Europe du Sud
Italia...
Étirée sur plus de dix degrés de latitude, ayant acquis son unité il y a à peine une siècle et demi, la "botte italienne" s'enfonce dans la belle Méditerranée sur près de 1000km, présentant trois ensembles physiques, au nord, le versant méridional de l'arc alpin, élevé mais coupé de nombreuses vallées, qui domine la plaine du Pô et s'élargit vers l'Adriatique, l'Apennin qui forme par la suite l'ossature du pays, le voici bordé de collines, de plateaux et de plaines alluviales en Italie centrale, pour s'affirmer au sud, de la Ligurie à la Calabre. Au total, une très importante discontinuité du relief, facteur d'effritement politique et obstacle difficile à surmonter en terme de communication.
La mer Méditerranée enserre de toutes parts l'Italie, Adriatique, Mers Ionienne, Tyrrhénienne et Ligure, avec une longueur de côtes proche de 7 500 km, mais cette mer si chaude et si colorée ne joue au fond qu'un rôle effacé dans l'économie du pays.
Mais plus encore, c'est bien sous l'Italie que les deux plaques continentales de l'Europe et de l'Afrique se heurtent, l'Italie est ainsi tectoniquement très instable et a enregistré des milliers de tremblements de terre depuis les débuts de l'ère chrétienne, et cette fragilité est accrue par les risques d'éruptions volcaniques, risques sous contrôle par les progrès de la prévision, mais l'ensemble livre un contexte paradoxal alliant beauté et fragilité des paysages, d'où peut-être cette tendance au fatalisme chez les hommes et les femmes qui l'habitent, cette exubérance statique souvent trop caricaturée et qui, par sécurité, parle plus certes qu'elle n'agit, se conforme certes aux puissants plus qu'elle ne conteste, mais qui fait toute la chaleur et l'ouverture, l'ingéniosité d'un pays par ailleurs divisés en 20 régions bien spécifiques.
Au cours des 150 dernières années, la population italienne a doublé, passant de 26 millions à 60 millions d'habitants, malgré les guerres et 8 millions d'émigrants vers l'Europe (l'Allemagne) et le Nouveau Monde, aujourd'hui, l'Italie est la destination de nombreux réfugiés venus d'Afrique ou des anciens pays soviétiques.
L'Italie est et reste la grande source culturelle et artistique de l'histoire occidentale, mais les millions de touristes qui envahissent depuis les années 1960 le pays ont changé quelque peu la nature de l'offre et de la demande, les vacances balnéaires, les week-ends de shopping et les selfies organisés tendent à éroder progressivement la fascination artistique et la quête esthétique ou spirituelle d'un passé de créativité toujours présent. "L’Italie, c’est avant tout une langue", disait Umberto Eco, langue de lettrés, elle est une des rares langues à ne pas avoir connue d'évolution en mille ans, et l'Italie, nous le savons, fut une culture avant d'être une Nation...
La péninsule italienne, nous disent des géographes qui se nourrissent d'Histoire, trône au centre de la Méditerranée comme elle a trôné au centre du monde. Elle a en effet cette forme si caractéristique d'une botte qui divise en deux la mer intérieure, et pendant les cinq siècles romains, cette botte a unifié la Méditerranée, a donné à l'hellénisme l'espace et le temps, et fait collaborer Phéniciens et Grecs. À la Renaissance (Rinascimento, la Renaissance culturelle du XVIe siècle), mieux encore, divisée en cités concurrentes, elle n'en subjugua pas moins le monde et inventa ce qui désormais structure notre monde, la finance, la banque, la science, les arts. Pendant une large période, les rois se disputaient ses génies, les Machiavel, Léonard de Vinci et autres Michel-Ange. Et, singulièrement, l'Italie moderne, unifiée seulement àla fin XIXe siècle (le Risorgimento, 1821-1870) se révèle, à l'usage, une construction plus solide que l'Espagne, menacée quant à elle d'éclatement ou de devenir au mieux un Etat fédéral. L'Italie reste le plus beau pays du monde par l'éclat de ses villes et de ses monuments, - qui tente de survivre dans un surtourisme qu'elle hésite à endiguer -, et continue à compter parmi les dix principales puissances économiques de la planète, malgré cette langueur parfois traversée de brusques accès de fièvre, qu'on lui reconnaît ...
