Atlantique, et forment depuis plus d'un millénaire, une unité géographique, linguistique et religieuse.  Le Maroc, l'Algérie, et la Tunisie ont en commun une ouverture méditerranéenne, vers l'Europe méridionale, et une partie saharienne, mais superficies, effectifs de population, régime politique, potentialités économiques varient très largement...

 

- Pays : 107,5 millions d'habitants, qui se répartissent ainsi, le Maroc (37M9), ses montagnes de l’Atlas, ses villes impériales (Marrakech, Fès, Meknès), et son ouverture sur l’océan Atlantique et la mer Méditerranée; l'Algérie (45M4), le plus grand pays d’Afrique en termes de superficie, on l'oublie souvent, avec une vaste partie de son territoire couverte par le désert du Sahara; la Tunisie (12M2). On leur ajoute, et on l'oublie aussi, la Libye (7M1), et la Mauritanie (4M9), à la jonction entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne, avec un territoire majoritairement désertique ...

 

- Langues: à l'arabe classique (la langue du Coran, des textes religieux islamiques, et de la littérature arabe ancienne) et à l'arabe standard moderne (version modernisée et simplifiée de l'arabe classique, adaptée pour les besoins contemporains comme le journalisme, la politique, l'éducation et la communication moderne.), on peut ajouter le Tamazight (berbère) au Maroc et en Algérie (Kabyle), le Français (non officiel, mais très répandu), le Hassanya (dialecte arabe) en Mauritanie; et nombre de langues parlées, le Darija (dialectes arabes maghrébins), des langues amazighes (berbères) ...

 

- Villes : Casablanca (3M7), Rabat (0m580), Marrakech (1M), Fès (1M2), Tanger (1M1); Alger (3M9), Oran (1M5), Constantine (0M450), Blida (0M3); Tunis (2M8), Sfax (0M3), Sousse (0M270); Tripoli (1M2), Benghazi (0M8), Misrata (0M5; Nouakchott (1M2)...

 


Le Maghreb offre une multitude de paysages emblématiques qui reflètent une beauté naturelle toute sensorielle, et un patrimoine historique fort de traditions millénaires, souvent évoquées dans la poésie, les contes et la littérature de ces extraordinaires contrées : on pense à Assia Djebar ("Nulle part dans la maison de mon père", 2007), Tahar Djaout, Tahar Ben Jelloun, ou Rachid Mimouni. Mais des auteurs qui portent aussi une autre réalité faite d'exil, de mémoire, et de double appartenance ...

C'est que le Maghreb est aussi un espace de diaspora massive, tant vers l’extérieur (Europe notamment) que de terre d’immigration et de transit, des phénomènes intimement liés aux dynamiques coloniales, économiques et géopolitiques : on compte environ 5 millions de Marocains à l’étranger (13,5 % de la population), - principalement en France, en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas et en Belgique -, une diaspora algérienne de plus de 2 millions (environ 4,4%), - majoritairement en France -, et environ 1,5 millions de Tunisiens (France, Allemagne, Italie)...

La littérature en porte trace avec un dynamisme qui a très peu d'équivalent. Que l'on pense à Kamel Daoud (1970), écrivain, journaliste et essayiste algérien, auteur de "Meursault, contre-enquête" (2013), célèbre roman répondant à "L'Etranger" d'Albert Camus, et donnant la parole au frère de "l'Arabe" anonyme tué par Meursault; ou à Hedia Ben Belgacem, reconnue pour sa "Chroniques d’une femme tunisienne" (2011), un livre publié dans le contexte post-révolutionnaire après la chute de Ben Ali ...


L’Algérie était la 4e destination touristique en Afrique en 2013 avec 2,7 millions de touristes (OMT), et pourtant le pays reste paradoxalement peu visité : la plupart de ceux-ci sont des membres de la diaspora algérienne qui rentrent chez eux pour rendre visite à leur famille. On fait dire aux chiffres bien des choses. Pour l'heure, l’industrie a donné à l’État algérien suffisamment de ressources pour tenter de développement un secteur comme le tourisme, qui n'est pas sans ambiguïté dans un pays qui ne peut oublier sa "décennie noire"...

