Fauvisme - André Derain (1880-1954) - Hans Purrmann (1880-1966) - Tyko Sallinen (1879-1955) - Jan Sluijters (1881-1957) - Piet Mondrian (1872-1944) - Leo Gestel (1881-1941) - Akseli Gallen-Kallela (1865-1931) - Alice Bailly (1872-1938) - Cuno Amiet (1868-1961) - ...
Last update : 11/11/2016
Les portraits de Derain par Matisse (Tate Gallery), et de Matisse (Tate Gallery) et Vlaminck par Derain (collection particulière), peints en 1905, témoignent des liens unissant les trois acteurs du fauvisme et leurs discussions au moment de son émergence. Matisse a entrepris "Luxe, calme et volupté" durant l'été 1904 à Saint-Tropez, où il peint aux côtés de Signac et de Cross, et l'exécute en atelier à son retour à Paris, à l'automne 1905. C'est l'époque de l'importance primordiale de la sensation, il rencontre enfin des possibilités d'expression en dehors de la copie littérale, mais s'éloigne du divisionnisme pour le fauvisme. Derain, qui a rejoint Matisse à Collioure au début de juillet 1905, découvre tout un monde de clarté et de luminosité, le "Portrait d'Henri Matisse", surpris dans sa fièvre créatrice, et l' "Autoportrait à la casquette", d'un Derain songeur, les montrent à un instant d'hésitation, celui qui tente de surmonter le conflit du dessin et de la couleur, tout en réalisant qu'en fin de compte le divisionnisme n'est pas non plus la "vérité". Quant à Vlaminck, c'est sa rencontre avec Derain qui le confirmera dans sa vocation, un Derain qui en 1904 s'est délivré de l'impressionnisme et du divisionnisme, tandis que Matisse rejoint Vlaminck à Chatou...
André Derain (1880-1954)
"Le but que nous nous proposons, c'est le bonheur, un bonheur que nous devons créer par conséquent…" - Ses parents, commerçants, le destinaient à une carrière d'ingénieur, mais sa vocation se décida très tôt. À dix-neuf ans, il fréquente l'Académie Carrière et se consacre à la peinture, encouragé par son ami Vlaminck, rencontré en 1900. Ils louent ensemble la même année, dans l'île de Chatou, un atelier qui deviendra l'un des foyers du Fauvisme. Bientôt, ces deux hommes dissemblables prennent des directions différentes : Vlaminck se proclame " tout instinct ", tandis que la nature exigeante et inquiète de Derain l'entraîne vers la réflexion et la culture, en particulier vers l'art des musées.
Derain passe à Collioure l'été de 1905 en compagnie de Matisse. Ses paysages seront exposés dans la fameuse " cage aux fauves " du Salon d'automne suivant. Ambroise Vollard, que Matisse lui avait présenté, achète à Derain toute sa production et lui suggère d'aller à Londres, où il peindra en 1905 et en 1906 les toiles célèbres de Hyde Park et la flamboyante série des quais de la Tamise. Ambroise Vollard lui avait alors demander de "renouveler complètement l'image si frappante" que Claude Monet avait donné de la capitale britannique et "faire de la Tamise autre chose que des photographies en couleur". Préoccupé plus par l'agencement plastique du tableau que par le motif, la majeure partie de ses vues de Londres seront réalisées à Paris, en atelier, à partir d'esquisses, reprenant dans certaines le credo divisionniste, "pureté, contraste, dégradé" pour donner un surcroît d'énergie lumineuse à la matière, jusqu'à la dissolution des monuments et de la Tamise en fééries colorées et visionnaires..
Londres, 1906-1907...
Collioure, Londres, deux sources d'inspiration au cours desquelles André Derain donne le meilleur de lui-même : "nous devons tendre vers le calme par opposition aux générations qui nous précèdent, écrit-il à Vlaminck. Ce calme, c'est la certitude. La beauté doit donc être une aspiration au calme."
