PAYSAGES - ASIE DU SUD - SOUTH ASIA - Pakistan


Pakistan

 - 803 940 km²,  le 33ᵉ plus grand pays du monde.

- plus de 240 millions d'habitants, 5ᵉ rang mondial.

- Villes principales : Karachi, Lahore, Faisalabad, Rawalpindi, Multan, Hydérabad, Gujranwala, Peshawar, Rahim Yar Khan, Quetta, Muzaffarabad, ..., Islamabad.

 

Le Pakistan, un carrefour entre l’Asie centrale, l’Asie du Sud et le Moyen-Orient, un carrefour dont on peut exposer la violence, les images les plus dramatiques ne manquent pas sur le net, mais on peut aussi emprunter une autre voie, un monde en construction que la mondialisation va irrémédiablement reconfiguré, ne serait-ce que par les nouvelles générations et ces fameux réseaux sociaux tant critiqués et dont l'ambivalence est redoutable : sait-on par exemple que le Pakistan est en train de devenir un acteur mondial dans les secteurs de l’animation et des jeux vidéo, et que Karachi connaît une expansion urbaine multi-ethnique soumise à des dynamiques culturelles semblables à celles que l'on rencontre désormais dans toutes les capitales du monde ... Mais c'est un monde d'une extraordinaire complexité et rempli de contradiction, tout comme l'Asie dans son ensemble ...

 

Avec ses 800 000 kilomètres carrés, l'espace pakistanais, hors Baloutchistan, est assez homogène à cause de l'Indus et de ses cinq affluents. Le pays se développe. Les industries de transformation pullulent et la compétence des cadres est grande -le Pakistan est une puissance nucléaire. Travaillé contradictoirement par l'islam le plus fanatique et par une modernité conquérante, le pays reste incertain sur son destin. Né d'une idée qui pourrait paraître discutable - la citoyenneté fondée sur la religion -, le Pakistan est peut-être en train de se transformer en véritable nation : le parcourir du nord (Islamabad) au sud (Karachi) et de l'ouest (Peshawar) à l'est (Lahore) le suggère au visiteur, même si des régions périphériques (Baloutchistan, zones tribales) lui échappent encore...

 

... Nord et nord-ouest du Pakistan sont dominés par les chaînes montagneuses, dont le Karakoram, abritant le K2 (8 611 m), le deuxième sommet le plus haut du monde, l'Himalaya et l'Hindou Kouch. Puis les plaines du centre, la plaine de l'Indus, qui couvre la majeure partie du Pendjab et du Sindh, une région fertile grâce au fleuve Indus. Des plateaux, le plateau du Baloutchistan à l’ouest, une région aride et montagneuse, le plateau du Pothohar au nord du Pendjab. Des déserts : le désert du Thar, situé dans le Sindh et le sud-est du Pendjab: le désert de Kharan dans le Baloutchistan...

 

L'actuel Pakistan, à l'exception de ses bordures montagneuses (zones tribales et Baloutchistan), est défini par la vallée de l'Indus et ses affluents. Long de 3180 kilomètres, ce fleuve puissant, né en Himalaya - d'où il reçoit ses affluents dans le "pays des cinq rivières", le Penjab (on sent que l'ourdou est une langue indo-européenne, pen voulant dire "cinq" comme en grec penm) -, se termine sur l'océan par un delta ("Indus Divided: India, Pakistan and the River Basin Dispute", Daniel Haines, 2018). L'Indus fait du Pakistan une espèce d'Égypte du Moyen-Orient, d'autant que le pays, proche de l'Iran, est encore largement désertique. L'Indus est un Nil qui coule (nord-sud) en sens inverse de l'autre, bordé de chaque côté par une zone irriguée de cultures vivrières et de coton, zone qui rassemble la plupart des 140 millions de Pakistanais. Rouler en voiture (et à gauche, héritage de l'Angleterre) sur les routes-digues de l'Indus et du Penjab, encombrées d'une foule dense de piétons, de chameaux attelés à des charrettes (des dromadaires venus d'Afrique), de vélos-taxis et de camions surchargés, est une expérience stressante.

Le voyageur géographe qui a suivi la route historique d'Alexandre en descendant la passe de Khyber s'aperçoit tout de suite qu'il a quitté le monde iranien : musulmans, les Pakistanais sont pleinement indiens; ils regardent les films indiens, mangent du curry et leurs femmes portent le sari. On comprend mieux la vivacité du conflit indo-pakistanais à propos du Cachemire. Le Pakistan, dont l'existence séparée ne se justifie que par sa volonté d'être le refuge des musulmans indiens, ne peut accepter qu'une province totalement musulmane comme le Cachemire reste en dehors de sa souveraineté...

 

Tourisme - Le Pakistan possède un patrimoine exceptionnel (Gandhara, vallées de Hunza), mais reçoit peu de touristes internationaux en raison de problèmes de sécurité (près de 49000?) comparé à un tourisme local qui s'est établi à 27 millions en 2023 : les pèlerinages sikhs, bouddhistes et hindous, ainsi que l’alpinisme et le trekking semblent être au centre des préoccupations à venir, en attendant une plus grande stabilisation ...

 

"Among Muslims: Meetings at the Frontiers of Pakistan" (1992) est un récit singulier de voyage :  l'écossaise Kathleen Jamie a voyagé seule et vécu parmi les chiites et les ismaéliens des régions du nord – la partie de l’ancien État du Cachemire actuellement administré par le Pakistan et l’une des zones frontalières les plus instables au monde. Et il y eut, nous dit-elle, beaucoup de choses qui lui ont semblé étrangement familières : rester avec les femmes à Purdah lui rappelait son propre passé familial ; les cérémonies religieuses intenses lui ont rappelé les souvenirs des Orangistes marchant dans Glasgow. Et les expériences des femmes varient considérablement selon les régions et les communautés. Jamie montre comment certaines femmes bénéficient d’une relative autonomie, tandis que d’autres vivent sous des contraintes sociales strictes. Un livre superbement écrit, divertissant et important : un récit de la vie locale et des gens qui traverse les cultures occidentales et islamiques. Initialement publié sous le nom de "The Golden Peak", Jamie est retourné au Pakistan pour écrire un Afterword et une Préface pour cette nouvelle édition.


Le Pakistan est divisé en provinces, territoires et une région administrée.

Le Pendjab, qui a pour capitale Lahore, est la région la plus peuplée (environ 110 millions d’habitants), elle est le cœur économique et culturel du pays. C'est une plaine fertile, grâce à l'irrigation par les affluents de l'Indus. On y parle le Pendjabi. Le Sindh, dont la capitale est Karachi (également la plus grande ville et le principal port du pays) est une région agricole (riz, coton) et centre industriel, abritant le désert du Thar. On y parle le Sindhi. Le Khyber Pakhtunkhwa (KP) a pour capitale Peshawar : une région montagneuse à l’ouest de l'Indus, habitée principalement par des Pachtounes. Elle est stratégique pour son emplacement frontalier avec l’Afghanistan. On y parle le Pachto. Enfin, le Baloutchistan, sa capitale Quetta: c'est la plus grande province en superficie mais la moins peuplée. Majoritairement désertique et montagneuse, elle est riche en ressources naturelles (gaz, minerais). On y parle le Baloutchi ("Pakistan: The Balochistan Conundrum", Tilak Devasher, 2022).

Les Territoires fédéraux comptent Islamabad Capital Territory, une petit territoire administratif conçu comme une ville moderne et planifiée, servant de siège au gouvernement; le Gilgit-Baltistan, une région montagneuse au nord, avec des paysages spectaculaires (vallée de Hunza, glaciers, K2). Azad Jammu-et-Cachemire (AJK), dont la capitale est Muzaffarabad, est administrée par le Pakistan du Cachemire et revendiquée par l’Inde. Montagneuse et fertile, elle est stratégique pour le Pakistan. 

Et depuis 2018, les anciennes régions tribales sous administration fédérale (Federally Administered Tribal Areas) ont été fusionnées avec le Khyber Pakhtunkhwa, à la frontière de  l’Afghanistan, historiquement semi-autonome et marquée par des conflits liés au terrorisme... 


Islamabad (la région métropolitaine avoisine les 2 millions d'habitants) est la capitale moderne et planifiée du Pakistan, construite dans les années 1960 pour remplacer Karachi. Elle est connue pour son urbanisme soigné avec de larges boulevards, des espaces verts et une organisation géométrique claire. La ville est également réputée pour sa propreté et son calme relatif, en comparaison avec les autres grandes villes du pays. Rawalpindi, située à proximité d'Islamabad, est une ville militaire stratégique. 

Karachi (15 à 16 millions d'habitants), est la plus grande ville et le principal centre économique du Pakistan, avec un rôle majeur dans le commerce international en raison de son port. C'est une métropole animée et cosmopolite, où se mêlent diverses communautés ethniques et religieuses. La ville est un carrefour d'industries, notamment le textile, la pétrochimie et la finance. On dit l'agglomération immense et laide où prospèrent dans un contraste saisissant entreprises modernes et medersas intégristes ...  

Dans le Penjab, la ville historique de Lahore (12 millions d'habitants), capitale provinciale, ancienne capitale moghole, est une belle cité, rehaussée de palais, de citadelles, et dominée par la superbe mosquée Badshashi aux coupoles persanes. C'est la capitale culturelle et historique du Pakistan, avec des monuments emblématiques tels que le Badshahi Mosque, le Fort de Lahore et les jardins de Shalimar. La ville est connue pour son ambiance, sa culture du café, ses marchés traditionnels et ses festivals, Minar-e-Pakistan, quartier ancien (Walled City), culture du punjabi ...