 

- Le Sahara algérien, le Hoggar (Ahaggar), des massifs montagneux aux formes érodées et mystérieuses, notamment l’Assekrem, célèbre pour ses couchers de soleil spectaculaires, près de la ville de Tamanrasset.

- Le Tassili n’Ajjer, un plateau désertique inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, célèbre pour ses formations rocheuses et ses peintures rupestres préhistoriques.

- Les dunes du Grand Erg Occidental, des étendues infinies de sable doré...

- La Kabylie (Algérie), une région montagneuse couverte d’oliviers et de forêts, avec des villages perchés et des paysages verdoyants. A une dizaine de kilomètres à l’est de la capitale Alger, en plein centre de la région, TiziOuzou, bordée par plusieurs villes côtières, Tigzirt, Azeffoun, Dellys et Bourmerdès. 

- Les anciennes villes romaines, Djémila et Timgad (la Pompéi de l'Afrique du Nord), toutes deux classées au Patrimoine mondial de l’UNESCO, comptent parmi les sites archéologiques les mieux préservés d’Afrique du Nord.

- La côte méditerranéenne (Algérie), des plages et falaises comme celles de Tipaza, où les ruines romaines surplombent la mer.

- A 611 kilomètres au sud d’Alger sur la route transsaharienne, la terre ancestrale des Mozabites, Ghardaïa, la quatrième plus grande population berbère du pays ...

- La Casbah d'Alger, quartier historique inscrit au patrimoine mondial de l'humanité de l'Unesco depuis 1992, un type unique de médina (ville islamique) comprenant des vestiges de la citadelle, des mosquées anciennes, des palais ottomans ...

- la petite ville côtière de Ténès ...

Et s'il est des auteurs qui évoquent avec un lyrisme communicatif l'Algérie de ces paysages, citons Mouloud Feraoun (1913-1962, décrivant la beauté des montagnes de la Kabylie, sa région natale ("Le Fils du pauvre", 1950, "La Terre et le sang", 1953) : il mourra assassiné par l'OAS à Alger le 15 mars 1962. Et tandis que le poète et essayiste Jean Amrouche (1906-1962) compose ses "Chants berbères de Kabylie" (1939), Yasmina Khadra dans "Ce que le jour doit à la nuit" (2008) nous conte avec lyrisme les paysages de l’Oranie et des campagnes algériennes, mêlant leur beauté naturelle aux émotions de ses personnages...

 

On dit et redit, l’histoire mouvementée de l’Algérie est profondément, sans doute durablement, marquée par la colonisation française, la guerre d’indépendance et les luttes postcoloniales, et ce que l'Histoire de France persévère à interpréter. Mouloud Mammeri (1917-1989) abordera dans "La Colline oubliée" (1952), le choc des cultures dans une Kabylie colonisée et les conflits identitaires qui en découlent. Malek Haddad (1927-1978), "Le Quai aux Fleurs ne répond plus" (1961), évoquera les traumatismes de l’exil et la difficulté pour un écrivain algérien d’écrire en français tout en portant le poids de l’histoire coloniale. Rachid Boudjedra (1941) s’attaque quant à lui, frontalement, aux tabous et explore les tensions politiques et sociales dans une Algérie post-indépendance, mettant en lumière la désillusion de l’après-guerre, avec "La Répudiation" (1969) et "Le Démantèlement" (1982). 