Espagne et Italie ont connu une histoire commune dès l'Antiquité, et partagé des influences croisées. Les deux pays partagent une forte tradition catholique, avec une influence marquée de l'Église dans leur histoire et leur société, - fêtes religieuses et patrimoine architectural en témoignent -; toutes deux sont des langues romanes et sont mutuellement intelligibles; ont traversé des périodes de dictature au XXe siècle (Franco en Espagne, un nationalisme franquiste centralisé et durable, 1939-1975), Mussolini en Italie, un fascisme court mais marquant, 1922-1943) qui ont laissé des traces dans leur société et leur structure politique. Toutes deux partagent de même des défis communs, un chômage élevé, des inégalités régionales (Nord/Sud en Italie, centre/périphérie en Espagne), un vieillissement de la population, et la pression d'une forte immigration venue du Sud, qu'elles ne savent toutes deux comment intégrer, pour avoir été, elles-mêmes des pays d'émigration : 80 millions de personnes à travers le globe revendiquent une ascendance italienne, et l’espagnol, parlé par environ 500 millions de personnes, est aujourd’hui l'une des langues les plus influentes au monde, en grande partie grâce aux migrations espagnoles historiques.
Ainsi donc, sur leurs 300 000 kilomètres carrés, les Italiens sont 57 millions, mais vieillissants, unifiés en 1861, après des siècles de divisions politiques qui ont laissé une forte empreinte régionale. L'Etat lui-même ne fut paradoxalement construit que sous la dictature fasciste de Mussolini, pour sombrer avec la Démocratie chrétienne, l'un des piliers de la politique italienne de l'après-guerre et qui avait alors prospéré en tant que rempart contre le communisme en Italie. Au début des années 1990, s'enchaînèrent de nombreuses crises politiques, judiciaires et institutionnelles, révélant des dysfonctionnements profonds au sein du parti et du système politique italien (cf. le scandale de "Tangentopoli" (1992-1994)...
L’Italie et l’Espagne partagent une même richesse culturelle régionale et des mouvements autonomistes : mais le régionalisme espagnol est globalement plus intense et plus conflictuel que son équivalent italien. En Italie, les revendications régionalistes sont davantage liées à des questions économiques et culturelles, tandis qu’en Espagne, elles impliquent souvent des revendications politiques majeures, voire des aspirations à l’indépendance...
L’Italie compte 20 régions, qui constituent les principales subdivisions administratives du pays et qui jouent un rôle clé dans le système politique italien : la réforme de la décentralisation dans les années 1970 a transformé l’État unitaire centralisé en un système régional plus équilibré, offrant davantage de pouvoir et d’autonomie aux régions. La Réforme constitutionnelle de 2001 a renforcé encore davantage l’autonomie des régions, en particulier dans les régions à statut ordinaire, établissant un fédéralisme asymétrique, permettant aux régions d’obtenir des compétences supplémentaires...
Il est d'usage de regrouper ces régions par zones géographiques en opposant Nord et Sud ...
Au Nord de l’Italie,
- des régions autonomes, la Vallée d'Aoste (petite région bilingue (italien et français), dotée d'une large autonomie), Trentin-Haut-Adige (région bilingue (italien et allemand), connue pour ses paysages alpins).
- des régions ordinaires : Piémont (Turin), Ligurie (région côtière avec Gênes comme capital, réputée pour sa Riviera), Lombardie (région la plus riche d’Italie, avec Milan comme capitale économique et culturelle), Vénétie (région touristique avec Venise, Vérone et les Dolomites), Frioul-Vénétie Julienne (région autonome avec Trieste comme capitale, marquée par une influence culturelle slovène), Émilie-Romagne (Bologne en est la capitale).
- La Lombardie et Piémont (Nord-Ouest) sont considérés comme le berceau de la littérature réaliste italienne, Alessandro Manzoni et Cesare Pavese en sont les figures majeures et Milan et Turin jouent un rôle central dans l’industrialisation et dans les œuvres modernes...
- Vénétie et Frioul-Vénétie Julienne (Nord-Est) sont des régions marquée par des influences autrichiennes et slaves. Italo Svevo (Trieste) et Giuseppe Ungaretti (poète né à Alexandrie mais influencé par la culture vénitienne) en sont les figures importantes...
Au Centre de l’Italie,
- des régions ordinaires : Toscane (Florence, une région célèbre pour son patrimoine artistique), Ombrie (Pérouse en est la capitale, c'est le cœur vert de l’Italie, connu pour ses villages médiévaux), Marches (Ancône en est la capitale, une région vallonnée sur la côte adriatique), enfin le Latium (avec Rome comme capitale, la région est le centre politique et historique de l’Italie).
- La Toscane est le berceau de la langue et de la littérature italiennes, avec Dante, Pétrarque et Boccace, Florence est le centre du Rinascimento (Renaissance) et Rome, dans le Latium, est souvent théâtre de bien des récits historiques ou politiques...