Dans "Imagining Lahore: The City That Is, the City That Was" (2018), Haroon Khalid entreprend un voyage à travers le temps pour explorer la ville de Lahore, capitale culturelle et intellectuelle du Pakistan. Khalid mêle récits historiques, légendes locales et réflexions personnelles pour offrir une vision intime et multicouche de Lahore. Il s'interroge sur l'évolution de la ville et sur la manière dont son passé glorieux coexiste (ou entre en conflit) avec sa réalité contemporaine.

Peshawar (2 millions d'habitants), qui commande la passe de Khyber, est une ville historique et une porte d'entrée vers l'Afghanistan, une ville marquée par sa diversité ethnique, avec des communautés pashtounes, hindoues, sikhes et d'autres minorités : Khyber Pass, marché de Qissa Khwani, vieille ville avec ses bazars traditionnels, influence de la culture pashtoune. Tout s'y achète et s'y vend au bazar, dit-on, surtout les armes (des Kalachnikov russes fabriquées sur place).

 Quetta (1 million d'habitants) est située dans les montagnes du Baloutchistan, la capitale du désert" est un carrefour régional entre le Pakistan, l'Iran et l'Afghanistan : la ville est peuplée majoritairement de Baloutches et est connue pour ses marchés d'artisanat traditionnel ..

Faisalabad (3,9 millions d'habitants) est un centre industriel majeur du Pakistan, notamment dans le domaine du textile. et la production agricole, et connaît une croissance et une urbanisation rapides ...

Multan (2,5 millions d'habitants), située dans la province du Pendjab, est l'une des plus anciennes villes du Pakistan. Elle est un centre agricole majeur, en particulier pour la production de fruits et de produits alimentaires, et elle possède un patrimoine historique riche, avec de nombreux mausolées, mosquées et forteresses datant de l'époque moghole...


Nombre d'ouvrages nous montre l'extrême complexité d'un Etat qui a été créé pour les musulmans du sous-continent, mais sans savoir si cela devait déboucher sur un État islamique ou un État séculier. A cela s'ajoute les tensions entre le centre (souvent dominé par le Pendjab) et les provinces périphériques comme le Baloutchistan, le Sindh et le Khyber Pakhtunkhwa,la diversité ethnique et linguistique, et l'antagonisme avec l’Inde, particulièrement autour de la question du Cachemire, qui a façonné l’identité nationale et la politique de sécurité du Pakistan...

Dans "The Making of Pakistan" (1987, 2e ed.), Richard Symonds nous offre une perspective détaillée sur les décennies précédant la partition, en soulignant les tensions entre communautés religieuses, les ambitions politiques et le rôle du colonialisme britannique, et nous montre comment le mouvement pour le Pakistan a été façonné par la Ligue musulmane dirigée par Muhammad Ali Jinnah, et comment cette idée a évolué face aux résistances de l’Indian National Congress et d'autres factions. Bien que britannique, l'auteur adopte une position relativement équilibrée, évitant une glorification ou une diabolisation des acteurs en présence. - "Pakistan: A New History (Columbia Hurst)", Ian Talbot (2012) revisite les principaux tournants et tendances de l’histoire pakistanaise au cours des six dernières décennies, en se concentrant sur le renforcement croissant de l’armée pakistanaise dans les arènes politiques et économiques; le rôle complexe de l’Islam dans la vie publique ; les tensions entre les identités centrales et locales et les impulsions démocratiques ; et l’influence des influences géopolitiques sur la politique intérieure et le développement. Talbot se concentre sur les nombreux échecs du Pakistan - l’effondrement d’une gouvernance stable, la baisse du développement politique et économique positif, et, surtout, l’objectif non réalisé de sécuriser un État musulman distinct - mais il soutient sans équivoque le potentiel du Pakistan pour rétablir enfin une viabilité politique et économique. - "A Brief History of Pakistan" (2009), James Wynbrandt sait mettre en lumière l'importance historique des civilisations anciennes (comme Mohenjo-Daro et Harappa), soulignant l'héritage culturel du Pakistan avant l'islamisation, puis examine l'impact de l'arrivée de l'Islam dans la région, en particulier sous les dynasties Ghaznavide et Moghole, et leur influence sur la culture et la politique locale. Il montre enfin comment le Pakistan était intégré à l’histoire plus large de l’Inde précoloniale et coloniale. - ...


The partition of India in 1947 - La partition de l'Inde en 1947, selon des critères ostensiblement religieux impliquant la vivisection des provinces du Pendjab et du Bengale, a été la plus importante et la plus cataclysmique des décisions britanniques de diviser et d'abandonner leurs possessions coloniales. L'Irlande avait été partagée et la province d'Ulster morcelée au lendemain de la Première Guerre mondiale. La Palestine devait subir le même sort, bien que sous les auspices des Nations unies, peu après la partition de l'Inde. Toutes ces partitions ont aggravé, plus qu'elles n'ont résolu, des problèmes avec lesquels le monde continue de se débattre aujourd'hui. Les causes et l'expérience de ces partitions ont naturellement été au centre de l'intérêt des historiens qui étudient le déclin et la chute de l'empire britannique. La partition de l'Inde et la création du Pakistan font l'objet d'un débat historique toujours aussi intense et animé. ...

 Walking for Peace, Mahatma Gandhi - Le 15 août 1947, Nehru, leader du parti indépendantiste, s'écriait : "L'Inde s'éveille enfin à la vie et à la liberté." Mais les populations musulmanes, majoritaires dans la vallée de l'Indus et le delta du Gange, ne purent se résoudre à cohabiter avec les hindouistes. Leur chef Jinnah proclama la création d'un État séparé, le Pakistan.

La partition fut dramatique (de nombreux hindouistes résidaient sur l'Indus, fleuve originel du brahmanisme, et de nombreux musulmans en Inde). Elle donna lieu à des échanges brutaux de populations (20 millions de personnes quittèrent leurs domiciles), accompagnés de terrifiants massacres .... 

 

"The Idea of India", de Sunil Khilnani, nous montre une vision pluraliste de l’Inde en total contraste avec les idéologies du Pakistan. - " ",  H.M. Seervai (1989), un ouvrage largement cité dans les études sur la partition et respecté pour sa rigueur intellectuelle et son approche factuelle. - "The Shadow of the Great Game: The Untold Story of India’s Partition", par Narendra Singh Sarila, met en lumière le rôle des Britanniques. - "The Longest August: The Unflinching Rivalry Between India and Pakistan" par Dilip Hiro, permet de comprendre l’ensemble du conflit, "India vs Pakistan: Why Can’t We Just Be Friends?", de Husain Haqqani, offre une perspective critique mais optimiste ...

 

Pendant la guerre froide, les États-Unis ont soutenu le Pakistan comme un allié contre l’Union soviétique, alors que l’Inde s’alignait davantage sur Moscou. Aujourd’hui, les États-Unis maintiennent des relations avec les deux pays, bien que leur partenariat stratégique avec l’Inde se soit intensifié. Et la Chine est devenu un allié stratégique du Pakistan, notamment dans le cadre du Corridor économique sino-pakistanais (CPEC). 

 

Le Pakistan et l'Inde s'affrontent depuis cinquante ans à propos du Cachemire ("Kashmir: A Disputed Legacy 1846-1990", Alastair Lamb), une vallée partagée au moment de la partition, et se font une guerre endémique (qui devint ouverte en 1964 et 1970). En mai 1998, l'Inde a pris la décision capitale de procéder à cinq essais nucléaires dans le désert de Pokhran, au Rajasthan, ce à quoi le Pakistan a répondu par six explosions dans les collines de Chagai, au Baloutchistan. Aujourd'hui, l'arme atomique (ils possèdent tous deux la bombe) a calmé leurs ardeurs, mais les attentats subsistent. Quant au Pakistan oriental (le Bengale), séparé de l'occidental par des milliers de kilomètres, il a fini par devenir en 1971 un État différent, quoique musulman, sous le nom de Bangladesh. Le partage des eaux de l’Indus, crucial pour les deux pays, est un autre point de tension. Le traité des eaux de l’Indus (1960) a permis une gestion partagée, mais les différends persistent.

"Deadly Impasse: Indo-Pakistani Relations at the Dawn of a New Century", par Sumit Ganguly, aborde les relations tendues entre l’Inde et le Pakistan depuis le début du XXIe siècle, avec un accent sur le terrorisme, la dissuasion nucléaire, et les tentatives de dialogue...

Une complexité accrue par le fait bien connu qu'en Inde comme au Pakistan, les tensions bilatérales sont souvent utilisées par les dirigeants pour mobiliser leur base électorale...



La partition de l’Inde et du Pakistan en 1947 fut un événement majeur, traité dans la littérature comme une tragédie humaine décrite par des auteurs marquants des deux côtés de la frontière. Une partition qui a conduit à la création de deux nations indépendantes (et plus tard à celle du Bangladesh), a été l’un des moments les plus traumatisants de l’histoire moderne du sous-continent, et cette douleur se reflète profondément dans les œuvres littéraires.