L'incontournable Yasmina Khadra, - l'écrivain algérien qui dialogue avec le monde -, sait avec une infinie efficacité  traiter des répercussions des conflits politiques sur la vie quotidienne, mais tout autant les défis contemporains tels que l’extrémisme et la radicalisation, qui trouvent leurs racines dans les blessures coloniales et postcoloniales : un premier opus de sa série policière mettant en scène l’inspecteur Llob et qui dépeint l’Algérie des années 1990, marquée par la montée de l’islamisme et la violence ("Morituri", 1997), puis une fresque historique et romantique qui raconte l’amitié entre un jeune Algérien et des colons français dans l’Algérie coloniale ("Ce que le jour doit à la nuit", 2008); l’histoire d’un médecin israélo-arabe confronté à la radicalisation de son épouse ("L’Attentat", 2005), en Afghanistan sous le régime des Talibans ("Les Hirondelles de Kaboul", 2002), len Afghanistan sous le régime des Talibans ("Les Sirènes de Bagdad", 2006). Mohammed Moulessehoul (1955) avait choisi d'écrire sous le pseudonyme féminin Yasmina Khadra (le prénom de son épouse) pour contourner la censure militaire en Algérie, (il était officier dans l'armée durant une grande partie de sa carrière) ...

 

La complexité de la société algérienne, avec ses tensions culturelles, identitaires et économiques, reste un sujet central pour de nombreux auteurs ... 

 

Kateb Yacine, dans "Nedjma" (1956) nous restitue la société algérienne dans toute sa diversité ethnique et culturelle, en abordant notamment le poids des traditions, l’exil intérieur et la quête d’identité. Mohammed Dib (1920-2003) nous propose, dans "La Grande Maison" (1952) et  "L’Incendie" (1954), une chronique sociale de la pauvreté et des inégalités dans l’Algérie coloniale, particulièrement dans les milieux urbains et ruraux. Rachid Mimouni, dans "Le Fleuve détourné" (1982), "La Malédiction" (1993), analyse les fractures sociales dans une Algérie en crise, notamment l’injustice, la corruption et les déséquilibres entre classes. Assia Djebar (1936-2015), dans "Femmes majeures : Femmes d'Alger dans leur appartement" (1980) et "L’Amour, la fantasia" (1985), nous révèle la place des femmes dans la société algérienne, entre traditions patriarcales et aspirations à l’émancipation, tout en s’intéressant aux tensions linguistiques et culturelles...

Boualem Sansal (1949) est de de ceux qui dénonce régulièrement les dérives du régime algérien et le poids de l’islamisme. C'est encouragé par son ami Rachid Mimouni qu'il publiera en 1999 son premier roman, "Le Serment des barbares", dans lequel l'inspecteur Larbi, en enquêtant sur un meurtre dans une banlieue d'Alger, met à jour  et bien des secrets liés à l'histoire de l'Algérie post-indépendance, marquée par la violence, la corruption et les divisions sociales. Dans "Le Village de l'Allemand, ou le journal des frères Schiller" (2008), il met en scène deux frères, l'un vivant en France, l'autre en Algérie, qui découvrent que leur père, un héros de l'indépendance algérienne, était en réalité un ancien officier SS., et tentent dès lors de comprendre cette révélation bouleversante. Dans "Rue Darwin" (2011), il conte l'hstoire de Yazid, un homme d’affaires installé en France, qui revient à Alger pour l'enterrement de sa mère adoptive, et qui se retouve à revisiter son passé familial et les mystères entourant son identité. Romancier mais aussi essayiste, "L'Imposture des mots" (2002) le conduit à s'interroger sur le rôle des mots et de la littérature dans la compréhension et la transformation du monde; il dénoncera au passage l’utilisation perverse du langage par les idéologies et les systèmes oppressifs.

Tahar Djaout (1954), écrivain et journaliste qui sera assassiné en 1993 par un groupe islamiste armé, dénoncera quant à lui l'intégrisme religieux et les injustices sociales dans ses œuvres, telles que "Les Chercheurs d'os" (1984) : l’histoire se déroule dans une Algérie post-indépendance où un jeune homme est envoyé dans le désert pour ramener les ossements de son frère, mort en martyr pendant la guerre d’indépendance; mais au cours de ce périple, il découvre les réalités complexes de cette époque héroïque mais surtout ses ombres. Dans "Les Vigiles" (1991), il racontera le parcours d’un homme confronté à la bureaucratie et à la corruption dans une société algérienne gangrenée par l’absurde et la violence institutionnelle...