Au Sud de l’Italie,
- des régions autonomes, la Sicile (la plus grande île italienne, avec Palerme comme capitale et une histoire est marquée par de multiples influences, grecque, romaine, arabe, normande).
- dégions ordinaires, les Abruzzes (région montagneuse, avec l’Aquila comme capitale), Molise (la plus petite région du sud, avec Campobasso comme capitale), la Campanie (région de Naples, célèbre pour Pompéi et la côte amalfitaine), les Pouilles (région à la pointe du talon de l’Italie, connue pour ses plages et ses villages blancs comme Alberobello), la Basilicate (région rurale avec Matera, célèbre pour ses "Sassi", ses maisons troglodytes), et la Calabre (située à l’extrême sud, et réputée pour ses plages et ses montagnes).
- Naples est un centre culturel important, Elena Ferrante a redonné une voix contemporaine à cette région, nous en livrant toutes les dynamiques sociales et familiales les plus implicites.
- La Sicile est une terre de littérature engagée et réaliste. Giovanni Verga, Luigi Pirandello (Prix Nobel de littérature, 1934), et Leonardo Sciascia y ont puisé une dramaturgie particulièrement puissante...
Quant aux îles,
- une région autonome, la Sardaigne (Cagliari en est la capitale, une région avec une identité culturelle forte, connue pour ses plages et son patrimoine archéologique), et une littérature marquée par sa relation avec la nature, Grazia Deledda, Prix Nobel de littérature en 1926, en est l'un des interprètes les plus célèbres...
L'Italie est donc divisée en deux parties physiquement très distinctes ...
NORD - SUD - "La botte s'est cassée en deux à la Renaissance", nous disent nos géographes. La moitié méridionale, fort riche dans l'Antiquité, a pris du retard, sans doute à cause de sa structure sociale clanique (Mafia, Camorra, Ndrangheta) que n'a pas réussi à briser la grande et grouillante cité de Naples (un million d'habitants). La moitié nord, elle, façonnée par les cités-États de la Renaissance, est l'Italie par excellence. Les collines de Toscane et d'Ombrie sont ainsi parsemées de cités magnifiques, distantes d'à peine 10 ou 20 kilomètres les unes des autres - Volterra, San Geminiano, Pienza, Montepulciano, Todi, Pérouse, Assise, Orvieto -, aujourd'hui endormies, à l'exception de la plus belle, Sienne, la rivale de Florence. Le Latium et, sur le Tibre, Rome, la Ville qui unifia le monde et qui doit son importance actuelle principalement au fait d'être restée le centre du catholicisme, qu'elle rassemble symboliquement entre les deux bras ouverts de la colonnade du Bernin sous le dôme de Saint-Pierre, conçu par Michel-Ange. Et, dit-on souvent, il n'existe dans le monde aucune autre ville d'une aussi grande continuité historique vingt-cinq siècles (Paris n'en a que dix), des temples romains, parfois intacts, et des amphithéâtres s'y mêlent aux tours féodales, aux places Renaissance (Michel-Ange dessina celle du Capitole), aux églises baroques, aux fontaines papales. C'est aussi la seule ville sainte, a-t-on écrit, qui soit remplie d'un tel bonheur de vivre : certes, Rome n'est plus depuis longtemps la plus grande cité de la planète, mais, avec ses 5 millions d'habitants, elle reste véritablement la capitale de l'Italie. Et l'on oublie que le Tibre, petit fleuve sans éclat apparent, au cours bref (300 kilomètres), a beaucoup compté dans son extraordinaire histoire ...
Cette distinction Nord-Sud est une véritable opposition, elle est profondément ancrée dans le tissu socio-culturel italien et a été reprise par de nombreux écrivains, critiques et intellectuels italiens. Antonio Gramsci, dans ses "Quaderni del carcere" (Cahiers de prison) nous a donné une analyse socio-culturelle des disparités Nord-Sud qui influencent la littérature. Franco Moretti a étudié dans "Il romanzo" l'évolution du roman italien à travers des contrastes régionaux tandis qu'Alberto Asor Rosa, dans "Letteratura italiana. La storia, i classici, l’identità nazionale" a montré, comment des thèmes régionaux présents dans les œuvres majeures de la littérature italienne ne sont pas simplement des particularités locales, mais des éléments essentiels qui vont venir enrichir et définir l'identité nationale italienne. Les distinctions régionales et Nord/ Sud semblent contribuer à s'enrichir les unes les autres pour composer une identité nationale qui reste faible, un nationalisme plus culturel que politique : au contraire, par exemple, d'un nationalisme espagnol fortement politique et qui reste marqué par une centralisation qui ne cesse de se nourrir des tensions avec des mouvements indépendantistes omniprésents mais pour l'heure sans stratégie convaincante ...