Côté indien, Bhisham Sahni ("Tamas", 1974) décrit les violence communautaire dans une petite ville indienne et l’impact de la partition sur les musulmans restés en Inde. - Khushwant Singh ("Train to Pakistan", 1956) évoque les massacres le long de la frontière indo-pakistanaise; bien que Khushwant Singh soit indien, son roman est souvent cité comme une œuvre clé pour comprendre la partition : l’histoire se déroule dans un village situé à la frontière entre l’Inde et le Pakistan, où hindous, sikhs, et musulmans coexistaient avant d’être déchirés par la violence. Le livre présente une perspective équilibrée, montrant les horreurs des deux côtés de la frontière. - Amrita Pritam ("Pinjar", 1950) porte son regard sur la violence faite aux femmes - Saadat Hasan Manto (œuvres en ourdou), né en Inde, a émigré au Pakistan après la partition : "Toba Tek Singh" explore l’absurdité des frontières à travers les yeux de patients d’un asile psychiatrique. - Chaman Nahal ("Azadi", 1975) décrit la migration forcée des réfugiés à la suite de la partition et nous donne une vision poignante des espoirs et des désillusions de l'indépendance. Globalement, la perspective indienne privilégie les communautés hindoues et sikhes affectées, mais inclut des œuvres comme celles de Manto ou Amrita Pritam, qui abordent également les expériences des musulmans en Inde. - "Partition Voices: Stories of Survival, Loss and Belonging", de Kavita Puri (2019) joue un rôle essentiel dans la préservation des mémoires de la Partition, un aspect souvent négligé dans les récits historiques officiels ..

 

Côté pakistanais, Intizar Husain ("Basti", 1979) évoque le traumatisme des réfugiés musulmans via mythes et symboles. "Basti" (qui signifie "colonie" ou "village") est considéré comme l'un des chefs-d'œuvre de la littérature pakistanaise en ourdou : le roman suit Zakir, un jeune homme, et sa communauté, alors qu'ils traversent les épreuves de la partition et les conflits qui en découlent. L’histoire commence dans une ville imaginaire de l’Inde, avant que Zakir et sa famille ne soient contraints de migrer vers le Pakistan nouvellement formé. - Qurratulain Hyder ("Aag Ka Darya", "River of Fire", en anglais, 1957) campe une vaste fresque historique traversant différentes périodes, y compris la partition, un moment tragique, mettant en lumière les liens brisés entre hindous et musulmans. 

 

"A Promised Land" (Zameen, 1962) est une suite du roman à succès "Aangan" (The Women's Courtyard) dans lequel Khadija Mastoor exprime les espoirs, les désillusions, et les luttes des migrants musulmans qui ont quitté l'Inde pour chercher une "terre promise" au Pakistan. Un chef-d'œuvre de la littérature ourdoue, dans lequel nous suivons plusieurs personnages issus de différents milieux sociaux, tous liés par leur migration au Pakistan, . des vies entrelacées dans une société en transition, confrontée à des inégalités de classe, où les riches continuent de dominer tandis que les pauvres luttent pour survivre...

 

Abdullah Hussain ("Udas Naslain", "The Weary Generations" ,1963), un roman en ourdou qui suit la vie de Naim, un jeune homme confronté aux luttes pour l'indépendance, à la partition, et à ses conséquences : et qui illustre la confusion et le désenchantement qui accompagnent la naissance du Pakistan. - Bapsi Sidhwa ("Ice-Candy-Man", 1988, également publié sous "Cracking India"), une auteure pakistanaise décrit en anglais la partition à travers les yeux de Lenny, une jeune fille issue de la communauté parsi : l’histoire illustre les tensions interreligieuses à Lahore, côté pakistanais. Gloablement, la perspective pakistanaise est celle du traumatisme des musulmans déplacés et les défis qui se posent à la reconstruction d'une nouvelle identité nationale...

La partition a vu des violences sexuelles massives, des auteurs comme Amrita Pritam et Bapsi Sidhwa donnent une voix à toutes ces femmes ...

Des récits qui semblent montrer que les tensions communautaires ne sont pas inéluctables mais souvent exacerbées par des forces politiques et économiques. Et qui montrent qu'il faut s'interroger sur les notions d’appartenance, de frontières, et de divisions imposées par l’histoire...


T.V. Paul, politologue renommé, propose dans "Warrior State: Pakistan in the Contemporary World" (2014, Oxford University Press) une analyse critique des structures politiques, économiques et sociales du Pakistan, en le qualifiant de "warrior state" (État guerrier). Il soutient que l'accent constant mis sur la sécurité nationale, au détriment du développement social et économique, est au cœur des défis du pays.

 

Aitzaz Ahsan, dans "The Indus Saga and the Making of Pakistan"(1997)  défend la thèse que la création du Pakistan en 1947 n’était pas seulement un produit de la politique coloniale ou de tensions religieuses, mais qu’elle est profondément enracinée dans les spécificités historiques, culturelles et géographiques de la vallée de l’Indus. La thèse de l’identité distincte de l’Indus est contestée par de nombreux historiens, qui la considèrent comme une simplification exagérée. 

 

Dans "Pakistan: The Search for Stability" (2024), Maleeha Lodhi,  journaliste et analyste politique de renom, Maleeha Lodhi apporte une perspective éclairée et équilibrée sur les dynamiques internes et externes qui façonnent le Pakistan, dont l’impact des interventions militaires dans la politique pakistanaise, y compris les coups d'État et les régimes autoritaires, sur la fragilité des institutions démocratiques et la corruption et mauvaise gouvernance. Lodhi analyse l’impact de l’islamisation sous le régime de Zia-ul-Haq (1977-1988) sur la société et la politique pakistanaises et l'influence croissante des groupes religieux radicaux qui ont contribué à la polarisation sociale et à l'instabilité.

 

"Pakistan: Between Mosque and Military" (2005) est une analyse jugée très critique des relations complexes entre l’armée pakistanaise et les forces islamistes du pays. Husain Haqqani, ancien diplomate pakistanais et analyste politique, explore comment ces deux institutions ont façonné l’identité nationale, la politique étrangère et la gouvernance intérieure du Pakistan. L’auteur montre comment la militarisation et l'islamisation sont devenues des outils pour renforcer l’autorité de l’État, souvent au détriment de la démocratie et de la stabilité.

 

"Chequered Past, Uncertain Future: The History of Pakistan", Tahir Kamran (2024) : un voyage à travers les flux et reflux de l’histoire du Pakistan, depuis la civilisation ancienne de la vallée de l’Indus jusqu’aux temps contemporains. Un livre qui révèle les influences de la Turquie, de la Perse, de l’Arabie et de la Grande-Bretagne qui ont façonné le Pakistan, ainsi que la riche mosaïque de peuples de la région et sa société pluraliste et multiculturelle. Un livre qui décrit également la transition qui s’est produite après 1947, à la suite de la partition de l’Inde et de l’établissement de la République islamique du Pakistan, vers une religion plus conservatrice et autocratique, avec une intensification des divisions sectaires et ethniques. Pendant la plus grande partie de son histoire, le peuple du Pakistan s’est trouvé sous le contrôle de dictateurs militaires qui ont réprimé les libertés civiles et la liberté d’expression et d’action – une tendance qui perdure encore aujourd’hui.

 

Christophe Jaffrelot, politologue et spécialiste de l’Asie du Sud, analyse dans "The Pakistan Paradox: Instability and Resilience" (2015) les dynamiques internes du pays à travers trois prismes principaux : les tensions entre Islam et démocratie, les divisions ethniques, et les conflits entre autoritarisme militaire et société civile. Un paradoxe évident est inhérent à la fondation du Pakistan : un État créé sur la base de l’identité islamique, mais censé être une démocratie laïque selon la vision de son fondateur, Muhammad Ali Jinnah. Comment l’Islam est-il devenu un outil central de légitimation politique,  particulièrement sous Zia-ul-Haq (1977-1988), et comment cela a-t-il contribué à marginaliser les minorités et affaiblir les institutions démocratiques. L’ouvrage met en lumière la domination économique et politique du Pendjab et ses conséquences sur les autres provinces, notamment le Sindh, le Baloutchistan et le Khyber Pakhtunkhwa.

 

"Uprising in Pakistan: How to Bring Down a Dictatorship" (1970), Tariq Ali, activiste pakistano-britannique, nous explique comment l'armée a dominé la politique pakistanaise depuis l'indépendance, avec des coups d'État militaires récurrents qui ont évincé les gouvernements civils. Il critique au passage les chefs militaires, tels qu’Ayub Khan, Yahya Khan, Zia-ul-Haq et Pervez Musharraf, pour avoir consolidé un pouvoir autoritaire au détriment des institutions démocratiques. Retraçant les mouvements de contestation populaire au Pakistan, en particulier ceux dirigés contre les régimes militaires, il nous donne une critique puissante des structures de pouvoir au Pakistan, en exposant les liens entre autoritarisme, élites économiques et ingérences étrangères. On a par exemple oublié ce qui s’est passé en 1968 au Pakistan. Cette année-là, après une longue période de tumulte, une coalition radicale dirigée par Zulfikar Ali Bhutto a renversé la présidence militaire d’Ayub Khan. Les étudiants ont affronté l’appareil d’État d’une dictature militaire corrompue et décadente soutenue par les États-Unis. Ils ont été rejoints par des travailleurs, des avocats, des employés de bureau et malgré la répression sévère, ils ont pris le pouvoir. Une série de grèves, de manifestations et d’organisation politique ont donné naissance à un soulèvement populaire. Dans son récit captivant de ces événements, écrit pour la première fois en 1970, Tariq Ali offre une perspective d’histoire témoin oculaire, montrant que ce puissant mouvement populaire a été le seul moment réussi de la vague révolutionnaire des années 1960. La victoire a conduit à la toute première élection démocratique du pays et à la naissance inattendue d’un nouvel État, le Bangladesh...