En 2023, le Maroc a accueilli 14,5 millions de touristes, dont plus de 3M de Français et 2M d'Espagnols (et plus 4M de Marocains résidant à l'étranger), un tourisme qui se concentre essentiellement autour de Marrakech, Casablanca, et Agadir, et qui ne se pose que peu de questions sur les transitions démocratiques et les inégalités sociales que connaît, comme beaucoup d'autres, cette partie du monde : et espère atteindre 17,5 millions de touristes fin 2024 (7% du PIB marocain), et 26 millions de touristes d’ici 2030 (le royaume compte plus de 37M d'habitants, il existe donc encore une marge, que comblera la co-organisation de la Coupe du Monde de la FIFA 2030), avec le tourisme de luxe, l’écotourisme, et le tourisme dit d’aventure pour axes de développement. Retraités et cadres structure la demande et les circuits touristiques de toute nature ne manquent pas : le dromadaire reste incontournable en termes d'iconographie, de préférence sur fond de désert au moment du traditionnel coucher de soleil, la pratique du selfie se charge du reste ...

- Le Maroc, entre mer, montagne et désert, avec le Haut Atlas, le sommet du Toubkal, le point culminant de l'Afrique du Nord (4 167 m), entouré de vallées pittoresques et de villages berbères en pierre.

- Le désert du Sud marocain, Erg Chebbi et Erg Chigaga, d'immenses dunes de sable orangé près de Merzouga, qui symbolisent l’imaginaire saharien.

- Des villes-oasis, Ouarzazate et la vallée du Dadès, toutes deux connues pour leurs kasbahs traditionnelles et les paysages de canyons.

- La côte atlantique, Essaouira et les plages sauvages du littoral, où les médinas blanches se mêlent aux vagues puissantes...

- La vallée du Drâa, une région de palmeraies verdoyantes et de ksours (villages fortifiés).

- Les villes saintes du Maroc, un héritage spirituel et culturel : Fès, capitale spirituelle du royaume, l'université Al Quaraouiyine, la plus ancienne université du monde encore en activité, et la médina de Fès el-Bali, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, dédale de ruelles où se mêlent mosquées, médersas et ateliers artisanaux; Meknès, proche du mausolée de Moulay Idriss Ier, fondateur de la première dynastie islamique au Maroc, et de Volubilis, site archéologique exceptionnel qui rappelle les racines romaines de la région; Marrakech,  centre culturel et historique emblématique, sa place Jemaa el-Fna, inscrite au patrimoine immatériel de l’UNESCO, est un carrefour des traditions orales et des spectacles populaires mondialement connu, cinématographiquement surexploité, et surchargée d'un tourisme agressif; Chefchaouen, petite ville sainte nichée dans les montagnes du Rif, célèbre pour ses maisons bleues et sa si paisible spiritualité; enfin, Tafilalet, le berceau de la dynastie alaouite une importante zone de caravanes historiques reliant l’Afrique subsaharienne et l’Europe...

Un Maroc, parsemé, dit-on, de destinations touristiques incontournables, et incontrôlables : Casablanca et sa mosquée Hassan II, chef-d’œuvre de l’architecture contemporaine islamique, construite en partie sur l’océan; Rabat, capitale politique du Maroc, avec des monuments emblématiques comme la Tour Hassan, le Mausolée Mohammed V et la Kasbah des Oudayas; Essaouira, ancienne Mogador, ville côtière réputée pour sa médina pittoresque, ses remparts et sa musique gnawa; les Gorges du Todra et la Vallée des Roses, des régions spectaculaires attirent ses singuliers amateurs de randonnée qui parcourent désormais le monde; Agadir et ses plages, station balnéaire livrée au tourisme de masse; Ifrane, la dite "Petite Suisse" du Maroc, nichée dans le Moyen Atlas et constellées de paysages enneigés en hiver.

Et malgré ce tourisme invasif, principalement français, la spiritualité de Fès, la magie de Marrakech ou encore le mysticisme des montagnes du Rif ont trouvé écho dans les récits de nombreux auteurs marocains comme Ahmed Sefrioui (La Boîte à merveilles, 1954), Driss Chraïbi (Le Passé simple, 1954) ou encore Abdelkebir Khatibi (La Mémoire tatouée, 1971)... 