Au Nord, la plaine du Pô, ceinturée par le puissant arc alpin : l'agriculture intensive et l'industrie du pays siy concentrent. Milan, avec ses 4 millions d'habitants, ville presque germanique à l'exception de son Duomo, est la capitale économique de toute la péninsule., L'austère Turin, très savoyarde, reste une grande ville industrielle. À l'est du delta du Pô, la "terre ferme" vénitienne, autour de la belle Vérone, fourmille de petites entreprises familiales. De nombreuses petites villes historiques superbes, mais entourées aujourd'hui de banlieues discutables, assurent un réseau urbain dense : Brescia, Bergame, Plaisance, Parme, Padoue, Vicence, Trévise, etc., sans parler de Venise ...
Au Nord de l'Italie, le progrès, l'industrialisation, l'urbanité (Milan, Turin, Venise), mais aussi le réalisme bourgeois et la critique sociale. Des critiques littéraires tels que Franco Moretti (dans ses études sur le réalisme italien) ont analysé comment le Nord est devenu un symbole de modernité dans la littérature italienne...
- L'industrialisation : Les écrivains du Nord, comme Cesare Pavese et Italo Calvino, explorent la tension entre la ruralité en déclin et l’essor des villes industrielles.
- L'aliénation urbaine : Les œuvres d’Italo Svevo ("La Coscienza di Zeno", 1923) et de Dino Buzzati ("Il deserto dei Tartari", 1940) examinent souvent l’isolement existentiel dans des contextes urbains.
- Dans les anthologies littéraires modernes italiennes, le Nord est souvent décrit comme un espace de réflexion sur l'identité bourgeoise et le développement industriel. La critique littéraire Asor Rosa souligne que cette tradition s’enracine dans l’héritage du réalisme bourgeois du XIXe siècle, incarné par Alessandro Manzoni (auteur du le premier grand roman historique italien, "I promessi sposi", 1827) : situé en Lombardie au XVIIe siècle, le roman suit les aventures de Renzo et Lucia, deux jeunes fiancés confrontés à des injustices sociales, religieuses et politiques.
Au Sud, la péninsule constitue l'Italie proprement dite. Étroite, allongée, elle est structurée par l' "interminable Apennin" sur 1200 kilomètres de longueur. Face à la mer Tyrrhénienne, bornée par la Corse, la Sardaigne et la Sicile, les rivages sont variés, parfois sublimes auprès du Vésuve et de Capri. De l'autre côté, la côte Adriatique est plus monotone.
On nous l'a souvent dit, et répété, le Sud serait marqué par la pauvreté et des traditions agraires, et donc a produit une littérature dominée par des thèmes comme l'injustice sociale, les tensions avec le pouvoir central et les réalités rurales.
Au Sud de l'Italie, la ruralité, l'inégalité et la marginalisation, et des thèmes comme l'injustice sociale, les tensions avec le pouvoir central. Le Sud est souvent abordé dans la littérature italienne à travers un prisme de critique sociale, notamment grâce au concept de "Questione meridionale" (la question méridionale), étudié par des intellectuels comme Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Carlo Levi, et analysé par Gramsci. ...
- Le vérisme, mouvement littéraire porté par Giovanni Verga ("I Malavoglia ", 1881), basé sur des récits réalistes et des personnages confrontés à la pauvreté et aux injustices sociales. "Il Marchese di Roccaverdina" (1901), de Luigi Capuana nous conte la vie et les dilemmes d'un aristocrate déchu dans une Sicile en transition vers une société plus bourgeoise.
- La mafia et les structures de pouvoir : des auteurs comme Leonardo Sciascia (Sicile) et Saverio Strati (Calabre) ont exploré l'impact des dynamiques de pouvoir sur les populations rurales.
- Une critique implicite et constante de l'État : Carlo Levi, dans" Cristo si è fermato a Eboli" (1945), critique directement l'oubli et l'abandon des régions méridionales par l’État italien.
- La critique italienne moderne amplifiera ce regard sur le Sud en le décrivant comme un espace narratif où la littérature devient un outil de revendication sociale. Des écrivains comme Erri De Luca continuent de porter un regard critique sur les inégalités entre le Nord et le Sud.
C'est sans doute en adoptant une perspective historique et en raisonnant au fil des générations que l'on peut le mieux appréhender l'extraordinaire densité de la pensée créatrice italienne au XXe siècle, malgré ou à cause d'un contexte de bruits et de fureurs qui génèrera deux guerres mondiales et une transformation radicale du monde...
La Génération des années 1900-1940 ...