 

Tariq Ali est aussi l'auteur d'un "Kashmir: The Case for Freedom" (2011), avec Arundhati Roy, Pankaj Mishra, et d’autres auteurs engagés qui analyse le conflit complexe autour du territoire disputé du Cachemire, partagé entre l'Inde et le Pakistan depuis 1947. Les auteurs analysent les injustices historiques, les violations des droits humains, et les aspirations des populations cachemiries, tout en plaidant pour une résolution juste et équitable basée sur l’autodétermination. Tandis que l’Inde est vivement critiquée pour sa gestion autoritaire du territoire, le Pakistan est également pointé du doigt pour avoir manipulé le mouvement cachemiri à des fins politiques. L’ouvrage défend l'idée que le peuple cachemiri doit être autorisé à choisir librement son avenir, que ce soit en rejoignant l'Inde, le Pakistan ou en devenant indépendant.

 

"Eqbal Ahmad: Critical Outsider in a Turbulent Age" (2015) est la biographie intellectuelle d’Eqbal Ahmad (1933-1999), une figure majeure du XXe siècle connue pour son militantisme, ses analyses critiques des conflits mondiaux, et ses idées sur l’impérialisme, le nationalisme, et la justice sociale. Stuart Schaar, un proche collaborateur d’Eqbal Ahmad, retrace sa vie et ses idées, tout en mettant en lumière son rôle en tant que "critique extérieur" des structures de pouvoir dans un monde en turbulence. Ahmad a grandi dans une région rurale du Bihar (Inde), marquée par la violence de la Partition de 1947, il a par la suite joué un rôle clé dans la guerre d’indépendance algérienne, où il a travaillé avec le Front de libération nationale (FLN) et fut l'un des critiques les plus virulents de la politique étrangère américaine, dénonçant ses interventions militaires et son soutien aux dictatures dans le monde. Ahmad a souvent critiqué les élites politiques pakistanaises pour leur corruption et leur incapacité à répondre aux besoins de la population. Il a également proposé une vision progressiste pour le monde musulman, encourageant la démocratie, la réforme sociale et l'émancipation intellectuelle.

 

Les relations tendues entre l'Inde et le Pakistan à travers le prisme de leurs agences de renseignement respectives, le RAW (Research and Analysis Wing, Inde) et l'ISI (Inter-Services Intelligence, Pakistan), sont relatées dans "Spy Stories: Inside the Secret World of ISI and RAW" (2021, d'Adrian Levy et Cathy Scott-Clark. La guerre de 1971 (création du Bangladesh), les conflits du Cachemire, les attentats terroristes de Mumbai en 2008, les attaques du Parlement à Pulwama à l’assassinat d’Oussama ben Laden, la montée des armées de l’ombre de la terreur à la chute de Kulbhushan Jadhav ... "The Unending Game: A Former R&AW Chief’s Insights into Espionage", par Vikram Sood (2018), combine des anecdotes, des analyses stratégiques, et des réflexions personnelles sur le rôle du renseignement dans la géopolitique moderne ..



Les médias occidentales nous livrent des couvertures médiatiques tant de l’Afghanistan et que du Pakistan, mais peut-on dire de toute l'Asie, des plus caricaturales et simplistes : ce qui n'est pas occidental faire preuve encore et toujours d'une barbarie sans âge, l'idée n'est pas nouvelle, le XIXe européen qui colonisait à tout va faisait de même. Mieux qu'une interprétation médiatique, rapide et discutable, - le plus souvent des reformulations de voix dites autorisées de nombre de gouvernants -, des livres et des auteurs, nous livrent témoignages en toute subjectivité assumée ..

 

Dans "Under the Drones: Modern Lives in the Afghanistan-Pakistan Borderlands" (2012), les éditeurs Shahzad Bashir et Robert D. Crews tentent de nous offrir une vision alternative des frontières entre l’Afghanistan et le Pakistan via une collection d’essais relatant les expériences des populations vivant dans les régions frontalières entre l’Afghanistan et le Pakistan, souvent perçues comme un épicentre de conflits et d’instabilité. L’ouvrage cherche à aller au-delà des récits simplistes centrés sur la violence et le terrorisme pour offrir une vision plus nuancée de la vie quotidienne dans ces régions, et cde à travers des contributions interdisciplinaires. L’ouvrage critique les récits dominants qui réduisent ces zones à des bastions de terrorisme, en soulignant la richesse culturelle et historique de la région et nous montre comment les représentations médiatiques et les discours politiques occidentaux sur ces régions contribuent à les marginaliser davantage. Le vécu de l'impact des frappes de drones sur les communautés locales, en termes de pertes humaines, de traumatisme psychologique, et de disruption sociale symbolise l'humain sous le ton qui parfois peut sembler académique ...

 

"The Nine Lives of Pakistan: Dispatches from a Precarious State", par Declan Walsh (2020), l’un des correspondants internationaux du New York Times : le Pakistan tel quel au cours d’une décennie tumultueuse. A travers neuf portraits de personnes et d’histoires représentatives, Walsh met en lumière les luttes du Pakistan pour trouver une identité nationale stable, tout en décryptant les forces qui ont modelé le pays, notamment l’armée, les élites politiques, les religieux, et les mouvements sociaux. L’auteur donne une voix aux minorités religieuses, aux activistes, et à ceux qui naviguent dans des systèmes oppressifs, offrant une perspective humaine sur des questions complexes. Il nous livre le rôle central de l’armée pakistanaise, à la fois comme garant de l’État et comme acteur clé dans son instabilité, mais tout autant celle des élites politiques et économiques, complices dans la stagnation du pays, notamment à travers des systèmes de patronage et de corruption; et la montée de l’extrémisme islamiste, alimentée par des politiques étatiques ambiguës et par des groupes militants soutenus ou tolérés par l’État. L’auteur analyse les relations ambiguës du Pakistan avec les puissances mondiales, notamment les États-Unis, qui ont soutenu les régimes militaires pour des raisons stratégiques, et la Chine, dont l’influence économique croissante redéfinit les dynamiques régionales...

 

"The Most Dangerous Place: Pakistan’s Lawless Frontier" (2010), par Imtiaz Gul, journaliste et analyste de renom, nous révèle combien les régions tribales du Pakistan, en particulier les FATA, situées à la frontière avec l’Afghanistan, devenues un bastion pour les militants islamistes, notamment Al-Qaïda et les Talibans, après avoir été jadis des régions utilisées par les Britanniques comme une "zone tampon" entre l’Inde coloniale et l’Afghanistan. Le livre explore les dynamiques historiques, politiques et sociales qui ont contribué à la transformation de ces régions en "le lieu le plus dangereux" du monde, l’épicentre du terrorisme mondial. C’est là que les jeunes jihadistes américains et britanniques vont pour être entraînés, où les kidnappés sont enfermés, et où des complots sont planqués pour des attaques meurtrières dans le monde entier ... 

 

"The Taliban Shuffle: Strange Days in Afghanistan and Pakistan" (2011) est un récit de mémoires et d’observations écrit par Kim Barker, ancienne correspondante du Chicago Tribune en Afghanistan et au Pakistan. Le livre relate son expérience en tant que journaliste dans ces deux pays entre 2004 et 2009, une période marquée par des conflits, de l’instabilité politique, et des efforts internationaux pour stabiliser la région. "A true-life Catch-22 set in the deeply dysfunctional countries of Afghanistan and Pakistan, by one of the region’s longest-serving correspondents". Et Barker met parfaitement en évidence la totale inefficacité des efforts internationaux en Afghanistan et au Pakistan, notamment les politiques incohérentes des États-Unis et de leurs alliés. Le livre a été adapté au cinéma par par Glenn Ficarra et John Requa sous le titre "Whiskey Tango Foxtrot" (2016), avec Tina Fey dans le rôle principal.

 

"The Taliban Revival: Violence and Extremism on the Pakistan-Afghanistan Frontier", Hassan Abbas (2014, Yale University Press) analyse en détail les interactions entre les Talibans afghans, les Talibans pakistanais (Tehrik-e-Taliban Pakistan, ou TTP), les services de renseignement pakistanais, et les forces étrangères, tout en mettant en évidence l’impact de ces conflits sur les populations locales. À l’automne 2001, les troupes américaines et de l’OTAN ont été déployées en Afghanistan pour déloger les dirigeants des talibans. Les fondamentalistes islamistes répressifs qui avaient soutenu activement les jihadistes d’Oussama ben Laden. Les forces de l’OTAN ont vaincu et démantelé le gouvernement taliban, mais sans les éradiquer, leur permettant de se réorganiser dans les régions frontalières du Pakistan. Une décennie plus tard, les talibans ont résisté — se regroupant et se réinstallant comme un mouvement insurgé important. Ils ont repris peu à peu le contrôle d’une grande partie de l’Afghanistan, alors même que les troupes américaines se préparent à quitter la région. Hassan Abbas examine comment les talibans ont non seulement survécu mais se sont aussi adaptés à leur situation afin de regagner le pouvoir et l’avantage politique. Abbas traque les racines de l’extrémisme religieux dans la région et analyse le soutien des talibans dans les zones tribales sous administration fédérale du Pakistan. Il explore également le rôle que les politiques occidentales et la prise de décision militaire — sans parler de la corruption et de l’incompétence à Kaboul — ont joué pour permettre la résurgence des talibans.