Bien des auteurs marocains affichent une liberté de ton singulière et portent une critique des réalités marocaines qui reste forte et rejoint le plus souvent des thématiques universelles ..

Driss Chraïbi (126-2007) fut l’un des pionniers de la littérature marocaine en langue française et son œuvre a suscité bien des controverses pour son ton incisif envers la société marocaine traditionnelle. Ainsi, dans "Le Passé simple" (1954), Chraïbi dressera un portrait acerbe d’une société marocaine patriarcale et rigide, à travers la révolte d’un jeune homme contre son père autoritaire, figure allégorique des traditions oppressives. Et dans "La Civilisation, ma Mère !..." (1972), il critiquera les contradictions de la société marocaine, notamment le sort des femmes face à une modernisation incomplète.

Autobiographique, "Le Pain nu" (1973), de Mohamed Choukri (1935-2003), fut censuré au Maroc pendant plusieurs années : il décrit sans fard la pauvreté extrême, la violence, et la marginalisation dans le Maroc du milieu du XXe siècle, y parle de prostitution, d’alcoolisme et de misère, des réalités souvent occultées dans la littérature : et reste l’un des témoignages les plus crus sur les laissés-pour-compte de la société marocaine...

Abdellatif Laâbi (1942), poète et romancier engagé, fut emprisonné pendant huit ans pour ses positions critiques, dénonçant dans ses œuvres l’autoritarisme, les violations des droits humains, et l’absence de liberté d’expression au Maroc, en particulier pendant les "années de plomb" sous Hassan II. "Le Règne de barbarie" (1976) et "Chroniques de la citadelle d'exil" (2000) incarnent une voix essentielle de la résistance et de la critique politique dans la littérature marocaine.

Écrivain mondialement reconnu, incontournable, ayant reçu le prix Goncourt en 1987, Tahar Ben Jelloun (1947) écrit des romans qui sont autant de critiques subtiles mais pénétrantes des structures sociales et politiques marocaines. Dans "L’Enfant de sable"(1985), il critique les inégalités entre les sexes et les traditions oppressives qui les perpétuent. Dans "Cette aveuglante absence de lumière" (2001), il dénoncera la brutalité du régime marocain, en racontant l’histoire de détenus politiques dans la tristement célèbre prison de Tazmamart. Leïla Slimani (1981), lauréate du prix Goncourt 2016, est une figure clé de la littérature contemporaine marocaine : "Dans le jardin de l’ogre" (2014) et dans "Le Pays des autres" (2020), dénoncera tant le poids des traditions patriarcales et des conflits postcoloniaux à travers l’histoire d’une famille mixte franco-marocaine que  les tabous autour de la sexualité féminine et les pressions exercées sur les femmes dans les sociétés conservatrices. Fouad Laroui (1958), dans "Les Tribulations du dernier Sijilmassi" (2014) et "Une année chez les Français" (2010) dépeindra non sans humour et ironie les contradictions de la société marocaine, notamment la tension entre tradition et modernité, la bureaucratie, et l’hypocrisie sociale ...


La Tunisie est en 2024 en pleine reprise touristique, plus de 9 millions de visiteurs, un tourisme qui se partage depuis les années 1970 Français et Allemands, rejoints et dépassés depuis par les Algériens. Le millionième touriste français fut accueilli avec les honneurs à l'aéroport de Tozeur-Nefta par des représentants du tourisme nationaux et régionaux à la fin de l'année 2023....

- La Tunisie, entre mer, désert et plaines fertiles, et son désert, Chott el-Jérid, un immense lac salé qui se transforme en miroir scintillant lors des journées ensoleillées; Douz et Tozeur, portes du Sahara, avec des dunes et des oasis luxuriantes...

- Les montagnes de Matmata, célèbres pour leurs habitations troglodytes, qui ont servi de décor pour des films (dont Star Wars, célèbre pour ses nombreux lieux de tournage situés aux quatre coins du monde).

- Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1979, le site antique de Carthage, perché au sommet de la colline de Byrsa.