Giovanni Pascoli (1855-1912), marque la transition entre le classicisme et les nouvelles sensibilités du décadentisme et du symbolisme (Myricae, 1891, Canti di Castelvecchio, 1903). - Gaetano Mosca (1858-1941), sociologue et politologue, connu pour sa la théorie des élites, des groupes minoritaires organisés dominant les masses, et les dynamiques de pouvoir (Elementi di scienza politica, 1896). - Gabriele D’Annunzio (1863-1938), le super-homme nietzschéen au style flamboyant (Il piacere, 1889, La figlia di Iorio, 1904). - Benedetto Croce (1866-1952), marque la pensée italienne avec une philosophie de l’esprit et une esthétique influencée par l’idéalisme allemand (Estetica come scienza dell’espressione e linguistica generale, 1902). - Giovanni Gentile (1875-1944), figure controversée pour son rôle dans l’idéologie fasciste (La riforma della dialettica hegeliana, 1913).
Italo Svevo (1861-1928), précurseur du modernisme italien ( Una vita, 1893), Senilità, 1898), La coscienza di Zeno, 1923). - Luigi Pirandello (1867-1936), prix Nobel de littérature en 1934, le maître du théâtre moderne (Uno, nessuno e centomila,1926), Sei personaggi in cerca d’autore, 1921). - Grazia Deledda (1871-1936), prix Nobel de littérature en 1926, "Canne al vento" (1913), née en Sardaigne, son œuvre la plus célèbre, raconte l'histoire de trois sœurs aristocrates déchues, vivant sous le joug des traditions et du destin, symbolisé par le vent omniprésent. - Guido Gozzano (1883-1916), l’un des représentants les plus connus du crépuscolisme (I Colloqui, 1911). - ..
et Giacomo Puccini (1858-1924), l’apogée d’une tradition, l'opéra romantique italien, "Manon Lescaut" (1893) marque le début de sa carrière internationale (La Bohème, 1896, Il trittico, 1918, Turandot, 1926, posthume), Mascagni, Leoncavallo et Giordano vont dominer l’opéra italien au début du XXe siècle, puis disparaître ...
Antonio Gramsci (1891-1937), philosophe marxiste, élabore le concept d’hégémonie culturelle, influençant profondément la théorie critique (Quaderni del carcere, écrits entre 1929 et 1935), analyse de la superstructure culturelle et du rôle des intellectuels. - Curzio Malaparte (1898-1957), approche critique du fascisme (Kaputt, 1944, La pelle, 1949). - Eugenio Montale (1896-1981) figure majeure de la poésie italienne et l'un des plus grands poètes du XXe siècle. Lauréat du Prix Nobel de littérature en 1975 (Meriggiare pallido e assorto, 1925). - Carlo Emilio Gadda (1893-1973), une vision satirique et chaotique des contradictions de l’Italie du XXe siècle (La cognizione del dolore, 1938-1941, 1963, Quer pasticciaccio brutto de via Merulana, 1957, Eros e Priapo, 1944-1945, publié en 1967). - ...
Umberto Boccioni (1882-1916), figure emblématique du futurisme (La città che sale, 1910, Forme uniche della continuità nello spazio, 1913) - Giacomo Balla (1871-1958), membre clé du futurisme (Dinamismo di un cane al guinzaglio, 1912, Velocità astratta, 1913) - Gino Severini (1883-1966), futuriste puis cubiste (La Danseuse bleue, 1912, Treno blindato in azione, 1915) - Giorgio de Chirico (1888-1978), fondateur de la peinture métaphysique et inspirateur du surréalisme (Le muse inquietanti, 1917, La nostalgia dell'infinito, 1913) - Carlo Carrà (1881-1966), futuriste, se tourne vers la peinture métaphysique (Il figlio del costruttore, 1917, Paesaggio, 1927). - Felice Casorati (1883-1963), réaliste magique (Le signorine, 1912, Concerto, 1924) - ..
Et création de Cinecittà en 1937, le célèbre centre de production destiné à rivaliser avec Hollywood et centraliser les productions. - ...
La Génération des années 1940-1960 ...