Bapsi Sidhwa est l'une des premières écrivaines pakistanaises à gagner une reconnaissance internationale : à travers un véritable drame,  "The Pakistani Bride" (1983), Sidhwa illustre la mosaïque culturelle du Pakistan et nous peint un tableau vivant de ses régions tribales et des contraintes imposées aux femmes dans ses sociétés traditionnelles : Zaitoon, une jeune orpheline élevée à Lahore et mariée à un homme d'une région tribale reculée, son mariage, sa fuite désespérée. - Auparavant, Bapsi Sidhwa avait publié "The Crow Eaters" (1978), un roman humoristique qui racontait la vie de Freddy Junglewalla, un parsi vivant dans le sous-continent indien au début du XXe siècle. À travers les luttes et les succès de Freddy, Sidhwa nous entraînait dans les traditions et les défis de la communauté parsi. - "Ice-Candy-Man" (1988) (publié aux États-Unis sous le titre de "Cracking India") est considéré comme son chef-d'œuvre :  la partition de l'Inde en 1947 vécue à travers le regard innocent de Lenny, une jeune fille parsi vivant à Lahore. Sidhwa dépeint ici les atrocités, la violence et les divisions religieuses qui ont accompagné cette péride. Un livre adapté cinématographiquement par Deepa Mehta sous le titre "Earth" (1998). - "An American Brat" (1993) nous conte l'histoire de Feroza, une jeune parsi pakistanaise, envoyée aux États-Unis pour une éducation : surgissent les conflits culturels, les questions d'identité, et la difficulté de s'adapter à une nouvelle culture.

 

Hina Haq est une auteure connue pour son roman "Sadika's Way: A Novel of Pakistan and America", publié en 2003 : les mariages soigneusement planifiés sont une longue tradition au Pakistan, comme ils le sont dans tout le Moyen-Orient, où les femmes ont peu de statut social et moins de droits individuels et où leur valeur se mesure en grande partie à la qualité du mariage qu’on peut leur arranger. Sadika doit être mariée en premier parce qu’elle est l’aînée de trois filles, la fiction est ici à la fois très drôle et instructive : nous voyons les mères se disputer entre elles pour le compte de leurs filles, pour les affections des mâles les plus désirables; nous les voyons chez eux et écoutons leurs conversations alors qu’ils se vantent des qualités de leurs filles – réelles et imaginées. Les luttes intestines deviennent intenses, nourries par le désespoir qui pousse tout naturellement d’un système qui tient littéralement le sort des femmes entre ses mains. La venue à l’âge adulte de Sadika et son voyage final vers une nouvelle vie impliquent des conflits culturels et des personnages familiaux dignes d’une Jane Austen du Moyen-Orient moderne ... 

 

"My Feudal Lord" (1991) est un livre puissant et audacieux qui dénonce la violence domestique, le patriarcat et la corruption politique dans une société féodale. Tehmina Durrani a créé ici une œuvre qui continue de résonner auprès des lecteurs et des défenseurs des droits des femmes. Bien qu’il ait suscité des controverses, le livre reste une lecture essentielle pour comprendre les dynamiques de pouvoir au Pakistan (les systèmes féodaux et les privilèges politiques renforcent le pouvoir des hommes) et les luttes pour l’émancipation des femmes dans les sociétés patriarcales. Née dans l’une des familles les plus influentes du Pakistan, Tehmina Durrani a grandi dans le milieu privilégié de la haute société de Lahore. Comme toutes les femmes de son rang, on s’attendait à ce qu’elle épouse un musulman prospère d’une famille respectable, qu’elle lui donne beaucoup d’enfants et mène une vie protégée de loisirs. Son mariage avec Mustafa Khar, l’une des personnalités politiques les plus éminentes du Pakistan, s’est rapidement transformé en cauchemar. Violemment possessif et pathologiquement jaloux, Mustafa Khar a réussi à l’isoler du monde extérieur. Pendant quatorze ans, Tehmina a souffert seule, en silence. Lorsqu’elle a décidé de se rebeller, le prix qu’elle a payé était extrêmement élevé : en tant que femme musulmane qui demandait le divorce, elle a renoncé à tout soutien financier, a perdu la garde de ses quatre enfants et s’est retrouvée aliénée par ses amis et déshéritée par ses parents. Mustafa Khar avait rejeté les accusations, et Durrani critiquée pour avoir exposé sa vie privée. Lorsque ce livre a été publié, il a ébranlé la société pakistanaise jusqu’à ses fondations.  

 

Omar Shahid Hamid est un écrivain pakistanais et un officier de police ayant une carrière de plus de 20 ans au sein du Karachi Police Department. Il a travaillé dans des unités sensibles, notamment celles liées à la lutte contre le terrorisme et à la gestion des crimes organisés. Sa carrière dans la police, marquée par des défis personnels et professionnels, alimente largement ses célèbres et populaires récits de fiction. "The Prisoner" (2013), son premier roman suit Constantine D’Souza, un inspecteur de police emprisonné à Karachi, et son ancien partenaire Akbar Khan, qui tente de le sauver. Le livre va plonger très rapidement  dans le monde sombre de la corruption policière, des luttes de pouvoir, et des crimes organisés. "The Spinner's Tale" (2015) conte l'histoire d'un jeune homme privilégié, Asif, qui se radicalise et devient un membre influent d’un groupe militant islamiste : le roman 'intéresse aux raisons derrière la radicalisation et l’impact de l’idéologie sur des individus et leurs communautés. "The Party Worker" (2017) est un thriller politique qui nous entraine dans les machinations d’un chef de parti politique à Karachi, les conflits internes, les rivalités sanglantes et la violence systémique dans la politique urbaine.

 

"Karachi, You’re Killing Me!" (2014), Saba Imtiaz, écrivaine, journaliste et scénariste, nous attache aux pas d'Ayesha Khan, une journaliste de Karachi, qui navigue dans une vie professionnelle chaotique et une vie personnelle désordonnée : pour nous livrer à travers une narration humoristique, un tableau vivant des défis quotidiens de la vie dans une ville chaotique comme Karachi. Ayesha est une journaliste de vingt ans dans l’une des villes les plus dangereuses du monde. Ses missions vont de se présenter sur les sites des bombes et de ramasser des parties du corps éparpillées à interviewer la nièce de son patron, la créatrice de cupcakes. Entre la mort et l’absurdité, Ayesha se désespère de rencontrer un type bien, quelqu’un comme son vieil ami Saad, dont elle pleure sur l’épaule après chaque mésaventure romantique. Ses choix semblent limités aux journalistes narcissiques et à la recherche d’adrénaline qui feront tout pour obtenir leur prochain article – jusqu’aux enfants gâtés de l’élite de Karachi qui feront tout pour guérir leur ennui. Son problème le plus pressant, cependant, est comment redresser ses cheveux pendant les pannes de courant chroniques ...

 

"House Number 12 Block Number 3" (2021) fait référence à une adresse symbolique qui sert de point de départ pour conter les souvenirs liés à une maison familiale, une maison microcosme qui permet de mettre à jour les tensions, les joies, et les drames qui façonnent les vies individuelles et communautaires. L'auteur, Sana Balagamwala, artiste et designer, est à l'origine d'un célèbre jeu de société, "Arranged! The Game", critiquant la pratique des mariages arrangés au Pakistan : dans ce jeu, les joueurs incarnent des jeunes femmes tentant d’échapper aux tentatives de "rishta aunties" (femmes qui arrangent des mariages) et les stratégies incluent poursuite d'une carrière, port de vêtements inappropriés ou création de malentendus....

 

"Mirages of the Mind" (Aab-e-Gum) est un roman satirique et introspectif écrit par Mushtaq Ahmad Yousufi, l’un des écrivains les plus éminents de la littérature ourdoue. Le livre est centré sur la vie de Basharat Ali, un homme issu de la classe moyenne. Lui et sa famille sont des musulmans indiens qui ont déménagé au Pakistan, mais qui restent profondément imprégnés de la nostalgie de la vie avant la Révolution en Inde. Au travers d'anecdotes absurdes et d’inoubliables croquis biographiques, qui cachent le malaise et la douleur du voyage de la famille de Kanpur à Karachi, Basharet apparaît comme un fou sage, hôte de cette comédie unique. Des scènes humoristiques dans le nord de l’Inde coloniale, au chagrin et au mal-être de la vie post-coloniale au Pakistan, un portrait authentique de la vie parmi les locuteurs d’urdu d’Asie du Sud, magnifiquement traduit en anglais par Matt Reeck et Aftab Ahmad. Et une critique subtile des structures sociales et culturelles du sous-continent...

 

Jamil Ahmad (1933-2014) est né dans une famille musulmane à Jalandhar, sa famille a migré au Pakistan lors de la partition de l'Inde en 1947. Diplômé de l'Université du Pendjab, il a choisi de devenir fonctionnaire et a occupé divers postes au sein du gouvernement pakistanais, principalement dans les régions frontalières du Baloutchistan et des zones tribales (FATA). Ces affectations lui ont permis de côtoyer des cultures et des communautés rarement explorées dans la littérature pakistanaise. Il n’a publié son premier roman, "The Wandering Falcon", qu'en 2011, à l'âge de 78 ans. Ce livre, largement acclamé, est basé sur ses observations de la vie dans les régions reculées du Pakistan et de l'Afghanistan. Un recueil de nouvelles dont Tor Baz est le personnage principal, un jeune homme surnommé "le Faucon Errant". Le récit suit son parcours à travers les terres arides et inhospitalières des zones tribales pakistano-afghanes, des récits enracinés dans les années où Jamil Ahmad a travaillé comme administrateur dans les régions tribales. Une vision rare et nuancée de la vie des nomades, des conflits intertribaux, et des relations avec l’État pakistanais...