À partir de 1907, Derain quitte Chatou et s'éloigne de Vlaminck, pour s'installer à Montmartre, près du Bateau-Lavoir et de ses nouveaux amis, Braque, Max Jacob, Apollinaire, Van Dongen, Picasso. Sans sacrifier tout à fait la couleur, dont il avait tiré à Chatou, à Collioure et à Londres les effets les plus intenses, il s'en détache, comme le fait Braque à la même époque. La culture des musées sera de plus en plus sensible dans les solutions picturales et dans la technique de Derain : ses nus rappellent tantôt Courbet, tantôt Renoir ; ses paysages, tantôt Corot tantôt l'école de Barbizon..
Derain abandonne donc le fauvisme via une rupture sans appel à partir de 1910, son style devient plus éclectique inspiré des primitifs et de l'art classique du XVIIe, puis 1914 le voit réunir des groupes de personnages austères et figés..
"Derain a vécu deux vies contradictoires, écrit Edmonde-Charles Roux à l'occasion d'une exposition à Paris (L'Orangerie, 1991). L'une commence avec le siècle. C'est la vie d'un conquérant qu'aucune conquête n'apaise, ce sont les débuts d'un jeune homme forcené arpentant le Louvre en tous sens à la recherche des secrets de fabrication des maîtres de la peinture, puis allumant de ses mains le brasier fauve et, de ses mains, l'éteignant, ce sont trente-cinq années qui ont fait d'André Derain le plus audacieux des peintres et l'une des dominantes de l'art contemporain. L'autre vie, la dernière, va de la mort de son marchand Paul Guillaume, survenue de 1er octobre 1934, jusqu'au jour de la mort du peintre..."
1934-1935_Gravelines - Entrée du Port
Où rencontrer André Derain?
- Barges on the Thames (1906) Leeds Art Gallery
- Big Ben (1905) Musée d'Art Moderne de Troyes
- Blackfriars Bridge, London (1906) Kelvingrove Art Gallery and Museum, Glasgow
- Charing Cross bridge (1906) Musée d'Orsay, Paris
- Charing Cross Bridge (1906) National Gallery of Art, Washington DC
- Charing Cross Bridge, London (1905-1906), Museum of Modern Art, New York
- Collioure, the Village and the Ocean (1905) Scottish National Gallery of Modern Art
- Effects of Sunlight on the Thames (1906) Musée de l'Annonciade, Nice
- Drying the Sails (1905) The Pushkin State Museum of Fine Arts
- Fishing Boats, Collioure (1905) Museum of Modern Art, New York
- Henri Matisse (1905) Philadelphia Museum of Art
- Henri Matisse (1905) Tate Modern, London
- Houses of Parliament at Night, London (1906) Metropolitan Museum of Art, New York
Hans Purrmann (1880-1966)
Natif de Spire, Hans Marsilius Purrmann fait des études à l'école des Beaux-Arts de Karlsruhe (1897-1899), puis à l'Académie des Arts de Munich(1900 à 1905) avant de séjourner à Paris de 1906 à 1914 où il est et l'élève et un ami d'Henri Matisse. Il a créera des natures mortes, des nus, des portraits et des paysages, surtout dans le midi et le Sud ensoleillé, influencé par l'expressionnisme pictural allemand et le fauvisme de Matisse. A Paris, son atelier se trouve juste en dessous de celui de sa future épouse, Mathilde Vollmoeller (1876-1943) et la grande exposition commémorative de Cézanne lors du Salon d’Automne sera pour Purrmann, comme pour de nombreux artistes, une expérience marquante. En juin 1907, Purrmann se rend à L’Estaque, en compagnie d'Othon Friesz, au mois de juin 1908, il effectue son premier voyage avec Matisse à Heidelberg, en passant par Spire, Munich et Nuremberg...
Jan Sluijters (1881-1957)
Natif de Bois-le-Duc, coloriste affirmé sensible à tous les styles de son temps, Jan Sluyters est considéré le chef de file de l'avant-garde aux Pays-Bas durant la période de l'entre-deux-guerres (1920-1940) et a parcouru, depuis sa formation à l'Académie des beaux-arts d'Amsterdam (1896), la gamme de tous les courants artistiques qui ont rénové le paysage artistique du XXe, symboliste, il découvre Paris (1904, 1906, 1911), l'Italie, l'Espagne, fauve, se rapproche de Van Dongen (Deux danseuses, 1906), pointilliste (1907) puis luministe (1908-1911, Paysage au clair de lune II, La Haye, Gemeentemuseum; Fleurs dans un vase, 1912, Kröller-Müller Museum, Otterlo), cubiste audacieux (Adam en Eva, 1913 , Portrait cubiste d'une femme, 1914, Famille de paysans à Staphorst, 1917, Haarlem, musée Frans Hals)...