Giuseppe Tomasi di Lampedusa (1896-1957), figure majeure de la littérature italienne grâce à son roman posthume "Il Gattopardo" (1958), de la transformation de la société sicilienne au XIXe siècle, fresque historique et méditation sur le déclin de l’aristocratie. - Carlo Levi (1902-1975), son exil dans les villages de Gagliano et Grassano, en Lucanie, où il découvre une Italie rurale et arriérée, oubliée par le progrès et par l’État (Cristo si è fermato a Eboli, 1945). - Cesare Pavese (1908-1950), lutte intérieure entre modernité et tradition (La luna e i falò, 1950), Il compagno, 1947, La casa in collina, 1948, Il mestiere di vivere, 1952). - Elio Vittorini (1908-1966), représentant du néoréalisme (Uomini e no, 1945, Conversazione in Sicilia, 1941). - Alberto Moravia (1907-1990), une voix majeure dans l’analyse des conflits intérieurs et sociaux, notamment liés à la bourgeoisie italienne (Gli indifferenti, 1929, La romana, 1947, Il conformista, 1951, La noia, 1960). - Dino Buzzati (1906-1972), des récits mêlant le fantastique et l'absurde, reflétant les angoisses existentielles (Il deserto dei Tartari, 1940) - Nicola Abbagnano (1901-1990), l’existentialisme italien (Introduzione all’esistenzialismo, 1942). - Norberto Bobbio (1909-2004), penseur clé des droits humains et de la démocratie (Teoria della scienza giuridica, 1950)...
Alessandro Blasetti (1900-1987), un précurseur du cinéma parlant italien et propagandiste sous le régime fasciste (1860, 1934, La corona di ferro, 1941) - Le néoréalisme influence le cinéma mondial, offrant une vision sincère et humaniste de l’Italie d’après-guerre - Roberto Rossellini (1906-1977), l’un des pères du néoréalisme, le cinéma pour saisir la réalité de l’Italie d’après-guerre (Roma città aperta, 1945), Paisà, 1946). - Vittorio De Sica (1901-1974), acteur devenu réalisateur, il a marqué l’histoire avec des récits profondément humanistes (Ladri di biciclette, 1948), Umberto D., 1952). - Luchino Visconti (1906-1976), réalisateur influencé par le théâtre et l’opéra, il a exploré le déclin de l’aristocratie italienne (Ossessione, 1943, La terra trema, 1948, Il Gattopardo, 1963, avec Claudia Cardinale). - Silvana Mangano, dans "Riso amaro" (1949, Giuseppe De Santis), devient une star emblématique du cinéma italien. - . C'est aussi le triomphe de la comédie italienne, avec Vittorio Gassman, dans "I soliti ignoti" (1958) de Mario Monicelli et "Il sorpasso" (1962) de Dino Risi; Alberto Sordi, avec "Un americano a Roma" (1954) de Steno et "Il boom" (1963) de Vittorio De Sica ...
Giorgio Scerbanenco (1911-1969), le père du roman noir italien (giallo) dans les tensions sociales et économiques de l’Italie des années 1960 (Venere privata, 1966, I ragazzi del massacro, 1968). - Natalia Ginzburg (1916-1991), les dynamiques familiales et les relations humaines (Lessico famigliare, 1963, Tutti i nostri ieri, 1952) -. Primo Levi (1919-1987), témoignage de l’Holocauste (Se questo è un uomo, 1947). - Giorgio Bassani (1916-2000), des bouleversements provoqués par le fascisme et la Seconde Guerre mondiale, notamment sur les communautés juives d’Italie ("Il romanzo di Ferrara", "Il giardino dei Finzi-Contini", 1962). - ...
Génération des années 1960-1980 ...
Leonardo Sciascia (1921-1989), la Sicile et ses dynamiques complexes, "Il giorno della civetta" (1961), le premier grand roman italien à traiter explicitement de la mafia. - Italo Calvino (1923-1985), narration imaginative et métaphorique (Il sentiero dei nidi di ragno, 1947, Il barone rampante, 1957, Le città invisibili, 1972). - Introduction de récits introspectifs - Pier Paolo Pasolini (1922-1975), poète, romancier et cinéaste que l'on dit provocateur (Ragazzi di vita, 1955, Una vita violenta, 1959. Accattone, 1961, Il Vangelo secondo Matteo, 1964, Salò o le 120 giornate di Sodoma, 1975). - ...
L’âge d’or du cinéma italien (1950-1970) - Vittorio De Sica (1901-1974), "Matrimonio all’italiana" (1964), Domenico Soriano (Marcello Mastroianni), un riche séducteur napolitain, rencontre une prostituée, Filumena Marturano (Sophia Loren), à laquelle il propose de vivre avec lui dans sa demeure... - Michelangelo Antonioni (1912-2007), innovateur du cinéma moderne, dépeint l’aliénation dans la société contemporaine (L’avventura, 1960, avec Monica Vitti , La Notte, 1961, L’Eclisse, 1962, Blow-Up, 1966). - Federico Fellini (1920-1993), maître du cinéma onirique (La strada, 1954, Le notti di Cabiria, 1957, avec Giulietta Masina, La dolce vita, 1960, 8½, 1963, Amarcord, 1973). - Sergio Leone (1929-1989), pionnier du western spaghetti, il a révolutionné le genre avec son esthétique unique (Per un pugno di dollari, 1964), C’era una volta il West, 1968, C’era una volta in America, 1984) - Alberto Sordi et Totò (I soliti ignoti, 1958, de Monicelli). - ..