 

"In the tangle of crumbling, weather-beaten, and broken hills where the borders of Iran, Pakistan, and Afghanistan meet is a military outpost manned by about two score soldiers.

Lonely, as all such posts are, this one is particularly frightening. No habitation for miles around, and no vegetation except for a few wasted and barren date trees leaning crazily against one another, and no water other than a trickle among some salt-encrusted boulders, which also dries out occasionally, manifesting a degree of hostility.

Nature has not remained content merely at this. In this land, she has also created the dreaded bad-e-sad-o-bist-roz, the wind of a hundred and twenty days. This wind rages almost continuously during the four winter months, blowing clouds of alkali-laden dust and sand so thick that men can barely breathe or open their eyes when they happen to get caught in it..."

 

Khadija Mastoor (1927-1982) est née à Bareilly, en Inde britannique, dans une famille musulmane. Elle a grandi dans une période marquée par les luttes pour l’indépendance et la montée des tensions intercommunautaires. Après la partition de l’Inde en 1947, elle a migré avec sa famille au Pakistan, un événement qui a profondément influencé son écriture. "Aangan" (The Women’s Courtyard) est son œuvre la plus célèbre, un roman qui se déroule dans une maison musulmane traditionnelle en Inde, où le aangan (cour intérieure) devient le symbole de l’espace confiné des femmes. À travers le regard de son héroïne, Aliya, Mastoor explore les tensions politiques, les bouleversements sociaux, et les dynamiques familiales dans le contexte de la lutte pour l’indépendance de l’Inde et de la partition.

 

Cheryl Benard est née en Autriche et a grandi dans une famille multiculturelle, et est mariée à Zalmay Khalilzad, un diplomate américain d'origine afghane qui a occupé des postes de haut niveau, notamment en tant qu'ambassadeur des États-Unis en Afghanistan, en Irak, et aux Nations Unies. Elle a travaillé comme chercheuse à la RAND Corporation ("Civil Democratic Islam: Partners, Resources, and Strategies", 2003) et s’est investie dans des initiatives visant à promouvoir les droits des femmes dans des contextes conservateurs, notamment dans les pays musulmans, en mettant en avant les questions liées à l’éducation, à l’autonomisation économique et à la participation politique. "Veiled Courage: Inside the Afghan Women's Resistance" (2002), témoigne du travail clandestin des femmes afghanes sous le régime des talibans à travers l’organisation RAWA (Revolutionary Association of the Women of Afghanistan). Elle choisira le genre policier pour son premier roman qui dénonce l'oppression des femmes au Pakistan avec un thriller traduit en farnçais sous le titre  "L’Inconnue de Peshawar" ...

 

Dans "The Women’s Movement in Pakistan: Activism, Islam and Democracy", Ayesha Khan (2018) trace l’évolution des mouvements féminins au Pakistan, notamment leurs origines sous le régime colonial britannique et leur transformation après la partition de l’Inde en 1947. L’ouvrage examine ensuite comment les régimes politiques successifs, en particulier celui de Zia-ul-Haq (1977-1988), ont influencé les droits des femmes en introduisant des lois basées sur une interprétation conservatrice de l’Islam. Ayesha Khan explore la tension entre l’activisme féministe et les discours religieux dans un pays où l’Islam joue un rôle central. Elle montre comment certaines militantes ont réinterprété les textes religieux pour plaider en faveur des droits des femmes. L’ouvrage donne la parole à des activistes de divers milieux, mettant en lumière la diversité des approches et des visions au sein du mouvement...

 

Fatima Murtaza Bhutto (1982), écrivaine et membre de la dynastie politique Bhutto, nous livre dans "Songs of Blood and Sword" (2010) une autobiographie qui ne peut esquiver l'assassinat de son père, Murtaza Bhutto, en 1966. Fatima Bhutto y critique le rôle de sa tante, Benazir Bhutto, dans les divisions familiales et les scandales politiques. Le roman qui suit, "The Shadow of the Crescent Moon" (2013)se déroule dans une petite ville du Waziristan, une région tribale du Pakistan, et suit les destins entrecroisés de cinq personnages pendant une matinée de prière. Plus ambitieux, "The Runaways" (2018) conte trois jeunes de Karachi, Londres et Dubaï, chacun aux prises avec des questions d’identité, de marginalisation et de radicalisation...

 

"Refugee Cities: How Afghans Changed Urban Pakistan" (Sanaa Alimia,2022) explore l'impact des réfugiés afghans sur le tissu urbain, social et économique des grandes villes du Pakistan, notamment Karachi, Peshawar et Quetta. Sanaa Alimia, chercheuse spécialisée dans les dynamiques migratoires et urbaines en Asie du Sud, met en lumière comment ces populations déplacées, arrivées principalement après l'invasion soviétique de l'Afghanistan en 1979, ont contribué à transformer les villes pakistanaises.

 

"The Dancing Girls of Lahore: Selling Love and Saving Dreams in Pakistan’s Pleasure District", Louise Brown (2005) nous plonge dans le quartier de Heera Mandi, situé dans la vieille ville de Lahore, au Pakistan, un quartier, historiquement connu pour sa tradition de danse et de musique classique, et devenu centre de prostitution. La sociologue britannique a passé plusieurs années à observer et à interagir avec les femmes et les familles qui vivent et travaillent dans ce quartier : elle leur donne une voix et une humanité malgré la pauvreté et l'exploitation. 

 


La diaspora pakistanaise est l’une des communautés diasporiques les plus importantes au monde ...

 

Elle joue un rôle économique, culturel et politique significatif tant pour le Pakistan que pour les pays où elle est implantée. Environ 9 millions de Pakistanais vivent à l'étranger, soit près de 4 % de la population totale du Pakistan : le Moyen-Orient abrite environ 4 à 5 millions de Pakistanais (2M5 en Arabie saoudite, 1M6 dans les Émirats arabes unis), des travailleurs expatriés sont surtout employés dans les secteurs de la construction, du commerce et des services. En Europe, le Royaume-Uni en compte plus de 1,6 million, principalement issus de la région du Punjab et de Mirpur (Cachemire) : un diaspora qui a enrichi la culture britannique avec des contributions dans la musique (Bhangra), la cuisine (curry pakistanais), et le sport (cricket). Des communautés sont en expansion en Italie, Espagne, Allemagne et les États-Unis ont accueilli environ 500 000 Pakistanais, avec une concentration dans les grandes métropoles comme New York, Houston, et Chicago ... 

 

La littérature pakistanaise, bien que jeune en tant qu'entité nationale depuis 1947, repose sur une tradition littéraire millénaire héritée de l'Asie du Sud. Elle s'exprime principalement en ourdou, mais aussi en punjabi, sindhi, pachto, baloutchi et en anglais.

 

Saadat Hasan Manto, l'un des plus grands nouvellistes, a écrit des récits poignants comme "Toba Tek Singh", reflétant la douleur de la division. Des écrivains pakistanais en anglais, comme Mohsin Hamid ("The Reluctant Fundamentalist" aborde la relation tendue entre l'Orient et l'Occident après le 11 septembre) et Kamila Shamsie ("Home Fire"), sont devenus des voix reconnues sur la scène littéraire mondiale.

"Twilight in Delhi" est un étonnant roman relatant La chute de l’élite musulmane de Delhi au début du XXᵉ siècle, écrit par un auteur pakistanais, Ahmed Ali (1940). "Modern Urdu Literature: From Colonial India to Post-Independence Pakistan", de Mehr Afshan Farooqi (Cambridge University Press, 2012) offre une synthèse de référence ...

 

"Moth Smoke" (2000) est le premier roman de Mohsin Hamid, l’un des écrivains contemporains les plus renommés du Pakistan. Un roman qui se déroule dans la ville de Lahore (un personnage à part entière qui reflète les tensions culturelles et économiques de la société pakistanaise) et raconte l’histoire de Darashikoh "Daru" Shezad, un ancien banquier issu de la classe moyenne, dont la vie déraille après avoir perdu son emploi. Entre addiction, jalousie et désillusion, Daru s’enfonce dans un cercle de criminalité, tout en développant une obsession pour Mumtaz, la femme de son meilleur ami, Ozi. Le roman a été finaliste pour le Prix Booker asiatique (Asian Booker Prize). Un Pakistan contemporain beaucoup plus vivant et troublant que les images exotisées de l’Asie du Sud familières à la plupart des occidentaux... Il n'empêche que paradoxalement, "L'Etranger" de Camus semble une voix d'inspiration certaine ...

 

"The Reluctant Fundamentalist" (2007), finaliste pour le Booker Prize et adapté en film en 2012, fut un succès international. Via une narration unique, un monologue (Changez) adressé à un Américain non identifié (ce qui crée tension et ambiguïté tout au long du récit), des thèmes contemporains, l’identité, l’immigration, l’islamophobie, et les tensions entre l’Est et l’Ouest dans un monde post-11 septembre. Changez, un jeune Pakistanais diplômé de Princeton travaille dans la finance à New York. Après les attentats du 11 septembre, son sentiment d’appartenance aux États-Unis s’effrite, et il finit par retourner au Pakistan, où il adopte une position critique envers l’Occident.