Works: "Twee vrouwen die elkaar omhelzen", 1905 - "Spaanse danseres", 1906 - "Composition (earthly and heavenly love)", 1912, Kröller-Müller Museum - "Portrait of a Lady in Red", 1912 - "Artiste", 1914 - "Portrait of Tonia Stieltjes", 1922, Drents Museum, Assen - "Houses at the Oudezijds Achterburgwal in Amsterdam", 1927 - "Young Woman with Cigarette", 1929 - ...
Piet Mondrian (1872-1944)
- 1907-1908, "Arbres au bord du Gein" (Hannema-de-Stuers Fundatie, Heino/Wijhe)
- 1909-1910, "Paysage de mer" (Gemeentemuseum, La Haye)
On a pu dire que la conversion jugée tardive de Mondrian au modernisme aurait pris sa source à Paris et que Jan Sluijters en aurait été l'instigateur, il découvre avec lui en 1907 l'emploi symbolique de la couleur et les dessins de Van Dongen, c'est la fameuse esquisse du Nuage rouge, bientôt ses tableaux se videront de toute représentation mimétique avec quelque réel. La grande rétrospective de 1905 à Amsterdam attira l'attention sur la période française de Van Gogh, et les singulières compositions Jan Toorop vint achever de le convertir. On a pu ainsi proposer le terme de "luminisme d'Amsterdam", cette brève période qui réunit, outre Piet Mondrian, Jan Sluijters et Leo Gestel vers 1907-1910, une décomposition des couleurs, des touches directes et rapides ..
Leo Gestel (1881-1941)
Élève de l'Académie d'Amsterdam, c'est en compagnie de Jan Sluyters que le peintre moderniste Leo Gestel vint à Paris en 1904, et comme lui, il jouera un rôle important en Hollande dans la diffusion de l'art moderne. Il fut marqué successivement par le Divisionnisme et Van Gogh, et créera une série de paysages proche du fauvisme (Arbre d'automne, 1910-11, Blaricum, coll. Slijper), puis du Cubisme (Femme debout, 1913, Amsterdam, Stedelijk Museum). Un séjour à Majorque en 1914 lui inspira une suite de toiles très homogènes dont certaines atteignent, à travers la leçon décantée du Cubisme et du Futurisme, à une densité formelle presque abstraite (Mallorca, La Haye, Gemeentemuseum)....
"La Vigne vierge rouge" (1898-1900), Munch-Museet, Oslo
La Scandinavie a croisé le chemin du fauvisme, le norvégien Edvard Munch (1863-1944) en est l'un des exemples les plus retentissants, bien que singulier, un Munch qui ne trouve pas d'écho à Paris lorsqu'il expose en 1889-1892, puis en 896, 1897, 1898, l'art à Paris, écrit-il en 1903, manque de "grandes lignes", "on a peur d'avoir des impressions très fortes", lui répond Max Linde. Au XIXe Salon des Indépendants, Munch montrera huit toiles dont "Hérédité" (1897-1899) qui provoqua un petit scandale et la version des "Jeunes Filles sur le pont" (ou "Nuit Claire", musée Pouchkine, Moscou) inspira Dufy (1906, Trois ombrelles, Museum of Fine Arts, Houston) et déconcerta la critique parisienne. On estime que la nouvelle manière d'appréhender la couleur en lui conférant plus d'autonomie par rapport au motif représenté, date chez Munch de la fin des années 1890, au moment où il se libère de ses thèmes si mélancoliques comme la "Frise de la vie"
En 1906, on peut citer "La Mort de Marat" et "Autour de la table" ou "Le Meurtrier" en 1910, entretemps, Munch était passé par la Toscane avec Tulla Larsen. On parlera de "bariolages informes" ou "hurlements de couleurs", mais nous avons quitté ici l'évocation du fauvisme pour l'expressionnisme, son appréhension émotive et totalement subjective du réel à la frontière de laquelle ne se hasarde pas le fauvisme. Christian Krogh, qui a étudié les relations entre Munch et Matisse (Matissisme), écrivait que le programme du peintre français était certes d'outrer, à la fois dans les formes et dans les couleurs, tout ce qui peut l'être, mais Matisse recherchait un art "qui soit pour tout travailleur cérébral, pour l'homme d'affaires aussi bien que pour l'homme de lettres, par exemple, un lénifiant, un calmant cérébral, quelque chose d'analogue à un bon fauteuil qui le délasse de ses fatigues physiques" (Notes d'un peintre, 1908).