Dacia Maraini (1936), des droits des femmes (Memorie di una ladra, 1972, La lunga vita di Marianna Ucrìa, 1990, Bagheria, 1993). - Umberto Eco (1932-2016), récits philosophiques, réflexion sur le langage et la structure du texte (Il nome della rosa, 1980, Il pendolo di Foucault, 1988). - Gianni Vattimo (1936-2023), philosophe herméneutique postmoderne, concept de "pensée faible" contre les vérités universelles (Il pensiero debole, 1983). - Piero Manzoni (1933-1963), artiste conceptuel, célèbre pour ses provocations et son exploration des limites de l'art (Achrome, 1958-1963, Merda d’artista, 1961). - Michelangelo Pistoletto (1933), membre de l’Arte Povera (Venus of the Rags, 1967,Mirror Paintings, années 1960) ...
Le cinéma politique et engagé (1970-1980) - Des cinéastes comme Pier Paolo Pasolini (Salò o le 120 giornate di Sodoma, 1975) et Francesco Rosi (Il caso Mattei, 1972) privilégient tensions politiques et sociales, des films puissants mais qui attirent un public limité, marquant un éloignement progressif des spectateurs. "Indagine su un cittadino al di sopra di ogni sospetto" (1970) d’Elio Petri, avec Gian Maria Volonté; "Il conformista" (1970), de Bernardo Bertolucci; "La classe operaia va in paradiso" (1971) d’Elio Petri. - Des réalisateurs vont prolonger l’héritage néoréaliste avec "Una giornata particolare" (1977) d’Ettore Scola (Sophia Loren et Marcello Mastroianni), "Rocco e i suoi fratelli" (1970, ressortie) de Luchino Visconti. - Le "giallo", mélange de thriller et d'horreur, connaît son apogée dans les années 1970 (Profondo rosso (1975), de Dario Argento) - Enfin, "La chiave" (1974), de Tinto Brass, l’un des premiers films érotiques majeurs en Italie, explorant les tabous sexuels...
La Génération des années 1980-2000
Antonio Tabucchi (1943-2012), miroirs de l’identité européenne (Sostiene Pereira, 1994). - Giorgio Agamben (1942), philosophe postmoderniste, la biopolitique et l’état d’exception (Homo Sacer, 1995). - Bernardo Bertolucci (1941-2018), réalisateur audacieux, des tensions politiques et sexuelles (Il conformista, 1970, Ultimo tango a Parigi, 1972, Novecento, 1976) - Sandro Chia (1946), réinterprète de techniques classiques dans un contexte contemporain (La Primavera, 1981, Vita Nova, 1985). - ...
et le déclin progressif du cinéma italien (1980-1990) qui perd son élan créatif, malgré des réalisateurs tels que Sergio Leone, Bernardo Bertolucci, ou Giuseppe Tornatore : la disparition des grands maîtres n’a pas été immédiatement compensée par une nouvelle génération de réalisateurs, tandis que les films américains, avec des budgets colossaux et des campagnes de marketing mondiales, vont marginaliser progressivement le cinéma italien...
La littérature italienne de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle a évolué et de nombreux critiques - Alberto Asor Rosa, "Letteratura italiana" (2002), Franco Moretti, Raffaele Donnarumma, "Ipermodernità. Dove va la narrativa contemporanea?" (2014) - considèrent que cette littérature contemporaine, en continuité avec la précédente, n'a fait que répondre aux mutations sociales, économiques et technologiques de notre monde, tout en restant ancrée dans des thématiques fortes, souvent liées aux identités locales...
Osera-t-on la question relative à la créativité : perte ou mutation ? Certains critiques, comme Alberto Arbasino, estimeront que, dans les années 1980-1990, la littérature italienne avait perdu l’audace expérimentale qui caractérisait des figures comme Calvino ou Pasolini. Moins d’expérimentation formelle et linguistique, une orientation marquée vers des récits plus commerciaux et accessibles, et donc moins ambitieux sur le plan littéraire. Nouveaux contextes, nouvelles formes de créativité ? Des auteurs comme Saviano ("Gomorra", 2006) transforment le journalisme en une forme littéraire engagée, et la série de romans d'Elena Ferrante ("L’amica geniale") réinvente les récits d’amitié et de communauté ...