 

"How to Get Filthy Rich in Rising Asia" (2013) reprend les codes des livres de développement personnel tout en racontant une histoire dramatique : un protagoniste sans nom qui gravit les échelons sociaux dans une ville anonyme d’Asie du Sud, en s’attaquant à la pauvreté et à la corruption pour devenir riche. On y retrouve les fameux thèmes de la mondialisation, de la classe sociale, de l’urbanisation, et les relations humaines dans un monde en rapide transformation.

 

"Exit West" (2017), finaliste pour le Booker Prize, la migration, l’amour, l’exil, et l’adaptation dans un monde toujours autant  globalisé. Nadia et Saeed, un jeune couple qui fuit un pays en guerre grâce à des portes magiques qui mènent à différents endroits du monde. L’histoire conte leur relation alors qu’ils naviguent dans des réalités changeantes en tant que migrants.

 

 

"The Last White Man" (2022), inspiré de La Métamorphose de Kafka, raconte l’histoire d’Anders, un homme blanc qui se réveille un jour avec une peau brune, et qui nous donne à suivre comment cette transformation affecte ses relations et son identité dans une société où la race joue un rôle crucial.


"In the City by the Sea" (1998) fut le premier roman de Kamila Shamsie, on retrouve les tensions politiques, la perte d’innocence, et le regard d’un enfant sur un monde adulte instable et répressif. L'existence de Hasan, un garçon de 11 ans vivant dans une ville fictive fortement inspirée de Karachi, est bouleversée lorsque son oncle, politicien de l’opposition, est arrêté.  

 

"Salt and Saffron" (2000) se développe autour du concept de "mauvais sang" dans les dynamiques familiales. Il nous conte l’histoire d’Aliya, une jeune femme pakistanaise issue d’une famille aristocratique, qui revient à Karachi et tente d'approndir l’héritage de sa famille, marqué par des secrets, des mariages interdits, et des divisions culturelles. Comme le sel et le safran, qui donnent tous deux une saveur aux aliments mais de manières légèrement différentes, ce sont les petites différences subtiles qui causent le plus de problèmes dans la famille d’Aliya. Les problèmes familiaux et les scandales provoqués par ces différences mineures font écho à l’histoire du sous-continent et à l’histoire de la partition.

 

"Kartography" (2002) est situé à Karachi dans les années 1970, et nous entraîne dans la relation qui lie Raheen et Karim, amis d’enfance dont les familles sont liées par bien des secrets. La complexité de leur lien reflète toutes les divisions ethniques et les violences qui ont marqué l’histoire du Pakistan. Un livre considéré comme l’une des œuvres les plus marquantes de Shamsie. Et un Pakistan vibrant, dangereux et sensuel...

 

Dans "Broken Verses" (2005), Aasmaani Inqalab, une jeune femme vivant à Karachi, tente de résoudre le mystère entourant la disparition de sa mère, une activiste féministe, et de son amant, un poète célèbre. L’histoire navigue entre intrigue personnelle et analyse sociopolitique. Des relations mère-fille et du rôle des intellectuels dans une société conservatrice.

 

"Burnt Shadows" (2009) est un roman épique qui traverse plusieurs générations et continents, reliant la Seconde Guerre mondiale, les bombes atomiques d’Hiroshima et Nagasaki, la partition de l’Inde, et les guerres en Afghanistan et au Pakistan. L’histoire suit Hiroko Tanaka, une survivante d’Hiroshima, et les familles qu’elle rencontre au fil de son voyage. 

 

"A God in Every Stone" (2014), c'est l’histoire du Pakistan à travers trois époques, l’Empire achéménide, la Première Guerre mondiale, et les mouvements pour l’indépendance indienne. L’histoire relie deux personnages principaux, une archéologue britannique, Vivian Rose Spencer, et Qayyum Gul, un soldat pachtoune. 

 

"Home Fire" (2017), lauréat du Women’s Prize for Fiction 2018 et best-seller mondial, a suscité un large débat sur l’identité et les choix moraux dans le contexte contemporain. Inspiré d’Antigone de Sophocle, ce roman contemporain raconte l’histoire de trois frères et sœurs britanniques musulmans, Isma, Aneeka, et Parvaiz. La vie de leur famille bascule lorsque Parvaiz est attiré par l’État islamique et qu’un politicien influent, Eamonn, entre dans leur vie.

 

"Best of Friends" (2022) traite de l’amitié entre Maryam et Zahra, deux femmes issues de milieux différents mais qui grandissent ensemble dans le Karachi des années 1980. Plusieurs décennies plus tard, leur relation est mise à l’épreuve lorsqu’elles se retrouvent à Londres, confrontées à des dilemmes moraux et politiques.


Le recueil de Farah Ali, "People Want to Live" témoigne de son talent narratif et de sa sensibilité littéraire, faisant d'elle une figure importante parmi les voix émergentes de la littérature pakistanaise, des histoires qui se déroulent principalement au Pakistan, et racontent des personnes marquées par la solitude et s'interrogeant sur leurs relations personnelles et leur place dans le monde. 

 

Dans "Brown Boy" (2023), Omer Aziz raconte son parcours en tant que fils d’immigrés pakistanais au Canada, partagé entre entre ses racines culturelles et les attentes de la société occidentale. Dans un quartier difficile à la périphérie de Toronto, à des kilomètres du centre-ville riche et blanc, Omer Aziz a du mal à trouver sa place en tant que jeune musulman pakistanais de première génération. Il craint la violence et le désespoir du monde qui l’entoure. En dernière année de lycée, Omer commence rapidement à réaliser que l’éducation peut ouvrir le monde. Mais ni l’Université Queen’s en Ontario, ni Sciences Po à Paris, ni l’Université de Cambridge en Angleterre et enfin ni faculté de droit de Yale, malgré son parcours, ne le font oublier ce qu'il est, un garçon brun dans un monde blanc  particulièrement élitiste. Il se cherche, lit, se déplace à travers des mondes fortunés, ses sentiments de honte et d’impuissance ne font que s’amplifier, et les réponses claires s’éloignent. L’assimilation était-elle vraiment la seule option possible ?  

 

Le choc culturel, l'identité, et l'intégration en Occident inspire "Unimagined: A Muslim Boy Meets the West" (2007), une autobiographie drôle et émouvante d’Imran Ahmad, un jeune musulman pakistanais qui grandit en Angleterre dans les années 1970 et 1980. Le livre est divisé en chapitres courts, chacun relatant une anecdote ou un événement marquant de son enfance, son adolescence et sa vie de jeune adulte. Après avoir quitté Karachi pour Londres à l’âge de deux ans, Imran répond à son nouveau cadre étrange en s’engageant dans une quête éternelle pour devenir le gentleman anglais par excellence : cravate parfaitement nouée, chemise soigneusement repassée, cheveux bien peignés. Comme la plupart des garçons, il a aussi une obsession parallèle pour les voitures et les filles .... 

 

"The Reluctant Mullah" (2010) conte la vie d’un jeune homme, Musa, destiné à devenir un imam (mullah) selon les attentes de sa famille. Cependant, Musa est loin d’être convaincu par ce destin et préfère écrire des poèmes d’amour, réfléchir sur la vie plutôt que de suivre une voie religieuse stricte. Ce conflit intérieur pousse Musa à examiner ses croyances, ses relations familiales et ses propres désirs. Sagheer Afzal est un écrivain britannique d'origine pakistanaise. Dans un moment de curiosité, Musa essaie les vêtements pudiques d'une femme musulmane pour expérimenter par lui-même ce que c'est que d'être voilé. Bien que cela provoque beaucoup de rires parmi ses camarades de la madrasa, les aînés ne sont pas amusés, considérant l'expérience de Musa comme une farce de trop. De retour à la maison, il doit se conformer à la vie familiale et faire face à la perspective d'un mariage arrangé. Intelligemment, le patriarche de la famille, Dadaji, lui propose un marché : un mois de jours pour se trouver une épouse, sinon Musa devra accepter le choix de Dadaji... La course est donc lancée pour Musa, musulman dévot et doux idéaliste, qui rêve d'une compagne parfaite mais désespère de la trouver un jour. Lorsque ses frères et sœurs et ses amis interviennent pour l'aider, leurs efforts suscitent à la fois l'hilarité et l'indignation, mais le côté obscur de la tradition ne tarde pas à se manifester...

 

Nadeem Aslam (1966) est né à Gujranwala, au Pakistan, dans une famille d'écrivains et d'intellectuels. Son père, un communiste et militant politique, a été contraint de fuir le Pakistan avec sa famille en raison de ses opinions politiques sous le régime militaire de Zia-ul-Haq. La famille s’est installée en Angleterre alors qu’Aslam était adolescent. Ces expériences d’exil, de déracinement et de lutte politique ont profondément influencé son écriture. "Season of the Rainbirds" (1993) se déroule dans un village pakistanais fictif, où le meurtre du juge Anwar aiguise les sentiments de la population : leurs angoisses seront aggravées lorsqu’un sac de lettres, perdu dans un accident de train il y a dix-neuf ans, réapparaît subitement dans des circonstances mystérieuses. Quels secrets ces lettres révéleront-elles? Les lettres pourraient-elles faire la lumière sur le meurtre du juge Anwar? Aslam suit l’enquête sur le meurtre en créant un monde intemporel, dans un contexte sinistre de tensions religieuses, d’assassinats, de changements de régime et de guerres civiles lointaines. - "Maps for Lost Lovers" (2004), situé dans une communauté pakistanaise en Angleterre, nous relatera l’histoire d’un couple non marié dont la disparition et le meurtre révèlent les tensions et les hypocrisies de leur communauté. "The Wasted Vigil" (2008) et "The Blind Man’s Garden" (2013) s'interroge sur les conséquences des guerres sur les individus. 