- Le Cap Bon, une péninsule fertile avec des plages, des vergers et de magnifiques paysages méditerranéens, 

- L'île de Djerba, située au sud-est de la Tunisie et habitée depuis l'Antiquité, avec des traces de civilisations phénicienne, romaine, byzantine, arabe et ottomane, est l'une des destinations les plus emblématiques du pays. A noter, les plages de Sidi Mahrez et Seguia, ou la synagogue El Ghriba, lieu sacré et symbole de l’histoire juive en Tunisie ...

Albert Memmi (1920-2020) fut est l'une des voix les plus marquantes de la littérature francophone tunisienne et un penseur clé dans les domaines de l’identité, de la colonisation et de la décolonisation au travers de ses deux romans, "La Statue de sel" (1953), "Agar" (1955) et de ses essais. ""Portrait du colonisé, précédé du portrait du colonisateur" (1957) analyse ainsi la dynamique entre le colonisateur et le colonisé, décrivant les mécanismes psychologiques et sociaux de l’oppression coloniale. "La Dépendance" (1979) se veut réflexion sociologique et philosophique sur la dépendance économique, culturelle et politique des pays décolonisés, tandis que "Le Racisme" (1982) explore des mécanismes du racisme et des discriminations à travers l’histoire et les sociétés modernes.

Ali Douagi (1909-1949), est considéré comme le père de la nouvelle tunisienne, il a introduit un style simple mais percutant, souvent teinté d'ironie ("Jaourat Ommi Hassen"). Mahmoud Messadi (1911-2004) est celui, sans doute, qui a le plus marqué la scène littéraire tunisienne par son style novateur, ses thématiques universelles et son exploration des grandes questions existentielles et philosophiques. Chef-d’œuvre de la littérature arabe contemporaine, "Haddatha Abou Hourayra Qal" (Ainsi parla Abou Hourayra, 1940) est un roman allégorique contant l'histoire d'Abou Hourayra, qui quitte son village pour chercher la vérité. "Essawt Assokhour" (La Voix des pierres, 1956) est une pièce de théâtre qui traite des luttes sociales et spirituelles, dans une allégorie où les pierres symbolisent la quête de l'immortalité et de la mémoire collective. 

Abdelwahab Meddeb (1946-2014), écrivain, poète, essayiste franco-tunisien, a puisé  dans ses origines tunisiennes et musulmanes tout en intégrant les influences de la philosophie européenne, notamment celle de Nietzsche, Derrida et Levinas. Dans "La Maladie de l’islam" (2002), Meddeb critique les dérives fondamentalistes qui s’éloignent de l’héritage spirituel et intellectuel de l’islam classique, et appelle à une renaissance intellectuelle et spirituelle de l’islam en s’inspirant de ses périodes les plus brillantes, comme l’âge d’or abbasside. Né en Tunisie et installé en France, Meddeb a souvent écrit sur l’expérience de l’exil et le déchirement identitaire : "Phantasia" (1986), "Talismano" (1979). 

 Dans son célèbre essai "Désenchantement national" (1982), Hélé Béji analyse les défis des nations postcoloniales, notamment la Tunisie, après leur indépendance, critique les illusions des élites nationalistes qui, en cherchant à construire des États modernes, ont souvent reproduit les oppressions du colonialisme. Elle dénonce de même le vide identitaire qui persiste après l'indépendance, un mélange de désenchantement et d’aliénation culturelle et refuse les dualismes simplistes entre colonisateurs et colonisés, insistant sur la complexité des identités.

Installée en France, Fawzia Zouari (1955) incarne une voix diasporique tunisienne tout en restant profondément connectée à ses racines. "Ce pays dont je meurs" (1999) est un récit poignant sur l'exil, raconté à travers une femme confrontée à la double appartenance culturelle et à la nostalgie du pays natal. "La Retournée" (2002) met en scène une femme qui retourne dans son village natal après des années à l’étranger, affrontant les tensions entre modernité et tradition. "Le Corps de ma mère" (2016), inspiré de sa propre histoire familiale, constitue une véritable ode à la figure maternelle et à la transmission des valeurs à travers les générations. Dans un essai, "Pour en finir avec Shahrazade" (2003), Fawzia Zouari revisitera la figure de Shahrazade, emblème d'une certaine vision orientaliste de la féminité.