Giuseppe Tornatore (1956), réalisateur de récits nostalgiques qui célèbrent la culture italienne (Nuovo Cinema Paradiso, 1988), La leggenda del pianista sull’oceano, 1998). -Nanni Moretti (1953), auteur de films introspectifs et critiques de la société italienne contemporaine (Caro diario, 1993, La stanza del figlio, 2001). - Gabriele Salvatores (1950), réalisateur éclectique qui a expérimenté divers genres avec succès (Mediterraneo, 1991, Io non ho paura, 2003). - Francesco Clemente (1952), membre de la Transavanguardia, il a exploré des thèmes spirituels et mythologiques. (Albero della vita, 1983, La Stanza dello Scirocco, 1990). - Roberto Esposito (1950), philosophe politique, relecture des tensions entre individu et collectif(Communitas, 1998, Immunitas, 2002). - Adriano Fabris (1958), des implications philosophiques de l’ère numérique (Etica della comunicazione, 2006) ...
Globalisation signifie quelque part perte des frontières régionales. Les récits explicitement enracinés dans une région sont moins dominants, mais des références culturelles et sociales régionales imprègnent encore la littérature contemporaine : Andrea Camilleri et son commissaire Montalbano ("La forma dell'acqua", 1994), - avec plus de 30 romans et recueils de nouvelles, la série de Montalbano est l'une des plus célèbres séries policières italiennes -, un véritable hymne à la Sicile; ou Valeria Parrella, qui raconte la Naples contemporaine avec une attention au langage local ("Lo spazio bianco", 2008). Certes. Mais avec la mondialisation et l’intégration européenne, les écrivains italiens ont adopté en majorité des thématiques universelles. On peut, pour limiter le ressenti, parler d'adaptation. Mais le poids des traditions régionales est souvent relégué à l’arrière-plan au profit de récits introspectifs, ou qualifiés d'universels. De nouvelles préoccupations se font jour : des villes comme Rome, Naples, Milan deviennent des symboles de l’aliénation ou des fractures sociales : Niccolò Ammaniti (Io non ho paura, 2001), Paolo Giordano (La Solitudine dei numeri primi, 2008)...
La mondialisation, entendu globalement, pousse à une angoissante homogénéisation des littératures. L'Italie ne fait pas exception, et l'on peut, en étant critique, considéré, un peu comme en musique ou en peinture, que la technique (on parle alors d'innovations stylistiques, d'hybridité des genres) vient tout simplement suppléer formellement une absence d'imagination inquiétante. Comme dans d'autres littératures, notamment européennes, les écrivains modernes mêlent fiction, autobiographie, et reportage. Un exemple frappant est Elena Ferrante, dont "L’amica geniale" (2011), premier volume d'une série de quatre romans, explore à la fois réalités napolitaines et thèmes universels liés à la condition féminine. Autre influence, décisive, celle du cinéma et des médias : Des auteurs contemporains puisent dans les formes narratives visuelles et numériques, intégrant des dialogues cinématographiques ou des références pop-culturelles.
Enfin, phénomène à suivre, des écrivains issus de l'immigration ou de la diaspora sont venus enrichir la littérature italienne avec de nouvelles perspectives, comme Igiaba Scego ("La mia casa è dove sono", 2010, ""Adua", 2015) ou Amara Lakhous ("Divorzio all’islamica a Viale Marconi", 2010, "Contro un maiale italiano", 2013) qui intègrent des thématiques multiculturelles tout en gardant un ancrage régional (Rome, en particulier)...
En 2001, les livres traduits à l'étranger représentaient 4 % de ceux publiés en Italie, aujourd'hui ils sont 12 %. En 2019, les éditeurs italiens ont publié 9735 titres traduits, avec 58,5 % de ces traductions provenant de la langue anglaise ...
Le XXe siècle a été une période particulièrement riche et diversifiée pour l'art italien, marquée par des mouvements artistiques majeurs et des artistes emblématiques. Au XXIe siècle, l'art italien n'aura plus aucun impact au niveau international...
Comme dans la très grande majorité des pays européens, il n'existe plus réellement de mouvement artistique, à défaut d'imagination et de créativité la technologie et le savoir-faire esthétique permet de produire un art dit public et participatif (par exemple, deux mains géantes soutenant un bâtiment, symbolisant la fragilité de l’environnement face au changement climatique, Lorenzo Quinn (Support), 2017); un art numérique et multimédia qui, dit-on, permet de repousser les limites traditionnelles de la création artistique (on ne sait pas trop ce que cela signifie exactement); un art environnemental et social (on parle d'une "écologie artistique"; et, comme on s'en doute, l'art italien contemporain n’est pas plus limité à ses frontières géographiques que celui de la planète entière ... Conclusion : l’art italien est-il encore vivant ?, pas plus ni moins que l'art français, allemand ou slovène ...