 

Nafisa Haji est née et a grandi en Californie, dans une famille musulmane d'origine sud-asiatique. Ses ancêtres ont émigré d’Inde vers le Pakistan lors de la partition en 1947, un événement qui a influencé son héritage familial et qu’elle interroge dans ses écrits. Ayant grandi entre plusieurs cultures (indienne, pakistanaise et américaine), se posent des questions bien d’identité et  de mémoire. "The Writing on My Forehead" (2009) conte Saira, une jeune femme américaine d’origine sud-asiatique, qui navigue entre son désir d’indépendance et les attentes traditionnelles de sa famille musulmane; "The Sweetness of Tears" (2011), l’histoire de Jo March, une jeune Américaine qui découvre un secret familial impliquant des relations interreligieuses et interculturelles...

 

À travers son roman "American Fever" (2022) et ses essais, Dur e Aziz Amna a, elle aussi, conter les tensions culturelles et les luttes personnelles des individus pris entre plusieurs mondes, en particulier les femmes, naviguant entre les attentes culturelles de leurs origines et les réalités de leur vie en Occident. Elle est née et a grandi à Rawalpindi, au Pakistan, et a poursuivi ses études aux États-Unis (Yale University) où elle est devenue écrivaine et essayiste prolifique, publiant ses travaux dans des médias prestigieux tels que The New York Times, Financial Times, et Al Jazeera. "American Fever", son premier roman, raconte l’histoire de Hira, une adolescente pakistanaise envoyée dans une petite ville des États-Unis dans le cadre d’un programme d’échange étudiant. À travers les yeux de Hira, le roman explore les tensions culturelles, le mal du pays, et les défis d’adaptation à une société fondamentalement différente de celle qu’elle connaît.

 

"The Return of Faraz Ali" (2022), un premier roman à succès contant l’histoire de Faraz Ali, un policier renvoyé dans son quartier d’enfance à Lahore, au Pakistan, pour étouffer un scandale, mais un retour dans ce quartier rouge qui révèle bien des vérités personnelles et sociales complexes, écrit par Aamina Ahmad : elle née et a grandi à Londres dans une famille d’origine pakistanaise, a étudié la littérature et l'écriture créative à l'Université de Londres et à l'Université de Minnesota, et s'est spécialisée dans le théâtre et la dramaturgie.

 

Daniyal Mueenuddin est né à Los Angeles d’un père pakistanais et d’une mère américaine. Son père, Ghulam Mueenuddin, était un haut fonctionnaire au Pakistan, et sa mère, Barbara, une journaliste américaine. Il a grandi entre les États-Unis et le Pakistan, a étudié à Dartmouth College, a obtenu un diplôme en littérature anglaise, avant de poursuivre des études en droit à Yale Law School,  travaillé comme avocat à New York avant de retourner au Pakistan pour gérer la ferme familiale dans le sud du Pendjab. Une expérience qui a inspiré ses récits, centrés sur les inégalités sociales, les structures féodales et les dynamiques entre les classes au Pakistan. "In Other Rooms, Other Wonders" (2009), un recueil de nouvelles entrelacées dépeint les vies des différents personnages liés à K.K. Harouni, un propriétaire terrien féodal au Pakistan. Il fut finaliste du Pulitzer Prize for Fiction en 2010.

 

"The Diary of a Social Butterfly" (2008) reprend la chronique humoristique tenue par Moni Mohsin dans The Friday Times, un hebdomadaire pakistanais influent : on y suit les aventures de "Butterfly," une femme superficielle et hilarante de la haute société de Lahore, une critique de la classe aisée pakistanaise, de ses excès et de son décalage avec les réalités du pays. Moni Mohsin est originaire de Lahore, où elle a grandi dans une famille cultivée. Son éducation et son expérience en tant que femme pakistanaise vivant entre le Pakistan et le Royaume-Uni ont profondément influencé son écriture. "Tender Hooks" (2011) retrouve Butterfly, toujours aussi désinvolte, mais cette fois confrontée à des problèmes comme le mariage et les pressions sociales. "The End of Innocence" (2012) se déroule dans les années 1970 au Pakistan et raconte l’histoire de Laila, une jeune fille d’une famille aisée, et de son amitié avec Rani, la fille d’un serviteur. 

 

Mais il est des thèmes que littérature pakistanaise contemporaine anglophone, que l'on peut juger privilégiée par rapport à une réalité sociale particulièrement difficile, se garde moins d'aborder : ainsi la vie des élites urbaines et leurs interactions avec des classes sociales différentes ...

Dans "In the Company of Strangers" (2020), Awais Khan, se situant à Lahore, une métropole où coexistent des élites riches et puissantes, des normes sociales conservatrices, et des réalités économiques complexes, sait nous dépeindre les excès et les hypocrisies de ses élites, où l’apparence, comme dans toutes les élites de ce monde, prime sur les valeurs réelles, et où les individus sont souvent déconnectés des réalités de la majorité de la population. Le personnage de Mona, une femme riche mais désillusionnée de la haute société de Lahore, illustre les défis auxquels toute femme est confrontées dans une société patriarcale et d'une hypocrisie sans liite. Malgré sa richesse, elle est enfermée dans un mariage restrictif et doit constamment faire face aux attentes sociales liées au statut et à la famille. À travers à un autre personnage, celui d’Ali, tiraillé entre son intégrité et le désir de s’élever socialement, elle met en évidence les inégalités criantes entre les riches et les pauvres au Pakistan, et les luttes des jeunes issus de milieux modestes pour gravir les échelons sociaux. Awais Khan a étudié à Durham University au Royaume-Uni, où il s’est spécialisé en littérature anglaise. "Someone Like Her" (2023) a confirmé sa réputation..


Des ouvrages comme "Pakistan: A Hard Country" (Anatol Lieven, 2011) offrent une perspective globale, équilibrée, sur les forces et les faiblesses de ce pays stratégique, essentiel à la géopolitique régionale et mondiale. Sont notamment analysées les dynamiques politiques internes (l'auteur note des structures sociales locales solides, comme les clans et les réseaux familiaux), l’influence de l’armée sur le système politique (l'armée est l’institution la plus puissante et la plus stable du pays, elle joue un rôle déterminant dans la politique nationale, et depuis l'indépendance en 1947, le Pakistan a connu plusieurs coups d’État militaires (1958, 1977, 1999), la relation entre l’Islam et l’identité nationale ( l’Islam est au cœur de l’identité nationale pakistanaise, et bien que le pays soit marqué par des tensions entre islam modéré et islam radical, l’Islam est souvent utilisé comme un outil pour unifier un pays autrement fragmenté par des identités ethniques et linguistiques), et la complexité des tensions régionales et ethniques (Le centralisme administratif du gouvernement, dominé par le Pendjab, suscite des ressentiments dans d’autres régions; des mouvements séparatistes et autonomistes, notamment au Baloutchistan et au Sindh, créent des instabilités) ..

Lieven souligne en effet que le Pakistan est un pays profondément hétérogène sur le plan ethnique, linguistique et régional :

- Pendjab, une région la plus peuplée et économiquement dominante.

- Sindh, abritant Karachi, un centre urbain clé, mais aussi des tensions entre les Sindhis et les Mohajirs (immigrants musulmans de l’Inde).

- Khyber Pakhtunkhwa (KP), une zone pachtoune, marquée par une culture tribale et des conflits avec les talibans.

- Baloutchistan, la région la plus vaste et la moins peuplée, où les mouvements séparatistes baloutches contestent le contrôle centralisé.

- Enfin, le Cachemire; légion disputée entre l’Inde et le Pakistan, au cœur des tensions bilatérales.

 

"The Pashtuns: A Contested History" (2022),  Tilak Devasher - Avec une population estimée entre 50 et 60 millions de personnes, habitant principalement dans l'est et le sud de l'Afghanistan et le nord-ouest du Pakistan, mais avec des diasporas importantes, les Pachtounes sont peut-être le plus grand groupe ethnique au monde sans pays propre. Leur histoire remonte à l'Antiquité, et ils sont souvent associés aux empires achéménide, gréco-bactrien, et moghol. La majorité des Talibans sont également issus de cette ethnie.

Organisés en tribus, ils habitent en effet une étendue continue de terre allant de l’Hindu Kush à l’Indus, en passant par le Pakistan et l’Afghanistan. Le Pakistan a utilisé les zones à dominance pachtoune des régions tribales sous administration fédérale (FATA) comme tremplin contre l’occupation soviétique de l’Afghanistan dans les années 1980 et plus tard pendant la guerre contre le terrorisme menée par les États-Unis. Au cours de ce processus, la FATA a été maintenue dans un trou noir constitutionnel et informationnel. Le mécontentement a finalement éclaté en 2018 lorsque l’assassinat extra-judiciaire d’un jeune pachtoune a suscité de vastes protestations.

Ce livre de l’analyste vétéran Tilak Devasher comble une lacune dans la compréhension géopolitique de l’Asie du Sud, étant donné le retrait des États-Unis d’Afghanistan et les fluctuations de l’équation du pouvoir dans la région. "The Pathans", par Olaf Caroe (1958), daté mais classique. Dans "Taliban: Militant Islam, Oil and Fundamentalism in Central Asia" (2000), Ahmed Rashid met en lumière le rôle des Pashtounes dans les mouvements islamiques contemporains. "My Life as a Pashtun Woman", par Malalai Joya (2009), illustre les défis auxquels les femmes pashtounes sont confrontées.