 

La révolution tunisienne de 2011 (Révolution du Jasmin) a eu un impact profond sur la littérature contemporaine : ainsi Yamen Manaï (1980), avec "La Marche de l’incertitude" (2010) et "L’Amas ardent'(2017), traite de manière allégorique des changements sociaux. Mais elle a de même inspiré de nombreux écrivains, journalistes, et universitaires à analyser et à raconter les événements ...

"Tunisian Girl : Blogueuse pour un printemps arabe", un témoignage direct de Lina Ben Mhenni, une blogueuse devenue l'une des figures médiatiques de la révolution après avoir assisté au martyr du  jeune Mohamed Bouazizi, à l’origine de la révolution tunisienne, qui s’immole par le feu le 17 décembre 2010, La jeune femme décide de mettre ses compétences de bloggeuse au service de la libération de son pays et raconte son rôle dans la diffusion d'informations malgré la censure. - "Chroniques de la révolution tunisienne", de Taoufik Ben Brik, journaliste engagé et opposant de longue date à Ben Ali. - "La Révolution tunisienne", dans lequel Habib Ayeb et Ray se livrent à une analyse des causes structurelles de la révolution, telles que les inégalités régionales, le chômage et la marginalisation des zones rurales. - Dans "Les chemins de la révolution tunisienne", Mohamed-Salah Omri nous offre une réflexion académique sur les différentes étapes de la révolution et ses conséquences. - "L'exception tunisienne", de Khadija Mohsen-Finan et Vincent Geisser, se veut une exploration de la transition démocratique tunisienne et de ce qui a permis à la Tunisie de se distinguer des autres pays du Printemps arabe. - "La Transition tunisienne : Un modèle pour les révolutions arabes ?"  compile les réflexions de Rached Ghannouchi, chef du parti Ennahda, sur la révolution et la transition démocratique. - Ahmed Mestiri, ancien homme politique tunisien, raconte dans "La Tunisie de Bourguiba à la Révolution" les dynamiques politiques qui ont marqué la Tunisie, notamment celles ayant conduit à la révolution. - Enfin, Hicham Alaoui, dans "Le Printemps arabe : Une révolution en trompe-l'œil", se livre à une analyse comparative des révolutions arabes, avec un focus sur la Tunisie comme exemple de transition démocratique réussie...


A la croisée des mondes méditerranéen et saharien, entre le Maghreb et le Machrek, la Lybie reste méconnue, tant les drames qui l'ensanglante ne laisse rien paraître de sa richesse. On en oublie son désert spirituel décrit par l'écrivain libyen d'origine touarègue Ibrahim Al-Koni (1948), "L'Oasis cachée" (Al-Majus, 1988) : le désert devient ici une métaphore grandiose et profonde de la quête humaine pour le sens de la vie ...

 

Le Sahara libyen reste un désert mystique. Le massif de l'Akakus (Acacus), situé dans le sud-ouest du pays, est célèbre pour ses formations rocheuses spectaculaires et ses peintures rupestres préhistoriques, datant de 12 000 ans, qui témoignent d'une époque où la région était encore verdoyante. Et c'est dans les dunes de Murzuq, véritable mer de sable, que l'on découvre sans doute toute l'infinie grandeur du silence absolu. 

Au milieu de ce désert, le cratère de Waw an Namus, site volcanique isolé avec un lac et une végétation, surprend encore le rare touriste. Les oasis libyennes sont toutes aussi singulières, Ghadamès, la perle du désert, classée au patrimoine mondial de l'UNESCO, une oasis est célèbre pour son architecture unique en argile blanche et ses ruelles ombragées. Ancienne étape des caravanes, elle incarne un mélange de cultures berbère, arabe et touareg. Kufra, oasis isolée, est toute aussi connue pour son importance historique dans les routes caravanières transsahariennes. Enfin, la Libye, le sait-on encore?,  possède des plages immenses et souvent désertes, bordées par les eaux turquoise de la Méditerranée et du golfe de Syrte, 1 770 km de littoral ..