"Marie Gallén sur le pont de Kuhmoniemi" (1888) - Le finlandais Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), passant par Dresde, croise le chemin de la Brücke, dont il est membre un temps, en 1907, mais sans véritablement révéler une communauté stylistique, puis fin 1908 à mai 1909, il est à Paris et semble rester tout autant à distance de la "violence" des Fauves. Ses paysages leur préfère toute la puissance symbolique des éléments naturels comme habités de forces ancestrales, mythologiques et sacrées...
Le cheminement du finlandais Tyko Sallinen (1879-1955) est différent.
- 1911, Les Lavandières (Pyykkärit, The Finnish National Fallery/Ateneum, Helsinki)
- 1911, Nu (Alaston, The Finnish National Fallery/Ateneum, Helsinki)
Tyko Sallinen débute ses études artistiques à 23 ans, à Helsinki, puis à Copenhague, et peut séjourner en 1909, à l'aide d'une bourse, à Paris, puis retourne à Helsinki et Sortavala, mais nombre de ses oeuvres de l'époque ont péri dans un incendie. 1910-1912 voit s'affirmer en Finlande, à l'encontre du romantisme national, l' "âge de la palette pure", porté par Alfred Willam Finch, un néo-impressionniste anglo-belge, ami de Seurat et de Signac, fixé en Finlande, et Sallinen dont les oeuvres, livrées en 1912 à un public qui ignore tout du fauvisme, font immédiatement polémiques, l'impression est celle de tableaux inachevés, loin des séductions romantiques. Sallinen émigrera quelques temps aux Etats-Unis pour y travailler comme illustrateur...
Alice Bailly (1872-1938)
À la suite d'études à Genève et à Munich, Alice Bailly se fixe à Paris en 1906. Sa peinture est, dans un premier temps, marquée par le Fauvisme ; elle s'en détourne en 1910 pour évoluer vers une touche plus rigoureuse et quasi cézannienne (le Réveille-matin, 1912-1913). Après 1913, peut-être sous l'influence de Raoul Dufy et d'André Lhote, elle adopte une imagerie plus sereine, voire sensuelle, proche cependant du Futurisme (Marval au bal Van Dongen, 1914). Réfugiée à Genève durant la Première Guerre mondiale, elle fait de son atelier le cœur intellectuel de la ville. De ces années 1918-1919 datent une cinquantaine d'œuvres intitulées " Tableaux-Laine " (Femme à la perle, 1918-1919). Brièvement active dans le phénomène dada, elle s’installe à Lausanne en 1923 et y reste toute sa vie, continuant à exposer régulièrement et à promouvoir la cause de l’art moderne....
Cuno Amiet (1868-1961)
- 1907, Le Chapeau violet (Portrait de Gertrud Müller), Kunstmuseum, Soleurle.
- 1907, Paysage d'été (Aargauer Kunsthaus, Aarau)
- 1907, Ferme à Ochwand (Collection particulière)
Peintre suisse, né à Soleure, petit village près d'Herzogenbuchsee, dans le canton de Berne, Cuno Amiet étudie en 1886 à l'Académie de Munich où il rencontre Giovanni Giacometti, tous deux suivent à Paris en 1888 les cours de l'Académie Julian, puis, se ressourçant auprès de Gauguin, le peintre passe une année à Pont-Aven en 1892, où il rencontre les disciples du maître et découvre les œuvres de Vincent van Gogh. C'est là qu'il pose les bases de son art de coloriste, singulièrement assez loin des Fauves, le cerne bleu cloisonne des formes aux contours ornementaux que la couleur emplit... En 1893, Cuno Amiet retournera en Suisse, rencontrera en 1897 Ferdinand Hodler et deviendra, avec lui, l’un des plus illustres représentants du courant symboliste en Suisse....