Alors que Benghazi et Tripoli se comportent en grandes villes côtières , "Leptis Magna" est l'une des villes romaines les mieux préservées du monde,  la "Rome de l'Afrique". Autre site romain, Sabratha, situé sur la côte et connu pour son théâtre antique surplombant la Méditerranée. Cyrene (Cyrène), ancienne cité grecque, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, donne un aperçu fascinant de l’histoire hellénistique en Afrique du Nord...

 

Si la médina de Tripoli, avec ses souks animés, ses mosquées anciennes comme la mosquée Gurgi, et ses fortifications ottomanes, tente de conserver son dynamisme culture, il nous faut revenir à Ahmad Ibrahim al-Faqih (1942-2019) qui sait évoquer la vie quotidienne libyenne et les conflits modernes mieux que quiconque, son chef-d'œuvre "Une trilogie de Tripoli" (Ṯulāṯiyya ad-Dār al-Bayḍāʼ, 1991-1993) retrace l’histoire de la Libye à travers les destins croisés de personnages vivant à Tripoli, dans un contexte marqué par la colonisation italienne et les bouleversements politiques du XXe siècle : "Parmi les ruines" (Min Wāḥat al-Zuhūr ilā Māʼ al-ʻAyn), "Les lèvres noires" (Al-Shafahāt al-Sawdāʼ), "La vallée des fantômes" (Wādī ar-Rūh)...


Carrefour entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne, mais zone particulièrement critique en terme de climat comme de sécurité, la Mauritanie offre des paysages sahariens impressionnants, avec ses dunes dorées et ses oasis, particulièrement dans des régions comme l’Adrar.L'erg d’Amatlich et le plateau de l’Adrar sont parmi les sites les connus. Le Parc national du Banc d’Arguin, refuge pour des milliers d’oiseaux migrateurs, est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Le Guelb Errichat (l'Œil de l'Afrique) est une célèbre formation géologique d'autant plus unique qu'elle est visible depuis l’espace, située dans le désert mauritanien. 

Quant au patrimoine culturel et historique, les villes historiques de Chinguetti, Ouadane, Tichitt, et Oualata sont inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO comme autant de témoins de l’âge d’or du commerce caravanier transsaharien et de l’islam en Afrique de l’Ouest. Chinguetti, la "septième ville sainte de l'islam", est célèbre pour ses bibliothèques anciennes contenant des manuscrits précieux.  

 

La Mauritanie est souvent appelée "le pays des mille poètes", en raison de son héritage poétique : une poésie traditionnelle, principalement en hassaniyya (dialecte arabe local) et en arabe classique, qui occupe une place centrale et est intimement liée à la culture des tribus nomades et à l’enseignement islamique (Ahmed Ould Abdel Kader, Badi Ould Mohamed El Mokhtar). L'émergence d’une littérature écrite se développe à partir du XXᵉ siècle, avec une production croissante en arabe, en français, et dans les langues nationales telles que le pulaar, le soninké, et le wolof. Mbarek Ould Beyrouk (1957) conte dans "Et le ciel a oublié de pleuvoir" (2006) la vie d’une famille mauritanienne face aux difficultés climatiques, notamment la sécheresse, et aux bouleversements sociaux qui en découlent; nous plonge dans l’histoire et les mythes de la Mauritanie, en s’intéressant à la figure du griot, personnage central dans la transmission orale des récits et de l’histoire (Le Griot de l’émir, 2013); et raconte dans "Le Tambour des larmes" (2015) l’histoire d’une jeune femme, Rayhana, qui fuit un mariage forcé et entame une quête personnelle dans le désert. Mohamed Bouya Bamba, écrivain prolifique en arabe, aborde des thématiques philosophiques et sociales, souvent inspirées de la culture locale. Aminetou Mint El Moctar (1956) assume quant à elle la  voix féminine engagée sous forme de témoignages ou de plaidoyers internationalement reconnus ...